La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L’ordre du jour appelle la discussion, sur les rapports des commissions mixtes paritaires, des dispositions restant en discussion du projet de loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (no 1414) et des dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer (no 1415).
La Conférence des présidents a décidé que ces textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à M. René Dosière, rapporteur des commissions mixtes paritaires.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les commissions mixtes paritaires ont approuvé à l’unanimité le projet de loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. Je veux rappeler cinq points essentiels qui ont reçu l’accord de nos collègues sénateurs.
En premier lieu, la loi organique établit les conditions de création d’une autorité administrative indépendante en Nouvelle-Calédonie, en particulier dans le domaine de la concurrence, ce qui répond à une nécessité, sur ce territoire comme, par exemple, en Polynésie. Par ailleurs, l’Assemblée nationale avait renforcé les garanties d’indépendance des autorités administratives indépendante, ce que le Sénat a accepté.
En deuxième lieu, s’agissant de la transparence de la vie publique, les subventions accordées par la collectivité de Nouvelle-Calédonie, ou par les provinces, à des associations et des organismes privés seront désormais soumises à des critères de transparence et de compte rendu qui existaient en métropole, mais qui faisaient défaut en Nouvelle-Calédonie. Il y a lieu de s’en féliciter. Par ailleurs, les avantages matériels que les collectivités de Nouvelle-Calédonie peuvent accorder à leurs élus – tels que les voitures de fonction ou les téléphones – seront désormais rendus publics par voie de délibération. Enfin, le Sénat a rejoint la position de l’Assemblée en acceptant de réduire le montant des rémunérations des ministres et des élus de la Nouvelle-Calédonie, qui, selon moi, atteignait, monsieur le ministre, dans votre projet de loi initial, un niveau excessif. Tout le monde était d’accord pour réduire leur montant.
En troisième lieu, en ce qui concerne la protection du statut civil coutumier, deux interprétations coexistaient même si les objectifs étaient les mêmes, au Sénat comme à l’Assemblée. Le Sénat a bien voulu accepter la rédaction de l’Assemblée, que l’on doit à l’initiative de notre collègue Gomes, qui a proposé une formulation beaucoup plus opérationnelle.
En quatrième lieu, s’agissant du texte portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer, le Sénat a validé toutes les dispositions adoptées par l’Assemblée, à l’initiative de notre collègue Chantal Berthelot, en matière de lutte contre l’orpaillage et de pêche clandestine en Guyane.
Enfin, le Sénat a accepté les dispositions que nous avions votées concernant la lutte contre les tarifs bancaires trop élevés. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, dont chacun a souligné la pugnacité, est désormais habilité à prendre, en ce domaine, des dispositions opérationnelles. Il est à noter que ces dispositions sont étendues à la Polynésie, où le haut-commissaire de la République pourra lui aussi adopter des mesures contre la vie chère, qui frappe de la même façon ce territoire.
Un seul point, qui n’a pas été réglé, a été laissé à l’initiative du Gouvernement : il s’agit d’une disposition concernant Saint-Barthélemy, qui était quelque peu contestable sur les plans législatif et juridique. Nous l’avons donc supprimée, en estimant qu’il revenait au Gouvernement de régler cette question par voie d’ordonnance, étant précisé que nous ne pouvions le faire nous-mêmes, d’un point de vue constitutionnel. On peut comprendre que le Gouvernement en fasse souvent usage pour l’outre-mer, même si les parlementaires ne souhaitent jamais un recours trop fréquent à ce procédé dans d’autres domaines.
Tels sont, mes chers collègues, les termes de cet accord. Je veux souligner l’excellent climat qui a régné entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Les parlementaires, quel que soit leur groupe politique, ont été très coopératifs et ont manifesté, par leur vote unanime, dans l’une et l’autre chambre, tout l’intérêt – voire, pour certains d’entre eux, l’affection – qu’ils portent à la Nouvelle-Calédonie. Nous suivons d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt l’évolution du processus institutionnel de ce territoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous demande d’adopter les textes des commissions mixtes paritaires.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, nous sommes aujourd’hui réunis pour la lecture des conclusions des commissions mixtes paritaires qui se sont tenues le 9 octobre dernier, sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Chacun de ces deux projets a été adopté à l’unanimité des voix au Sénat, puis à l’Assemblée nationale. Les commissions mixtes paritaires n’ont procédé qu’à la rectification de quelques dispositions à la marge.
Je tiens ici, au nom du Gouvernement, à saluer la qualité du travail réalisé au Parlement, qui a permis, indiscutablement, d’enrichir ces deux textes.
Cette nouvelle réforme – la dixième – de la loi organique statutaire de la Nouvelle-Calédonie répond à une nécessité incontestable. Elle a permis d’apporter des améliorations et des précisions liées à la simple évolution du droit métropolitain et a procédé à de nouveaux transferts de compétences.
Pour élaborer le projet soumis à la consultation du Congrès de Nouvelle-Calédonie, le Gouvernement a, dans un premier temps, tiré les conséquences de trois constats.
Premier constat : il était nécessaire d’actualiser certains aspects du statut. La Nouvelle-Calédonie pourra, comme elle le souhaitait, mettre à jour et fiabiliser ses règles de gestion budgétaire et financière par l’extension des règles de droit commun en matière de contrôle budgétaire. Elle pourra, au même titre que ses établissements publics, déroger à l’obligation de dépôt des fonds libres auprès de l’État. Par ailleurs, des sociétés publiques locales – qui constituent un nouvel outil – pourront être créées par la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics.
Deuxième constat : il devenait nécessaire de préciser la portée de certaines dispositions du statut. Deux objectifs ont donc été privilégiés lors de l’élaboration de cette réforme : d’une part, combler certaines lacunes de la loi statutaire, par exemple en clarifiant le pouvoir de police des présidents d’assemblées de province sur le domaine routier ; d’autre part, renforcer la sécurité juridique, en écartant les risques de conflits entre les provinces, l’État et la Nouvelle-Calédonie s’agissant de compétences dont le périmètre nécessite d’être précisé, ce qui explique l’ajout des terres rares à la liste des minerais relevant de la compétence réglementaire de la Nouvelle-Calédonie.
Troisième et dernier constat : il était indispensable de rétablir des mesures spécifiques à la Nouvelle-Calédonie qui avaient été votées dans le cadre de la loi organique du 1er août 2011 relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française et censurées par le Conseil constitutionnel, qui a jugé qu’elles constituaient des cavaliers législatifs. La première de ces mesures confiait au président du gouvernement calédonien des pouvoirs de police administrative spéciale. La deuxième mesure censurée supprimait l’incompatibilité entre le mandat de membre du Sénat coutumier et celui de membre du Conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie. Deux autres dispositions censurées modernisaient les modalités de passation des marchés publics par les provinces.
Au-delà des trois constats que je viens de rappeler, qui ont guidé le Gouvernement lors de l’élaboration des deux projets de lois, l’insertion de mesures nouvelles était vivement souhaitée par l’ensemble des élus de la Nouvelle-Calédonie. Des dispositions ont ainsi été ajoutées dans deux domaines. Le premier d’entre eux répondait à la volonté des élus calédoniens de renforcer la transparence et les mécanismes de contrôle de l’exercice des compétences. L’article 1er du projet de loi organique consacre ainsi la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, dotées des mêmes prérogatives que les autorités administratives indépendantes nationales. Le Parlement a apporté deux ajouts, qui renforcent les garanties d’indépendance de la structure. D’une part, le projet de loi organique prévoit expressément que l’indépendance des membres de ces autorités doit être garantie ; cette prescription s’adresse autant à la loi métropolitaine qu’à la loi du pays, qui fait l’objet d’un examen au Conseil d’État avant son adoption définitive. Les candidats pressentis seront auditionnés publiquement et devront recevoir un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Deuxièmement, le texte rappelle désormais la compétence de l’État en matière de libertés publiques et de procédure administrative, contentieuse et pénale, pour encadrer l’action de l’autorité administrative indépendante. À cet effet, le Gouvernement est habilité à l’article 1er bis du projet de loi ordinaire à étendre, avec les adaptations nécessaires, les dispositions applicables à l’autorité nationale chargée de la concurrence en matière de pouvoirs d’enquête, de voies de recours, de sanctions et d’infractions. Cette ordonnance sera prise rapidement.
Le second domaine qui a suscité de nombreuses demandes d’amendements à la loi statutaire est évidemment celui du fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, dont les domaines de compétence s’avèrent en effet aujourd’hui étendus et variés et nécessitent de la part des institutions une réactivité, une forte adaptabilité et une actualisation permanente. Ainsi, le fonctionnement quotidien des instances de gouvernance calédoniennes a conduit au développement de pratiques directement tirées de l’interprétation du statut, mais qui n’avaient toutefois pas de base légale. C’est désormais le cas du règlement intérieur du gouvernement, du droit à l’information des membres des assemblées de province ou de la publication des actes des institutions par voie électronique.
Comme je l’ai dit voilà quelques instants, les débats parlementaires ont incontestablement permis d’enrichir les textes. Nous avons ainsi entendu les parlementaires du Sénat sur le sujet. L’apport de ces échanges pour la Nouvelle-Calédonie est indéniable, et ce principalement dans deux domaines.
Tout d’abord, ont été déposés plusieurs amendements relatifs aux juridictions financières qui étendent le champ des contrôles de la chambre territoriale des comptes de Nouvelle-Calédonie et complètent les procédures applicables, par exemple en donnant son plein effet à la règle fondamentale de séparation des ordonnateurs et des comptables. Ensuite, s’agissant de l’indemnisation devant les juridictions pénales des victimes de droit coutumier, le texte adopté en commission mixte paritaire prévoit que, désormais, le tribunal pénal peut statuer sur les intérêts civils, sauf lorsque les parties s’y opposent. Dans ce cas, une passerelle avec la juridiction civile composée d’assesseurs coutumiers est prévue. Elle devrait satisfaire l’attente légitime des associations locales de défense des droits des victimes.
Le projet de loi ordinaire a été quant à lui très fortement enrichi lors de son examen au Parlement. Je ne mentionnerai que certaines de ses dispositions, qui me semblent emblématiques.
L’article 8 supprime les pouvoirs exceptionnels de substitution dont le représentant de l’État et le Gouvernement étaient dotés au titre de la continuité de l’action territoriale dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution ; cela avait déclenché l’ire des exécutifs et des élus des outre-mer. Les articles 10 bis et 10 ter visent à modérer le prix des services bancaires en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Dans l’esprit du mécanisme que le Gouvernement avait fait voter dans la loi de régulation économique des outre-mer en matière de contrôle des prix des produits de consommation courante, cet amendement institue une négociation annuelle sur les tarifs bancaires. En cas d’échec de la négociation, le haut-commissaire fixera chaque année les tarifs par arrêté. Les articles 12, 13 et 24 permettent de mieux lutter, désormais, contre l’orpaillage clandestin et la pêche illégale en Guyane. L’article 28 habilite le conseil régional de la Martinique à fixer des règles spécifiques en matière de transports intérieurs.
Il n’est pas d’usage, pour le Gouvernement, d’amender un texte sur lequel la commission mixte paritaire s’est accordée. Pour autant, le Gouvernement vous soumet aujourd’hui deux amendements, qui ont été évoqués par le rapporteur.
Le premier répond, si je puis dire, à une demande pressante de la commission mixte paritaire. Une disposition du projet de loi ordinaire procédait à la ratification partielle d’un décret approuvant un projet de délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy relatif aux dispositions et aux sanctions pénales du code de l’environnement de cette collectivité. Or, entre-temps, cette délibération avait été abrogée par une nouvelle délibération. La reprise intégrale de la nouvelle délibération dans le projet de loi paraissant difficilement envisageable, il a été suggéré au Gouvernement de demander au Parlement d’être habilité à prendre, par ordonnance, les mesures nécessaires en la matière. Cet amendement vous sera soumis dans quelques instants, mesdames, messieurs les députés.
Le second amendement vise à supprimer une redondance dans notre droit qui ne s’est révélée que postérieurement à l’examen du projet de loi ordinaire. En faisant encore référence à une disposition abrogée par l’article 15 du projet de loi ordinaire, l’article L. 142-3 du code de la route était devenu inopérant. Le Gouvernement vous propose de tirer toutes les conséquences de ce que cet article a le même objet que l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure en procédant à son abrogation.
Mesdames, messieurs les députés, il y a quelques jours, le 11 octobre dernier, s’est tenu le onzième comité des signataires de l’accord de Nouméa, sous la présidence du Premier ministre. Y ont été présentés les deux textes adoptés par la commission mixte paritaire. Je puis vous dire que l’ensemble des partenaires calédoniens de l’État ont exprimé leur satisfaction devant le travail accompli au Parlement. Vous me permettrez, au nom du Gouvernement, de vous exprimer directement la même satisfaction.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, rares sont les occasions pour l’élue que je suis de pouvoir évoquer dans cet hémicycle l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. Je le ferai sur le présent texte, qui constitue la dixième réforme de la loi organique statutaire du 19 mars 1999.
Au-delà de ses aspects purement techniques, ce texte revêt une importance symbolique en ce qu’il s’inscrit, quinze ans après la signature de l’accord de Nouméa et vingt-cinq ans après les accords de Matignon, dans le prolongement d’une histoire parfois douloureuse et difficile.
Chacun sait combien les prochaines élections provinciales de 2014 représentent une échéance majeure. Les élus qui seront désignés par ce scrutin auront la lourde responsabilité soit d’engager le premier référendum pour l’accession à la pleine souveraineté, soit de trouver ensemble un consensus de sortie de l’accord de Nouméa afin d’éviter ce fameux référendum couperet, qui laisserait immanquablement des vainqueurs et des vaincus.
En vingt-cinq ans de paix, depuis ce jour où deux hommes que tout opposait, Jacques Lafleur et Jean Marie Tjibaou, ont eu le courage de se tendre la main, un long chemin a été parcouru. Et là même où le sang a coulé, nous avons partagé des choses, nous avons avancé ensemble vers la construction d’une Nouvelle-Calédonie enfin réconciliée avec elle-même.
Ce chemin, c’est celui du rééquilibrage, c’est celui de la formation des hommes et des femmes, c’est celui du développement économique, c’est celui du destin partagé ; mais c’est d’abord et avant tout celui de l’avenir.
Si en vingt-cinq ans les hommes et les femmes ont changé, il y a toujours pour les uns la revendication indépendantiste et, pour les autres, un attachement profond à la République. C’est à ce dernier groupe que j’appartiens. J’en fais partie car les valeurs de la République, nos valeurs, sont le ferment de notre histoire si singulière. Comment la Nouvelle-Calédonie pourrait-elle se passer de ces valeurs, les valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité ? Comment construire la Nouvelle-Calédonie si nous tournons le dos à ce qui constitue la pierre angulaire de toute société démocratique ?
Et la France ? La France, mes chers collègues, est généreuse : elle n’oublie pas ses outre-mer, y compris dans les moments difficiles. Il faut le reconnaître et le dire ici comme là-bas. Que serait aujourd’hui la Nouvelle-Calédonie sans la France ? Nos anciens l’avaient parfaitement compris. Kanaks comme Européens n’ont pas hésité à s’engager en 14-18 et en 39-45, au prix parfois du sacrifice suprême, pour défendre un pays qui était le leur. C’est notre histoire, c’est notre passé, mais c’est aussi notre avenir : là est tout l’enjeu de la période qui s’ouvre à nous.
Quel avenir ? La question est posée, elle est dans toutes les têtes. Sommes-nous prêts pour accéder à la pleine souveraineté ? Sommes-nous prêts pour trouver le chemin du consensus, explorer les voies juridiques qui nous permettront de demeurer dans la République ? Il nous faut parier sur la sagesse et sur la volonté des hommes et des femmes, mais aussi sur l’État, à la fois partenaire et garant des accords. Rien ne sera simple, parce que le défi qui nous est lancé, celui de bâtir la société calédonienne de demain, impose de sortir d’une logique de revanche. Ce défi impose de s’élever au-dessus des querelles partisanes, de mettre de côté ce qui nous divise pour grandir, pour converger vers un même but : instaurer durablement un destin partagé.
Mes chers collègues, comme vous l’avez compris, l’avenir de la Nouvelle-Calédonie est en jeu, la responsabilité des uns comme des autres sera grande, et je forme ici le voeu que la sagesse l’emporte.
J’en viens maintenant au fond des deux textes qui nous sont soumis. Les débats en première lecture ont été relativement consensuels, je vous l’accorde, monsieur le rapporteur, et ont permis d’enrichir les textes de façon importante. Je me félicite de l’adoption d’un certain nombre d’amendements que Philippe Gomes et moi-même avions déposés avec nos collègues du groupe UDI. L’Assemblée a ainsi su accueillir favorablement des propositions qui avaient pour la plupart fait l’objet d’un avis unanime du congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Le premier objectif du projet de loi organique est d’assurer un véritable accompagnement des autorités calédoniennes dans l’exercice de leurs nouvelles responsabilités. Il était en effet nécessaire, conformément à la demande du comité des signataires, de prendre en compte, concrètement, les derniers transferts de compétence effectués en Nouvelle-Calédonie. Le texte permet ainsi de clarifier les compétences des autorités calédoniennes et de leur reconnaître de nouvelles prérogatives. Il vise également à rénover le fonctionnement des institutions de la collectivité afin d’y renforcer la transparence et la sécurité juridique.
Le second objectif, qui constitue d’ailleurs à nos yeux le principal apport de ce texte, est le fait de permettre à la Nouvelle-Calédonie de créer des autorités administratives indépendantes locales dotées de toutes les prérogatives afférentes dans les domaines qui relèvent de sa compétence. Cette disposition a d’ailleurs été utilement complétée par notre assemblée puisque l’indépendance des membres des autorités administratives indépendantes a été renforcée.
En l’espèce, il s’agit surtout de pouvoir créer une autorité de la concurrence disposant d’un véritable pouvoir d’enquête et de sanction. La Nouvelle-Calédonie pourra ainsi mettre en oeuvre la loi dite anti-trust afin d’éviter qu’une concentration excessive dans certains secteurs d’activité ne conduise à réduire le pouvoir d’achat des Calédoniens. Ces dispositifs permettront de lutter plus efficacement contre la vie chère.
Par ailleurs, le projet de loi relatif aux outre-mer, au-delà de la ratification des huit ordonnances qu’il prévoyait initialement, a été enrichi de nombreuses dispositions. Je pense au nouvel article 17, qui répond aux aspirations de nos collègues polynésiens concernant le mode de scrutin applicable en Polynésie aux communes associées. Nous nous félicitons également que notre assemblée ait pris l’initiative d’encadrer les tarifs bancaires en Nouvelle-Calédonie où, rappelons-le, ils sont deux à dix fois plus élevés qu’en métropole. Je veux enfin revenir sur l’engagement pris par le Gouvernement d’habiliter par ordonnance les policiers municipaux à verbaliser l’ivresse publique. Dans nos territoires où la délinquance progresse sur fond d’addiction à l’alcool et au cannabis, il y a une véritable urgence à agir pour conforter le pouvoir de police des maires.
À ce propos, monsieur le ministre, je compte sur vous pour que cette ordonnance spécifie de manière claire ce qu’est l’ivresse publique, afin qu’aucune confusion ne soit possible dans son interprétation.
Les deux textes sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer sont donc à la fois utiles et nécessaires, tant pour la Nouvelle-Calédonie que pour l’ensemble de l’outre-mer. C’est pourquoi les députés du groupe UDI vous apporteront leur soutien lors de ce vote.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous avons beaucoup de choses à apprendre de la Nouvelle-Calédonie et des outre-mer. J’en suis d’autant plus persuadé que, jusqu’à un passé proche, la France métropolitaine était persuadée d’avoir beaucoup à apprendre aux populations d’outre-mer. Je crois qu’il est temps de comprendre qu’il faut en grande partie inverser ce schéma.
Ce projet de loi considère nos outre-mer dans leur originalité. Ces territoires sont dynamiques, avec une richesse de vie et des spécificités locales qui sont des atouts majeurs pour diversifier leur économie, créer des emplois stables et de qualité, mais ils doivent encore trouver leur voie au sein ou en dehors de la République – c’est à eux d’en décider collectivement, dans le cadre d’un processus démocratique.
Ces territoires doivent également, à terme, constituer de véritables pôles d’excellence dans les domaines de la biodiversité et des énergies renouvelables. Il leur faut également conserver la perspective d’un changement de modèle de développement pour sortir d’un système linéaire et comportant trop de relents coloniaux. Ils doivent entrer dans une économie plus circulaire, recentrée sur la préservation de leurs ressources riches et abondantes. Le tourisme est aussi une réelle opportunité s’il s’appuie sur un véritable développement local. De ce point de vue, la loi relative à la régulation économique outre-mer allait dans le bon sens.
Cependant, les territoires d’outre-mer doivent bénéficier de marges de manoeuvre plus importantes pour continuer leur développement. Il faut casser certaines positions dominantes, hégémoniques, et permettre une régulation et un contrôle des marchés plus efficaces. Il est capital d’assurer la concurrence dans les outre-mer pour revenir à des prix raisonnables. De même, parler de contrôle, c’est aussi s’assurer que chaque opérateur économique n’exerce pas son activité de façon anarchique et nuisible pour l’environnement, pour le pacte social et pour la santé, ou en dehors de toute règle morale. Je pense plus particulièrement à l’orpaillage illégal, véritable fléau, notamment en Guyane.
L’un des amendements que nous avions défendus et fait adopter avec mon collègue François-Michel Lambert consistait notamment à lever une ambiguïté en précisant que l’interdiction de la détention de mercure est absolue et qu’aucun délai, ne serait-ce que d’un mois, ne peut être prévu. Nous regrettons le revirement de la commission mixte paritaire sur ce point, car on ne peut plus laisser le champ libre aux destructeurs de nos territoires, en Guyane en particulier, à savoir aux sociétés qui, dans le cadre de leurs activités minières, fournissent des études d’impact sur l’environnement falsifiées.
Nous nous félicitons toutefois du maintien de l’article 7 ter que nous avons introduit dans le texte afin que les associations agréées de protection de l’environnement soient associées à l’élaboration du schéma d’aménagement régional, lequel fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement.
En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, je note que la République a su faire preuve d’originalité, voire d’audace, pour prendre en compte les spécificités de ce territoire. Parmi elles, on peut citer l’insularité, un riche sous-sol, une position géographique dans l’hémisphère austral, à vingt heures d’avion de la métropole et, bien évidemment, sa culture, nourrie de nombreuses langues autochtones. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie est un territoire en pleine expansion économique, grâce notamment aux ressources minières et au tourisme, ce qui lui permet de rivaliser avec son voisin, la Nouvelle-Zélande.
Mais la principale originalité de ce territoire est à mes yeux son organisation administrative et politique. Tout en maintenant la Nouvelle-Calédonie au sein de la République, l’accord de Nouméa repose sur la double légitimité reconnue, d’une part, à la population kanake – c’est la légitimité des premiers occupants – et, d’autre part, aux autres communautés, au titre de leur participation à la construction de la Nouvelle-Calédonie. On peut même dire qu’il existe une triple citoyenneté : calédonienne, française et européenne.
Ensuite, l’organisation territoriale mise en place en 1989 et confirmée par le statut de 1999 est totalement différente de ce que l’on trouve en métropole. Elle repose sur un fédéralisme dit asymétrique. Quel contraste saisissant avec notre discussion sur la loi créant les métropoles, aux termes de laquelle la notion d’organisation doit être la même partout sur le territoire métropolitain, excepté peut-être pour Lyon.
Il semblerait donc que ce qui est bon pour les collectivités d’outre-mer et la Corse ne le soit pas pour la France métropolitaine. Par exemple, en métropole, une expérimentation quelconque doit être généralisée au bout de cinq ans à tout le territoire – il s’agit d’une disposition constitutionnelle qui empêche toute décentralisation différenciée. Il est pourtant évident que les problèmes ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre. Quand la Bretagne demande la gestion de l’eau, c’est évidemment pour juguler les algues vertes. Je pourrais également vous parler des langues régionales ou encore d’économie, au vu de la crise qui secoue notre région et du peu de moyens pour répondre dont dispose notre conseil régional. Si l’on peut se féliciter de la prise de conscience par le Premier ministre des difficultés de l’économie bretonne et de sa volonté d’action, notamment dans le domaine de l’agroalimentaire, il est assez paradoxal que ce soit le pouvoir central qui doive intervenir, même pour régler des problèmes de police. Les pouvoirs locaux sont faibles et ne peuvent agir eux-mêmes.
La prise en compte des différences, c’est tout simplement la prise en compte de la réalité. Loin d’affaiblir notre pays, cela le rend plus adaptable, plus efficace, plus démocratique. Cela nous permet de perdre moins de temps dans des procédures administratives complexes qui nécessitent parfois de réunir cinq ou six acteurs alors que deux suffiraient. Ce serait un véritable gain d’efficacité pour notre administration et, à mon sens, nous engagerions tout un pan, inexploré pour l’instant, du choc de simplification, par exemple en allégeant notre millefeuille institutionnel.
Vous l’aurez donc compris, tout comme celui sur les mesures relatives à l’outre-mer, nous voterons ce projet de loi, issu de la commission mixte paritaire, qui vise à parfaire les transferts de compétences déjà effectués ou qui le seront prochainement à la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, cette collectivité aura le droit de créer des autorités administratives indépendantes dans les domaines qui relèvent de sa compétence, qui pourront déroger aux dispositions en vigueur. Le président de l’assemblée de province disposera de pouvoirs de police dans le domaine des infrastructures de circulation. Un ensemble de dispositions techniques, avec le renforcement du rôle du président et des différentes assemblées, vise des domaines variés, comme l’enseignement ou le droit commercial. Il sera également possible de voter des lois de pays.
Nous accompagnons de nos voeux cette dévolution au profit de la Nouvelle-Calédonie. Nous saluons cette ouverture que la République sait mettre en place pour le bien des populations d’outre-mer. La République sait être ouverte ; on ne peut que regretter qu’elle fasse parfois la sourde oreille aux demandes légitimes de ses peuples de France métropolitaine qui n’ont même pas le droit d’être reconnus comme des minorités.
La République ne s’affaiblit pas en écoutant les demandes légitimes des populations ; au contraire, elle fait ainsi oeuvre de cohésion politique et sociale. La Nouvelle-Calédonie et plus généralement l’ensemble des collectivités d’outre-mer sont pour nous une source d’inspiration et un laboratoire d’expérimentation. Comme elle, nous voulons vivre, travailler et décider au pays !
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ici, non parce que l’exemple calédonien m’inspirerait pour quelque raison d’ordre géographique ou liée à mes origines, mais parce que je suis le représentant de permanence pour mon groupe. Cela dit, il ne me déplaît pas d’intervenir dans ce débat, d’abord pour remarquer que, un quart de siècle après des événements violents et douloureux qui ont, en leur temps, interpellé l’opinion publique nationale et même, dans une certaine mesure, internationale, sans oublier les médias et le gouvernement de l’époque, nous mesurons cet après-midi, par la sérénité de nos débats – je n’ai pas dit le silence assourdi –, le chemin parcouru à propos de la Nouvelle-Calédonie.
Dix ans après les accords de Matignon qui ont fait suite aux événements douloureux de 1988, l’accord de Nouméa a donné un nouveau délai. Aujourd’hui, nous devons actualiser la loi organique rendue nécessaire par les révisions constitutionnelles opérées. Ce qui a été décidé il y a déjà vingt-cinq ans, c’est d’organiser sereinement les choix d’un territoire et de sa population sur la question de savoir s’il faut s’orienter vers l’accession à un statut de souveraineté pleine et entière ou maintenir un lien très fort, organique et institutionnel, entre ce territoire à la fois lointain et si proche et la République française, dont, jusqu’à choix contraire, il fait partie.
L’appartenance à une grande nation ne se réduit pas à un simple choix binaire, à savoir en être ou ne pas en être. Il faut bien admettre aujourd’hui, même si cela n’est pas tout à fait conforme à une certaine interprétation – d’ailleurs erronée – de la tradition française, qu’il n’y a pas qu’une seule manière d’être français. Notre pays est très vaste et pluriculturel ; il permet aux cultures, aux langues et aux civilisations de s’épanouir à égalité. Il apparaîtra peut-être, dans un avenir proche, qu’il ne faut pas, sauf à séparer à nouveau le peuple de ce territoire en deux parties nécessairement inégales, choisir complètement. Peut-être faut-il faire perdurer des consensus qui ne soient ni le statu quo ni l’obligation de choisir purement et simplement entre la France et l’indépendance. Dans cette attente, la loi organique est actualisée et amendée dans un sens qui paraît, au moins sur les bancs de cette assemblée, faire consensus, sur les sujets dont nous avons à traiter.
Je voudrais rappeler que l’affaire de la Nouvelle-Calédonie n’est pas seulement celle de son territoire ; elle est aussi l’occasion de s’interroger sur ce qu’est la France aujourd’hui. Qu’il me soit permis, à cet égard, de souligner que l’immense archipel français, qui s’étend à l’Amérique du Nord et du Sud, à l’océan Indien et au Pacifique, fait de la France, dans sa diversité, la seconde puissance maritime du monde. Si l’on pousse mécaniquement les travaux et les revendications que nous mettons en oeuvre dans le cadre du programme Extraplac sur les extensions du plateau continental, nous pourrions même, dans les années qui viennent, devenir la première, devant les États-Unis d’Amérique. Cet espace et la richesse potentielle qu’il représente font que notre pays trouvera peut-être pour partie son avenir dans les confins de l’archipel tout autant, voire plus, que dans la métropole. Une heureuse conjonction de circonstances fait d’ailleurs que nous avons reçu il y a quelques jours, à Marseille puis à Ajaccio, le troisième congrès international des aires marines protégées, avec des représentants des principales nations maritimes du monde, parmi lesquels figuraient ceux de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
L’avenir de la France, disais-je, se situe peut-être autant dans ce vaste espace maritime que dans le périmètre relativement étroit de la métropole hexagonale. Ne pensons donc pas que le choix qui sera fait en Nouvelle-Calédonie n’a d’intérêt que pour les citoyens de ce territoire ; il concerne l’ensemble de l’immense espace de la République et il va de soi que le groupe RRDP, au sein duquel l’outre-mer est très largement et fort bien représenté, soutiendra le projet présenté.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, le 5 mai 1998, sous l’autorité de Lionel Jospin, l’État français et la Nouvelle-Calédonie signaient l’accord de Nouméa, mettant ainsi fin à un certain nombre d’années d’instabilité en Nouvelle-Calédonie pour plusieurs décennies d’apaisement.
En prévoyant de transférer progressivement les compétences de l’État français à la Nouvelle-Calédonie, en dehors des domaines régaliens de la défense, de la sécurité, de la justice et de la monnaie, cet accord a constitué une date majeure dans l’histoire de la France post-coloniale. Il a en effet permis à la fois de reconnaître l’existence et la légitimité de toutes les composantes de la population néo-calédonienne, dans la perspective de recréer un vivre-ensemble qu’il convient de célébrer, mais aussi de préparer sereinement les négociations pour un référendum d’autodétermination dont la date doit encore être fixée mais qui devra se tenir entre 2014 et 2018. À cette fin, le transfert de responsabilités vers les instances néo-calédoniennes permet à la Nouvelle-Calédonie d’être accompagnée progressivement dans l’apprentissage de ces nouvelles compétences qu’elle sera peut-être amenée demain, si sa population le veut, à exercer pleinement.
Dans cette optique, ce projet de loi organique devrait apporter la dixième modification à la loi organique de 1999. Il vise à favoriser le développement de nouvelles autorités administratives indépendantes dans les domaines de compétences de la Nouvelle-Calédonie. Ces autorités se verront confier les moyens juridiques nécessaires pour assumer ces nouvelles missions. À cela s’ajoutent diverses dispositions venant modifier l’ordonnancement juridique néo-calédonien pour en renforcer la cohérence interne comme avec le droit commun français.
Cette démarche consensuelle est une victoire pour les outre-mer et pour la France. Elle prouve que des relations choisies peuvent exister entre une ancienne puissance colonisatrice et les territoires qu’elle a colonisés. C’est une leçon pour tous ceux qui se laissent aller à des visions trop simplistes du monde et du fait colonial.
Nous savons aujourd’hui que les outre-mer sont une richesse pour la France, une richesse économique, culturelle, politique, intellectuelle ou encore historique. La République l’a appris, même si elle a mis du temps, mais le mauvais élève n’est pas celui qui apprend lentement, c’est celui qui n’apprend pas. Elle a compris qu’elle ne se limitait pas à un hexagone parfaitement tracé mais que ses racines baignaient dans quatre océans.
La République est une et indivisible mais elle n’est pas monolithique. Intelligemment, elle change de couleurs selon les circonstances sans pour autant changer de nature. C’est pour cette raison que notre Constitution reconnaît aux collectivités et aux départements d’outre-mer diverses dérogations et habilitations spécifiques. C’est ce que nous voyons aujourd’hui dans ce projet de loi organique.
C’est ce que nous pouvons voir également, à un moindre niveau, dans le projet de loi simple que nous examinons également et qui adapte le droit national à diverses situations locales problématiques. Il en va ainsi de la lutte contre l’orpaillage et la pêche illégale en Guyane. Nous avions des dispositions de droit qui, si elles se comprennent parfaitement sur le plan national, étaient inefficaces au niveau local. De même, l’habilitation accordée à la Martinique pour adapter le droit en matière de transports lui permettra de tenir compte aux mieux de ses réalités territoriales et sociales. Cette procédure d’habilitation, extrêmement encadrée, est un outil de développement des territoires ultramarins. Je ne peux que regretter qu’il ne trouve pas à s’appliquer à La Réunion et je souhaite que nous ayons au cours de cette mandature l’opportunité de corriger cette injustice.
En somme, chers collègues, le groupe socialiste se félicite qu’un vrai travail ait permis au Gouvernement de tenir compte des réalités ultramarines. Ce travail, réalisé dans le respect mutuel et l’attachement aux principes républicains, trouve aujourd’hui une incarnation dans ces deux textes. Pour cette raison, le groupe socialiste les votera.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, deux projets de loi, l’un organique, portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et un second, ordinaire, portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, nous sont à nouveau soumis aujourd’hui en discussion commune, suite à leur adoption à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale comme au Sénat, puis en commission mixte paritaire. C’est dire si l’outre-mer nous pousse à un esprit de consensus peu commun à tous nos débats.
Concrètement, que contiennent les deux textes ?
Le projet de loi ordinaire prévoit, pour l’essentiel, la ratification de huit ordonnances. Et puis, par un effet d’aubaine bien connu, un véhicule législatif adapté se présentant, nous nous sommes livrés à quelques ajouts utiles.
Initialement, le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat était constitué d’un article unique. Désormais, tel que nous nous apprêtons à le voter, il en compte trente-quatre…
Nous avions particulièrement salué, lors de notre examen en première lecture, parmi les modifications apportées par la commission des lois de l’Assemblée nationale, l’article 12, qui renforce les outils répressifs de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane.
Certaines dispositions ont néanmoins été supprimées par la commission mixte paritaire, comme l’article 6 bis relatif à la ratification partielle d’un projet d’acte relatif aux dispositions et sanctions pénales du code de l’environnement de Saint-Barthélemy. Le Gouvernement va présenter un amendement à ce sujet qui lui permettra de régler la question par voie d’ordonnance, n’est-ce pas, monsieur le ministre ?
L’article 10 quinquies a lui aussi été supprimé en CMP. Il tendait à étendre à la Nouvelle-Calédonie certaines dispositions de la loi du 12 avril 2000 relatives aux règles applicables aux associations ayant perçu des subventions des communes.
Les deux rapporteurs, Catherine Tasca et René Dosière, ont estimé que ces dispositions existaient déjà au sein du code des communes de la Nouvelle-Calédonie. La rédaction est-elle cependant la même dans les deux codes ? Qu’aurait changé le maintien de l’article 10 quinquies ? Le rapporteur et le Gouvernement peuvent-ils nous éclairer sur ce point ?
S’agissant du projet de loi organique, et conformément aux souhaits émis par le dixième comité des signataires de décembre 2012, la loi organique confère au président du gouvernement de Nouvelle-Calédonie un pouvoir de police administrative spécial, destiné à mettre en oeuvre des compétences déjà transférées ou qui vont l’être.
D’autre part, mesure à la fois symbolique et innovante du projet de loi, il est prévu que la Nouvelle-Calédonie puisse, de son propre chef, créer des autorités administratives indépendantes relevant de son champ de compétence, via des lois de pays.
Dans l’immédiat, il s’agit de permettre à la Nouvelle-Calédonie, qui a connu en 2013 des tensions sociales fortes et une grève générale, de mettre en place une autorité administrative indépendante chargée de la concurrence.
À ce titre, le récent rapport d’information de la commission des lois, présenté par le président Jean-Jacques Urvoas, René Dosière et Dominique Bussereau, a utilement rappelé la problématique de la « vie chère » en Nouvelle-Calédonie et sa dure réalité : le niveau moyen des prix en Nouvelle-Calédonie est supérieur de plus d’un tiers à celui constaté dans l’Hexagone et même de 65 % pour les produits alimentaires.
Le projet de loi organique a aussi été pour nous l’occasion de rappeler notre attachement à la Nouvelle-Calédonie et de faire utilement le point, quinze ans après la signature de l’accord de Nouméa, sur les enjeux institutionnels qui se posent pour ce territoire, dès 2014.
Espérons que le consensus qui a dominé ces débats, somme toute assez techniques, prévaudra aussi dans les futures discussions que nous mènerons sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie à un niveau national. Bien sûr, le Groupe UMP votera à nouveau ces deux textes.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes appelés à adopter aujourd’hui le texte relatif à la Nouvelle-Calédonie et les diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Ces textes ne sont pas spectaculaires mais ils sont le fruit d’un travail d’orfèvre qui manifeste la confiance de la Nation et du Gouvernement dans la capacité du territoire à poursuivre avec intelligence dans la voie qu’il a empruntée pour construire l’avenir commun que tous ici nous lui souhaitons. Représentant moi-même un département, Mayotte, qui, au moment où la Nouvelle-Calédonie s’engageait sur ce chemin, suivait lui-même la direction opposée, ayant été moi-même acteur ces quinze dernières années de ce mouvement, c’est avec beaucoup d’humilité et de respect que j’observe la situation de ce territoire.
Laissons de côté les aspects institutionnels qui font l’objet d’un large consensus du comité local. Je voudrais tout d’abord souligner les dispositions qui ont trait à la juste préoccupation de garantir le cadre d’une transparence financière et budgétaire et les règles de contrôle des actes par les juridictions financières appropriées car il s’agit là d’une règle républicaine qui ne peut souffrir d’aucune exception, quel que soit le statut des territoires concernés.
Il s’agit là de mesures de bonne gestion au quotidien que nous ne devons pas oublier, surtout dans le contexte financier contraint que la nation traverse. Il était également nécessaire de prendre en compte les difficultés liées au coût de la vie, qui concernent l’ensemble de nos collectivités d’outre-mer, en particulier la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie. Nous n’avions pas eu l’occasion de nous saisir de ce problème quand nous avons voté ici la loi sur la vie chère, mais ce sujet vous préoccupait déjà. Là encore, il s’agit d’un combat de tous les jours, qui dépasse les textes que nous votons ici. Le ministre nous rappelle d’ailleurs régulièrement que c’est l’action de l’ensemble des acteurs concernés par ces problèmes, y compris bancaires, qui permettra d’atteindre nos objectifs et de modérer les prix dans nos collectivités. Les mesures que vous mettrez en place chez vous pourront nous servir d’exemple à ce titre.
Le projet de loi ordinaire offre à l’ensemble des autres collectivités d’outre-mer l’occasion de prendre en compte nombre de nos préoccupations.
Je voudrais ainsi saluer le travail extrêmement précis réalisé en Guyane pour faire face aux activités irrégulières, voire criminelles, des orpailleurs clandestins et pour lutter contre la pêche irrégulière. Je suis attentif à ce dernier point qui est susceptible de nous intéresser dans le département de Mayotte où la réglementation de la pêche va s’accentuer dans la perspective de la « rupéïsation » – le passage au statut de région ultrapériphérique – du territoire.
Je voudrais également dire aux dirigeants de la Martinique que de nombreuses collectivités d’outre-mer seront attentives à l’usage qu’ils feront de l’habilitation Transport. Nous nous plaignons souvent de la nécessité d’adapter certains textes à nos réalités, mais nous ne faisons pas toujours pleinement usage des possibilités d’habilitation d’ores et déjà offertes par la Constitution. Mayotte, où la situation des transports ressemble à s’y méprendre à celle de la Martinique, sera particulièrement attentive aux leçons qu’elle pourrait tirer.
Je ne saurai conclure sans souligner les avancées concernant mon département, comme la nécessité de renforcer le service d’incendie et de secours ou l’intercommunalité dont nos communes ont besoin – l’actualité concernant le syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte en atteste, ou encore les dispositions pour renforcer la mise en oeuvre de la départementalisation à l’heure où les décrets relatifs à la fonction publique viennent de sortir.
C’est donc avec enthousiasme que nous allons voter en faveur des dispositions proposées par ces textes.
Applaudissements sur tous les bancs.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi organique d’actualisation de la loi du 19 mars 1999 s’inscrit dans le cadre de l’accord de Nouméa du 5 mai 1998, lequel définit pour vingt ans l’organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et les modalités de son émancipation. Il vise à moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie et à traduire les demandes exprimées unanimement en 2012 lors du dixième comité des signataires de l’accord de Nouméa. En ce sens, il constitue indéniablement une étape obligée d’un processus engagé depuis vingt-cinq ans.
Cette loi organique permettra de rendre effectifs les derniers transferts de compétence en dotant les institutions locales d’instruments de gouvernance efficaces, tant en matière budgétaire que financière, et l’on ne peut que s’en réjouir. Elle crée ainsi des autorités administratives indépendantes calédoniennes, à qui pourront être confiées des prérogatives d’ordre réglementaire accompagnées de pouvoirs de sanction et d’investigation. Ces autorités bénéficieront de moyens affectés localement et auront la possibilité de s’associer, au moyen de conventions, avec les autorités administratives indépendantes nationales afin de conduire leurs missions.
La traduction immédiate de ces dispositions passera par la mise en place d’une véritable autorité de la concurrence permettant d’accroître la lutte contre la vie chère, qui est incontestablement un mal récurrent dans l’ensemble des outre-mer et qui a été à l’origine de larges mouvements de contestation dans la population. Cette autorité nouvelle permettra la mise en oeuvre de la loi dite « antitrusts », et évitera ainsi qu’une concentration excessive dans certains secteurs d’activité ne porte gravement atteinte au pouvoir d’achat des citoyens calédoniens.
En outre, ce projet de loi clarifie les compétences de la Nouvelle-Calédonie et, plus précisément, celles du Congrès. Il améliore le fonctionnement des institutions calédoniennes et comporte des dispositions techniques relatives à l’actualisation des règles administratives et financières, dans le respect – c’est là un point essentiel – de l’équilibre de l’accord de Nouméa. Voilà pourquoi les députés du groupe GDR soutiennent ce texte qui constitue une étape cruciale de l’évolution du statut de la Nouvelle-Calédonie.
S’agissant du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, je tiens à saluer une fois de plus les dispositions relatives à la lutte contre le pillage des ressources guyanaises et, à cet égard, je remercie l’ensemble des collègues qui, par leurs propos, ont témoigné d’une véritable solidarité face à ce fléau.
Ces ressources, qu’elles soient halieutiques ou minérales, ont de tout temps été l’objet de convoitises, en particulier de la part d’États voisins. Cela se traduit aujourd’hui par un pillage systématique des ressources guyanaises, alors même que la population locale souffre d’un retard de développement économique et social par comparaison avec les standards de la France hexagonale. Les dispositifs qui ont été mis en place pour remédier à ce phénomène ont produit des effets qui, à long terme, sont très mitigés – je pense notamment aux fameuses opérations Harpie.
Voilà pourquoi je me réjouis des dispositions relatives à la Guyane qui, je l’espère, permettront une répression accrue, longtemps attendue par les populations locales et les acteurs économiques qui travaillent dans la légalité. Ces dispositions sont particulièrement nécessaires en matière de lutte contre l’orpaillage illégal qui reste, alors même que les élus guyanais se battent depuis des décennies sur ce sujet, l’un des fléaux les plus dévastateurs aux plans écologique, économique et social. En effet, l’industrie minière souterraine est toujours mieux formée et mieux informée, et donc plus difficile à appréhender. On recense ainsi plus de 15 000 garimpeiros, ces orpailleurs clandestins venus majoritairement du Brésil qui agissent sur pas moins de 700 sites illégaux d’exploitation aurifère. Ils participent largement à la criminalité locale. C’est ainsi que la Guyane, avec 10,2 homicides annuels pour 100 000 habitants, est la région française qui présente le bilan le plus inquiétant en matière de délinquance et de criminalité – sans que l’opinion publique ne s’en préoccupe outre mesure.
Les quelque 700 sites clandestins qui produisent un chiffre d’affaires annuel estimé à 405 millions d’euros, soit l’équivalent du budget annuel de la région Guyane, sont le théâtre d’un scénario insupportable où se mêlent la destruction massive du biome amazonien et le déversement de mercure et de cyanure dans les cours d’eau dont dépendent les populations riveraines amérindiennes et bushinengués, et cela produit souvent un climat social extrêmement dégradé.
Dans ces conditions, nous ne pouvons que saluer l’instauration par ce projet de loi d’un cadre de répression plus efficace à l’égard de ces pratiques illicites. Ainsi, l’article 12 prévoyant la mise en place d’un régime de déclaration préalable à la détention de certains matériels à destination exclusive des carrières aurifères permettra de mieux contrôler cette activité, qu’elle soit légale ou illégale. La peine d’emprisonnement de deux ans et l’amende de 30 000 euros prévues par cet article semblent tout à fait adaptées pour entraîner le tarissement de l’approvisionnement des sites illégaux en matériels indispensables à leur survie. Quant à l’article 24, il crée le délit d’exploitation d’une mine ou de disposition d’une substance concessible sans titre d’exploitation ou autorisation et commis en bande organisée, et renforce ainsi l’arsenal répressif au service de la lutte contre les orpailleurs clandestins, parallèlement au délit de possession d’or natif de Guyane. Enfin, l’article 13 modifiant le code rural et de la pêche maritime permettra de faire encourir aux pêcheurs clandestins une sanction dès la commission d’une infraction en instaurant une mesure conservatoire spécifique, particulièrement adaptée à la situation guyanaise.
Si nous saluons les dispositions contenues dans ce projet de loi, nous ne pouvons toutefois pas faire l’économie d’un rappel quant à l’impérieuse nécessité d’appréhender la lutte contre le pillage des ressources guyanaises à travers la coopération interrégionale. Déjà largement enclenchée en matière de lutte contre le pillage des ressources halieutiques, cette coopération fait encore cruellement défaut pour ce qui concerne la lutte contre le pillage des ressources minières. J’espère donc que l’avancée promise par ce texte ne constitue qu’un premier pas vers une solution pérenne qui devrait être trouvée lors de la refonte du droit minier.
Ceci étant dit, les députés de la Gauche démocrate et républicaine, comme en première lecture, soutiendront ces textes sans aucune réserve en y apportant un vote tout à fait favorable.
Applaudissements sur tous les bancs.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.
L’ensemble du projet de loi organique est adopté.
J’appelle maintenant le texte de la commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.
Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement no 1.
Cet amendement a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute disposition législative de nature pénale et de procédure pénale permettant de rendre effective la répression des infractions à la réglementation en matière de protection de l’environnement de la collectivité de Saint-Barthélemy.
Le texte initial du Gouvernement prévoyait de valider une délibération de la collectivité de Saint-Barthélemy, laquelle a justement retiré d’elle-même ladite délibération. Il n’y avait donc plus de sens à prévoir la validation d’une délibération inexistante. C’est pourquoi j’ai proposé en commission mixte paritaire la suppression pure et simple de l’article, mais nos collègues sénateurs ont objecté qu’il en résulterait un vide juridique concernant les atteintes à l’environnement et à l’urbanisme à Saint-Barthélemy, et ont proposé d’insérer dans la loi ordinaire le contenu de la délibération retirée dans son ensemble, ce qui aurait ajouté quelque quatre ou cinq pages au texte final et aurait été excessif. Il nous a donc paru préférable que le Gouvernement prenne les mesures visées par ordonnance, d’où la demande unanime qui lui a été faite par la commission mixte paritaire de déposer cet amendement – puisque les parlementaires n’ont naturellement pas la possibilité constitutionnelle de proposer directement que le Gouvernement légifère par ordonnance. En clair, la commission est tout à fait favorable à cet amendement.
L’amendement no 1 est adopté.
L’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure et l’article 4 de l’ordonnance no 98-728 du 20 août 1998 ont un objet identique, à savoir le périmètre du pouvoir de constatation des policiers municipaux. L’article 15, dans sa rédaction actuelle, supprime donc cette redondance en abrogeant l’article 4 de l’ordonnance de 1998.
En faisant encore référence à cette disposition, l’article L. 142-3 du code de la route est devenu inopérant. Recouvrant par ailleurs le même objet que l’article L. 511-1 du code de la sécurité intérieure, il convient de procéder à son abrogation.
La commission a émis un avis favorable à cet amendement de coordination et de précision rédactionnelle.
L’article 10 quinquies a été supprimé, au motif que la rédaction de la disposition était la même dans les deux codes concernés. Son maintien aurait-il changé quelque chose ?
Vous pouvez avoir toute confiance quant au contenu de l’ordonnance qui sera prise concernant Saint-Barthélemy, puisque les sanctions prévues en matière d’environnement et d’urbanisme seront pleinement validées, comme le souhaite la collectivité. C’était précisément l’objet de l’amendement précédent qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.
L’amendement no 2 est adopté.
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire, modifié par les amendements adoptés par l’Assemblée.
L’ensemble du projet de loi est adopté.
Je tiens à remercier l’ensemble des participants à ce débat pour l’esprit dans lequel se sont déroulés nos travaux. J’ai bien entendu le propos de M. Molac : en effet, les outre-mer peuvent être des laboratoires préfigurant ce qui pourrait se passer sur le territoire national, mais nous entrerions là dans un débat sur l’organisation administrative, la décentralisation institutionnelle et la liberté territoriale… Cela étant, il est vrai que les outre-mer peuvent parfois, et plus souvent qu’on ne le pense, être les précurseurs d’une France à la fois unitaire et décentralisée.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 20131UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93109CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (no 1461).
La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous voici au seuil de la discussion du dernier texte inscrit à l’ordre du jour de cette après-midi. Vous êtes conviés à examiner le projet de loi transposant la directive 20131UE du Conseil européen du 20 décembre 2012, relative aux modalités d’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen par les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Ce titre quelque peu aride recouvre en réalité une avancée pour quiconque souhaite se présenter aux élections européennes dans un État membre distinct de son pays d’origine. Le texte vise à assouplir les modalités de déclaration de candidature afin de faciliter les démarches administratives des candidats qui se présentent dans leur pays de résidence.
Je tiens à appeler votre attention sur le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi. Nous célébrerons demain le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, lequel, précisément, a introduit la notion de citoyenneté européenne, conçue non comme une substitution mais comme un complément venant prolonger la citoyenneté nationale. Elle comporte des droits nouveaux, dont celui de voter et de se présenter aux élections locales et européennes pour tout citoyen européen en son lieu de résidence. On doit pourtant constater que ces dispositions juridiques, vingt ans après, ne se sont pas pleinement traduites dans les faits. La participation des citoyens européens est faible et un trop petit nombre d’entre eux est inscrit sur les listes électorales. Les candidatures croisées sont plus rares encore.
Il serait bon que ce droit soit investi par les citoyens, afin de continuer à bâtir quotidiennement l’Europe, donner corps à la citoyenneté européenne et consolider notre appartenance au même espace européen. Si la réforme que nous allons examiner ensemble aujourd’hui peut paraître quelque peu technique, elle comporte aussi selon moi une réelle portée politique. En effet, le traité de fonctionnement de l’Union européenne et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaissent à chaque citoyen le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans le pays où il réside. La directive du Conseil du 6 décembre 1993 fixe les modalités de son exercice. Le présent projet de loi a pour objet de la transposer afin qu’elle produise ses effets dès les élections européennes du 25 mai prochain, ce qui suppose d’adapter plusieurs dispositions de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.
Lors des élections au Parlement européen en 2009, seuls quinze candidats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne distinct de la France se sont présentés sur les listes enregistrées en France. À l’échelle de l’Union européenne, quatre-vingt-un candidats se sont présentés dans un pays distinct de leur pays d’origine. Si ces chiffres marquent une progression par rapport au scrutin précédent, il va de soi qu’ils sont encore beaucoup trop faibles pour les Européens que nous sommes. La Commission européenne a fait part de son analyse à ce sujet, expliquant que la faible part de candidats non français résulte, au moins en partie, des difficultés rencontrées par les citoyens pour déposer leur candidature. En effet, selon les dispositions antérieures à la directive du 20 décembre 2012, le droit de l’Union européenne imposait aux candidats de présenter, lors du dépôt de leur candidature dans un État membre distinct de leur pays d’origine, une attestation de ses autorités administratives compétentes. Celles-ci devaient certifier que les candidats n’y étaient pas déchus de leur droit d’éligibilité ou qu’une telle déchéance n’était pas connue desdites autorités.
Cette disposition était prévue par la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Les candidats ont rencontré des difficultés pour identifier les autorités habilitées à leur délivrer de telles attestations ou pour obtenir une attestation en temps utile. Voilà ce qu’a constaté la Commission européenne. La directive du 20 décembre 2012 a donc supprimé une telle obligation. Elle a remplacé les attestations par une simple déclaration du candidat indiquant qu’il n’a pas été déchu, dans son pays d’origine, du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen. Tel est l’objet de l’article 2 du projet de loi. Il reviendra désormais aux autorités du pays de résidence de se rapprocher de celles du pays d’origine afin d’en obtenir les informations relatives à l’éligibilité du candidat. Les services disposeront d’un délai de cinq jours pour répondre à l’État membre concerné par la candidature.
Si aucune réponse n’est reçue à l’issue de ce délai, la candidature peut être enregistrée. Tel est l’objet de l’article 4 du projet de loi, que votre commission des lois a d’ailleurs enrichi en explicitant le délai alloué aux États pour échanger des informations. L’article 6, quant à lui, modifie le délai alloué au ministère de l’intérieur pour délivrer le récépissé définitif des déclarations de candidature. Il sera désormais de six jours, au lieu de quatre actuellement, de façon à laisser une marge de manoeuvre suffisante au ministère de l’intérieur pour la délivrance dudit récépissé. Les dispositions transposées par le projet de loi maintiennent par ailleurs un dispositif garantissant que seules des personnes effectivement éligibles exercent le mandat de représentant au Parlement européen. Il convient à cet égard de prévoir les conséquences de l’inéligibilité d’un candidat. Si celle-ci est avérée avant le scrutin, le projet de loi prévoit en son article 7 le retrait du candidat de la liste. Si un tel retrait intervient pendant la période de dépôt des candidatures, il demeure possible de compléter la liste. En revanche, si l’inéligibilité est découverte à l’issue de la période de dépôt des candidatures, la liste incomplète peut nonobstant se présenter aux élections.
Il faut également prévoir le cas d’une réponse des autorités du pays d’origine postérieure au scrutin. Si l’inéligibilité est découverte après l’élection, l’article 1er du projet de loi prévoit de mettre fin au mandat de la personne indûment élue. Votre commission des lois a d’ailleurs transposé cette disposition aux candidats de nationalité française et corrigé une lacune de la loi actuelle. Selon celle-ci en effet, la découverte de l’inéligibilité d’un élu de nationalité française après le délai de recours contre son élection ne permet nullement de la contester, de sorte qu’une personne inéligible peut siéger au Parlement européen ! Vous avez donc, mesdames et messieurs les membres de la commission des lois, corrigé une lacune du dispositif actuel et prévu qu’en pareil cas un décret vienne mettre fin au mandat illégitime.
Par ailleurs, afin d’adapter le calendrier électoral au nouveau dispositif, l’article 3 du projet de loi avance d’une semaine la période de dépôt des candidatures. Elles seront désormais déposées au plus tard le quatrième vendredi précédant le scrutin, au lieu du troisième auparavant. En revanche, la période de deux semaines actuellement prévue pour le dépôt des candidatures ne sera pas modifiée. Comme les nouvelles modalités de dépôt des candidatures ajoutent une étape à l’actuel processus administratif, il était nécessaire de prévoir une semaine supplémentaire entre la fin de la période de dépôt des candidatures et le début de la campagne électorale. Il s’agit de faire en sorte que la majorité des réponses des États membres parvienne à destination avant le début de la campagne officielle, fût-ce avec retard.
En fin de compte, le nouveau dispositif de contrôle des inéligibilités est issu d’une directive européenne et sera donc applicable dans chaque État membre de l’Union européenne dès les élections au Parlement européen de 2014. Ainsi, il facilitera les candidatures des ressortissants français dans les autres États membres de l’Union européenne dès que ceux-ci auront transposé le texte dans leur ordre juridique interne, au plus tard le 28 janvier 2014.
Bien entendu, je ne peux conclure un propos sur une disposition visant à améliorer l’exercice de la citoyenneté européenne sans aborder la première échéance qu’elle concernera, en l’espèce les élections européennes du mois de mai prochain. Je sais que vous êtes, comme nous, mobilisés sur le terrain pour les élections municipales du mois de mars. Mais vous savez tout comme moi qu’il est décisif que nos concitoyens se saisissent de notre projet européen afin qu’il soit mis en oeuvre dans leur intérêt. Aussi importe-t-il qu’ils expriment leur choix. Nous devons donc être pleinement mobilisés autour des enjeux européens afin de faire de la prochaine échéance européenne une réussite.
Par le vote du texte comme par votre présence aujourd’hui, vous entendez contribuer, mesdames et messieurs les députés, au renforcement de la citoyenneté européenne. Je ne doute pas qu’un tel projet vous tienne à coeur tout autant qu’il tient à coeur au Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pascal Popelin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.
Madame la présidente, mes chers collègues, M. le ministre a déjà dit tout ce qu’il convenait de dire mais, en tant que rapporteur, je ne puis faire autrement que de rapporter.
Sourires.
Je m’efforcerai donc de revenir aussi agréablement et brièvement que possible sur l’essentiel du texte dont nous débattons – un texte relatif à une matière réputée aride.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est surtout d’ordre technique et très limité dans son objet. Il n’en est pas moins utile, puisqu’il améliore la possibilité pour les citoyens européens résidant dans notre pays de se présenter à l’élection des représentants au Parlement de l’Union. En France, le cadre juridique de ce scrutin n’a pas connu de bouleversement majeur par rapport aux élections européennes de 2004 et de 2009. Le mode de désignation de nos représentants demeure identique. Les élections se dérouleront ainsi au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, avec un seuil ouvrant droit à représentation à compter de 5 % des suffrages exprimés. Par ailleurs, elles se tiendront dans le cadre des huit circonscriptions interrégionales déterminées par la loi du 11 avril 2003.
La loi du 16 mai 2011 a toutefois introduit une nouvelle disposition, elle aussi de portée limitée, permettant aux Français résidant à l’étranger de prendre part au vote dans les centres consulaires dédiés. Dans l’ensemble de l’Union, les règles électorales ont été l’objet d’un ajustement à la marge, que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a vocation à retranscrire dans le droit français. Cette nouveauté découle d’une directive européenne du 20 décembre 2012 qui tend à simplifier les candidatures des citoyens européens non nationaux.
Conformément aux dispositions du traité de Maastricht, tout ressortissant d’un État membre de l’Union peut en effet, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, voter et se présenter aux élections européennes dans un autre État membre – à condition qu’il y réside. Cette faculté s’est appliquée pour la première fois en France lors du scrutin de 1994. Elle exige toutefois que les non-nationaux souhaitant concourir soient en conformité avec les règles d’éligibilité de leur pays de résidence, mais aussi de leur État d’origine. Jusqu’à présent, le droit de l’Union imposait aux intéressés de fournir, au moment du dépôt de leur candidature, une attestation de leur État d’origine certifiant qu’ils ne sont pas déchus de leur droit d’éligibilité. Cette exigence avait été transposée dans le droit français par une modification introduite dans la loi du 7 juillet 1977.
Si, dans la pratique, de telles candidatures ne sont pas légion – nous avions les mêmes chiffres, monsieur le ministre : seuls 15 candidats en France et 81 candidats à l’échelle de l’Union relevaient de ce cas de figure en 2009 –, cette formalité s’est cependant révélée source de lourdeur et a parfois posé problème pour l’obtention desdites attestations en temps utiles. Les organisations juridiques et institutionnelles étant très variables d’un État membre à l’autre, des difficultés ont pu se poser en ce qui concerne l’identification de l’autorité habilitée à délivrer cette attestation. Certains États membres ont alors estimé que les documents produits par les candidats ne pouvaient être recevables.
La directive de 2012 vise donc à lever cet obstacle, en allégeant les formalités requises à l’égard des candidats qui souhaitent se présenter sur une liste en compétition dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité. Désormais, une simple déclaration rédigée par les intéressés sera exigée, et c’est l’État enregistrant la candidature qui sera chargé de vérifier l’exactitude et la sincérité de cette déclaration, auprès de l’État d’origine. À une obligation incombant au candidat, se substitue donc une obligation pesant sur l’État dans lequel il réside.
Pour pouvoir s’appliquer dès les prochaines élections européennes, cette directive doit être transposée en droit interne au plus tard le 28 janvier 2014. Tel est l’objet unique du présent projet de loi. Ce texte supprime l’obligation faite aux candidats de fournir une attestation produite par l’État dont ils sont originaires. Il définit également une procédure d’échange d’informations entre les États, et si l’État interrogé ne fournit pas à la France les éléments d’appréciation sollicités sur l’éligibilité du candidat, la candidature est enregistrée. Le doute profite donc à la candidature. Bien entendu, le texte prévoit les conséquences de l’inéligibilité du candidat lorsque celle-ci est révélée avant ou après le scrutin. Si elle est connue avant, elle entraîne le retrait du candidat. Lorsque ce retrait a lieu avant l’expiration du délai de dépôt des candidatures, la liste dispose de 48 heures pour se compléter. Si l’inéligibilité est découverte après le scrutin, il est mis fin au mandat par décret. Enfin, pour adapter le calendrier électoral à ce nouveau dispositif, le présent projet de loi avance d’une semaine la période de dépôt des candidatures, qui s’échelonnera du cinquième lundi au quatrième vendredi précédant le scrutin, soit, pour les prochaines élections européennes, du lundi 21 avril au vendredi 2 mai 2014.
Ayant examiné ce texte le 16 octobre dernier, la commission des lois l’a adopté en lui apportant, sur ma proposition, de légères modifications, en plus de quelques améliorations rédactionnelles. Elle a étendu aux ressortissants français la possibilité d’une déchéance par décret de leur mandat de député européen, dans l’hypothèse où leur inéligibilité aurait préexisté au scrutin, mais n’aurait été révélée que postérieurement à celui-ci. Un tel cas de figure est plutôt rare, mais on a vu, lors d’autres élections, qu’il pouvait se produire ; nous avons d’ailleurs introduit dans le code électoral la même disposition pour les élections des conseillers départementaux. Il s’agit d’éviter toute dissymétrie entre les candidats français et les candidats ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne. La commission des lois a également précisé le délai – en principe de cinq jours ouvrables – dans lequel l’État dont est ressortissant le candidat devra répondre à la demande des autorités françaises, afin de vérifier l’éligibilité de ce candidat.
C’est ce texte issu des travaux de la commission des lois que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous appelle à ratifier un projet de transposition d’une directive : une ratification sans conditions, sans débat, sans consultation du Parlement français ; en somme, la conséquence prétendument inéluctable d’une décision européenne. Pour autant, la technicité apparente de ce texte ne nous empêchera pas de poser le débat en des termes clairs. Il est fortement dommageable que nous ne puissions débattre des élections européennes qu’à l’occasion de l’examen d’un texte technique, un texte qui, convenons-en, ne modifiera pas substantiellement l’état de notre droit.
Pourtant, l’enjeu est de taille : après trente-quatre ans, le Parlement européen reste une institution largement méconnue, trop peu puissante, trop peu politique. Dans ces conditions, comment peut-on raisonnablement espérer que les électeurs croient en l’importance de leur bulletin de vote, alors même que les élections européennes répondent encore à une logique strictement nationale, et à des enjeux, des thématiques et des discours nationaux ? Le scrutin de 2014 aurait pourtant été l’occasion de faire un grand pas. Le choc de simplification, en France comme en Europe, n’aura pas eu lieu et la compréhension des citoyens européens risque d’en pâtir. Au lieu de réfléchir aux pistes vers une clarification du système, nous faisons perdurer la complexité. Cette complexité contribuera inexorablement à une opacité délétère pour l’image des institutions européennes.
La faculté donnée aux citoyens européens de se porter candidats dans d’autres pays que le leur est, de ce point de vue, une innovation majeure. Cette innovation permet sans nul doute d’accroître les échanges transfrontaliers, de renforcer le dialogue interculturel et de favoriser la naissance d’une conscience européenne. Cette innovation, nous nous devons de l’encourager, de la perfectionner et de la faire fructifier. Beaucoup reste à faire. En 2009, en France, seuls 15 candidats parmi des centaines provenaient d’un pays autre que la France. À l’échelle de l’Union européenne tout entière, seuls 81 candidats sur des milliers ont pris l’initiative de dépasser les frontières. À la veille du huitième scrutin européen de l’histoire, il est désolant que les élections européennes ne soient, au final, que la superposition de vingt-huit élections nationales.
Il est aujourd’hui nécessaire d’agir. Nous pouvons d’ores et déjà nous réjouir d’une première avancée : cette fois-ci au moins, la France n’a pas tardé à transposer une directive et s’est exécutée dans les délais. Cette célérité était certes dictée par l’agenda électoral, mais nous espérons qu’elle sera renouvelée à l’avenir, et que nous ne battrons pas de nouveaux records de retard dans la transposition des textes européens en droit français.
Venons en maintenant au fond du texte : la directive de décembre 2012 qu’il nous est proposé d’adopter, si elle ne modifie pas fondamentalement l’état du droit, n’en constitue pas moins une avancée notable. C’est un allégement salutaire des procédures qu’elle institue. Jusqu’à présent, chaque citoyen européen qui franchissait les frontières pour aller faire campagne dans un autre pays devait fournir une attestation délivrée par l’État d’origine prouvant qu’il n’y était pas déchu de son éligibilité. Cette lourdeur administrative n’incitait en aucun cas les citoyens impliqués dans la vie politique à se porter candidats dans d’autres États membres.
Il reviendra désormais aux États de résidence des candidats de s’assurer que ces derniers sont effectivement éligibles dans leur État d’origine, afin que leur candidature soit validée. La charge de la preuve étant renversée, cette fois au bénéfice du candidat, les citoyens européens pourront être davantage incités – ou, en tout cas, moins dissuadés – de se porter candidats hors des frontières de leur propre pays. Aujourd’hui, les choses en resteront là.
Bien entendu, plusieurs enjeux restent sans réponse. Le premier d’entre eux est le besoin urgent de redonner aux citoyens européens la volonté de s’investir dans le débat politique européen et français. Nous avons, mes chers collègues, une lourde responsabilité dans cette tâche, et les problèmes d’une Europe qui nous semble lointaine ne sont en fait que le reflet des propres maux qui affectent notre vie politique. Le second est le déficit démocratique, tangible ou allégué, qui se fait entendre au sein de la population, en France et partout ailleurs. La revalorisation du Parlement européen participera du renouveau démocratique de l’Europe. La famille centriste s’est toujours battue pour que la France milite en faveur d’un renforcement des prérogatives du Parlement européen. Malgré la combativité et l’énergie de ses membres, celui-ci n’a que très peu de moyens face à la Commission et aux États. Le traité de Lisbonne a certes amélioré cette situation, mais au prix d’efforts incommensurables et d’une défiance sans précédent des Européens envers leurs dirigeants.
Mesdames et messieurs les députés, la situation est critique. Le taux de participation des premières élections européennes en Croatie – 20,74 %, un comble pour un nouvel arrivant ! – en est la preuve cinglante. Le système institutionnel de l’Union européenne reste un inénarrable labyrinthe, tout aussi incompréhensible pour les Européens que pour leurs hommes politiques : Conseil de l’Union, Conseil européen, Parlement européen, Médiateur européen, sans oublier les institutions rattachées au Conseil de l’Europe, et le fait que le Parlement européen a lui-même trois implantations dans trois pays différents ! Comment reprocher au citoyen européen d’être perplexe et découragé face à une telle architecture ?
Il serait temps que l’Europe des vingt-huit que nous avons bâtie jadis devienne une Europe à vingt-huit. Cependant, nous ne ferons pas preuve de mauvaise foi : chaque mesure qui rendra l’Europe plus simple et plus accessible pour ses citoyens sera une petite victoire pour plus de transparence, plus de clarté et, en définitive, plus de démocratie. Pour cette raison, le groupe UDI votera pour ce projet de loi.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à quelques mois des prochaines élections européennes, nous discutons aujourd’hui de la question du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les résidents communautaires non nationaux. Ce texte permettra d’assouplir le dépôt de candidature en France pour des personnes qui n’auraient pas la nationalité française mais seraient citoyennes de l’Union.
Afin de favoriser ces candidatures, la directive du 20 décembre 2012, que nous transposons ici, supprime l’obligation de produire une attestation d’éligibilité fournie par l’État dont le candidat est ressortissant. À la place, le candidat fournira une simple déclaration, à charge pour l’État dans lequel il candidate de vérifier son éligibilité auprès de l’État dont il est ressortissant.
La procédure actuelle était lourde et constituait un frein aux candidatures non-nationales, qui font pourtant la richesse de cette élection. Je le sais pour être membre d’un parti qui, par deux fois, a soutenu aux européennes une candidature non française comme tête de liste. Nous soutenons donc pleinement ce texte, ainsi que les modifications adoptées en commission à l’initiative du rapporteur. Quinze citoyens de l’Union s’étaient présentés en France en 2009 ; nous espérons qu’ils seront beaucoup plus nombreux en 2014.
Au-delà, ce texte est l’occasion pour nous de nous interroger sur le sens des élections européennes, qui sont trop souvent bâclées et purement nationales. La campagne est toujours trop courte, centrée sur les partis français et sur des questions franco-françaises. Les enjeux européens étant absents, peu d’élus européens sont clairement identifiés. Bruxelles n’est pourtant pas une maison de retraite !
Résultat : l’abstention ne cesse d’augmenter aux élections européennes et a culminé à près de 60 % lors de la dernière élection en 2009. Il y a tout lieu de craindre que ce taux soit battu aux élections de mai prochain.
Le mode d’élection, par listes eurorégionales, a été vivement débattu ici même en mars dernier. Ces circonscriptions constituent un frein à la compréhension du scrutin. Elles sont illisibles pour les citoyens, avec des régions allant de Cherbourg à Tourcoing, de Bastia à Saint-Étienne ou de Nîmes à Bordeaux. Elles éloignent plus qu’elles ne rapprochent les parlementaires européens des citoyens, en conduisant à de nombreux parachutages. Elles sont une arme contre les petits partis, en relevant artificiellement un seuil d’éligibilité officiellement à plus de 5 %, mais en réalité de 10 % dans certaines régions comme l’eurorégion Centre. Enfin, elles n’ont aucunement freiné la hausse continue de l’abstention aux européennes.
Nous regrettons donc que ces circonscriptions eurorégionales aient été maintenues, comme nous regrettons certaines réformes, heureusement abandonnées. Dans le projet de loi de finances pour 2014, le Gouvernement avait ainsi récemment proposé de supprimer la propagande papier pour les seules élections européennes. Il est heureusement revenu sur cette idée, après la protestation de plusieurs partis politiques. Il aurait été curieux que seules les élections européennes puissent être concernées par la dématérialisation de la propagande, comme s’il s’agissait de sous-élections !
Au-delà, des ajustements sont possibles pour favoriser de véritables élections européennes. Depuis les européennes de 2009, le traité de Lisbonne a donné plus de pouvoirs au Parlement européen dans la désignation du président de la Commission. En toute logique, un certain nombre de partis européens annonceront, avant les élections de mai, leurs chefs de file pour la présidence de la Commission, des primaires étant même organisées dans certains de ces partis.
Toutefois, en France, si une liste annonce soutenir un candidat pour la Commission, elle ne pourra pas l’inscrire sur son bulletin de vote. Le droit interdit en effet d’inscrire sur le bulletin un nom autre que celui d’un des candidats de la liste dans l’eurorégion. Nous souhaitons donc ouvrir le droit, pour les listes qui le souhaitent, d’inscrire sur le bulletin leur candidat à la présidence de la Commission.
De plus, la campagne audiovisuelle est centrée sur les partis représentés au Sénat et à l’Assemblée, même s’ils ne présentent pas de liste. Il faudrait au contraire favoriser les partis de niveau européen, ou tout du moins les prendre en compte. Tel sera le sens des deux amendements à ce projet de loi que je présenterai au nom de mon groupe – texte que, par ailleurs, je tiens à vous le confirmer, monsieur le ministre, nous soutenons et que nous voterons.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers et nombreux collègues,
Sourires
ce sujet techniquement secondaire conduit à poser bien des questions politiques. Transposant une directive du Conseil du 20 décembre 2012, ce texte tend à alléger les formalités requises pour les citoyens désireux de se présenter aux élections européennes. Fort bien ! C’est une simplification de bon aloi : on demande une déclaration là où l’on exigeait auparavant une vérification – parfait !
Effectivement, un citoyen européen peut se présenter dans un autre pays que le sien : c’est possible, cela s’est vu, cela se voit encore ; mais enfin, quelle comparaison faire ? C’est un peu comme les poissons volants : cela existe, mais ce n’est pas la loi de l’espèce – il n’y en a quand même pas beaucoup !
Au-delà de l’obligation de vérifier – préalablement ou bien sur déclaration – si on le droit de se présenter, bien des difficultés se posent. Tout d’abord, la langue : nous vivons dans une Europe dépourvue de langue commune, même si elle compte un certain nombre de langues. De plus, la pratique des langues étrangères dans un pays comme la France est à peu près inexistante.
S’y opposent également les habitudes : l’absence de conscience citoyenne et politique au niveau européen ; le fait qu’il n’existe pas véritablement de partis communs, même si la droite et la gauche sont présentes un peu partout – et même l’extrême droite, par les temps qui courent, car les extrêmes fleurissent. Les passerelles ne sont pas évidentes, chacun ayant ses cas particuliers et ses situations spécifiques.
À titre personnel, étant un Français ayant épousé une Indienne de nationalité irlandaise et possédant une carte de personne d’origine indienne, je me sens donc un peu multinational en droit comme en fait. Pratiquant de plus une langue étrangère – l’anglais –, je ne suis pas effrayé à l’idée que l’on pourrait se présenter ailleurs.
Ce qui m’inquiète en revanche, c’est qu’il n’existe pas de conscience politique : en dépit de nos passeports estampillés « Union européenne », nous ne sommes pas des citoyens européens. Pourtant, d’un point de vue extérieur à l’Europe – de l’Inde, par exemple –, nous sommes Européens, et non Français ou Allemands ou Italiens, car cela revient à peu près au même. À la rigueur, en Inde, on distingue les Britanniques des autres, car cela a une résonance ; mais le reste n’a aucune importance.
Dans un pays comme l’Inde, en effet, les différences entre les États sont infiniment plus importantes que celles existant entre la Suède et l’Italie. Ces dernières parlent en effet des langues appartenant à la même famille, qui se ressemblent en dépit de quelques légères différences. Voilà la réalité !
Qu’avons-nous fait, au-delà de ces dispositions techniques qui, certes, ont leur importance, pour faire émerger une citoyenneté européenne, évidente partout dans le monde, sauf en Europe ?
Ce texte constitue un progrès : jusqu’à présent, on ajoutait à l’absence de conscience politique et à l’obstacle linguistique une complication administrative tout à fait extravagante ! Il s’agissait en effet pour le candidat de démontrer en quelque sorte son innocence, à savoir le droit de se présenter à l’élection, plutôt que de déclarer sa qualité de candidat potentiel en laissant éventuellement à d’autres la possibilité de la lui contester.
Nous avons donc fait un tout petit progrès même si, soyons clairs, cela ne changera rien. Même si cela nous interpelle, ce n’est ni le lieu ni l’heure – tardive –, la veille d’un week-end prolongé, d’en discuter ; je tenais toutefois à appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur ce point.
Il va de soi que le groupe radical, européen par nature et tolérant par vocation, soutiendra ce texte.
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur quelques bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, chacun aura pu le constater : le texte sur lequel nous avons à débattre et à nous prononcer est essentiellement technique. Il transpose une directive européenne qui a un seul but : simplifier les candidatures aux élections européennes des citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants.
Il met un terme à un obstacle administratif devenu atteinte à la démocratie, qui exigeait des ressortissants européens qu’ils produisent une attestation d’éligibilité. Ce texte y met donc fin, en faisant porter à l’État la charge de vérifier l’éligibilité, respectant ainsi l’esprit du traité de Maastricht.
Cette simplification, pour qu’elle ait encore plus de force, doit intervenir rapidement pour être applicable le 25 mai 2014, date des prochaines élections européennes en France.
Bien que technique, ce projet de loi se révèle nécessaire pour que davantage de nos concitoyennes et de nos concitoyens européens puissent intégrer les listes françaises et que, réciproquement, davantage de citoyennes et de citoyens français puissent intégrer des listes dans les vingt-sept autres pays de l’Union européenne. Simplifier cette procédure, c’est donner des chances supplémentaires à la citoyenneté européenne de se construire sur le terrain, dans chacun des pays de l’Union, dans chacune de ses circonscriptions électorales. Nous l’avons dit, seuls quinze ressortissants européens se sont présentés aux élections européennes en France en 2009 ! Le Parlement européen n’est-il pas celui de tous les Européens ?
Bien que technique, ce projet de loi peut nous permettre de penser plus loin : penser, dans de prochains actes, la citoyenneté européenne ; penser l’indispensable place que le citoyen européen doit prendre dans la construction européenne pour lui permettre de garder ses valeurs originelles, mais aussi de répondre aux attentes du présent et aux impératifs de l’avenir ; penser les pas supplémentaires que l’Union doit faire pour donner plus de pouvoir au Parlement européen ainsi que davantage de capacité de contrôle et d’intervention aux citoyens.
Bien que technique, ce projet de loi nous rappelle également que des citoyens qui n’ont pas la nationalité française peuvent, en France, être candidats et élus aux élections européennes mais aussi aux élections locales. Ce projet de loi nous le rappelle et, personnellement, il m’interroge sur ce pas que la République française doit encore faire pour donner à une autre catégorie de citoyens le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales ; mais ce n’est pas le débat aujourd’hui.
Et c’est justement parce qu’il est technique qu’il montre à quel point le travail parlementaire est nécessaire au fonctionnement de notre démocratie et à la cohérence de nos institutions.
Grâce au travail effectué en commission, notamment par M. le rapporteur, plusieurs modifications ont été apportées afin de parfaire le dispositif : d’une part, l’égalité a été rétablie entre les candidats français et les ressortissants d’un État membre, puisque le projet du Gouvernement prévoyait une procédure de déchéance du mandat d’un ressortissant dont on aurait constaté l’inéligibilité en cours de mandat, mais pas pour un Français ; d’autre part, le délai de réponse des États membres quant à l’éligibilité de leurs ressortissants a été précisé et adapté.
Alors, oui ! J’espère qu’après avoir débattu et voté la transposition de la directive 20131UE à travers ce projet de loi, nous aurons d’autres occasions, dans les prochains mois, dans cet hémicycle, de débattre du périmètre de la citoyenneté européenne ainsi que de l’architecture démocratique et institutionnelle de l’Europe.
En attendant, et quelle que soit votre position sur ce débat que j’appelle de mes voeux, le groupe socialiste vous invite, mes chers collègues, à voter ce projet de loi et donc à transposer cette directive européenne dans le droit français.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en cette fin d’après-midi, je serai bref, notre collègue rapporteur de la commission des lois ayant parfaitement résumé et décrit les enjeux de ce projet de loi que le groupe UMP votera – comme cela, je tue le suspens ! (Sourires.)
Il s’agit tout de même de transposer rapidement la directive 20131UE du Conseil du 20 décembre 2012, qui modifie certaines dispositions de la directive 93109CE concernant les modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections européennes pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants.
En effet, depuis le traité de Maastricht de 1992 et une directive européenne de 1993, tout ressortissant d’un État membre de l’Union européenne peut voter et se présenter comme candidat aux élections européennes dans un autre État membre dans lequel il réside.
Il va de soi que ce droit est parfaitement légitime au sein de l’Union, à l’heure de la libre circulation des biens et des personnes. Le Parlement européen est le Parlement de tous les citoyens européens et le lieu où s’exprime la démocratie européenne. Ses pouvoirs ont d’ailleurs été considérablement renforcés au fil des années. La première mise en oeuvre effective de ce droit a eu lieu lors des élections de 1994.
Notre rapporteur l’a rappelé, les formalités jusque-là parfois complexes et longues en termes de délais ont été allégées et simplifiées pour rendre ces candidatures plus faciles et en permettre ainsi une potentielle émergence. En effet, lors des élections de 2009, dans toute l’Union seuls quatre-vingt-un citoyens se sont présentés comme candidats dans l’État dans lequel ils résidaient, sans pour autant en avoir la nationalité. Ils étaient quinze en France. Reconnaissons que cela ne fait pas beaucoup et que la concurrence pour les très nombreux candidats Français – je n’en doute pas – ne sera pas très importante.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part d’une inquiétude quant à l’article 61 du projet de loi de finances qui prévoit la dématérialisation de la propagande électorale pour les élections européennes.
Les prochaines élections européennes auront lieu le 25 mai 2014. Notre préoccupation à tous est, je n’en doute pas, le problème de l’abstention qui frôle, voire dépasse les 50 % à toutes les élections européennes, à l’exception notable de la première élection au suffrage universel du Parlement européen en 1979 qui était de 39,3 %.
La France a systématiquement un taux d’abstention plus élevé que la moyenne européenne, même si l’on constate un resserrement des écarts lors des dernières élections, 59,4 % en France contre 57 % au niveau européen pour les élections de 2009. Si nous pouvons tout à fait souscrire aux objectifs que vous affichez pour justifier la dématérialisation de la propagande électorale, je m’interroge sur le choix de l’élection européenne qui demeure sans aucun doute la plus mal connue pour nos concitoyens. S’ils comprennent plutôt bien le rôle du maire ou du député, je ne suis pas sûr que celui de nos parlementaires européens soit toujours parfaitement appréhendé.
Je suis d’autant plus perplexe qu’hier, en commission élargie, les membres de la commission des lois ont voté la suppression de cet article tandis que leurs collègues de la commission des finances ont rejeté, dans les minutes suivantes, un amendement de suppression proposé par ma collègue Marie-Christine Dalloz. C’est à ne rien y comprendre !
Le droit de vote et de se présenter aux élections européennes est un droit pour tous les citoyens européens. Ce projet de loi qui améliore les conditions d’exercice de ce droit va dans le bon sens. C’est pourquoi, le groupe UMP que je représente le votera.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vingt ans après l’introduction du concept de citoyenneté européenne dans le traité de Maastricht, étape saluée en cette année européenne des citoyens, nous poursuivons, à travers ce projet de loi, le travail sur cet ouvrage délicat. Si elle n’est pas encore présente dans tous les esprits et tous les coeurs, elle n’en vit pas moins dans notre droit. Les élections européennes du dimanche 25 mai 2014 doivent être l’occasion de faire vivre cette citoyenneté de façon plus prégnante dans notre vie publique.
Gageons et espérons que les enjeux de ces prochaines échéances, qui seront les premières depuis la dernière révision du traité sur l’Union européenne, seront à même de développer l’intérêt citoyen. Je pense à l’application de l’article 17 du traité qui prévoit l’élection du président de la Commission européenne à la majorité simple du Parlement européen. Je pense aussi au fait que la France bénéficiera de deux représentants supplémentaires, passant de soixante-douze à soixante-quatorze sièges. Je pense, enfin, au renforcement des prérogatives législatives du Parlement européen avec l’extension à de nouveaux domaines de la procédure dite de codécision.
Ces éléments contribuent à faire de ces élections ce qu’elles doivent être, à savoir des élections européennes, des élections pour lesquelles les sujets propres à son objet, l’Union européenne, sont dominants et non phagocytées par nos débats nationaux, certes intéressants, mais impropres à répondre à la question qui est posée : celle de la majorité que nous voulons collectivement pour notre Europe.
Depuis l’instauration de l’élection au suffrage universel des membres du Parlement européen, en 1979, ce n’est pas exagéré que de dire que les questions européennes n’ont pas véritablement dominé le débat public en France lors des renouvellements des mandats européens. C’est d’autant plus surprenant, finalement, que notre pays a toujours été aux avant-postes de l’aventure commune européenne.
Sans forcément remonter jusqu’au discours de Victor Hugo prononcé à la tribune du troisième Congrès de la Paix en 1849, qui annonçait « qu’un peuple est en train d’éclore » pour constituer « une fraternité européenne » de nations, il faut remarquer la constance de notre pays pour favoriser l’émergence d’une citoyenneté européenne et son corollaire, une société civile européenne.
Pour nous concentrer spécifiquement sur le sujet qui nous occupe aujourd’hui, je rappellerai que c’est lors de la conférence au sommet de Paris des 9 et 10 décembre 1974 qu’est prise la décision de l’élection au suffrage universel du Parlement européen.
L’extension, en 1994, dans la foulée de l’adoption du traité de Maastricht et sous l’impulsion de François Mitterrand, du droit de vote dans chaque pays membre pour les ressortissants européens, fait entrer nos peuples dans la citoyenneté commune. Aujourd’hui, le projet de loi que nous examinons vise à affiner ce dispositif. Il poursuit ainsi une grande oeuvre française vers la citoyenneté européenne. Il le fait en inversant notamment l’attitude de nos administrations vis-à-vis des ressortissants d’autres États membres souhaitant se présenter en France : nous passons du régime de défiance au régime de confiance. C’est une évolution qu’il faut souligner. Désormais, le candidat n’aura plus à démontrer a priori qu’il remplit les conditions d’éligibilité. Le contrôle sera effectué a posteriori. Le projet de loi prévoit les garde-fous adéquats, notamment la faculté de mettre fin au mandat d’un candidat par décret si celui-ci avait menti quant à son éligibilité.
Je tiens à saluer le travail effectué par le rapporteur, cher Pascal Popelin, qui a judicieusement prévu, afin de garantir l’égalité de traitement, que le même dispositif s’applique aux citoyens français. Il faut reconnaître que c’est à l’initiative de l’Union européenne que nous devons ce progrès dans la confiance et la simplification puisque le projet de loi transpose une directive. Nous ajoutons donc une petite pierre à l’édifice de la citoyenneté européenne. Il est donc important de voter aujourd’hui ce projet de loi de transposition.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
Madame la présidente, je souhaite donner quelques éléments d’information, notamment à M. Tuaiva qui aurait aimé que soient fixées quelques dates pour discuter des élections européennes et de l’intérêt du Parlement européen. Je lui répondrai que nous avons débattu, le 28 mars dernier, d’une proposition de loi relative aux modalités d’élection des représentants français au Parlement européen. Je m’en souviens d’autant plus qu’on m’avait dit que la discussion de ce texte ne durerait que deux heures alors qu’en réalité toute la journée a été nécessaire – c’était une première pour moi et j’en ai encore un souvenir vif ! Nous avons confirmé le scrutin de liste dans les grandes régions.
La France n’est pas en retard, loin s’en faut, en matière de transposition des textes européens. Votre Assemblée aura d’ailleurs à en connaître un prochainement relatif au brevet européen unitaire qui concerne beaucoup les entreprises. De surcroît, ce matin, nous avons discuté pendant trois heures de la ratification d’un accord international sur une liaison ferroviaire entre la France et l’Italie qui a une forte connotation européenne puisque ce projet sera fortement soutenu par l’Union européenne. Je voulais donc le rassurer en lui disant que nous sommes plutôt de bons élèves en matière de transposition.
Je souhaite également revenir sur les interrogations de MM. Baupin et Gibbes à propos de l’article 61 du projet de loi de finances. L’un et l’autre ont défendu un certain nombre d’argumentations que le ministre des affaires européennes rejoint : c’est sur la base d’un débat qui a eu lieu au sein du Gouvernement – j’ai moi-même argumenté sur la même ligne que vos deux collègues – que le Premier ministre a souhaité que cet article 61 disparaisse à l’occasion de la navette parlementaire. Vous aurez à en connaître dans quelques jours.
In fine, l’article 61 ne sera donc pas voté, ce qui veut dire que chacun de nos concitoyens recevra les bulletins de vote, la propagande. Cela dit, la question de la dématérialisation de toutes les élections sera posée un jour ou l’autre à l’Assemblée nationale et au Sénat afin de moderniser les modes de consultation de nos concitoyens, de ne pas réserver cette dématérialisation à une seule élection.
Le ministre de l’intérieur, mon ami et collègue Manuel Valls, engagera une campagne de communication dans les semaines à venir : 200 000 dépliants seront diffusés aux ressortissants de l’Union européenne non Français et 800 000 aux Français, campagne d’information qui sera prolongée sur internet. Comme chaque année en cas d’élection, le Gouvernement mettra en place l’information pour l’inscription sur les listes électorales avant le mois de décembre 2013.
J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Les articles 1er et 2 sont successivement adoptés.
La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement no 1 rectifié .
Cet amendement, que j’ai déjà commencé à présenter lors de la discussion générale, vise à mettre en oeuvre des préconisations de la Commission européenne et du Parlement européen pour rapprocher les élections européennes des citoyens.
Parmi ces préconisations, deux nous ont paru particulièrement pertinentes : d’une part, que les listes et partis politiques affichent clairement leur affiliation politique au niveau européen ; d’autre part, que les listes et partis politiques fassent savoir quel candidat à la présidence de la Commission européenne ils soutiennent. Nous pensons que ces propositions sont de nature à renforcer le caractère européen de cette élection puisqu’elle a lieu le même jour dans l’ensemble des pays de l’Union. Or il se trouve que le code électoral français ne permet pas à chaque liste d’inscrire sur le bulletin de vote le nom de son candidat à la présidence. Nous proposons donc de modifier la loi dans ce cas particulier. Cela ne coûterait rien à personne mais permettrait de renforcer le caractère européen de cette élection.
Je ne doute donc pas que cet amendement sera voté à l’unanimité par nos collègues qui ont tous dit à quel point ils étaient attachés à rapprocher l’élection européenne des citoyens.
Cet amendement que M. Coronado avait déposé puis retiré en commission des lois, vise à permettre l’inscription sur la déclaration de candidature et les bulletins de vote, d’une part d’une préférence pour un candidat à la présidence de la Commission européenne, d’autre part d’une affiliation à un parti politique européen.
Sur le second point, je répète ce que j’ai dit en commission : l’amendement est satisfait par le droit actuel. Rien n’empêche, en effet, de mentionner un parti politique, son nom ou son emblème ou les deux, sur les bulletins de vote, et peu importe qu’il s’agisse d’un parti français ou d’un parti européen. Dès lors que l’amendement prévoit une simple faculté et non une inscription obligatoire, il n’apporterait donc rien de plus au droit en vigueur.
Sur le premier point, je comprends parfaitement l’objectif et je le partage s’agissant de donner une suite à une recommandation de la Commission européenne qui cherche à renforcer le lien entre les élections européennes et sa propre désignation. Je me permets cependant de faire observer qu’une telle démarche peut être utilisée dans tous les moyens de campagne que les partis peuvent utiliser, en particulier la profession de foi.
Par ailleurs, certaines bonnes intentions produisent parfois des effets qui n’étaient pas souhaités au départ. Vous l’avez dit, notre droit électoral français interdit de mentionner sur un bulletin de vote le nom d’une personne qui n’est pas candidate. Cette interdiction, régulièrement rappelée par le juge électoral, est prévue à l’article R. 66-2 du code électoral, et il serait extrêmement dangereux de changer cette règle. Quand on voit les contentieux électoraux qui existent et les raisons pour lesquelles certains souhaitent inscrire sur les bulletins de vote des noms de personnes qui ne sont pas candidates, je vous invite à réfléchir à deux fois avant de maintenir cet amendement en l’état.
Je le répète, je ne m’oppose pas à ce qu’on établisse un lien plus étroit avec le candidat à la présidence de la Commission européenne qu’on soutient, mais le lien entre l’élection européenne et la désignation de ce candidat peut être fait dans l’ensemble du matériel de campagne. Personnellement, je considère qu’il est extrêmement dangereux d’introduire la possibilité d’ajouter un nom sur le bulletin de vote, car certains pourraient faire figurer des noms de personnes qui ne sont même pas candidates, ce qui ne pourrait qu’induire les électeurs en erreur et dénaturer le scrutin. Avis défavorable.
Le rapporteur a explicité d’une façon parfaite les arguments : dans l’esprit, le code électoral vous donne déjà grandement satisfaction et tout ajout nouveau aurait les effets pervers qui viennent d’être soulignés. Je me range donc à son avis.
Franchement, je n’ai pas été convaincu. Vous me parlez des autres élections, mais mon amendement porte spécifiquement sur les européennes : il n’y a pas de candidat à la présidence de la Commission aux élections municipales, cantonales, régionales, législativesou présidentielles ! Ce n’est que pour les élections européennes qu’on indiquerait un candidat à la présidence de la Commission.
Si la chose était si perverse, pourquoi la Commission et le Parlement européen auraient-ils fait cette préconisation ? Vraiment, il serait extrêmement bizarre, alors que nos formations politiques sont représentées au Parlement européen, qu’ils aient, en toute absurdité, avancé une préconisation non pertinente !
Je maintiens donc cet amendement. J’espère que d’autres voudront également obtenir en France une avancée vers l’unification européenne de ce scrutin, de façon à lui donner un caractère beaucoup plus emblématique qu’aujourd’hui.
Je n’ai pas voulu allonger le débat, mais j’appelle votre attention sur le fait qu’en laissant figurer sur le bulletin de vote le nom d’un candidat à la présidence de la Commission européenne, vous risqueriez d’induire doublement l’électeur en erreur puisque, in fine, l’élection se fera par les députés européens. Une famille politique, au vu des circonstances, pourra alors très bien choisir un autre candidat que celui dont le nom figure sur le bulletin de vote initial. Il n’y a en effet pas de lien automatique entre la campagne électorale et la désignation du président de la Commission. Je vous invite à réfléchir à cet argument supplémentaire.
C’est la Commission et le Parlement européen qu’il faut inviter à réfléchir !
L’amendement no 1 rectifié n’est pas adopté.
Les articles 3, 4, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.
Cet amendement est particulièrement altruiste de la part de notre groupe, puisqu’il s’inspire de ce que nous avons vécu pendant de nombreuses années : ce n’est plus le cas, mais nous estimons qu’une injustice doit cesser.
Lors des campagnes électorales pour les élections européennes, ne peuvent s’exprimer que les formations politiques ayant un groupe à l’Assemblée nationale ou au Sénat – ce qui, pendant longtemps, n’a pas été notre cas.
Ainsi, des formations qui n’ont pas de liste aux élections européennes peuvent s’exprimer dans cette campagne, tandis que les autres, faute de groupe parlementaire, ne peuvent intervenir. Cela nous paraît complètement incohérent, qu’il s’agisse de l’information de nos concitoyens ou de l’égalité devant le suffrage. Notre proposition est donc de modifier ces règles, de façon que les formations qui présentent réellement des candidats aux élections européennes puissent s’exprimer dans les émissions de la campagne officielle.
Cet amendement a été légèrement modifié par rapport à celui qui avait été repoussé par la commission des lois. Je rappelle qu’actuellement, les partis politiques représentés par des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat se partagent, à parts égales, une durée d’émission de deux heures sur les antennes des chaînes publiques de télévision et de radio, dans des conditions qui sont fixées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel – avec des taux d’audience à faire pâlir d’envie tous ceux qui cherchent à vendre très cher des spots publicitaires...(Sourires.)
Cet amendement conduirait à partager ces deux heures avec des partis représentés au Parlement européen. Très franchement, une telle innovation ne se justifie pas.
D’une part, tous les partis politiques représentés au Parlement français qui le souhaitent ont la possibilité, et la plupart du temps s’en saisissent, de faire une campagne européenne.
D’autre part, si l’amendement est peut-être très altruiste, il conduirait, si on allait au bout de la logique, à des formes de doublons : un même parti, au titre de son entité nationale et de son entité européenne, pourrait ainsi doubler son temps de parole, au détriment des partis qui ne disposeraient pas d’une structure européenne.
Enfin, l’amendement aboutirait à priver de campagne des formations politiques qui ne présentent pas forcément de liste autonome, mais qui feraient liste commune avec un autre parti : c’était le cas du Parti radical de gauche qui était associé à la liste du Parti socialiste en 1999.
Avis donc défavorable à cet amendement en raison de son caractère systématique, sachant qu’une campagne pour les élections européennes a bien sûr pour la plupart des partis – en tout cas celui auquel j’ai l’honneur d’appartenir – une dimension européenne.
Cet amendement vise à modifier profondément les conditions dans lesquelles les listes de candidats sont admises à participer à la campagne audiovisuelle en proposant d’ouvrir celle-ci aux partis politiques représentés au Parlement européen.
Cette campagne audiovisuelle s’adresse aux partis et groupements politiques représentés par des groupes au sein du Parlement français. L’article 16 de la loi de 1977 exclut très clairement toute participation d’autres partis.
Le présent amendement revient finalement à ouvrir la participation à la campagne audiovisuelle aux partis et groupements qui seraient représentés au Parlement européen, c’est-à-dire à tout parti, sans qu’il ait nécessairement un lien avec des candidats sur des listes en France.
En effet, un parti peut constituer un groupe au Parlement européen s’il compte vingt-cinq députés d’au moins sept États-membres. Le Gouvernement est donc défavorable au présent amendement. Je vous laisse réfléchir à ce qui se passera quand les députés européens auront compris qu’en faisant un groupe de vingt-cinq, ils peuvent avoir accès à des moyens de propagande dans un autre pays que le leur : cela ne peut qu’être une incitation à multiplier les groupes au sein du Parlement européen ! On peut ainsi imaginer qu’avec sept cent cinquante membres, on ait une trentaine de groupes !
Le rapporteur et le ministre ont été particulièrement convaincants pour montrer le caractère franco-français du cadre dans lequel la campagne est pensée :…
…ce serait donc uniquement en fonction des représentations nationales qu’il faudrait raisonner. Nous sommes en profond désaccord. Je ne suis pas étonné que l’esprit européen régresse dans ce pays.
Monsieur le ministre, si les groupes devaient se constituer en fonction des temps de parole aux élections, rien n’empêcherait certains groupes ici de se diviser en multiples sous-groupes : visiblement, ils ne le font pas, et je ne vois pas très bien pourquoi ce qu’ils ne font pas au niveau national pour obtenir quelques minutes de temps de parole, ils le feraient au niveau du Parlement européen.
L’argument me semble donc quelque peu tiré par les cheveux – que nous n’avons d’ailleurs plus ni l’un ni l’autre…
Sourires.
Vraiment, je ne suis pas convaincu par cette vision très nationalo-centrée des campagnes. Si nous voulons convaincre nos concitoyens que nous sommes réellement pour la construction européenne, pour un Parlement européen qui soit représentatif des peuples et non la seule juxtaposition des partis nationaux, nous devons montrer symboliquement qu’une fois tous les cinq ans nous savons dépasser les clivages et les frontières de nos petits pays pour avoir une vision plus transnationale. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
L’amendement no 2 n’est pas adopté.
L’article 8 est adopté.
Le projet de loi est adopté.
Prochaine séance, lundi 4 novembre, à quinze heures :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ».
La séance est levée.
La séance est levée à dix-sept heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron