Intervention de Martine Carrillon-Couvreur

Séance en hémicycle du 7 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMartine Carrillon-Couvreur, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nécessité de redresser nos comptes publics réduit les marges de manoeuvre dans tous les champs des politiques publiques. Malgré ces contraintes, le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est globalement préservé et même accru, puisqu’il passe de 13,4 à 13,8 milliards d’euros cette année.

Dans ce cadre, la dotation du programme « Handicap et dépendance », qui concentre plus de 80 % des crédits de la mission, connaît elle-même une augmentation de 2,4 % par rapport à celle ouverte en loi de finances initiale pour 2013. Les crédits en faveur des personnes âgées en perte d’autonomie et des personnes handicapées s’élèvent ainsi pour le prochain exercice, dans le cadre du programme 157, à 11,44 milliards d’euros en crédits de paiement et en autorisations d’engagement, contre 11,17 milliards l’an dernier.

Certes, cette augmentation est pour une bonne part le résultat d’un effet mécanique lié à l’évolution de l’Allocation aux adultes handicapés. Celle-ci a été revalorisée de 1,75 % au 1er septembre 2013 et le nombre de ses bénéficiaires continue de croître. Toutefois, l’augmentation des crédits de la mission traduit aussi la volonté du Gouvernement de préserver, face aux risques de précarisation, les politiques de solidarité au profit des plus fragiles de nos concitoyens. J’en veux pour preuve, à titre d’illustration, les crédits prévus pour les opérations d’investissement et de modernisation des Établissements et services d’aide par le travail.

En ma qualité de rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je me suis penchée plus spécialement cette année sur la question du projet de vie des personnes handicapées. Comme vous le savez, cette notion est au coeur de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il m’a paru important de revenir sur la nécessité d’adopter, le plus possible, une approche individualisée du handicap, et non pas globale et administrative.

Dans nos réflexions futures sur les Maisons départementales des personnes handicapées et sur la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie des personnes âgées, pour ne citer que ces deux exemples, il faudra, je crois, garder comme boussole cette notion de projet de vie, qui nous invite à toujours repartir de la personne et de ses aspirations, au lieu de réfléchir seulement en termes de structures et d’offre existantes.

C’est cette notion également qui devra nous inspirer dans nos travaux à venir concernant la question fondamentale du vieillissement des personnes handicapées. Ce vieillissement, lié aux grands progrès médicaux accomplis au cours des dernières décennies, est aujourd’hui une réalité. Cette réalité a des conséquences sur tous les aspects de la politique du handicap, qu’il s’agisse du nombre d’allocataires de l’AAH, des conditions d’hébergement ou de l’organisation des ESAT.

L’Allocation aux adultes handicapés est également l’un des domaines, parmi bien d’autres, où la notion d’approche individualisée du handicap trouve à s’appliquer. Cette prestation fait actuellement l’objet d’une évaluation qui devrait déboucher sur l’élaboration d’un plan d’action destiné à renforcer son pilotage. Une expérimentation relative à l’employabilité des demandeurs de l’AAH a ainsi été conduite dans plusieurs MDPH. À ce propos, je crois utile de rappeler que, à la fin du précédent quinquennat, il avait été décidé, s’agissant des allocataires présentant un taux d’incapacité permanente inférieur à 80 % et supérieur à 50 %, et souffrant d’une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », que l’éligibilité à l’AAH serait réexaminée tous les deux ans, et non plus tous les cinq ans.

Or, ce réexamen tous les deux ans est souvent ressenti comme particulièrement lourd par les MDPH et en premier lieu par les personnes elles-mêmes. Il tend à renforcer le caractère administratif de l’instruction des dossiers au détriment de l’effort de personnalisation. La qualité de traitement des premières demandes, en particulier, peut s’en ressentir. Auparavant, lorsqu’une personne demeurait employable et qu’il semblait utile de la revoir rapidement, les équipes des MDPH n’attendaient de toute façon pas cinq ans, mais procédaient à un réexamen à plus brève échéance. Je crois qu’il est temps de s’interroger sur la pertinence de ce délai de deux ans.

Pour le reste, s’agissant toujours de l’AAH, la poursuite en 2014 de la démarche de formation et d’accompagnement des services déconcentrés, représentant l’État en Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées – CDAPH –, ainsi que la réalisation d’un effort particulier portant sur la réduction des disparités territoriales, me paraissent tout à fait bienvenues.

Les ESAT constituent un autre sujet qui me tient à coeur. J’y avais consacré mon rapport pour avis l’année dernière. En termes de création de places, il a été choisi cette année de maintenir le moratoire décidé dans le cadre du précédent projet de loi de finances. On peut comprendre la priorité donnée à la consolidation du financement, d’une part, et le poids des contraintes budgétaires, d’autre part. Mais je voudrais rappeler qu’un tel moratoire ne saurait se prolonger trop longtemps, sous peine de placer certaines associations gestionnaires d’ESAT face à de sérieuses difficultés d’organisation et de développement, s’agissant en particulier de projets ayant reçu un commencement d’exécution. J’ai ici à l’esprit un certain nombre de cas concrets qui m’ont été signalés lors des auditions auxquelles nous avons procédé ces dernières semaines. Il faut donc espérer que les conditions économiques permettront de relancer rapidement la création de places, au moins sur les projets déjà engagés.

Au total, et en gardant présents à l’esprit ces points sur lesquels nous serons vigilants, l’augmentation des crédits de la mission ainsi que le volontarisme des politiques publiques actuellement menées nous permettent, comme en témoignent les décisions du Comité interministériel du handicap qui s’est tenu le 25 septembre dernier, de considérer ce budget comme un bon budget. C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », crédits que je vous invite à voter à votre tour.

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