Intervention de Paul Molac

Séance en hémicycle du 30 octobre 2013 à 21h30
Simplification des relations entre l'administration et les citoyens — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Molac :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici en présence d’un troisième projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances, qui constitue la troisième partie du choc de simplification annoncé par le Président de la République. Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances prévues par l’article 38 de notre Constitution, au motif qu’il évitera ainsi l’examen par le Parlement de ces nombreuses dispositions techniques, qui entraînerait un encombrement excessif du travail parlementaire.

On pourrait regretter une telle décision, mais ce projet de loi a su rester dans un champ restreint qui se prête à un recours aux ordonnances. Par ailleurs, nous apprécions, madame la ministre, votre engagement portant sur l’association du Parlement aux travaux qui conduiront à la publication des ordonnances prévues par ce texte – puissiez-vous faire des émules parmi vos collègues ! En préalable à notre discussion sur le fond, nous souhaitons également attirer l’attention sur la nécessité que le légitime objectif de simplification ne dissimule pas un discours de dénigrement de l’administration et de l’encadrement liés aux procédures qui font l’architecture de notre système économique et social. Une simplification mal ficelée peut, en effet, aboutir à des dérives. La norme n’est pas qu’une contrainte, elle peut également être une garantie. C’est sans doute la raison pour laquelle la France demeure, en 2013, le premier pays pour les investissements américains en Europe. L’administration française et la qualité des services publics restent un gage de sécurité pour les investisseurs, a fortiori pour les citoyens.

Pour ce qui est du fond du projet de loi d’habilitation qui nous est aujourd’hui soumis, celui-ci fera indéniablement oeuvre de simplification et de rationalisation dans la relation parfois houleuse qui lie les citoyens à leur administration. L’article 1er A contient la mesure phare du projet, qui instaure l’inversion de l’acception des décisions par l’administration en instaurant le fait que le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaudra acceptation, et non plus refus. C’est un changement que nous estimons très important.

La communication aux demandeurs des avis préalables, prévue à l’article 1er, est dans la même veine. Ces mesures inciteront l’administration à renforcer la transparence des procédures administratives. Il y aura des exceptions nécessaires, qu’il conviendra d’identifier clairement, en concertation avec les parlementaires et les acteurs concernés. L’article 1er instaure diverses mesures visant à l’établissement d’échanges avec l’administration par voie électronique. Ces mesures d’adaptation aux évolutions technologiques permettront à nos concitoyens d’avoir des relations rénovées avec leur administration. L’exemple du plébiscite de la télé-déclaration pour l’impôt sur le revenu nous montre que les citoyens font désormais confiance aux échanges électroniques, tout autant que l’administration est prête à sauter le pas technologique. De même, la reconnaissance des lettres recommandées par courrier électronique permettra de prendre en compte l’évolution des échanges postaux d’aujourd’hui et de faciliter la compilation des documents, tout autant qu’elle incitera à moins consommer de papier et à réduire l’empreinte carbone des échanges postaux.

Lors de l’examen du texte en commission, nous avions défendu un amendement visant à prendre en compte les difficultés accrues auxquelles sont confrontés les Français de l’étranger. Si celui-ci a été retiré, car n’entrant pas dans le champ de ce projet de loi, il n’en demeure pas moins que la question méritera un jour d’être traitée. En effet, les communications des Français de l’étranger avec les différentes administrations sont rendues plus difficiles par l’éloignement des consulats et des ambassades. Dans de nombreuses situations, l’obligation de fournir des documents originaux et le refus des copies numériques ralentissent de façon considérable les formalités administratives et multiplient les allers-retours postaux. D’autant que les services postaux et de communications peuvent être d’une qualité très médiocre dans certains pays.

Nous avions également défendu un amendement qui proposait de généraliser le recours à la voie électronique pour la diffusion des documents des autorités administratives, et de favoriser l’open data, dont de nombreuses expériences, au niveau local comme national, ont démontré l’intérêt. Nous avons été satisfaits de la réponse de la ministre, nous annonçant que le projet data.gouv.fr qui ouvre aux citoyens l’ensemble des données publiques, satisferait notre demande. La création, prévue à l’article 2, d’un code relatif aux relations entre le public et les administrations, permettra aux citoyens d’y voir plus clair dans les possibilités de démarches.

L’article 2 bis consiste à faciliter les échanges d’informations ou de données entre les administrations par ce que Mme la ministre appelle la procédure du « dites-le nous une seule fois ». Si nous comprenons l’objectif de recoupement de données visant à éviter la multiplication de fournitures de formulaires par les citoyens et les entreprises – Mme la ministre précisait qu’une petite entreprise est obligée d’envoyer 3 000 informations par an à l’administration –, nous vous invitons à être le plus rigoureux possible dans certains cas. Certes, vous avez mis des garde-fous, notamment en matière de secret médical, mais je ne peux que vous recommander la plus grande prudence : il est tout de même inquiétant de savoir des sociétés privées sont désormais habilitées à réaliser les procédures de codage des actes médicaux, ce qui leur donne l’occasion de consulter des dossiers médicaux qui pourraient ensuite être utilisés à mauvais escient.

L’article 3 prévoit l’habilitation du Gouvernement à modifier le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, qui, en dépit de deux précédentes habilitations législatives, n’a pu être modifié dans les délais. Enfin, l’article 4 transpose la directive adoptée par le Parlement européen et le Conseil le 11 mai 2011. Il s’agit là d’une mesure que nous soutenons pleinement, car elle vise à nous mettre en conformité avec le droit européen en renforçant les droits des bénéficiaires d’une protection internationale.

Au final, mes chers collègues, nous estimons qu’avec un tel projet de loi, nous faisons oeuvre d’utilité dans la vie quotidienne de nos citoyens, ainsi que pour les agents administratifs appelés à leur rendre un service de bonne qualité. Nous ne craignons pas le recours aux ordonnances, ni le pouvoir réglementaire, et j’estime même que les régions devraient disposer de ce pouvoir – mais nous aurons certainement l’occasion d’en discuter dans le cadre de la prochaine loi de décentralisation ou de la loi sur les métropoles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion