Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », que j’ai l’honneur de présenter au nom de la commission des finances, représente un budget global de 13,83 milliards d’euros, en progression de 3,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013.
Si l’on s’en tenait à ce simple chiffre, chacun pourrait se dire qu’en ces temps de disette budgétaire, ce n’est pas si mal. Mais une autre lecture est, à mon sens, plus judicieuse. En effet, cette mission regroupe des crédits affectés à des dépenses de guichet ; il s’agit donc de suivre le mouvement de progression et du nombre d’allocataires – que ce soit pour l’AAH ou le RSA – et du montant des prestations revalorisées, l’une de 1,75 %, l’autre de 2 %, pour expliquer cette augmentation.
Bien sûr, on ne peut que se féliciter de l’engagement du Gouvernement de maintenir, de consolider de telles prestations qui sont des piliers de notre pacte social et républicain. Il convient sans doute de faire évoluer les dispositifs pour conforter l’entrée dans l’emploi des publics fragiles. À cet égard, les résultats de la réflexion approfondie menée par M. Sirugue sur la réforme du RSA constituent une piste d’évolution qui doit débattue. De même, nous devons faire un effort collectif en faveur de l’emploi des personnes handicapées.
On nous oppose sans cesse le fait que la situation budgétaire ne permettrait pas une telle ambition. C’est d’ailleurs cette tétanie qui ressort de toute l’argumentation du Gouvernement. Laissez-moi procéder à quelques comparaisons. Les crédits de la mission, qui s’élèvent à 13,83 milliards d’euros, représentent moins de 0,7 % du produit intérieur brut de notre beau pays, deux fois moins que le montant de la fraude à la TVA, quatre à six fois moins que la totalité de la fraude et de l’évasion fiscales. À cet égard, permettez-moi une petite digression, qui paraît opportune au moment où nous examinons les crédits de cette mission : le montant de la fraude aux prestations sociales de la part des allocataires, que certains de nos collègues sont si prompts à dénoncer, est cinquante fois inférieur à celui de la fraude et de l’évasion fiscales. En clair, les assistés sont davantage chez UBS que dans les Caisses d’allocations familiales ou à Pôle emploi – il est bon de le rappeler de temps en temps.
Dans le prolongement de l’intervention de mon collègue Gaby Charroux en commission élargie, je souhaite faire quelques remarques et poser quelques questions.
Concernant le programme 157 « Handicap et dépendance » – qui est de loin le plus important de la mission, avec 11,4 milliards d’euros, dont 8,4 milliards de versements de l’AAH et 2,7 milliards de crédits consacrés à l’incitation à l’activité professionnelle –, je souhaiterais connaître la réalité des crédits qui seront consommés en 2013 car, comme l’an passé et les années précédentes, il apparaît que les crédits sont sous-évalués. Certes, ce n’est pas dramatique, mais il serait tellement plus simple de les évaluer correctement et de porter fièrement un accroissement des crédits d’État consacrés au handicap.
Je regrette seulement le faible niveau de revalorisation de l’AAH, qui ne permet pas de se rapprocher du niveau de seuil de pauvreté de 814 euros ou 977 euros selon que l’on prend 50 ou 60 % du revenu médian comme référence. Je regrette également que le plan de création de places supplémentaires en ESAT ne soit pas respecté : le nombre des places ne stagnerait pas, mais diminuerait de quelques centaines.
S’agissant du programme 304, se pose toujours le problème de l’assèchement du FNSA, qui devait être abondé par l’article 8 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui, vous le savez, aura fait long feu. Quelles seront les dispositions prises par le Gouvernement pour alimenter le FNSA, sachant que le nombre d’allocataires du RSA continue d’augmenter fortement et qu’il manquera aux alentours de 90 millions d’euros ? Rappelons qu’à l’origine, le RMI était financé par l’impôt de solidarité sur la fortune : un tel dispositif chargé de symbole faisait vivre avec force notre pacte républicain. Et je suis certain que, lors de la deuxième lecture du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il pourrait se trouver une majorité pour imaginer de revenir à une solution de ce type.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’action 14 de ce programme 304, qui porte sur le Programme national d’aide alimentaire. Chacun reconnaît l’engagement du Gouvernement pour que le Fonds européen d’aide aux plus démunis perdure, mais chacun sait aussi que son montant devrait être assez sensiblement à la baisse. À l’heure où les associations de solidarité sont submergées de demandes nouvelles, le rapport de notre collègue Sirugue est éclairant sur ce point. Il faudra que le budget de l’État puisse être mobilisé plus fortement en faveur ce programme.
Enfin, le programme 124 – support des moyens financiers des administrations des secteurs des affaires sociales, de la santé, du sport, de la jeunesse, de la vie associative et de la ville, ainsi que du ministère des droits des femmes – voit ses moyens largement amputés, puisque 223 postes sont supprimés. C’est un très mauvais signe pour la déclinaison territoriale des politiques publiques nationales. Je l’avais souligné l’an passé, certaines délégations régionales, comme les DRJSCS et les ARS, sont déjà en sous-effectif chronique. Et le travail de conseil, d’accompagnement et d’impulsion, prenant en compte et les spécificités territoriales et l’exigence d’un cadre national, qui a fait la grandeur des politiques publiques de l’État est aujourd’hui remis en cause. Monsieur le ministre, ce programme 124 n’est pas acceptable.
La commission des finances, malgré ces remarques de bon sens et, surtout, de bon sens de l’État, a voté les crédits de la mission, crédits, sur lesquels, pour ma part, je m’abstiendrai.