Intervention de Noël Mamère

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Sport jeunesse et vie associative

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNoël Mamère :

Monsieur le ministre, cher Pascal Canfin, vous poursuivez avec persévérance un travail cohérent pour une mondialisation solidaire et la protection des plus vulnérables, ceux que Frantz Fanon appelait les « damnés de la terre ». Mais, malgré vos efforts, le budget qui vous est alloué est en baisse pour la seconde année consécutive – cette fois de 6 %, avec les conséquences que cela suppose, notamment pour les pays les plus pauvres.

Les organisations non gouvernementales se plaignent de la réduction des crédits de l’aide au développement. De fait, cette diminution peut avoir des conséquences sur la vaccination de plusieurs centaines de milliers d’enfants ou d’adultes dans des pays très retirés. La baisse de quelque 30 millions d’euros risque de vous empêcher directement d’accomplir la mission qui vous est assignée. Comme l’ont dit certains collègues avant moi et comme le diront sans doute d’autres après, nous sommes loin de l’objectif de 0,7 % de notre richesse nationale. Votre ministère s’efforce de masquer cette faiblesse en intégrant dans son budget des éléments qui n’ont rien à y faire, par exemple la formation professionnelle à Wallis et Futuna, qui est pourtant un territoire français.

Il convient également de dire combien il est nécessaire d’engager une réforme de l’Agence française de développement, outil essentiel au service de l’aide publique au développement, notamment pour opérer un rééquilibrage entre les prêts et les subventions directes. Nous sommes assez éloignés aujourd’hui des objectifs du millénaire. Le montant des crédits alloués aux seize pays africains considérés comme prioritaires n’est que de 10 millions d’euros par an en aides directes ; il faut donc faire des efforts en ce sens. Je ne suis pas en train de dire que l’AFD ne doit pas accorder d’aides aux pays émergents, mais elle doit répondre, ainsi que le ministère chargé du développement, à sa vocation première, laquelle doit être de se tourner vers les pays prioritaires.

On peut noter aussi avec une grande satisfaction que les financements innovants, comme la taxe sur les billets d’avion et la taxe sur les transactions financières, commencent à jouer leur rôle. Rendons à César ce qui lui appartient : vous avez beaucoup oeuvré, monsieur le ministre, lorsque vous étiez membre du Parlement européen, à la mise en place de la taxation sur les transactions financières, laquelle n’a rien à voir avec le dispositif instauré par le gouvernement Sarkozy : il s’agissait d’une taxe sur les transactions bancaires qui n’avait pas les mêmes effets. Cela dit, ces financements innovants visent davantage aujourd’hui à rattraper un budget insuffisant qu’à aller directement vers ceux qui en ont le plus besoin.

Se pose également la question du rôle de la France en faveur de la mise en place d’une couverture sanitaire universelle. On sait bien, en effet, que les problèmes de santé sont essentiels dans un certain nombre de pays en développement. Aujourd’hui, le droit à la santé n’est pas une réalité pour plusieurs milliards d’êtres humains. Nous devons donc contribuer à lever les barrières financières qui contribuent à la mortalité très importante dans ces pays. Or le volet sanitaire de votre ministère ne représente que 0,05 % de l’aide en matière de santé. Nous considérons qu’il faut maintenant traduire vos discours dans les actes et aller un peu plus loin.

Nous nous félicitons qu’une loi d’orientation et de programmation sur la politique de développement soit prochainement votée. Les écologistes, et tous ceux qui se sentent concernés par l’aide publique au développement, espèrent que ce texte facilitera la transparence, améliorera le suivi de la mise en oeuvre de notre politique de développement et contribuera à lutter contre ce que l’on pourrait appeler une forme de dumping. La PAC subventionne en effet des produits agricoles qui envahissent les pays d’Afrique, notamment, et y constituent une concurrence déloyale. Et au moment même où des manifestations se déroulent en Bretagne, nous savons que l’aide apportée à cette filière nuit à la souveraineté alimentaire des paysans africains.

Monsieur le ministre, vous portez le badge de RFI : nous nous inclinons devant la mémoire des deux journalistes de cette radio, qui ne faisaient que leur travail. Nous avons appris il y a quelques minutes que leur horrible assassinat est revendiqué par AQMI. Si ce meurtre constitue une atteinte à la liberté d’expression, il est aussi le signe d’un malaise dans cette partie de l’Afrique, qui fait l’objet d’une intervention et d’une aide militaire française plutôt que d’une véritable aide au développement.

Vous tiendrez le 5 décembre une grande réunion sur le développement avec l’AFD, où se trouveront tous ceux qui souhaitent une autre vision de l’Afrique. Mais le lendemain, un certain nombre de crapules et de dictateurs, dont certains sont poursuivis par la justice française pour des biens mal acquis, seront à l’Elysée, pour le sommet sur la sécurité. Malheureusement, la Françafrique se porte encore très bien !

Cela dit, le groupe écologiste votera le budget de votre ministère.

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