Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 7 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, chers collègues, quelle est la question fondamentale à se poser au sujet de cette mission budgétaire ? C’est celle de savoir si la France prend véritablement le chemin d’un nouveau modèle de croissance, intégrant l’exigence de justice et de solidarité.

Alors que la crise meurtrit chaque jour davantage nombre de nos compatriotes, la France doit pouvoir leur offrir la protection dont ils ont besoin et à laquelle ils ont droit, parce que la solidarité est l’expression de cette synthèse républicaine qu’on appelle la fraternité. Mais elle doit aussi viser au-delà, en préparant notre système de solidarité aux réformes dont il a besoin, avec des objectifs clairs : constituer, d’abord, un filet de sécurité efficace, qui ne laisse personne s’enfoncer dans l’exclusion ; mieux articuler, ensuite, un ensemble de dispositifs qui permettent d’appréhender les différents aspects, souvent cumulatifs, de l’exclusion – le logement, l’emploi, la santé, la formation ; faire en sorte, enfin, que ces dispositifs de solidarité amènent leurs bénéficiaires à retrouver la confiance en eux, que les accidents de la vie ont pu mettre à mal. Cette confiance est indispensable pour faire des projets et s’inscrire dans le parcours qui mène à l’insertion professionnelle et sociale.

Cette mission interministérielle est donc d’une importance toute particulière aujourd’hui, et elle pèse infiniment plus que son poids budgétaire. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ? Nous sommes là, en tout cas, dans l’ultime épaisseur de la trame sociale, après quoi on sort sauvé, ou malheureusement oublié…

Fait significatif, ce projet de budget enregistre une nouvelle progression après plusieurs années consécutives de croissance, mais il faut remarquer que l’augmentation enregistrée en 2013 est deux fois moins élevée que celle de 2012. En cette période où toutes les solidarités actives doivent être mobilisées, cet affichage est tout de même surprenant : au fond, c’est comme si vous considériez que nous sommes déjà sortis de la crise et de son cortège de conséquences sociales.

L’essentiel, c’est le financement du RSA, qui représente la quasi-totalité du programme 304. Ce projet de loi de finances nous propose, avec une revalorisation exceptionnelle de 2 % par an, non pas des solutions, mais des facilités de gestion de la crise. Hélas ! on ne trouve aucune trace de réforme du dispositif et de ses modalités de mise en oeuvre.

Un mot, à présent, pour notre jeunesse. Vous le savez, le groupe UDI réclame depuis le début de cette législature un grand plan pour la jeunesse, cohérent et puissant, visant à leur insertion massive et durable sur le marché du travail. De ce point de vue, nous sommes surpris de voir que le programme 124 est réduit, alors qu’il est un outil d’intégration de la jeunesse dans notre société, pour une jeunesse mieux encadrée, mieux occupée, mieux sollicitée par des activités d’ouverture, que ce soit le sport ou la culture. Quelle explication donnez-vous à cette baisse des crédits de paiement ?

S’agissant de notre système de minima sociaux, nous avons, une fois encore, manqué l’occasion de réfléchir à cet écheveau, qui concerne près de 6 millions de personnes en France, et qui est matériellement et géographiquement hétérogène. C’est la problématique fondamentale de l’accès aux droits qui se pose ici, et celle de la fraternité, qui devrait permettre à chacun de trouver pleinement sa place, plutôt que de se perdre dans les méandres que crée la multiplicité des acteurs et des outils.

La dimension la plus républicaine de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » passe, une fois encore, à côté d’un projet structurant, qui aurait dû repenser notre pacte social et le relier à l’impératif de compétitivité.

En cette période où toutes les solidarités doivent être mobilisées, il est surprenant de constater un tel relâchement de l’effort, alors qu’il reste encore tellement à faire. Comment pouvez-vous baisser la garde en pleine bataille pour l’emploi, contre les inégalités qui se creusent, contre la solitude des seniors et des foyers monoparentaux, contre les difficultés que rencontrent les jeunes, que cette société ne veut plus accueillir, et contre la pauvreté qui gagne partout ?

Cette mission, au-delà de son budget, doit être un symbole, et non pas un leurre. Ce doit être un levier d’avenir, et pas seulement un moyen de gérer la misère. Elle doit manifester la foi dans l’avenir de notre pays : plutôt que racler les fonds de tiroir, il faut, au contraire, investir dans la ressource humaine, la seule qui vaille pour notre avenir commun. Là encore, nous naviguons sans cap ; rien n’est fait pour repenser le pacte social qui fonde notre société, afin de le relier à des impératifs de réussite et de compétitivité.

C’est pourquoi, chers collègues, le groupe UDI, déçu de l’absence de réponses que réclame l’urgence de la situation sociale, votera contre les crédits de cette mission.

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