Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

En 2014, les moyens de la diplomatie française seront réduits de 3 % si l’on considère le périmètre du ministère des affaires étrangères, ou de 0,8 % si l’on prend celui de la mission « Action extérieure de l’État » dont les effectifs diminueront de près de 200 emplois. Tout cela a forcément des conséquences sur notre action extérieure, notamment en matière culturelle. Je pense aux alliances françaises, aux instituts culturels et aux établissements scolaires.

Cette rigueur a permis, et l’on ne s’en plaindra pas, de fermer de luxueuses résidences d’ambassadeurs à Hong Kong et Buenos Aires. Elle a aussi conduit la France à s’engager dans une politique de restriction dans ce que l’on appelle les « petits pays », à travers une expérience de réduction du nombre d’ambassades et du personnel diplomatique menée sur douze d’entre eux et destinée à être étendue à trente-deux autres. Je rappelle que M. Fabius, cet été sur Twitter, notait qu’il était difficile pour un poste de fonctionner avec quatre agents seulement. Or, nous sommes en train de passer de douze à quatre. Le rayonnement de la France dans ces petits pays s’en trouvera atteint.

Au moment où le Président de la République, le Gouvernement et le ministre des affaires étrangères se sont lancés dans ce qu’ils appellent la « diplomatie économique », il ne faudrait pas sacrifier notre influence culturelle au profit de l’économie.

À cet égard, je m’associe à Sergio Coronado pour soulever le problème des coupes de 8,5 millions d’euros dans le budget de l’Agence pour l’enseignement français de l’étranger. Ce budget est inadapté aux besoins ressentis par nos compatriotes. Le nombre d’élèves scolarisés augmente de 3 %. Le désengagement financier de l’État et la privatisation croissante du financement des établissements entrent dans la continuité de la politique du gouvernement précédent et conduisent à une dégradation. L’enseignement à l’étranger ne peut faire l’objet d’une telle dérogation aux principes fondateurs de l’enseignement sur notre territoire. Les requêtes des enseignants sont nombreuses, notamment quant aux indemnités spécifiques de vie locale ou aux conditions de rémunération et de titularisation des recrutés locaux. Le malaise est palpable ; plusieurs grèves ont été menées notamment en Argentine où 20 postes seulement ont été ouverts alors que 600 titulaires sont sous contrat local.

Comment comptez-vous prendre en compte les problèmes rencontrés sur le terrain ? Envisagez-vous une augmentation, voire une réforme, du financement de l’enseignement public à l’étranger pour le budget 2015 ?

Dans cet hémicycle, nous avons très peu l’occasion de débattre de politique étrangère, domaine réservé du Président de la République, et j’aimerais vous livrer deux réflexions.

Je voudrais mettre l’accent sur ce que l’on pourrait qualifier de dérive atlantiste de notre diplomatie. En effet, comme l’a dit notre collègue Baumel tout à l’heure, nous allons augmenter singulièrement la sécurité dans nos ambassades ; mais rien n’est dit sur la protection de nos ambassades contre l’espionnage de la NSA. Je remarque d’ailleurs que notre diplomatie s’est montrée bien dure avec le président Evo Morales, soupçonné d’emporter dans son avion M. Snowden, alors même que cet homme est un lanceur d’alerte, dans la tradition de ce qui a été inventé aux États-Unis au moment de la guerre de Sécession, et qu’il ne faisait que son travail au service du bien public.

Deuxième dérive atlantiste : on aurait pu penser que notre pays et notre diplomatie seraient en première ligne pour lutter contre le traité transatlantique – ce traité qui va ouvrir le marché européen et peut-être conduire à la levée du moratoire sur les OGM, à la remise en cause des services publics, voire à la privatisation du numérique.

Un très grand silence règne aujourd’hui sur ce traité transatlantique. Nous aurions pu imaginer que ce gouvernement de gauche le combattrait de la même manière et avec la même énergie que le gouvernement de Lionel Jospin s’était battu, il y a quelques années, contre l’Accord multilatéral sur l’investissement.

Je terminerai bien évidemment cette intervention en saluant la mémoire de mes deux confrères journalistes qui ont été lâchement assassinés. Nous étions bien rares à dire au début de l’intervention française au Mali que nous étions dans une situation extrêmement difficile, pour ne pas parler d’enlisement avec un renforcement des troupes françaises. Contrairement à ce qui a été annoncé, nous n’avons malheureusement pas éradiqué le terrorisme ; nous savons que l’irrédentisme du Nord-Mali se perpétue et que la région de Kidal reste une poudrière.

Est-on sorti de la Françafrique ? Je n’en suis pas sûr, puisque le Président de la République recevra au Sommet de l’Élysée les 5 et 6 décembre prochains tout ce que l’Afrique compte de crapules et de dictateurs. Je pense par exemple à M. Idriss Déby, dont nous sommes aujourd’hui les obligés à cause de notre intervention au Nord-Mali : il fallait bien que les troupes tchadiennes, qui sont les seules à savoir mener une guerre dans le désert, viennent nous aider. Je pense à M. Sassou NGuesso et à quelques autres, qui sont, je vous le rappelle, poursuivis par la justice française pour des biens mal acquis. Je ne suis donc pas sûr que la Françafrique soit terminée, et c’est sur cette note un peu pessimiste que je terminerai mon intervention, en indiquant toutefois que le groupe écologiste votera le budget du ministère des affaires étrangères, en dépit de toutes les préventions que j’ai formulées devant vous.

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