Intervention de Daniel Gibbes

Séance en hémicycle du 6 novembre 2013 à 22h00
Loi de finances pour 2014 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes :

Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un contexte difficile et contraint de retour à l’équilibre des finances publiques du pays, notre assemblée est appelée à se prononcer ce soir sur une partie des crédits alloués aux outre-mer.

Dotée en 2014 de 2,15 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,06 milliards d’euros en crédits de paiement, la mission « Outre-mer » apparaît sensiblement épargnée par les coups de rabot auxquels sont soumises les autres missions budgétaires.

En franchissant la barre symbolique des 2 milliards d’euros, ce budget consolidé montre que le Gouvernement a conscience des urgences auxquelles sont confrontés nos douze territoires ultramarins, qui participent toutefois pleinement à l’effort de redressement des finances publiques.

Dans le détail, la mission « Outre-mer » comprend deux programmes. Le programme « Emploi outre-mer » finance divers dispositifs de soutien à l’emploi ultramarin et représente, en 2014, 1,4 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 1,4 milliard d’euros en crédits de paiement.

Le programme « Conditions de vie outre-mer » qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines représente quant à lui 0,74 milliard d’euros en autorisations d’engagement et 0,67 milliard d’euros en crédits de paiement pour 2014.

Enfin, le budget ultramarin s’appréhende au travers de la politique transversale de l’outre-mer : l’effort budgétaire global de l’État au titre de cette politique transversale s’élève ainsi, en 2014, à 14,3 milliards d’euros, dont près de 4 milliards d’euros de dépenses fiscales.

J’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen des crédits de la mission « Outre-mer » en commission élargie la semaine passée : c’est avec un certain soulagement que le groupe UMP accueille le budget consacré en 2014 à nos territoires ultramarins.

Les outils d’incitation fiscale à l’investissement ont été, pour l’essentiel, préservés. Permettez-moi de profiter du temps de parole qui m’est imparti pour saluer le combat du rapporteur spécial Patrick, Ollier qui s’est montré particulièrement vigilant pour défendre tant la défiscalisation que la construction de logements intermédiaires outre-mer.

Les outils d’incitation fiscale à l’investissement ont donc été préservés. La ligne budgétaire unique est en augmentation de 8 % ; le Fonds exceptionnel d’investissement a été reconduit pour 50 millions d’euros ; les crédits affectés au service militaire adapté augmentent. Ce sont autant d’éléments qui inscrivent ce budget, non pas dans le « combat », comme le ministre a qualifié ces crédits pour la deuxième année consécutive, mais dans la continuité.

Et comment aurait-il pu en être autrement ? Comment votre gouvernement aurait-il pu faire autrement que de maintenir ce qui est déjà largement insuffisant pour nos territoires, presque entièrement enlisés dans des situations économiques, sociales, écologiques, démographiques et sécuritaires dramatiques ?

Les bouleversements sociaux de 2009, partis des Antilles, ont mis en lumière les multiples douleurs de nos territoires ultramarins, qui demeurent au bord du gouffre.

Personne ne peut dire que rien n’a été fait : je salue d’ailleurs votre opiniâtreté, monsieur le ministre, à placer les outre-mer au coeur de la vie parlementaire depuis votre prise de fonction.

Mais la fragilité de nos économies ultramarines, les retards structurels, le taux de chômage deux fois plus élevé que dans l’Hexagone pour un PIB par habitant deux fois moindre font que les territoires outre-mer méritent un budget en adéquation avec leurs réalités, et des mesures singulières prenant en considération leurs particularismes et leurs handicaps.

Je regrette ainsi que cette légère augmentation budgétaire pour 2014 n’ait pas été l’occasion de mieux hiérarchiser certaines priorités du Gouvernement. Permettez-moi ainsi quelques observations sur les alternatives à l’emploi des jeunes outre-mer. Je me réjouis bien évidemment de l’augmentation de 8 % des crédits pour le service militaire adapté. L’encadrement militaire de quelques poignées de jeunes, certes très efficace, ne doit pas pour autant constituer la réponse centrale à la problématique de la formation professionnelle de notre jeunesse ultramarine.

Ces jeunes se voient par ailleurs proposer des dispositifs pour le moins précaires en termes d’emplois : contrats aidés, emplois d’avenir et autres contrats de génération viendront sans doute infléchir l’indigeste courbe du chômage de nos jeunes ultramarins. Ne perdons pas de vue toutefois qu’il s’agit là de dispositifs temporaires et peu qualifiants.

D’autres points particuliers, comme la réduction d’effectifs de l’Agence de mobilité pour l’outre-mer, la faiblesse des enveloppes accordés à des dispositifs pourtant cruciaux tels que l’aide au fret ou l’aide à la rénovation hôtelière, ou encore l’insuffisance des crédits pour lancer une véritable politique de résorption de l’habitat insalubre ou de coopération économique régionale, expliquent que le groupe UMP s’abstiendra sur le vote de cette mission « Outre-mer ».

Car c’est d’audace autant que de combat, monsieur le ministre, dont ont besoin nos outre-mer. Et je ne vois pas dans l’implantation d’un casino sur la partie française de Saint-Martin, comme vous l’avez suggéré en commission élargie, une réponse audacieuse à la situation dramatique d’une île gangrenée par le chômage et l’insécurité – et que l’État a spoliée, je le reconnais, lors des transferts de charges de compétences –, au bord du gouffre économiquement car incapable d’être concurrentielle.

Il faut de l’audace, donc, pour sortir de la dépendance budgétaire. Je rejoins en ce sens M. Serge Letchimy, qui a consacré son rapport à la thématique passionnante de la transition énergétique outre-mer pour mieux mettre en lumière – et je reprends les mots de son rapport – qu’il est « grand temps que chacun prenne conscience que ces particularismes "outre-mer" sont autant d’atouts à valoriser, par l’élaboration d’une nouvelle approche de la croissance et du développement ».

De l’audace, donc : c’est ce qui manque à votre budget, mais c’est avec la volonté d’une opposition constructive que l’UMP s’abstiendra ce soir.

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