Intervention de Victorin Lurel

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 15h00
Actualisation de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie - diverses dispositions relatives aux outre-mer cmp — Présentation commune

Victorin Lurel, ministre des outre-mer :

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes aujourd’hui réunis pour la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires qui se sont tenues le 9 octobre dernier, sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

Chacun de ces deux projets a été adopté à l’unanimité des voix au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Les commissions mixtes paritaires n’ont procédé qu’à la rectification de quelques dispositions à la marge.

Je tiens ici, au nom du Gouvernement, à saluer la qualité du travail réalisé au Parlement, qui a permis, indiscutablement, d’enrichir ces deux textes.

Cette nouvelle réforme – la dixième – de la loi organique statutaire de la Nouvelle-Calédonie répond à une nécessité incontestable. Elle a permis d’apporter des améliorations et des précisions liées à la simple évolution du droit métropolitain et a procédé à de nouveaux transferts de compétences.

Pour élaborer le projet soumis à la consultation du Congrès de Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement a, dans un premier temps, tiré les conséquences de trois constats.

Premier constat : il était nécessaire d’actualiser certains aspects du statut. La Nouvelle-Calédonie pourra, comme elle le souhaitait, mettre à jour et fiabiliser ses règles de gestion budgétaire et financière par l’extension des règles de droit commun en matière de contrôle budgétaire. Elle pourra, au même titre que ses établissements publics, déroger à l’obligation de dépôt des fonds libres auprès de l’État. Par ailleurs, des sociétés publiques locales – qui constituent un nouvel outil – pourront être créées par la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics.

Deuxième constat : il devenait nécessaire de préciser la portée de certaines dispositions du statut. Deux objectifs ont donc été privilégiés lors de l’élaboration de cette réforme : d’une part, combler certaines lacunes de la loi statutaire, par exemple en clarifiant le pouvoir de police des présidents d’assemblées de province sur le domaine routier ; d’autre part, renforcer la sécurité juridique, en écartant les risques de conflits entre les provinces, l’État et la Nouvelle-Calédonie s’agissant de compétences dont le périmètre nécessite d’être précisé, ce qui explique l’ajout des terres rares à la liste des minerais relevant de la compétence réglementaire de la Nouvelle-Calédonie.

Troisième et dernier constat : il était indispensable de rétablir des mesures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie qui avaient été votées dans le cadre de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française et censurées par le Conseil constitutionnel, qui a jugé qu’elles constituaient des cavaliers législatifs. La première de ces mesures confiait au président du gouvernement calédonien des pouvoirs de police administrative spéciale. La deuxième mesure censurée supprimait l’incompatibilité entre le mandat de membre du Sénat coutumier et celui de membre du Conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie. Deux autres dispositions censurées modernisaient les modalités de passation des marchés publics par les provinces.

Au-delà des trois constats que je viens de rappeler, qui ont guidé le Gouvernement lors de l’élaboration des deux projets de lois, l’insertion de mesures nouvelles était vivement souhaitée par l’ensemble des élus de la Nouvelle-Calédonie. Des dispositions ont ainsi été ajoutées dans deux domaines. Le premier d’entre eux répondait à la volonté des élus calédoniens de renforcer la transparence et les mécanismes de contrôle de l’exercice des compétences. L’article 1er du projet de loi organique consacre ainsi la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, dotées des mêmes prérogatives que les autorités administratives indépendantes nationales. Le Parlement a apporté deux ajouts, qui renforcent les garanties d’indépendance de la structure. D’une part, le projet de loi organique prévoit expressément que l’indépendance des membres de ces autorités doit être garantie ; cette prescription s’adresse autant à la loi métropolitaine qu’à la loi du pays, qui fait l’objet d’un examen au Conseil d’État avant son adoption définitive. Les candidats pressentis seront auditionnés publiquement et devront recevoir un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Deuxièmement, le texte rappelle désormais la compétence de l’État en matière de libertés publiques et de procédure administrative, contentieuse et pénale, pour encadrer l’action de l’autorité administrative indépendante. À cet effet, le Gouvernement est habilité à l’article 1er bis du projet de loi ordinaire à étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions applicables à l’autorité nationale chargée de la concurrence en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions. Cette ordonnance sera prise rapidement.

Le second domaine qui a suscité de nombreuses demandes d’amendements à la loi statutaire est évidemment celui du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, dont les domaines de compétence s’avèrent en effet aujourd’hui étendus et variés et nécessitent de la part des institutions une réactivité, une forte adaptabilité et une actualisation permanente. Ainsi, le fonctionnement quotidien des instances de gouvernance calédoniennes a conduit au développement de pratiques directement tirées de l’interprétation du statut, mais qui n’avaient toutefois pas de base légale. C’est désormais le cas du règlement intérieur du gouvernement, du droit à l’information des membres des assemblées de province ou de la publication des actes des institutions par voie électronique.

Comme je l’ai dit voilà quelques instants, les débats parlementaires ont incontestablement permis d’enrichir les textes. Nous avons ainsi entendu les parlementaires du Sénat sur le sujet. L’apport de ces échanges pour la Nouvelle-Calédonie est indéniable, et ce principalement dans deux domaines.

Tout d’abord, ont été déposés plusieurs amendements relatifs aux juridictions financières qui étendent le champ des contrôles de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie et complètent les procédures applicables, par exemple en donnant son plein effet à la règle fondamentale de séparation des ordonnateurs et des comptables. Ensuite, s’agissant de l’indemnisation devant les juridictions pénales des victimes de droit coutumier, le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit que, désormais, le tribunal pénal peut statuer sur les intérêts civils, sauf lorsque les parties s’y opposent. Dans ce cas, une passerelle avec la juridiction civile composée d’assesseurs coutumiers est prévue. Elle devrait satisfaire l’attente légitime des associations locales de défense des droits des victimes.

Le projet de loi ordinaire a été quant à lui très fortement enrichi lors de son examen au Parlement. Je ne mentionnerai que certaines de ses dispositions, qui me semblent emblématiques.

L’article 8 supprime les pouvoirs exceptionnels de substitution dont le représentant de l’État et le Gouvernement étaient dotés au titre de la continuité de l’action territoriale dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ; cela avait déclenché l’ire des exécutifs et des élus des outre-mer. Les articles 10 bis et 10 ter visent à modérer le prix des services bancaires en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Dans l’esprit du mécanisme que le Gouvernement avait fait voter dans la loi de régulation économique des outre-mer en matière de contrôle des prix des produits de consommation courante, cet amendement institue une négociation annuelle sur les tarifs bancaires. En cas d’échec de la négociation, le haut-commissaire fixera chaque année les tarifs par arrêté. Les articles 12, 13 et 24 permettent de mieux lutter, désormais, contre l’orpaillage clandestin et la pêche illégale en Guyane. L’article 28 habilite le conseil régional de la Martinique à fixer des règles spécifiques en matière de transports intérieurs.

Il n’est pas d’usage, pour le Gouvernement, d’amender un texte sur lequel la commission mixte paritaire s’est accordée. Pour autant, le Gouvernement vous soumet aujourd’hui deux amendements, qui ont été évoqués par le rapporteur.

Le premier répond, si je puis dire, à une demande pressante de la commission mixte paritaire. Une disposition du projet de loi ordinaire procédait à la ratification partielle d’un décret approuvant un projet de délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy relatif aux dispositions et aux sanctions pénales du code de l’environnement de cette collectivité. Or, entre-temps, cette délibération avait été abrogée par une nouvelle délibération. La reprise intégrale de la nouvelle délibération dans le projet de loi paraissant difficilement envisageable, il a été suggéré au Gouvernement de demander au Parlement d’être habilité à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires en la matière. Cet amendement vous sera soumis dans quelques instants, mesdames, messieurs les députés.

Le second amendement vise à supprimer une redondance dans notre droit qui ne s’est révélée que postérieurement à l’examen du projet de loi ordinaire. En faisant encore référence à une disposition abrogée par l’article 15 du projet de loi ordinaire, l’article L. 142-3 du code de la route était devenu inopérant. Le Gouvernement vous propose de tirer toutes les conséquences de ce que cet article a le même objet que l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure en procédant à son abrogation.

Mesdames, messieurs les députés, il y a quelques jours, le 11 octobre dernier, s’est tenu le onzième comité des signataires de l’accord de Nouméa, sous la présidence du Premier ministre. Y ont été présentés les deux textes adoptés par la commission mixte paritaire. Je puis vous dire que l’ensemble des partenaires calédoniens de l’État ont exprimé leur satisfaction devant le travail accompli au Parlement. Vous me permettrez, au nom du Gouvernement, de vous exprimer directement la même satisfaction.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion