Je m’efforcerai donc de revenir aussi agréablement et brièvement que possible sur l’essentiel du texte dont nous débattons – un texte relatif à une matière réputée aride.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est surtout d’ordre technique et très limité dans son objet. Il n’en est pas moins utile, puisqu’il améliore la possibilité pour les citoyens européens résidant dans notre pays de se présenter à l’élection des représentants au Parlement de l’Union. En France, le cadre juridique de ce scrutin n’a pas connu de bouleversement majeur par rapport aux élections européennes de 2004 et de 2009. Le mode de désignation de nos représentants demeure identique. Les élections se dérouleront ainsi au scrutin proportionnel à la plus forte moyenne, avec un seuil ouvrant droit à représentation à compter de 5 % des suffrages exprimés. Par ailleurs, elles se tiendront dans le cadre des huit circonscriptions interrégionales déterminées par la loi du 11 avril 2003.
La loi du 16 mai 2011 a toutefois introduit une nouvelle disposition, elle aussi de portée limitée, permettant aux Français résidant à l’étranger de prendre part au vote dans les centres consulaires dédiés. Dans l’ensemble de l’Union, les règles électorales ont été l’objet d’un ajustement à la marge, que le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a vocation à retranscrire dans le droit français. Cette nouveauté découle d’une directive européenne du 20 décembre 2012 qui tend à simplifier les candidatures des citoyens européens non nationaux.
Conformément aux dispositions du traité de Maastricht, tout ressortissant d’un État membre de l’Union peut en effet, ainsi que vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, voter et se présenter aux élections européennes dans un autre État membre – à condition qu’il y réside. Cette faculté s’est appliquée pour la première fois en France lors du scrutin de 1994. Elle exige toutefois que les non-nationaux souhaitant concourir soient en conformité avec les règles d’éligibilité de leur pays de résidence, mais aussi de leur État d’origine. Jusqu’à présent, le droit de l’Union imposait aux intéressés de fournir, au moment du dépôt de leur candidature, une attestation de leur État d’origine certifiant qu’ils ne sont pas déchus de leur droit d’éligibilité. Cette exigence avait été transposée dans le droit français par une modification introduite dans la loi du 7 juillet 1977.
Si, dans la pratique, de telles candidatures ne sont pas légion – nous avions les mêmes chiffres, monsieur le ministre : seuls 15 candidats en France et 81 candidats à l’échelle de l’Union relevaient de ce cas de figure en 2009 –, cette formalité s’est cependant révélée source de lourdeur et a parfois posé problème pour l’obtention desdites attestations en temps utiles. Les organisations juridiques et institutionnelles étant très variables d’un État membre à l’autre, des difficultés ont pu se poser en ce qui concerne l’identification de l’autorité habilitée à délivrer cette attestation. Certains États membres ont alors estimé que les documents produits par les candidats ne pouvaient être recevables.
La directive de 2012 vise donc à lever cet obstacle, en allégeant les formalités requises à l’égard des candidats qui souhaitent se présenter sur une liste en compétition dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité. Désormais, une simple déclaration rédigée par les intéressés sera exigée, et c’est l’État enregistrant la candidature qui sera chargé de vérifier l’exactitude et la sincérité de cette déclaration, auprès de l’État d’origine. À une obligation incombant au candidat, se substitue donc une obligation pesant sur l’État dans lequel il réside.
Pour pouvoir s’appliquer dès les prochaines élections européennes, cette directive doit être transposée en droit interne au plus tard le 28 janvier 2014. Tel est l’objet unique du présent projet de loi. Ce texte supprime l’obligation faite aux candidats de fournir une attestation produite par l’État dont ils sont originaires. Il définit également une procédure d’échange d’informations entre les États, et si l’État interrogé ne fournit pas à la France les éléments d’appréciation sollicités sur l’éligibilité du candidat, la candidature est enregistrée. Le doute profite donc à la candidature. Bien entendu, le texte prévoit les conséquences de l’inéligibilité du candidat lorsque celle-ci est révélée avant ou après le scrutin. Si elle est connue avant, elle entraîne le retrait du candidat. Lorsque ce retrait a lieu avant l’expiration du délai de dépôt des candidatures, la liste dispose de 48 heures pour se compléter. Si l’inéligibilité est découverte après le scrutin, il est mis fin au mandat par décret. Enfin, pour adapter le calendrier électoral à ce nouveau dispositif, le présent projet de loi avance d’une semaine la période de dépôt des candidatures, qui s’échelonnera du cinquième lundi au quatrième vendredi précédant le scrutin, soit, pour les prochaines élections européennes, du lundi 21 avril au vendredi 2 mai 2014.
Ayant examiné ce texte le 16 octobre dernier, la commission des lois l’a adopté en lui apportant, sur ma proposition, de légères modifications, en plus de quelques améliorations rédactionnelles. Elle a étendu aux ressortissants français la possibilité d’une déchéance par décret de leur mandat de député européen, dans l’hypothèse où leur inéligibilité aurait préexisté au scrutin, mais n’aurait été révélée que postérieurement à celui-ci. Un tel cas de figure est plutôt rare, mais on a vu, lors d’autres élections, qu’il pouvait se produire ; nous avons d’ailleurs introduit dans le code électoral la même disposition pour les élections des conseillers départementaux. Il s’agit d’éviter toute dissymétrie entre les candidats français et les candidats ressortissants d’un autre État membre de l’Union européenne. La commission des lois a également précisé le délai – en principe de cinq jours ouvrables – dans lequel l’État dont est ressortissant le candidat devra répondre à la demande des autorités françaises, afin de vérifier l’éligibilité de ce candidat.
C’est ce texte issu des travaux de la commission des lois que je vous invite, mes chers collègues, à adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)