Une première précision pour commencer : nous parlons bien aujourd’hui du tunnel de base, dans la section internationale, et nullement des accès depuis Lyon, dont l’engagement a été reporté après 2030 à la suite du rapport Duron. Je comprends bien sûr la crainte des agriculteurs d’une consommation excessive du foncier mais cela ne concerne pas, sinon très marginalement, le projet soumis aujourd’hui à notre ratification.
Ce projet, on l’a dit, est un véritable investissement d’avenir : sur le plan économique d’abord, puisqu’il crée les conditions du développement économique du sud de la France et du nord de l’Italie et, au-delà, de toute l’Europe ; sur le plan environnemental ensuite, car le ferroutage est une des solutions privilégiées pour réduire le nombre de camions en circulation ; pour l’emploi enfin, car ce grand chantier va irriguer pour plusieurs décennies notre économie régionale.
Cela étant, d’autres précisions doivent être apportées.
La première concerne les prévisions de trafic. J’entends bien que, sur le court terme, les projections faites voilà dix ans ne se sont pas réalisées aujourd’hui, surtout après la crise de 2008. Mais durant ces mêmes dix années, on se rend compte qu’en Europe le trafic fret ferroviaire a augmenté de 26 % et même de 44 % en Allemagne, même s’il a baissé chez nous de 26 %. Pourquoi donc se résoudre à ne pas investir et à ne pas promouvoir le ferroviaire ? J’ajoute que si 37 millions de tonnes suivent par rail l’axe nord-sud, par la Suisse et l’Italie, le même tonnage passe par l’axe est-ouest, mais en empruntant la route… C’est donc cette logique qu’il faut inverser.
Deuxième précision : il n’est pas possible de se contenter de la ligne historique actuelle. Bien sûr, la mise au gabarit B+ a amélioré la situation ; bien sûr, le ferroutage Aiton-Orbassano, depuis la réouverture, a beaucoup augmenté. Mais il est clair que pour des raisons techniques – vétusté de l’itinéraire, pentes, etc. – on ne peut pas compter sur la ligne historique ; et pour ce qui est de l’axe de Vintimille, le mer-routage restera toujours marginal par rapport à l’axe central que constituent la vallée de la Maurienne et le Val de Suse.
Troisième précision sur laquelle je ne m’attarde guère tant elle est évidente : la question de la sécurité, fondamentale pour la coexistence du trafic voyageurs et du trafic de marchandises, à plus forte raison de matières dangereuses.
Quatrième et dernière précision, sur les paramètres financiers. Nous savons tous que les finances publiques sont contraintes. Nous savons que nous ne pouvons pas tout faire en même temps – et de ce point de vue, le rapport Duron aura dégrisé ceux qui pensaient pouvoir multiplier les lignes nouvelles à l’infini sur le territoire national. Mais il faut savoir ce que sont les priorités et ce tunnel de base en est une, d’autant plus que l’Europe est au rendez-vous avec un plan de financement exceptionnel : sur 8,5 milliards, elle prendra en charge 40 %, l’Italie 35 % et la France 25 %. Cela constitue pour nous un formidable effet de levier pour un ouvrage qui sera situé majoritairement en territoire français.
Mes chers collègues, au XIXe siècle, des hommes entreprenants ont pris l’initiative du tunnel ferroviaire pour la ligne Paris-Rome. Au XXe siècle, Pierre Dumas, dont je salue la mémoire dans cet hémicycle, a pris l’initiative du tunnel routier du Fréjus et de l’autoroute de Maurienne. Aujourd’hui, au XXIe siècle, nous devons ensemble prendre et confirmer une décision que quatre Présidents de la République successifs ont soutenue. C’est pourquoi, avec pragmatisme et ambition, nous ratifierons ce traité.