Intervention de Serge Letchimy

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 22h00
Loi de finances pour 2014 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, monsieur le ministre des outre-mer, monsieur le ministre délégué chargé du budget, mes chers collègues, on a l’habitude de citer des chiffres assez stigmatisants pour l’outre-mer, je pense tout particulièrement au chômage. Il ne faut pas nier cela, mais il faut absolument dire aussi que les différents pays d’outre-mer s’investissent énormément. Il y a des politiques d’innovation, il y a des politiques de filières, notamment pour la relance d’activités endogènes, il y a des politiques très importantes liées au numérique, pour désenclaver les différentes régions. Il y a aussi des politiques d’insertion régionale, d’inscription dans des instances internationales, avec l’appui du ministre Fabius : je pense à l’OICS pour la Caraïbe, à la CEPAL, à l’AEC. Il y a aussi une politique des filières économiques d’excellence. Encore une fois, il ne s’agit pas de nier les réalités du chômage, mais il faut absolument dire cela aussi.

Deuxième point : le budget qui nous est proposé est un budget en augmentation. Nous n’allons pas nous répéter, mais c’est assez rare dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui et il faut s’en féliciter.

Nous avons connu une réforme de la défiscalisation consensuelle, discutée, qui n’a pas trop abîmé les choses, même si je partage les inquiétudes du président Ollier. Je considère qu’il faut absolument privilégier la ligne budgétaire unique et faire en sorte que la défiscalisation vienne en appui des politiques du logement.

Je note avec satisfaction l’augmentation de la partie LBU, essentielle pour la relance de l’activité, qui passe de 227 à 245 millions.

Je pense aussi, monsieur le ministre, à une étude d’évaluation qui est certainement à faire sur la réforme des politiques d’exonération, notamment pour les bas salaires. L’expression « trappe à bas salaires » est stigmatisante. Je pense qu’il faut dresser un bilan intermédiaire, et ne pas donner le sentiment d’une substitution par laquelle, en renforçant les moyens sur les bas salaires au-dessus de 1,4 SMIC, on se désintéresserait des autres, ni penser que la combinaison du crédit d’impôts compétitivité-emploi et du crédit d’impôts tout court permettrait de mieux soutenir les entreprises. Une analyse intermédiaire pourrait nous permettre de démentir ces slogans.

Nous sommes convaincus qu’il faut absolument, au-delà des questions budgétaires, amorcer un changement de modèle économique dans nos régions d’outre-mer. Je ne vois pas, personnellement, malgré le succès de la loi Lurel qui a tout de même permis une baisse des prix de 15 à 20 %, comment sortir de la spirale d’une société de consommation accrue, alimentée par des importations massives, et d’une économie à croissance non partagée : pas suffisamment d’activité et pas suffisamment de travail. Il y a des potentiels, mais encore faudrait-il que l’Europe puisse accepter très clairement d’appliquer les clauses de sauvegarde quand nos économies sont en difficulté : ce n’est pas du protectionnisme, c’est prévu pour quatre à six ans afin de protéger a minima les productions et filières locales.

Je ne suis pas d’accord quand on dit qu’il n’y a aucune chance de développer ces filières locales à cause de l’étroitesse du marché.

Il faudrait qu’au niveau national, les lois à venir, en particulier sur l’agriculture, fassent un focus particulier sur la politique agricole, et qu’on puisse donner plus d’initiative à l’échelon local.

Encore faudrait-il qu’il y ait localement une structuration de la politique de filière qui soit à la hauteur des besoins.

Je voudrais prendre un exemple précis : la filière énergétique. Actuellement, nous nous engageons dans une mutation fondamentale, la transition énergétique : le Président de la République et le Premier ministre ont donné une grande priorité à ces orientations. C’est un défi qui est incontournable. Je dirai, comme Rifkind, que c’est une troisième révolution. L’objectif du Grenelle consistant à atteindre 50 % d’énergies renouvelables d’ici à 2020 constitue un véritable défi pour l’ensemble de la France, dont les pays d’outre-mer. En même temps, examinons dans nos pays les ressources potentielles pour atteindre cet objectif : en géothermie, en photovoltaïque, en énergie thermique en mer, en technologie de climatisation à partir des eaux profondes, en gaz, en stockage intelligent, en biomasse, en éolien, nous avons tout ce qu’il nous faut, la nature nous a tout donné pour réussir une transition énergétique dans de bonnes conditions.

Cela veut dire qu’il faut, au-delà même des budgets, mener des politiques de développement qui soient en adéquation avec la réalité.

Pour conclure, bien entendu, monsieur le ministre, nous voterons ce budget : c’est un budget en augmentation et nous ferons tout pour que nous puissions, localement, assumer nos propres responsabilités.

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