Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 29 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

« Les bonnes habitudes sont beaucoup plus faciles à perdre que les mauvaises », disait le dramaturge et romancier britannique Somerset Maugham. Je me réjouis donc que votre assemblée ait de nouveau inscrit à son ordre du jour la tenue d’un débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes, après celui de l’an dernier. J’y vois un signe très positif : celui de notre intention commune de franchir au plus vite une nouvelle étape, celle de l’égalité réelle. Pour cela, nous devons nous engager sur tous les terrains, afin de faire reculer les inégalités qui s’y trouvent.

Notre responsabilité collective, la mienne, celle du Gouvernement, mais aussi la vôtre, c’est d’accélérer le rythme de notre course pour entrevoir enfin l’horizon d’une égalité sans concession, tout simplement conforme aux valeurs de la République. Pour cela, vous le savez, je viendrai devant vous au début de l’année 2014, afin de présenter un projet de loi-cadre sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Vos commissions ont commencé à travailler et je ne crois donc pas souhaitable de mener ici un débat prématuré sur le détail de ce texte, dont j’ai voulu qu’il soit entièrement construit en collaboration avec le Parlement. Le débat d’aujourd’hui est davantage l’occasion de faire le point sur cette politique transversale de l’égalité entre les femmes et les hommes, dont je vous avais tracé les perspectives il y a tout juste un an, et de débattre de ses orientations, de ses implications budgétaires et de ses résultats.

Le défi le plus important, s’agissant d’une politique transversale, est de parvenir à l’inscrire dans la durée et à organiser des mécanismes et des relais de façon à ce qu’elle ne relève pas de la responsabilité d’un seul ministère et d’une seule ministre mais qu’elle soit au coeur de toutes les politiques publiques. Il ne s’agit pas d’ajouter aux politiques des ministères une sorte de supplément d’âme, mais bien d’obtenir des engagements et des réalisations concrètes dans l’action de chaque ministère, dans les textes qu’ils portent mais aussi au quotidien dans la gestion de leurs administrations. Ce défi-là, je pense que nous l’avons collectivement relevé. Depuis un an, 60 % des projets de lois – et pas des moindres – que vous avez examinés ont comporté des mesures qui ont un impact positif sur l’égalité entre les femmes et les hommes. Je pense notamment à la loi sur la refondation de l’école.

Elle a permis de réinscrire l’égalité au coeur des valeurs de l’école républicaine. Ce ne sont pas que des mots : deux instances pivot de cette réforme, le Conseil supérieur des programmes et le Conseil national d’évaluation de l’école, sont désormais composées de façon strictement paritaire et les écoles supérieures du professorat, que vous avez instituées pour donner à nouveau une formation continue aux enseignants, comportent depuis cette rentrée des enseignements à l’égalité entre filles et garçons.

Avec Vincent Peillon, nous avons fait de cette année scolaire 2013-2014 l’année de la mobilisation pour l’égalité à l’école, pour prolonger cette dynamique en insistant sur la transmission des valeurs d’égalité dès l’école primaire, pour faire reculer des inégalités qui s’ancrent très tôt dans l’esprit de nos enfants et pour donner aux filles comme aux garçons confiance en eux afin qu’en particulier les premières ne se limitent pas, comme elles le font encore aujourd’hui, lors de leurs choix d’orientation ou lors de leurs premiers pas dans la vie professionnelle. Tel est le sens du programme « ABCD de l’égalité », un outil essentiel pour la réussite de toutes et de tous, expérimenté actuellement dans 600 écoles primaires.

À côté de la refondation de l’école, je pense aussi à notre loi sur l’enseignement supérieur et la recherche, par laquelle vous avez permis que les instances de gouvernance de nos universités deviennent paritaires. Cela aura peut-être échappé aux observateurs, mais c’est absolument historique : depuis le XIIIe siècle, alors même que les universités sont porteuses des valeurs d’humanisme, elles n’avaient jamais inscrit au coeur même de leur fonctionnement l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est désormais chose faite. Nous sommes le premier pays au sein de l’OCDE à avoir inscrit ainsi la parité dans la gouvernance des universités.

Je pense également au débat essentiel que vous avez eu il y a quelques semaines maintenant sur l’avenir de notre système de retraites. La présidente de la délégation aux droits des femmes, Catherine Coutelle, le sait bien : le Gouvernement a intégré la question de la réduction des inégalités de pensions de retraite dès la préparation de la réforme. De nombreuses avancées ont été obtenues grâce à cette façon de procéder, qui contribueront à réduire la précarité des femmes âgées évoquée par Mme Bello : meilleure prise en compte des trimestres d’interruption au titre du congé maternité, prise en compte du petit temps partiel, amélioration de la situation des aidants familiaux – on sait qu’il s’agit la plupart du temps d’aidantes – et des conjoints collaborateurs – surtout des conjointes collaboratrices. Et puis il y a la réforme à venir des avantages familiaux que nous avons annoncée.

Enfin, je pense à la parité dans nos institutions politiques. Avec la loi du 17 mai 2013, la parité dans nos assemblées municipales et départementales sera désormais la règle alors que nous n’avons à ce jour que 13 % de femmes parmi les conseillers généraux. Vous l’avez peut-être vu : vendredi dernier, le Forum économique mondial rendait public son classement mondial de la parité et soulignait que la France était passée, en un an, de la cinquante-septième place à la quarante-cinquième place sur 135 pays. Bien sûr, il reste encore beaucoup de progrès à faire et nous y reviendrons en janvier lorsque nous discuterons du projet de loi sur l’égalité femmes-hommes, mais c’est déjà la plus forte progression parmi les pays industrialisés.

Évidemment, et Catherine Coutelle a raison de le rappeler, la parité ne saurait se limiter à la sphère politique. Nous souhaitons l’étendre à l’ensemble des champs de la vie professionnelle et sociale. Vous avez relevé quelques nominations ces derniers jours, en particulier dans le domaine de la culture, qui vont dans le bon sens. Le projet de loi que je vous présenterai comportera des évolutions positives en la matière. Les partenaires sociaux eux-mêmes ont convenu, lors de la deuxième grande conférence sociale de juillet dernier, de se saisir de la question de la parité dans les instances représentatives du personnel et de formuler des propositions d’ici la fin de l’année. Lorsque nous nous retrouverons en janvier, nous y verrons beaucoup plus clair.

Au-delà des textes qui vous ont été présentés ces derniers mois, nous avons adopté de nouvelles méthodes de travail au sein du Gouvernement, qui sont aujourd’hui pleinement effectives et qui permettent d’aboutir aux résultats que j’ai évoqués. À la suite du premier comité interministériel consacré aux droits des femmes, qui s’est réuni le 30 novembre 2012, chaque ministre avait défini sa feuille de route pour l’égalité. Je peux témoigner qu’ils se sont personnellement investis. Je rendrai publics dans quelques jours, lors du second comité interministériel pour les droits des femmes, les résultats de cette implication. Nous avons désormais un réseau de hauts fonctionnaires dédié à l’égalité femmes-hommes dans chaque ministère et des conseillers référents dans chaque cabinet ministériel. Nous les réunissons régulièrement, ils portent notre politique et assurent notre vigilance au quotidien. Et puis surtout, nous disposons dorénavant d’études d’impact qui permettent d’examiner à l’aune de l’égalité entre les femmes et les hommes chacun des projets de loi et des projets de décret présentés en conseil des ministres.

Dans le domaine budgétaire, nous avançons aussi. Avec Bernard Cazeneuve, nous déclinons ces nouvelles méthodes de travail afin d’inscrire dans l’ensemble des programmes budgétaires des indicateurs de l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous les intégrerons bien sûr au document de politique transversale, que j’ai voulu cette année enrichir pour mieux rendre compte de l’implication de tous les ministères dans la politique de l’égalité.

Nous avons évidemment encore des progrès à faire. Ainsi, j’estime que l’on pourrait mieux identifier l’effort des collectivités territoriales pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’était un des points soulevés par votre collègue Vincent Feltesse dans le rapport qu’il m’a remis cet été sur leurs compétences en matière d’égalité. Suivant plusieurs de ses préconisations, je souligne que j’ai d’ores et déjà conclu des conventions ambitieuses avec les grandes associations d’élus locaux pour encourager toutes les collectivités locales à inscrire l’égalité au coeur de leurs politiques. Je crois que nous aurions intérêt à décliner plus largement ce rapport lors de notre débat de janvier prochain car, du fait des transferts de compétences, les collectivités jouent un rôle majeur dans la mise en oeuvre effective des mesures d’égalité.

Les avancées sont attendues aussi, et j’en ai conscience, du côté des crédits mobilisés par l’État pour la politique d’égalité. Vous avez pu constater que les crédits de cette politique transversale sont en progression par rapport à 2012, de près de 10 millions d’euros puisque 200 millions lui sont directement consacrés dans le PLF pour 2014.

Le budget de mon programme, discuté ce matin même en commission élargie, traduit aussi la volonté de donner des moyens supplémentaires à cette politique prioritaire puisque 24,3 millions d’euros sont inscrits pour 2014, soit 4 millions de plus qu’en 2012. Ces moyens, certes en progression, restent cependant limités, j’en ai conscience. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de mettre l’accent sur le travail partenarial, ce qui explique en particulier les expérimentations conduites dans neuf régions où l’innovation est désormais le maître mot. Je pense que par l’innovation, nous pouvons faire progresser nos politiques d’égalité. Cette démarche partenariale constitue aussi évidemment un levier financier intéressant. Ainsi, dans ces neuf régions, les moyens que j’ai pu dégager sur mon propre budget, soit près de 2 millions d’euros, ont permis d’en mobiliser près de quatre fois plus !

Les moyens consacrés aux associations sont maintenus, et même accrus : près de 4 millions d’euros sont inscrits pour les associations nationales qui s’occupent de violences et j’ai veillé à signer avec la plupart d’entre elles des conventions pluriannuelles d’objectifs pour sécuriser leur financement et leur éviter d’être obligées de tout recommencer chaque année.

Je voudrais enfin revenir plus en détail sur les trois grandes priorités dont je vous avais fait part il y a un an et qui impliquent une action qui va parfois au-delà de la loi.

La première est l’égalité professionnelle, que nombre d’entre vous ont évidemment citée dans leurs interventions. La Gouvernement a défini les principaux axes de cette politique avec les partenaires sociaux, notamment lors des grandes conférences sociales de 2012 et de 2013. Pour réduire les écarts de rémunérations au sein des entreprises, nous avons choisi de mener une politique effective qui donne tout son sens à la législation imposant aux entreprises de réaliser l’égalité professionnelle en leur sein. Cette législation existait, mais elle était devenue quasiment vide de sens à force de n’être plus respectée, et ce malgré l’engagement d’un certain nombre d’élus de tous bords, dont Mme Zimmermann. Je veux vous dire ici, madame la députée, que je n’hésite jamais à rendre hommage à votre engagement et à votre détermination.

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