Intervention de Huguette Bello

Séance en hémicycle du 29 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHuguette Bello :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat de cette année intervient alors qu’un projet de loi ambitieux et multidimensionnel pour l’égalité entre les hommes et les femmes est en cours d’examen parlementaire. Certaines de ses dispositions trouvent d’ailleurs déjà leur traduction dans les budgets des ministères techniques. C’est donc pour une large part dans la perspective de ce texte que se situera mon intervention, avec un accent tout particulier sur la situation réunionnaise et, plus généralement, ultramarine, puisque l’étude d’impact n’y fait guère référence.

L’objectif, désormais, est de faire vivre réellement le principe d’égalité, dans tous les domaines. Dans le monde professionnel, il s’agit de supprimer les obstacles qui entravent l’accès des femmes au marché du travail. C’est un véritable défi, tant les difficultés s’accumulent et ont tendance à se renforcer les unes les autres.

À La Réunion, où le chômage atteint des sommets, les femmes – 45 % de la population active – sont très souvent, trop souvent, privées d’emplois. Plus du tiers des 62 000 Réunionnaises en âge de travailler sont au chômage, et je ne mentionne ni le travail partiel subi ni les emplois précaires.

Quand la crise actuelle déstructure un marché du travail déjà fragile, les femmes en sont les victimes les plus nombreuses et les plus vulnérables. Ce tableau s’assombrit encore un peu plus lorsqu’on se penche sur le sort des plus jeunes. Notre jeunesse, vous l’avez constaté, madame la ministre, lors de votre séjour, veut travailler. Mais elle est durement frappée par le chômage, qui atteint des niveaux inédits : 60 % ! Là encore, les femmes sont les plus touchées. Au point qu’il n’est pas rare qu’une jeune Réunionnaise soit déjà chômeuse de longue durée avant d’avoir atteint ses vingt-cinq ans.

Pourtant, depuis plusieurs décennies, elles sortent plus diplômées du système scolaire que les garçons. Aussi, il paraît urgent de se pencher sur les formations vers lesquelles les filles sont orientées, notamment au regard des perspectives d’insertion professionnelle. Cette dimension pourrait être un des volets prioritaires des expérimentations engagées par les neuf « territoires d’excellence pour l’égalité professionnelle », dont celui de La Réunion. Au-delà de la mixité des orientations, des métiers et des filières, la réflexion pourrait s’élargir à la carte des formations proposées aux jeunes.

Plus diplômées, les Réunionnaises accèdent encore plus rarement aux responsabilités, dans le secteur privé comme dans la fonction publique. Elles aussi se heurtent au plafond de verre. Quel que soit le secteur d’activité, l’égalité professionnelle demeure virtuelle. J’y reviendrai lors des questions.

Nous savons désormais qu’un des puissants vecteurs de cette égalité se trouve dans le dynamisme de la politique familiale et dans des mesures volontaristes en faveur de la petite enfance. À La Réunion, en dépit des efforts entrepris ces dernières années – pas plus tard qu’hier j’ai inauguré une structure de plus de cent places à Saint-Paul –, il y a encore beaucoup à faire. Un seul chiffre pour donner une idée de notre marge de progression : le taux d’équipement en places de crèche est de 35 pour mille enfants, alors qu’il est de 63 en métropole. Ce n’est pas glorieux. Investir dans ces structures d’accueil, c’est répondre aux besoins des familles. C’est, on ne le répétera jamais assez, faciliter l’insertion professionnelle des femmes. C’est aussi créer des emplois, et des emplois non délocalisables. Pour poursuivre les investissements qu’elles ont lancés, les communes souhaiteraient connaître la déclinaison territoriale du plan crèches que le Gouvernement a annoncé en juin.

La lutte contre les violences faites aux femmes est un axe fort de cette mission. Les crédits inscrits à l’action 12 représentent plus de la moitié du budget de celle-ci. Alors que débute le quatrième plan interministériel de lutte contre les violences, la réalité est, il est vrai, toujours aussi redoutable. La violence conjugale tue encore beaucoup. La mise en place d’un dispositif cadre de protection intégrale contre les violences faites aux femmes s’impose comme une urgence politique et sociétale. Les pouvoirs publics doivent le faire résolument, au nom même du courage des femmes qui osent de plus en plus porter plainte pour briser le tabou. Nous saluons les mesures contenues dans le projet de loi et dans ce programme concernant la formation des différents professionnels, les dispositifs de prévention et de protection, la généralisation du téléphone d’alerte ou encore la lutte contre la récidive.

Il semble, par contre, que l’hébergement d’urgence n’ait pas encore trouvé la place prioritaire qui doit lui revenir. Non seulement le décalage s’accroît entre les demandes d’hébergement, en augmentation, et le nombre de places, qui stagnent, mais certains territoires en sont totalement dépourvus, comme, par exemple, l’ouest de la Réunion.

S’agissant des violences, permettez-moi, madame la ministre, de plaider une fois de plus pour que la deuxième grande enquête nationale Virage ne subisse pas, comme il y a quinze ans, de décalage dans les outre-mer. Au moment où le Gouvernement inscrit les droits des femmes au coeur de l’action publique, il serait fort regrettable que certains territoires soient moins prioritaires que d’autres. L’éloignement géographique ne protège pas contre l’obsolescence des données. Et je ne peux m’empêcher de penser que les expériences pourraient être utilement mises en commun.

Pour conclure, je souhaite que cette mission et le texte que nous allons bientôt examiner ne passent pas sous silence la situation de nos aînées. Elles vivent souvent dans des situations de grande précarité. Près de 15 % des femmes de plus de soixante-quinze ans vivent sous le seuil de pauvreté. À La Réunion, plus de la moitié des femmes d’au moins soixante-cinq ans se retrouvent dans cette situation, et ce pourcentage augmente avec l’âge. La troisième génération des droits des femmes que nous sommes en train d’élaborer doit aussi les concerner.

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