Intervention de Philippe Vigier

Séance en hémicycle du 5 novembre 2013 à 15h00
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière-procureur de la république financier — Explications de vote communes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier :

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, de le souligner.

Nous aurions également souhaité que vous ayez eu le courage de nous écouter sur ce que nous appelons le « verrou de Bercy » puisqu’en matière de fraude fiscale, le procureur de la République continuera – n’est-ce pas, madame la garde des sceaux ? – de devoir attendre que l’administration fiscale ait déposé plainte avant de pouvoir déclencher l’action publique.

Il était pourtant à nos yeux indispensable que le procureur financier soit informé des procédures transactionnelles et les valide, au moins en ce qui concerne les montants les plus importants, comme l’avait d’ailleurs proposé notre collègue Henri Emmanuelli. J’aurais aimé dire à Bernard Cazeneuve, mais vous saurez lui transmettre, madame la garde des sceaux, qu’il aurait dû nous écouter : ce pouvoir discrétionnaire de l’administration qu’il défend aujourd’hui se retournera peut-être, demain, contre le ministre en exercice.

Nous nous abstiendrons, en revanche, sur la création d’un procureur de la République financier. Mes propos ne vous surprendront pas, madame la garde des sceaux. En effet, enterrée deux fois par le Sénat, cette mesure constitue, à notre sens, un risque de déstabilisation pour notre justice. Vous portez un coup dur à l’unicité du parquet et à la cohérence de notre organisation judiciaire avec la création de ce procureur doté d’une compétence nationale pour le moins floue et susceptible d’entrer en concurrence, voire en conflit, avec les compétences des autres parquets financiers. Ce procureur est, de surcroît, placé sous la responsabilité du procureur général de Paris. Chacun comprendra ! J’ajoute, madame la garde des sceaux, que les conditions de la nomination de ce procureur ne présentent, à nos yeux, aucune garantie d’indépendance.

Comment comprendre, enfin, que notre Assemblée se prononce pour la troisième fois aujourd’hui sur ces dispositions alors même que la garde des sceaux vient de lancer une consultation pour « une grande réforme judiciaire » et une « justice du XXIe siècle » ?

Le groupe UDI appelle de ses voeux une réforme ambitieuse de la justice qui permette d’en finir avec l’addition de lois de circonstances qui se révèlent en définitive insuffisantes.

« Je souhaite que le rassemblement le plus large puisse se faire sur […] cette République exemplaire […] et que l’ensemble de ces dispositions puissent être mises en oeuvre dans les meilleurs délais ». C’est le Président de la République qui s’exprimait ainsi, le 10 avril 2013, en annonçant que le Gouvernement allait déposer deux projets de loi au Parlement.

Huit longs mois plus tard, l’Assemblée nationale s’apprête à adopter enfin ces deux projets de loi qui, passés sous les fourches caudines de votre majorité, ne sont aujourd’hui plus que l’ombre des engagements pris par François Hollande.

Ce combat aurait pourtant dû se nourrir du consensus républicain, mais vous n’avez pas su créer la confiance, de sorte que ces deux projets de loi ne convainquent vraiment ni vos alliés ni vos opposants.

Lutter plus efficacement contre la fraude, qui représente un manque à gagner, Yann Galut le répète souvent, de 70 milliards d’euros par an, permettrait d’alléger la pression fiscale intenable qui pèse sur les Françaises et les Français.

La fraude fiscale fragilise notre pacte républicain et notre modèle démocratique. C’est pourquoi jamais nous ne baisserons la garde, jamais nous ne renoncerons à nos exigences, et jamais nous ne nous mettrons en travers du chemin du Gouvernement s’il va dans cette voie.

Tel est aujourd’hui le sens de notre vote.

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