Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Séance en hémicycle du 29 octobre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Débat sur l’égalité entre les femmes et les hommes

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du gouvernement :

Nous avons donc mis en place, depuis janvier 2012, une politique de contrôle avec un dispositif de sanctions réellement effectif qui donne des résultats : depuis mon arrivée en mai 2012, nous sommes passés de deux mises en demeure à plus de quatre cents aujourd’hui. Quatre entreprises ont été sanctionnées et surtout, point le plus important, le rythme des dépôts des accords ou des plans en faveur de l’égalité professionnelle est rapide : près de 3 000 ont déjà été finalisés.

À côté de l’application effective des lois, il est important, disais-je, d’aller plus loin, grâce à des innovations. Les neuf régions pilotes que j’ai évoquées sont en train d’expérimenter des bonnes pratiques en matière notamment d’accompagnement des TPE et des PME. En effet, la législation ne couvre que les entreprises de plus de cinquante salariés, alors que nombre de Françaises et de Français travaillent dans des entreprises plus petites. Nous veillons donc dans ces régions à rendre disponibles des outils, y compris pour les entreprises qui ne sont pas concernées par la politique du bâton, afin de faire l’égalité dans une démarche vertueuse, facteur de réussite économique et de meilleure productivité. Dans ces régions, les élus locaux sont à la manoeuvre, mais aussi tous les représentants du réseau déconcentré des droits des femmes, évoqué par certains d’entre vous et que je tiens à saluer : oui, nous avons donné à ce réseau, qui était en perte de vitesse en termes de soutien par l’État, les moyens de fonctionner.

Il y a une autre démarche parallèle à celle que je viens d’indiquer : la négociation par les partenaires sociaux, qui a abouti, le 19 juin 2013, à un accord national interprofessionnel sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail. J’ai intégré par voie d’amendement au projet de loi déjà débattu devant le Sénat et portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes les principales avancées de cet ANI, notamment la simplification pour une meilleure efficacité des démarches de négociation au sein de l’entreprise.

Nous allons surtout donner suite à l’ANI en engageant un véritable travail sur la question des classifications. Celles-ci reflètent la façon dont les femmes sont aujourd’hui cantonnées dans un certain nombre de métiers sous-valorisés, sous-payés, guère reconnus. C’est ce qui explique en grande partie, avec le temps partiel, les 27 % d’écart de rémunération que l’on évoque très souvent. Ils sont moins liés à des discriminations conscientes de la part de l’employeur qu’au fait que nous vivons dans un pays qui manque cruellement de mixité professionnelle. Je rappelle fréquemment un chiffre qui frappe les esprits : seulement 12 % de la population active française travaille dans un secteur que l’on peut considérer comme mixte, c’est-à-dire où au minimum 40 % des effectifs sont de l’autre sexe.

Le cantonnement des femmes dans des métiers sous-valorisés explique donc pour une large part leur sous-rémunération. Ce travail sur la classification des métiers et sur leur plus ou moins grande valorisation va sans doute permettre, durant l’année 2014, de faire progresser considérablement les choses à un moment où les branches professionnelles s’apprêtent à revaloriser leurs classifications. Nous en reparlerons quand je présenterai mon projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes.

Mais si l’on veut continuer à avancer sur la question de l’égalité, il faut aussi savoir s’attaquer aux causes structurelles des inégalités professionnelles et parmi elles, au plafond de verre qui pèse encore aujourd’hui sur les femmes. L’une d’entre vous a évoqué le palmarès des cent plus grandes entreprises françaises classées en fonction de la féminisation de leurs instances dirigeantes, palmarès que j’ai rendu public lors de la toute première semaine de l’égalité professionnelle, il y a dix jours. C’est utile pour rendre hommage et valoriser les pratiques exemplaires de certaines grandes entreprises, mais force est de reconnaître que le constat qui en ressort, c’est qu’au sein des comités directeurs et des comités exécutifs, il n’y a en moyenne que 10 % de femmes ! Certaines entreprises font un peu mieux parce qu’elles ont une politique proactive et volontariste, mais vous voyez ainsi d’où nous partons et le chemin qu’il nous reste à parcourir…

S’attaquer aux causes structurelles de ces inégalités, c’est aussi comprendre que si les inégalités de rémunération, de promotion et d’accès aux responsabilités sont si fortes aujourd’hui encore, c’est parce que les femmes n’ont pas les mêmes carrières que les hommes. Leurs carrières sont bien plus souvent interrompues quand arrivent les enfants et c’est le plus souvent aux femmes qu’incombe la charge d’assurer cette si difficile articulation entre les temps de vie personnels et professionnels.

Les pouvoirs publics doivent apporter des réponses pour que le poids en soit plus équitablement réparti entre les épaules des femmes et celles des hommes, et ce sera notamment l’objet de la réforme du congé parental. Mais pour rendre plus aisée cette difficile articulation, l’évidence est de créer des places de crèche et des solutions d’accueil supplémentaires comme nous le faisons avec les 275 000 solutions d’accueil pour les moins de trois ans qui ont été prévues et financées dans le PLFSS.

Pour accompagner cette politique et permettre une meilleure articulation entre les temps de vie, je travaille avec les entreprises, en particulier les plus grandes, sur l’organisation du temps de travail. Les salariés, femmes ou hommes, ont des revendications et des attentes importantes, qu’ils n’osent pas toujours formuler. C’est donc aux entreprises de construire une organisation, un cadre de travail qui permette au salarié d’être aussi père ou mère.

Toujours parmi les causes structurelles des inégalités, on trouve le temps partiel, notamment le petit temps partiel, qui concerne désormais une femme active sur trois car les choses n’ont cessé de se dégrader depuis trente ans. Nous avons obtenu des avancées intéressantes grâce à l’accord sur la sécurisation professionnelle, transformé en loi. Cependant, il conviendra de rester extrêmement vigilant sur sa mise en oeuvre. Avec Michel Sapin, je suis bien décidée à en dresser un bilan au premier semestre 2014.

Sur ce sujet qui vous préoccupe particulièrement, ne regardez pas le contenu de ce seul accord car des avancées ont été obtenues dans d’autres cadres et d’autres textes : la loi sur la réforme des retraites, par exemple, permet de mieux prendre en considération le petit temps partiel. Nous sommes aussi en train de travailler à la réforme de la formation professionnelle, veillant précisément à ce que les salariés à temps partiel puissent y avoir davantage accès.

Au risque de me répéter, à chaque fois que j’interviens sur cette question de l’égalité professionnelle, je rappelle une étude de l’OCDE : si nous étions capables d’annuler l’écart de près de 9 points qui existe encore entre le taux d’emploi des hommes et celui des femmes en France, nous pourrions accroître le produit intérieur brut de 10 points en dix ans, soit 0,5 point de croissance en plus par an. On ne peut pas y rester indifférent.

C’est pourquoi l’emploi des femmes sera la priorité du second comité interministériel des droits des femmes, qui se tiendra à la fin du mois de novembre. Comment gagner ce demi point de croissance qui nous manque et qui est pourtant à notre portée ? Les leviers que nous pouvons mobiliser sont multiples : il faudra, par exemple, revoir les obstacles au développement de l’activité du deuxième apporteur de ressources dans un ménage. Certains d’entre vous ont déjà travaillé sur le sujet et nous reprendrons cette réflexion.

Il s’agit aussi de permettre mieux que l’on ne le fait actuellement aux femmes qui viennent d’avoir un enfant de rebondir, de se reconvertir professionnellement et notamment d’accéder à la création d’entreprise. Nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux puisque nous souhaitons que le pourcentage de femmes parmi les créateurs d’entreprise passe de 30 % actuellement à 40 % en 2017, grâce au plan de soutien et de financement adopté il y a quelques mois.

Pour nous, l’égalité professionnelle et la lutte contre la précarité, notamment celle des femmes au sein des familles monoparentales, sont clairement des priorités. À cet égard, le projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes que je viendrai vous présenter s’intéressera aux pensions alimentaires, qui sont trop souvent impayées dans notre pays. Il proposera la création d’un service public de garantie de la pension alimentaire. Cet acte fort va permettre à chaque enfant concerné de se voir assurer une pension mensuelle de 90 euros dans un premier temps, puis de 120 euros en 2017, quelle que soit la situation professionnelle de ses parents et surtout quel que soit le lien personnel qu’entretiennent son père et sa mère.

Je ne peux pas conclure sans dire un mot sur les violences faites aux femmes, un sujet sur lequel j’aurais beaucoup de choses à vous dire mais que vous avez bien résumé. Les semaines qui viennent vont être importantes en la matière.

D’abord, votre assemblée va examiner la proposition de loi courageuse portant sur la lutte contre la prostitution, qui a été travaillée par Maud Olivier et Catherine Coutelle, avec la contribution d’élus de tous les bancs. Je tiens à saluer ce travail collectif.

Ensuite, le 25 novembre prochain, je présenterai le nouveau plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes. Ce quatrième plan sera construit sur un petit nombre de priorités sur lesquelles nous allons nous engager en nous en donnant les moyens et en étant comptables de ces engagements tant au niveau national que local. Je suis persuadée que la meilleure façon de rendre effectives nos politiques de lutte contre les violences faites aux femmes, c’est de faire en sorte que les choses fonctionnent vraiment au niveau local. Nous y travaillons actuellement.

Ce plan portera notamment sur une prise en charge sanitaire renforcée des victimes de violences, incluant l’aspect psychologique qui manquait un peu dans les dispositifs actuels, mais aussi la mise à l’abri des victimes, que vous avez évoquée, via des places d’hébergement dédiées et adaptées en nombre suffisant. Nous respectons l’engagement que nous avons pris de créer 1 500 places supplémentaires d’ici 2017.

Je n’ai pas évoqué tous les sujets mais en conclusion, je dirai simplement qu’il n’y a pas un seul secteur de l’action publique qui ne soit concerné par l’égalité entre les femmes et les hommes et par les droits des femmes. Le débat permettra justement d’aborder les secteurs que je n’ai pas évoqués.

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