Monsieur le président, mesdames, messieurs, l’autonomie financière des collectivités territoriales est une composante juridique essentielle du principe constitutionnel de libre administration. L’article 72-2 de la Constitution précise que « tout transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. » Or le projet de loi de finances pour 2014 prévoit, au travers du pacte de confiance, une très forte diminution des ressources des collectivités territoriales qui tend à remettre en cause, dans les faits, l’autonomie financière de ces dernières.
Il est en effet envisagé, d’une part, une baisse de 1,5 milliard d’euros des concours financiers de l’État aux collectivités locales – 476 millions d’euros pour les seuls départements – et, d’autre part, une réduction des prélèvements sur recettes de l’État au profit des collectivités territoriales, passant de 55,9 milliards d’euros en 2013 à 54,3 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2014 ; soit, au total, une baisse de 3,1 milliards d’euros. Pour le groupe RRDP, cela fait beaucoup, cela fait trop, d’autant que cette évolution n’est pas nouvelle et qu’il est envisagé de poursuivre cette diminution des dotations à l’identique en 2015.
J’en viens, maintenant, à la question précise du transfert par l’État aux départements des droits de mutation à titre onéreux pour le financement des trois allocations individuelles de solidarité : le revenu de solidarité active, l’allocation personnalisée d’autonomie et la prestation de compensation du handicap. Leur coût s’élevait à 14,3 milliards d’euros en 2011 contre 9 milliards en 2004 sous l’effet des évolutions démographiques et conjoncturelles.
Les différents mécanismes de compensation prévus ne permettent pas de couvrir le coût réel de ce transfert. La compensation de l’État est inférieure, chaque année, de quelque 6 milliards d’euros à ce que représente pour les départements la prise en charge des trois allocations individuelles de solidarité. En application du principe d’autonomie fiscale mis en place avec la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, les collectivités territoriales ont accepté de se voir transférer certaines recettes fiscales pour compenser les transferts de compétences découlant de la décentralisation.
Or les recettes fiscales transférées aux départements sont volatiles, procycliques et atones. Ainsi, les départements sont aujourd’hui confrontés à un véritable « effet de ciseau » : Du fait du ralentissement économique et de la crise, les allocations de solidarité versées, sont en forte hausse tandis que les recettes fiscales sont, elles, en baisse. C’est particulièrement le cas des DMTO, qui constituent une recette fiscale indirecte particulièrement sensible à la conjoncture économique.
Pour le groupe RRDP, il est donc urgent de remédier à cette situation, car ces dépenses contraintes amputent sévèrement les capacités d’investissement des départements. Les dépenses d’investissement, en baisse de 1,6 %, sont ainsi en recul pour la quatrième année consécutive. L’article 58 du projet de loi de finances a initialement prévu d’octroyer aux départements la faculté temporaire de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux de 3,8 % à 4,5 % au maximum.
Une nouvelle solution aujourd’hui avancée consisterait à opérer un prélèvement de 0,7 % sur les recettes actuelles de DMTO pour alimenter un fonds de péréquation estimé à 1,3 milliard et à laisser, par ailleurs, la possibilité aux départements qui le souhaitent de déplafonner le taux jusqu’à 4,5 % pour compenser la prise en charge des allocations individuelles de solidarité. La mesure de déplafonnement est, par nature, profondément injuste parce qu’elle offre des potentialités d’accroissement de ressources extrêmement inégales – d’un rapport d’un à vingt – selon les territoires.
En conséquence, la modulation sera utilisée de manière différenciée selon les départements. Le besoin d’augmentation sera d’autant plus fort que le reste à charge est élevé. Alors que les taux sont aujourd’hui identiques, des inégalités de pression fiscale apparaîtront, et ce au détriment des départements les plus pauvres et de leur population. Cependant, la prise en charge des allocations individuelles de solidarité doit reposer sur le principe de solidarité nationale et répondre à l’objectif de compensation de la charge des allocations individuelles de solidarité. Nous regrettons que le prélèvement additionnel de solidarité de 0,7 % n’ait pas été retenu.
Cette solution aurait permis d’assurer une redistribution sur le modèle de l’article 26 de manière à traiter équitablement les territoires. Je tenais, enfin, à exprimer le profond regret du groupe RRDP face au détournement d’usage, pour la deuxième année consécutive, de la contribution additionnelle pour la solidarité et l’autonomie. En effet, le produit de la CASA sera, cette année encore, affecté via le PLFSS pour 2014 au Fonds de solidarité vieillesse et non au budget de la CNSA, ce qui était pourtant sa fonction première.
Nous estimons qu’il aurait été préférable que la partie de la contribution additionnelle pour la CASA, détournée au profit du Fonds de solidarité vieillesse, finance l’augmentation de la part de la CNSA versée aux départements pour compenser les dépenses d’APA. Cette mesure aurait permis d’améliorer la compensation en faveur des départements au titre de l’APA sur la base du principe de solidarité nationale.
En conclusion, maîtriser la dépense publique tout en voulant mener une politique de justice sociale n’est pas, je vous le concède, une tâche aisée. Le lien social est mis à rude épreuve ; plus que jamais les dotations aux collectivités locales restent un enjeu majeur d’équité et de solidarité. Le groupe RRDP, attentif aux débats qui suivront, votera les crédits de cette mission.