Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Le 10 avril 2013, François Hollande annonçait à la télévision que le Gouvernement allait déposer au Parlement un projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et un projet de loi organique relatif au procureur de la République financier, en souhaitant que l’ensemble de leurs dispositions puissent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais.

Huit mois plus tard, et après deux examens difficiles à l’Assemblée nationale, ces deux projets de loi sont toujours un peu embourbés dans les navettes parlementaires. Surtout, les désaccords, Mme la garde des sceaux a bien insisté sur ce point, et les divisions au sein de votre propre majorité ont affaibli à nos yeux la portée de ces deux projets de loi qui ne sont aujourd’hui que l’ombre des engagements pris par François Hollande.

La lutte contre la corruption et la fraude fiscale est pourtant vitale pour préserver l’autorité de l’État et garantir l’égalité de nos concitoyens et de nos concitoyennes devant l’impôt. Je suis témoin de la volonté des deux rapporteurs en ce domaine. Ils viennent de dire encore à l’instant qu’une partie du chemin avait été accomplie, et qu’il fallait aller plus loin.

L’ensemble des responsables politiques, sur tous les bancs, partagent ce combat, qui se nourrit traditionnellement du consensus républicain et qui, quelque part, a été ébréché dans les méandres de votre majorité. Vous aviez parlé à l’époque de la faillite d’un seul homme pour ne pas avoir à rendre compte de la faillite de la gauche morale. Vous avez voulu confisquer cette République exemplaire et laver plus blanc que blanc pour faire oublier que cette gauche morale, dans l’esprit d’un grand nombre de nos compatriotes, vous lui avez tourné le dos.

Vous qui moquiez la propension du précédent gouvernement à légiférer dans l’urgence, vous vous êtes distingués par votre impréparation et votre précipitation, comme en témoigne la lettre rectificative à laquelle vous avez recouru pour créer un procureur de la République financier que le Conseil d’État avait tant décrié. Le couperet tombe. Ces deux projets de loi ne convainquent ni vos alliés, ni vos opposants au Sénat, qui dans sa sagesse vient de vous faire subir un nouveau camouflet. Les raisons de ces échecs sont simples. La création du procureur de la République financier, enterrée deux fois par le Sénat, constitue un risque de déstabilisation pour notre justice.

Face à une délinquance économique et financière multiforme, sans cesse en mutation, imbriquant fraude fiscale et criminalité organisée, la réponse apportée par notre justice ne peut et ne doit être la division et l’éparpillement des autorités chargées des enquêtes et de la poursuite. La réponse à la fraude fiscale multiforme ne doit pas être une usine à gaz. La justice doit être réactive, la dispersion étant, chacun le sait, la pire des solutions.

Pourtant, c’est un coup dur que vous portez à l’unicité du parquet, madame la garde des sceaux, ainsi qu’à la cohérence de notre organisation judiciaire, avec la création de ce procureur auquel vous attribuez une compétence floue – les magistrats le disent aussi – et susceptible d’entrer en conflit avec les compétences des autres parquets financiers ou de les concurrencer, puisque c’est une compétence nationale placée sous l’autorité du procureur général de Paris. Vos déclarations sur sa supposée indépendance ne sont que des voeux pieux : la nomination d’un procureur de la République financier ne présente pas plus de garanties d’indépendance que la nomination de n’importe quel autre procureur.

Il est d’ailleurs vexant pour notre assemblée de devoir débattre une troisième fois de ces dispositions, alors même que vous annonciez une grande consultation pour une réforme judiciaire d’envergure, une justice du vingt et unième siècle.

Le groupe UDI ne jouera pas avec vous aux apprentis sorciers et s’oppose une nouvelle fois à la création de ces procureurs financiers. Nous appelons de nos voeux une réforme ambitieuse de la justice qui permette d’en finir avec l’addition des lois de circonstance, que vous aviez tant dénoncées dans l’opposition, qui se révèlent insuffisantes, voire improductives, avant même d’avoir été adoptées.

Pour autant, nous sommes convaincus, et vous le savez, que notre justice doit être mieux armée pour mener une guerre sans merci contre ces nouvelles formes de délinquance. Nous avons toujours soutenu, en première comme en deuxième lecture, le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique.

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