Intervention de Alfred Marie-Jeanne

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 22h00
Loi de finances pour 2014 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlfred Marie-Jeanne, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Monsieur le président, monsieur le ministre des outre-mer, monsieur le ministre délégué chargé du budget, mes chers collègues, dans le cadre de la nouvelle procédure de commission élargie, je suis contraint de me cantonner au sujet central qui occupe la commission des lois. Il peut se décliner ainsi : l’état des prisons dans les départements et territoires d’outre-mer, leur engorgement, les conséquences néfastes qui s’ensuivent – et que l’actualité récente vient de confirmer – et les moyens d’y remédier. Cette procédure prive les élus d’outre-mer de la possibilité d’intervenir sur le budget global consacré à ces territoires. Étrange cloisonnement, que je déplore car il contracte le débat démocratique. Puisque c’est ainsi et souhaitant qu’il en sera autrement l’année prochaine, j’essaierai d’accomplir la tâche qui m’a été assignée.

L’ampleur de la surpopulation carcérale dans les départements et collectivités d’outre-mer, plus que nulle part ailleurs sur le reste du territoire, nécessite, à mon sens, qu’en soient analysés les ressorts, en vue de dégager quelques solutions durables.

À cet égard, je tiens à préciser que mon rapport n’est pas un réquisitoire. Il est à la fois un rappel et un appel. Un rappel sincère et objectif des faits et des données. Un appel au Gouvernement, et donc à vous, monsieur le ministre, face à une situation déplorable, qui va jusqu’à menacer nos fragiles sociétés.

Mettre fin à la surpopulation dans les prisons suppose non seulement de mener une politique active de rénovation et d’extension des capacités pénitentiaires, mais aussi de développer significativement les aménagements de peines et les alternatives à la prison, et de lutter plus efficacement contre l’inactivité en détention.

Je voudrais revenir rapidement sur ces différents points.

S’agissant, tout d’abord, de la politique de rénovation et d’extension des capacités pénitentiaires outre-mer, des efforts importants ont été réalisés ces dernières années pour pallier la vétusté et le manque de place.

Toutefois, selon les données qui m’ont été transmises, au 1erseptembre 2013, aucun établissement ne dispose d’unité de vie familiale et de parloir familial alors même que l’article 36 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 dispose que chaque détenu peut bénéficier d’une visite trimestrielle dans l’une ou l’autre de ces deux structures. Qui, parmi nous, pourrait se satisfaire de cette situation lorsque l’on sait l’importance du maintien des relations familiales pour un individu incarcéré ?

Par ailleurs, la future loi de programmation pluriannuelle des finances publiques pour la période 2015-2017 envisage l’implantation d’un centre de semi-liberté en Martinique et d’un centre pour courtes peines à Koné, dans la province nord de la Nouvelle-Calédonie. Des études de faisabilité et des recherches foncières seraient en cours de réalisation. Ces projets sont très attendus car il manque cruellement de structures suffisamment diversifiées, notamment des centres et des quartiers de semi-liberté, pour répondre de manière satisfaisante et adaptée aux profils très différents des personnes détenues. La programmation budgétaire pour les trois prochaines années devra assurer le financement de ces projets.

S’agissant, ensuite, de la diversification de la réponse pénale et du développement des alternatives à la détention, je voudrais évoquer la question de la réforme pénale à venir.

Celle-ci se traduira par la création d’une nouvelle peine de contrainte pénale et le suivi renforcé de chaque personne placée sous main de justice par les services pénitentiaires d’insertion et de probation.

Or, on constate qu’en dépit d’une augmentation des effectifs de l’administration pénitentiaire outre-mer depuis 2007, ces services font face dans nos territoires à une insuffisance criante de moyens budgétaires et humains.

De surcroît, l’éloignement, l’insularité, le relief les obligent à organiser de nombreuses permanences délocalisées, occasionnant ainsi des temps et des frais de déplacement particulièrement importants.

Dans ces conditions, il serait de bonne politique que le Gouvernement renforce les moyens alloués aux services pénitentiaires d’insertion et de probation et s’efforce de prendre la pleine mesure des spécificités de nos territoires dans le futur projet de loi de prévention de la récidive et d’individualisation des peines.

S’agissant, enfin, de la lutte contre l’inactivité en détention, je reste convaincu que le temps passé en détention doit être davantage consacré à l’activité, à la formation et à la réinsertion des détenus.

À cause de la crise et du chômage de masse outre-mer, ce sont les publics les plus jeunes – tout le monde le sait, tout le monde l’a dit et répété – qui sont les premiers concernés. Les établissements pénitentiaires, faute d’entreprises candidates, éprouvent d’importantes difficultés à développer dans leurs murs des activités de travail rémunérées autres que celles liées au service général en vue de la réinsertion.

De la même manière, les associations qui assurent les actions de réinsertion des détenus naissent puis disparaissent souvent de manière très rapide, empêchant la mise en place d’actions pérennes. L’instabilité de ce tissu associatif s’observe notamment en Guadeloupe et en Martinique et s’explique pour une large part par le manque de trésorerie de ces structures.

Là encore, des marges de progression importantes existent pour accroître l’offre de formation et favoriser l’implantation de nouvelles activités rémunérées en prison, et ce malgré un contexte socio-économique peu favorable.

En conclusion et au-delà du simple constat, les propositions que je viens d’évoquer portent en elles l’ambition – que nous partageons tous ici – d’humaniser les prisons outre-mer et de redonner aux personnes détenues dans ces territoires toute leur dignité de justiciables.

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