Intervention de Thierry Repentin

Séance en hémicycle du 31 octobre 2013 à 15h00
Transposition de la directive 2013ue du conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93109ce en ce qui concerne certaines modalités de l'exercice du droit d'éligibilité aux élections au parlement européen pour les citoyens de l'union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. — Présentation

Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes :

Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, nous voici au seuil de la discussion du dernier texte inscrit à l’ordre du jour de cette après-midi. Vous êtes conviés à examiner le projet de loi transposant la directive 20131UE du Conseil européen du 20 décembre 2012, relative aux modalités d’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen par les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. Ce titre quelque peu aride recouvre en réalité une avancée pour quiconque souhaite se présenter aux élections européennes dans un État membre distinct de son pays d’origine. Le texte vise à assouplir les modalités de déclaration de candidature afin de faciliter les démarches administratives des candidats qui se présentent dans leur pays de résidence.

Je tiens à appeler votre attention sur le contexte dans lequel nous examinons le projet de loi. Nous célébrerons demain le vingtième anniversaire de l’entrée en vigueur du traité de Maastricht, lequel, précisément, a introduit la notion de citoyenneté européenne, conçue non comme une substitution mais comme un complément venant prolonger la citoyenneté nationale. Elle comporte des droits nouveaux, dont celui de voter et de se présenter aux élections locales et européennes pour tout citoyen européen en son lieu de résidence. On doit pourtant constater que ces dispositions juridiques, vingt ans après, ne se sont pas pleinement traduites dans les faits. La participation des citoyens européens est faible et un trop petit nombre d’entre eux est inscrit sur les listes électorales. Les candidatures croisées sont plus rares encore.

Il serait bon que ce droit soit investi par les citoyens, afin de continuer à bâtir quotidiennement l’Europe, donner corps à la citoyenneté européenne et consolider notre appartenance au même espace européen. Si la réforme que nous allons examiner ensemble aujourd’hui peut paraître quelque peu technique, elle comporte aussi selon moi une réelle portée politique. En effet, le traité de fonctionnement de l’Union européenne et la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reconnaissent à chaque citoyen le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans le pays où il réside. La directive du Conseil du 6 décembre 1993 fixe les modalités de son exercice. Le présent projet de loi a pour objet de la transposer afin qu’elle produise ses effets dès les élections européennes du 25 mai prochain, ce qui suppose d’adapter plusieurs dispositions de la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen.

Lors des élections au Parlement européen en 2009, seuls quinze candidats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne distinct de la France se sont présentés sur les listes enregistrées en France. À l’échelle de l’Union européenne, quatre-vingt-un candidats se sont présentés dans un pays distinct de leur pays d’origine. Si ces chiffres marquent une progression par rapport au scrutin précédent, il va de soi qu’ils sont encore beaucoup trop faibles pour les Européens que nous sommes. La Commission européenne a fait part de son analyse à ce sujet, expliquant que la faible part de candidats non français résulte, au moins en partie, des difficultés rencontrées par les citoyens pour déposer leur candidature. En effet, selon les dispositions antérieures à la directive du 20 décembre 2012, le droit de l’Union européenne imposait aux candidats de présenter, lors du dépôt de leur candidature dans un État membre distinct de leur pays d’origine, une attestation de ses autorités administratives compétentes. Celles-ci devaient certifier que les candidats n’y étaient pas déchus de leur droit d’éligibilité ou qu’une telle déchéance n’était pas connue desdites autorités.

Cette disposition était prévue par la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen. Les candidats ont rencontré des difficultés pour identifier les autorités habilitées à leur délivrer de telles attestations ou pour obtenir une attestation en temps utile. Voilà ce qu’a constaté la Commission européenne. La directive du 20 décembre 2012 a donc supprimé une telle obligation. Elle a remplacé les attestations par une simple déclaration du candidat indiquant qu’il n’a pas été déchu, dans son pays d’origine, du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen. Tel est l’objet de l’article 2 du projet de loi. Il reviendra désormais aux autorités du pays de résidence de se rapprocher de celles du pays d’origine afin d’en obtenir les informations relatives à l’éligibilité du candidat. Les services disposeront d’un délai de cinq jours pour répondre à l’État membre concerné par la candidature.

Si aucune réponse n’est reçue à l’issue de ce délai, la candidature peut être enregistrée. Tel est l’objet de l’article 4 du projet de loi, que votre commission des lois a d’ailleurs enrichi en explicitant le délai alloué aux États pour échanger des informations. L’article 6, quant à lui, modifie le délai alloué au ministère de l’intérieur pour délivrer le récépissé définitif des déclarations de candidature. Il sera désormais de six jours, au lieu de quatre actuellement, de façon à laisser une marge de manoeuvre suffisante au ministère de l’intérieur pour la délivrance dudit récépissé. Les dispositions transposées par le projet de loi maintiennent par ailleurs un dispositif garantissant que seules des personnes effectivement éligibles exercent le mandat de représentant au Parlement européen. Il convient à cet égard de prévoir les conséquences de l’inéligibilité d’un candidat. Si celle-ci est avérée avant le scrutin, le projet de loi prévoit en son article 7 le retrait du candidat de la liste. Si un tel retrait intervient pendant la période de dépôt des candidatures, il demeure possible de compléter la liste. En revanche, si l’inéligibilité est découverte à l’issue de la période de dépôt des candidatures, la liste incomplète peut nonobstant se présenter aux élections.

Il faut également prévoir le cas d’une réponse des autorités du pays d’origine postérieure au scrutin. Si l’inéligibilité est découverte après l’élection, l’article 1er du projet de loi prévoit de mettre fin au mandat de la personne indûment élue. Votre commission des lois a d’ailleurs transposé cette disposition aux candidats de nationalité française et corrigé une lacune de la loi actuelle. Selon celle-ci en effet, la découverte de l’inéligibilité d’un élu de nationalité française après le délai de recours contre son élection ne permet nullement de la contester, de sorte qu’une personne inéligible peut siéger au Parlement européen ! Vous avez donc, mesdames et messieurs les membres de la commission des lois, corrigé une lacune du dispositif actuel et prévu qu’en pareil cas un décret vienne mettre fin au mandat illégitime.

Par ailleurs, afin d’adapter le calendrier électoral au nouveau dispositif, l’article 3 du projet de loi avance d’une semaine la période de dépôt des candidatures. Elles seront désormais déposées au plus tard le quatrième vendredi précédant le scrutin, au lieu du troisième auparavant. En revanche, la période de deux semaines actuellement prévue pour le dépôt des candidatures ne sera pas modifiée. Comme les nouvelles modalités de dépôt des candidatures ajoutent une étape à l’actuel processus administratif, il était nécessaire de prévoir une semaine supplémentaire entre la fin de la période de dépôt des candidatures et le début de la campagne électorale. Il s’agit de faire en sorte que la majorité des réponses des États membres parvienne à destination avant le début de la campagne officielle, fût-ce avec retard.

En fin de compte, le nouveau dispositif de contrôle des inéligibilités est issu d’une directive européenne et sera donc applicable dans chaque État membre de l’Union européenne dès les élections au Parlement européen de 2014. Ainsi, il facilitera les candidatures des ressortissants français dans les autres États membres de l’Union européenne dès que ceux-ci auront transposé le texte dans leur ordre juridique interne, au plus tard le 28 janvier 2014.

Bien entendu, je ne peux conclure un propos sur une disposition visant à améliorer l’exercice de la citoyenneté européenne sans aborder la première échéance qu’elle concernera, en l’espèce les élections européennes du mois de mai prochain. Je sais que vous êtes, comme nous, mobilisés sur le terrain pour les élections municipales du mois de mars. Mais vous savez tout comme moi qu’il est décisif que nos concitoyens se saisissent de notre projet européen afin qu’il soit mis en oeuvre dans leur intérêt. Aussi importe-t-il qu’ils expriment leur choix. Nous devons donc être pleinement mobilisés autour des enjeux européens afin de faire de la prochaine échéance européenne une réussite.

Par le vote du texte comme par votre présence aujourd’hui, vous entendez contribuer, mesdames et messieurs les députés, au renforcement de la citoyenneté européenne. Je ne doute pas qu’un tel projet vous tienne à coeur tout autant qu’il tient à coeur au Gouvernement.

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