Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

Ce sont des paroles justes !

Mon propos portera plutôt sur le programme « Jeunesse et vie associative ». Ce budget s’inscrit dans un cadre économique contraint et difficile qui pourrait expliquer, sans les justifier, des diminutions de crédits. À ce titre, il nous faut donc nous réjouir que pour l’essentiel, les moyens de ce programme soient préservés. La lecture du budget apporte en effet un soulagement. Il n’y a ni grandes coupes, ni diminution drastique. Le projet de loi de finances pour 2013 affichait environ 232 millions d’euros et avait finalement été abondé de 15 millions supplémentaires ; le projet de loi de finances pour 2014, avant débat, comporte un peu plus de 229 millions, soit une baisse de 7 %.

Plus difficiles à lire, puisque noyées dans le budget des ministères sociaux et regroupées avec le sport, les prévisions de postes devraient être maintenues dans la situation actuelle. Là aussi, on peut être partiellement rassuré.

Mais, à défaut de moyens supplémentaires, un budget doit être l’occasion de présenter des orientations politiques fortes et assumées, l’occasion de s’appuyer sur ses forces – compétences de ses personnels, habitudes de travail en partenariat, réseaux – et enfin l’occasion de mettre en évidence son utilité et sa plus-value. Difficile de trouver cela dans ce projet de loi de finances pour 2014.

Si le budget de 2013 était en augmentation de 7 à 8 %, en cohérence avec la double priorité du Gouvernement, les jeunes et l’éducation, le budget pour 2014 affiche une baisse d’un niveau équivalent. Est-ce à dire, et j’espère que non, qu’il en est terminé des priorités proposées l’an dernier ? D’autant que les deux actions en baisse concernent à nouveau la vie associative et la jeunesse et l’éducation populaire, qui sont le coeur même de ce programme.

Nous trouvons ici deux problèmes majeurs du budget, et plus largement de la politique menée dans ce secteur. On ne peut réduire l’action éducative de l’État à la seule éducation nationale, quelle que soit son importance, indiscutable. La logique même de la refondation de notre système d’éducation voulu par le Président de la République et le Gouvernement conduit justement à une meilleure synergie entre les temps, les actions et les acteurs éducatifs, dans l’école et en dehors. Nous venons de voter une loi équilibrée, modernisant notre système scolaire – mais, hélas, que notre système scolaire ! L’absence d’un grand pôle éducatif gouvernemental n’a pas rendu possible une approche autre que « scolaro-centrée ». Le ministère dont vous avez la charge a été trop attentiste sur ce dossier. Or, davantage que la dimension d’insertion et de développement économique, le levier des politiques éducatives et de leur globalisation dans le cadre de cette loi aurait pu utilement être activé comme préfiguration de ces actions co-construites entre les services de l’État, les collectivités territoriales et les acteurs associatifs. Sinon y faire rapidement référence, rien dans le projet de loi de finances ne vient appuyer cette démarche ni l’inscrire comme une priorité du programme.

L’inscription de l’éducation populaire dans l’intitulé du ministère a suscité pourtant un immense espoir. Bien entendu, il y avait là un symbole, mais aussi un signe. L’inscription d’une valeur forte que la gauche allait porter comme une mission structurante, une réaffirmation du rôle de l’État dans une politique d’éducation populaire permettant la formation des citoyens et la construction de démarches pour mieux vivre ensemble.

Et en ce moment, nous tous, la classe politique, aspirons à un meilleur vivre ensemble. Cela aurait redonné un axe fort à la mission. Mais, là encore, rien dans le budget ne vient suffisamment étayer cette orientation.

Venons-en à présent à la politique en faveur de la jeunesse. L’essentiel du budget qui lui est consacré, d’autres l’ont dit, est consommé par le service civique : 121 millions sur 146.

L’innovation de ce budget réside dans l’ouverture du Programme d’investissements d’avenir à la dimension de la jeunesse, avec un programme « Projets innovants en faveur de la jeunesse » doté de 100 millions. Là encore, d’autres l’ont dit.

Si l’on ne peut évidemment que saluer l’importance de cette enveloppe financière, sans faire preuve de mauvaise foi, l’on peut tout de même légitimement s’interroger sur cette mode qui consiste à recourir aux appels à projets à tout va. Que garantissent-ils, si ce n’est une mise en concurrence accrue des projets et la privation, pour l’État, de tout levier d’action directe ?

Vous allez financer par appels à projet, et de manière très parcellaire, ce qui constitue la mission prioritaire de l’État dans le domaine de la jeunesse. Sa gestion étant confiée à l’ANRU, le programme sera fortement teinté d’une coloration « politique de la ville » et sera donc majoritairement axé sur les territoires urbains. Mais si ceux-ci ont des besoins importants, ils bénéficient déjà d’accompagnements spécifiques, ce qui n’est pas le cas d’autres zones comme la campagne, la montagne ou l’outre-mer. Comment garantir qu’une fois de plus ces dernières ne seront pas les oubliées de cette politique ?

La redynamisation des services déconcentrés, la mobilisation des CEPJ sur leur mission et une politique de recrutement en cohérence auraient certainement permis de mettre en oeuvre cette priorité sur l’ensemble du territoire et je suis sûre que cela n’aurait coûté pas plus d’un million par département.

Entendez nos inquiétudes, madame la ministre, et rassurez-nous sur la suite de ce programme interministériel en termes d’évaluation, d’association des services à son suivi, de généralisations possibles et de financement partagé avec l’éducation nationale et de financements non pérennes !

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