Intervention de Jean-François Mancel

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-François Mancel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Vous en avez encore évoqué certaines. Le Président de la République avait pourtant annoncé que la part du revenu national brut affectée à l’aide publique au développement atteindrait 0,7 %. Vous avez, il est vrai, organisé les Assises du développement et de la solidarité internationale et réuni le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement. Vous avez augmenté les financements innovants. Il y a eu l’engagement au Mali, et à cet égard je m’associe bien sûr à l’hommage que vous avez rendu à nos deux compatriotes assassinés. Enfin, un projet de loi d’orientation et de programmation est en préparation et devrait être présenté le moment venu, vraisemblablement lors d’un conseil des ministres du mois de décembre, ainsi que vous nous l’avez indiqué récemment.

Hélas, et c’est le sujet du jour, les moyens budgétaires ne sont pas à la hauteur. Vous venez d’évoquer les crédits que vous êtes parvenus à sauvegarder, mais ils sont bien loin d’être suffisants au regard des intentions affichées.

Premièrement, il est clair aujourd’hui que l’objectif d’affecter 0,7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement est désormais quasiment abandonné pour un avenir proche, voire même lointain.

Deuxièmement, et c’était déjà le cas en 2013, votre budget diminue. La baisse des crédits de paiement en 2014 est d’environ 6 %, ce qui n’est pas rien.

Troisièmement, le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement s’est certes réuni, mais son relevé de décisions est rempli d’objectifs pléthoriques qui sont totalement irréalisables compte tenu des moyens dont vous disposez. Je reconnais que vous vous battez pour en obtenir, mais c’est plutôt vers M. le ministre délégué chargé du budget qu’il faut se tourner, car là réside le problème majeur de notre action en matière d’aide publique au développement.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué les financements innovants, qui ont été créés par Jacques Chirac s’agissant de la taxe sur les billets d’avion et par Nicolas Sarkozy s’agissant de la taxe sur les transactions financières. Toutefois, et vous en avez fait l’aveu vous-même en commençant votre intervention tout à l’heure, alors qu’ils avaient été pensés à l’origine comme des financements additionnels, ils sont devenus des financements de substitution pour remplacer la baisse des crédits publics alloués à votre ministère. Il faut bien le rappeler, et c’est certainement l’une des critiques les plus importantes que l’on puisse adresser à ce budget.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur le problème de nos interventions bilatérales, dont les financements sont à nouveau en baisse dans le budget pour 2014. C’est très net : le montant des subventions versées aux pays qui en ont le plus besoin, c’est-à-dire globalement aux vingt pays les plus pauvres de la planète, est de 200 millions d’euros, soit environ 10 millions d’euros par pays. Comment voulez-vous mener la politique ambitieuse que vous souhaiteriez concrétiser avec des moyens aussi faibles ?

Je prendrai l’exemple du Mali, où il faut non seulement maintenir la sécurité mais aussi redresser les institutions et l’économie d’un pays qui en a grand besoin. Je suis pour ma part très sceptique quant à la mobilisation financière internationale dans ce domaine. Si la France, qui a le savoir-faire, la compétence et qui peut s’appuyer sur l’AFD, l’Agence française de développement, qui joue un rôle excellent au service des intérêts français, n’a pas la capacité de mobiliser des crédits en matière bilatérale pour initier les opérations, les organiser, et entraîner ensuite les financements multilatéraux, on risque de se retrouver dans la pagaille générale de l’action multilatérale. J’en veux pour preuve le bilan des interventions en Afghanistan, où des milliards d’euros ont été gâchés pour financer des opérations multilatérales qui n’ont pas débouché sur grand chose.

Pour ces différentes raisons, nous devons progresser en matière de montant de crédits. Je répéterai ce soir en présence de M. le ministre délégué chargé du budget ce que je vous avais dit lors de la commission élargie : je suggère que sur les 600 millions d’euros attribués à l’aide médicale d’État dans le cadre de la mission « Santé », qui doit être examinée prochainement, 200 millions d’euros soient transférés à la mission « Aide publique au développement » au profit notamment du programme 209, c’est-à-dire au profit des subventions de l’aide bilatérale. Ce serait le moyen de bien répondre aux préoccupations qui sont les vôtres et que nous partageons, monsieur le ministre.

Je rappelle pour mémoire que la commission des finances a adopté les crédits de votre ministère.

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