« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » C’est au cours de cette déclaration historique que Robert Schumann proposa, le 9 mai 1950, la création d’une Communauté européenne du charbon et de l’acier, posant ainsi les fondations de ce qui deviendra l’Union européenne.
Alors que les pays du vieux continent pansaient encore les blessures causées par les ravages de la Seconde guerre mondiale qui avait pris fin cinq ans plus tôt, l’un des plus grands projets humains du siècle dernier et de notre siècle à l’échelle de la planète voyait le jour : la construction européenne. Depuis soixante-dix ans, ce projet européen que nous bâtissons jour après jour avec nos partenaires a permis d’assurer aux jeunes générations la préservation de la paix, richesse inestimable.
Construit sur les échanges des biens et des personnes, sur des politiques communautaires telles que la politique agricole commune, la politique commune de la pêche ou encore la politique monétaire, ce grand projet européen ne pourra continuer à se développer et évoluer sans infrastructures modernes, compatibles et interconnectées, assurant le transport de personnes mais aussi de biens.
Notre pays, de par sa configuration géographique, est situé au coeur de l’Europe, au coeur des échanges et des grands projets d’équipements de transport, d’énergie et des nouvelles technologies. Notre défi désormais est de nous engager fermement dans ces différents chantiers, afin de bâtir le fabuleux destin de la communauté de vie à l’échelle européenne. La future ligne ferroviaire du Lyon-Turin fait partie de ces grands projets et je salue ici l’engagement des quatre présidents de la République et des majorités successives qui l’ont soutenu avec détermination et conviction.
La pollution de l’air, vous le savez, chers collègues, est en train de devenir la première cause de mortalité en Europe pour nos concitoyens. Elle a même été récemment déclarée cancérigène pour l’homme par l’Organisation mondiale de la santé, au même titre que l’amiante. En France, 10 % des émissions de gaz à effet de serre et 17 % des émissions de PM10 – les particules fines – proviennent du transport routier. Face à ce constat alarmant et en raison de la faiblesse du développement du fret ferroviaire qui ne représente actuellement que 8 % du transport de marchandises dans notre pays, il est impératif que nous nous engagions à développer les modes de transports alternatifs à la route d’autant plus que le massif alpin est particulièrement sensible à la qualité de l’air, et donc à sa pollution.
Qui plus est, la topographie montagneuse et escarpée des vallées alpines rend beaucoup plus difficile la desserte de ce territoire pourtant stratégique au carrefour de l’Europe. Actuellement, seuls cinq axes supportent le trafic entre le lac Léman et la mer Méditerranée : le tunnel routier du Mont-Blanc ; celui du Fréjus ; l’autoroute côtière A8 qui traverse l’agglomération niçoise ; la voie ferrée historique empruntant le tunnel du Fréjus et la ligne ferroviaire côtière.
Comme le souligne l’étude d’impact, le mode routier reste prépondérant dans les différents échanges entre la France et l’Italie avec plus de 2,7 millions de poids lourds répartis sur les trois axes principaux. Ce qui n’est pas sans causer d’importantes nuisances, notamment en termes d’émissions de gaz à effet de serre. La réalisation et la construction de la liaison ferroviaire Lyon-Turin aura donc nécessairement un impact environnemental non négligeable. L’allégement d’une partie du trafic routier sur le mode ferroviaire devrait ainsi permettre de diminuer d’environ 2 millions de tonnes par an les rejets de gaz à effet de serre sur cet axe. Nos voisins suisses et autrichiens ont déjà choisi de privilégier le fer au détriment de la route pour la circulation des poids lourds. Nous devons nous aussi nous engager résolument dans cette voie.
Au-delà de l’impact environnemental, la mise en oeuvre de ce projet entraînera aussi des conséquences économiques favorables pour les vallées alpines.
L’étude d’impact le rappelle à juste titre : la nouvelle liaison entre Lyon et Turin « permettra d’améliorer et de développer la capacité du transport de marchandises au sein de l’arc alpin ». L’incendie du tunnel du Mont-Blanc, qui a causé trente-neuf morts en 1999, dans la circonscription dont j’ai été député pendant dix ans, et celui du tunnel du Fréjus en 2005 ont entraîné l’amélioration de la sécurité dans les tunnels. Ils ont également démontré, tout comme l’éboulement rocheux sur l’autoroute A8 en 2006, qu’une solution alternative à la route s’imposait en l’absence de réduction notable du trafic routier. De plus, la modernisation des lignes existantes ne saurait suffire à elle seule à diminuer les nuisances actuelles malgré les travaux déjà réalisés. Voies uniques sur plusieurs dizaines de kilomètres, pentes excessives, tunnel situé à 1 300 mètres d’altitude, traversée de sites à haute valeur environnementale, notamment certains grands lacs alpins, autant de contraintes qu’aucune rénovation des lignes existantes ne saurait réduire de façon pérenne.
Le projet bénéficiera de financements européens d’une ampleur conséquente. L’Union européenne contribuera à hauteur de 3,4 milliards d’euros soit près de 40 % pour le financement du tunnel de base.
Je reste intimement convaincu que la réalisation de cette liaison ferroviaire sera un grand projet européen de transport de personnes et de marchandises améliorant considérablement la desserte entre la France et l’Italie, et plus largement entre le nord et le sud de l’Europe. À titre personnel, je ne doute absolument pas de la pertinence de ce projet et je suis persuadé que nos successeurs sur les bancs de cet hémicycle nous remercieront d’avoir ainsi soutenu le projet du Lyon-Turin.