Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 21h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Nous le ferons de nouveau ce soir, parce que c’est une exigence. Nous sommes conscients des faiblesses de ce projet de loi mais nous ne fermons pas la porte. Nous ne ferons pas comme vous, quand vous étiez dans l’opposition et que des avancées, certes insuffisantes, étaient proposées. Rappelez-vous, nous avions créé une police fiscale, dotée de pouvoirs judiciaires : comme c’était un texte de la majorité, hors de question pour vous de le voter ! Nous considérons quant à nous que, face à un tel enjeu, il faut avancer. Yann Galut a insisté, et il a bien fait, sur des fraudes comme les carrousels à la TVA. Combien de milliards échappent encore à l’État ! Je sais, monsieur le ministre du budget, que vous êtes très attentif aux recettes fiscales de notre pays, et vous savez qu’il faut absolument lutter contre les carrousels à la TVA.

Le groupe UDI soutient le renforcement du régime répressif de la fraude fiscale et des capacités de contrôle de l’administration fiscale, l’extension du champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment des fraudes fiscales, ou encore la création de circonstances aggravantes pour les fraudes fiscales les plus graves, qui sont prévus par ce projet de loi. Les débats parlementaires ont même permis, je tiens à le souligner, des avancées, comme la création du statut du repenti cher à Yann Galut et adopté à l’initiative de la rapporteure pour avis Sandrine Mazetier, ou encore le renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment.

Nous considérons en revanche que vous commettez une erreur majeure, je le répète pour la dernière fois, en refusant de nous écouter sur ce que nous appelons le verrou de Bercy. Yann Galut a lui-même employé l’expression. Il faut rappeler que les fraudes fiscales majeures ne peuvent être poursuivies d’office par le procureur de la République, qui doit attendre que l’administration fiscale ait déposé plainte avant de déclencher l’action publique. Peut-être la garde des sceaux en garde-t-elle une ombre de regret dans son sourire…

Cette emprise de l’administration sur les fraudes fiscales est en totale contradiction avec les objectifs de transparence et d’indépendance de la justice que nous avons en partage. Nous le savons, ces transactions donnent à nos concitoyens le sentiment que les puissants ne dépendent pas de la justice de droit commun, que tous ne sont pas égaux devant la loi. Ce sentiment, mes chers collègues, il faut que nous en soyons tous conscients, nourrit la défiance des Français vis-à-vis des institutions et fragilise le pacte républicain. Personne ne doit pouvoir passer entre les mailles du filet. Telle est la conviction que nous portons.

Nous pensons donc qu’il est indispensable que le procureur financier soit informé, dès lors qu’il y a des fraudes fiscales de grande envergure, que des procédures transactionnelles sont en cours, et qu’il puisse également les valider, au-delà du pouvoir normal et discrétionnaire du ministre et du rôle de la Commission des infractions fiscales. Je crois d’ailleurs savoir que le rapporteur n’y est pas particulièrement opposé. Nos collègues sénateurs – entendez la sagesse sénatoriale ! – ont adopté en commission un amendement, proposé par le rapporteur socialiste qui plus est, tendant à cet objectif.

Henri Emmanuelli, qui n’est pas là ce soir, avait soulevé ce problème en commission. Je me souviens très bien de son intervention. Il avait souhaité que le présent texte permette de lutter contre la propension de notre administration, qu’il a dirigée à une époque, à reculer devant les contentieux fiscaux les plus importants et à leur préférer les transactions. Il avait formulé une proposition très simple, que je reprends à mon compte : pourquoi ne pas instituer un montant à partir duquel nous pourrions transmettre au procureur les transactions, après avis de la Commission ?

Le blocage du Gouvernement sur ce point nous paraît incompréhensible. Vous bridez ainsi l’arsenal que nous mettons en place ensemble et dont j’ai souligné les avantages. La fraude, qui représente, cela a été dit, un manque à gagner de 60 à 80 milliards d’euros, soit quelque 1 000 euros par Français, doit être combattue avec la plus grande fermeté, surtout dans ces moments difficiles. La République exemplaire, promise maintes fois par le Président de la République, ne doit pas simplement être un slogan de campagne. C’est une exigence absolue pour nous tous, pour protéger notre démocratie. La République exemplaire doit appartenir aux Françaises et aux Français. Pour cela, cette ambition doit se nourrir de l’apport de toutes les forces républicaines qui la représentent.

Je déplore que le Gouvernement n’ait pas suffisamment entendu notre groupe sur la question du procureur financier. J’espère encore et je veux croire que vous saurez faire les gestes nécessaires pour que ces projets de loi puissent recueillir l’assentiment de toute la représentation nationale. Il en va, me semble-t-il, de notre démocratie.

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