Votre ministère, madame la ministre, est l’un des beaux vecteurs de la République. Son champ de compétence vise l’épanouissement de chacune et chacun et l’engagement collectif. Ses missions en témoignent : l’accès de toutes et tous à la pratique sportive dans tous les territoires, dans toutes les disciplines et à tous les niveaux, le développement de la vie associative dans le respect des objectifs propres à chaque association d’éducation populaire et une politique en faveur de la jeunesse.
Mais ce budget, sur lequel notre commission a donné un avis favorable n’est de l’avis de votre rapporteure pas au niveau de cette ambition humaniste que vous impulsez. Ce constat n’est pas nouveau. Cela fait longtemps en effet que l’on demande au sport et aux associations de pallier tous les problèmes, toutes les dérives de notre société sans donner à leur ministère de tutelle les moyens tout simplement d’assurer ses missions.
Si l’on peut se féliciter que les crédits de la mission augmentent de 19 % par rapport à 2013, à travers un nouveau programme « Projets innovants en faveur de la jeunesse » doté de 100 millions d’euros, il faut noter que cette somme est en fait un pécule utilisable par appels à projet innovants sur la période 2014-2017. Nous aurons à évaluer sur la durée l’efficacité de ce nouveau dispositif et veiller à ce que votre ministère en garde la maîtrise.
En vérité, à périmètre constant, les deux programmes « Sport » et « Jeunesse et vie associative » du ministère régressent respectivement de 2,9 % et 1,1 %. La lente érosion des moyens du MJS se poursuit depuis des années. Le montant de la mission interroge sur le sens ou l’avenir d’un ministère de plein exercice. Dit autrement, si l’érosion se poursuit, quel sera demain le rôle de l’État en matière de sport et de vie associative ?
Si, comme vous l’affirmez, madame la ministre, ce rôle est essentiel, il faut donner à votre ministère les moyens de relever plusieurs défis et d’ouvrir des chantiers.
Il faut d’abord redonner au ministère la maîtrise de ses personnels. Ce ministère atypique repose sur un personnel porteur de métiers tels que conseiller technique ou conseiller d’éducation populaire et de jeunesse, un personnel apte à travailler en partenariat avec le monde associatif et les collectivités. À coup de RGPP et de disparition des directions déconcentrées, la majorité précédente a amputé ce potentiel. Il faudra donc, dans les années à venir, rouvrir des postes et un portail MJS au niveau des départements. Cela demande que les formations dispensées par les CREPS gardent un contenu national.
Il faut ensuite attribuer au ministère un socle de moyens lui permettant d’assurer ses missions premières pour le sport. Le financement du sport ne peut dépendre du seul CNDS, basé sur les jeux, les paris en ligne ou les droits télé. La situation dont vous avez hérité montre en effet la fragilité de ce financement. De même, comme l’a dit le rapporteur spécial, il faut en finir avec le tout appel à projets sur des publics ciblés. Ce ministère n’a pas, à mon avis, à justifier ses actions sur le sport ou la vie associative par des objectifs extérieurs à son champ de compétence. Bercy doit reconnaître que c’est par le développement des clubs et du nombre de licenciés, par la formation des bénévoles, par l’impulsion du haut niveau et de son encadrement, par la réalisation des infrastructures nécessaires, par l’organisation de grands événements sportifs internationaux que ce ministère contribuera à la cohésion sociale, à l’aménagement du territoire, à l’emploi et bien sûr à la santé – et non l’inverse.
Enfin, l’on doit se féliciter de l’avancée que constitue la mise en place du Comité interministériel de la jeunesse, qui replace le MJS en coordinateur et pilote de l’action gouvernementale en direction des jeunes. Cette avancée devrait permettre au ministère de consacrer plus de moyens à la valorisation des associations de jeunesse et d’éducation populaire.
Le service civique, qui aujourd’hui consomme deux tiers du programme « Jeunesse », sera, au vu de son succès, de plus en plus budgétivore et je partage la proposition qui consiste à diversifier son financement. En effet, les autres formes d’engagement portant sur le bénévolat associatif ne peuvent en pâtir.
Votre loi-cadre, madame la ministre, annoncée pour 2014, est très attendue. Elle traitera certainement des évolutions du modèle sportif français. Ce modèle repose sur une idée simple : le sport est un droit, il appelle donc des politiques publiques. Certes, ce modèle est ébranlé, d’abord par la nature de son financement, l’affaiblissement de la part de l’État, le rôle accru des collectivités, la transformation du sport professionnel et des clubs professionnels en entreprises réclamant des retours sur investissement. Ce modèle est ébranlé ensuite par la diversification des pratiques à l’intérieur des fédérations comme par les enjeux financiers liés à la médiatisation du sport.
À ceux qui voudraient détruire ce modèle sportif, nous devons rappeler que c’est l’État qui est garant de l’égalité d’accès, de la régulation et du maintien de toutes les disciplines. Si le sport est un droit, l’engagement public est nécessaire, au même titre que pour l’éducation ou la santé.
Madame la ministre, sur tous les bancs de cette assemblée s’exprime un attachement au sport et à la vie associative. Encore faut-il le crédibiliser en exigeant des moyens pour votre action. C’était le sens de mon appel à l’abstention. La commission des affaires culturelles en a décidé autrement en approuvant votre budget, mais pour ma part, je maintiendrai cette alerte.