Intervention de Jacqueline Fraysse

Séance en hémicycle du 7 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacqueline Fraysse :

Dans un ensemble budgétaire meurtri par l’austérité, la mission « Travail et emploi » constitue une exception notable, avec une dotation en augmentation de 8,9 %. C’est, hélas, presque le seul motif de satisfaction.

Nous pourrions nous réjouir que le Gouvernement maintienne à son niveau actuel le nombre de contrats aidés classiques, qu’il s’agisse des contrats d’accompagnement dans l’emploi ou des contrats initiative emploi, mais il n’y a là rien de nouveau. Le financement d’emplois aidés constitue désormais un passage obligé de cette mission, ce qui est le signe d’une impuissance politique des gouvernements successifs face au chômage de masse qui ne cesse d’augmenter, sans parler du fait que, pour atteindre l’objectif de 100 000 contrats d’avenir en 2013 et 50 000 en 2014, le ministère a donné des consignes visant à assouplir le dispositif pour les employeurs en acceptant davantage de CDD d’un an ou de contrats à temps partiel.

De même, nous pourrions nous réjouir que ce budget dote Pôle emploi de 70 millions d’euros supplémentaires pour financer le recrutement de 2 000 nouveaux agents si cette mesure ne s’accompagnait pas d’un plan visant notamment à évaluer l’opérateur sur ses performances, une technique managériale dictée par la politique du chiffre, particulièrement inadaptée s’agissant de personnes en recherche d’emploi, une technique pourtant dénoncée par les cadres et l’ensemble des personnels qui y perdent leur âme d’agents délégataires d’une mission de service public.

En outre, dans le même temps où vous augmentez le budget de Pôle emploi, vous réduisez de moitié celui des maisons de l’emploi, ce qui risque d’hypothéquer grandement leur avenir, alors que l’immense majorité d’entre elles ont fait la preuve de leur efficacité.

À ces espoirs déçus s’ajoutent de réelles divergences de méthode. II y a d’abord ces économies faites sur les effectifs et sur l’apprentissage. La droite avait sa RGPP, vous avez votre MAP, la modernisation de l’action publique. Les appellations changent mais, malheureusement, l’aveuglement idéologique perdure. Ainsi, après les 141 postes perdus en 2013, 137 ne seront pas remplacés en 2014. Plus généralement, vous menez non pas une politique de résorption du chômage, qui nécessiterait des décisions autrement plus ambitieuses et moins complaisantes à l’égard des entreprises, mais une simple politique d’accompagnement du chômage.

Je ne reviendrai pas sur la loi de sécurisation de l’emploi, qui facilite les licenciements abusifs et réduit les droits des salariés face aux patrons indélicats, une honte pour un gouvernement de gauche et une insulte pour les travailleurs.

Le cadre dans lequel s’inscrit votre politique sociale est plus inquiétant encore. Votre volonté de constitutionnaliser le dialogue social sur le modèle de l’Accord national interprofessionnel afin d’en faire une source de droit concurrente de celle qui découle des décisions de la représentation nationale, au détriment des travailleurs, est dangereuse. C’est l’inverse du progrès social que vous nous proposez !

Par ailleurs, avant même que la réforme de l’inspection du travail ne soit présentée, vous avez retiré aux responsables d’unité territoriale leur délégation de signature concernant l’homologation des plans de sauvegarde de l’emploi, la validation des accords et toutes les décisions afférentes, dans la droite ligne de l’ANI. Désormais, les décisions devront privilégier l’adaptation aux besoins des entreprises. C’est la fameuse flexibilité qui est imposée, quelles qu’en soient les conséquences pour les salariés et leurs familles.

Ainsi, de la réforme des retraites, qui se soldera par une augmentation du chômage des seniors et des jeunes, au CICE, que vous accordez sans contrepartie pour l’emploi ou l’investissement productif et qui bénéficiera à des entreprises telles qu’ArcelorMittal, PSA ou Sanofi, dont la vertu en matière sociale et fiscale n’est plus à démontrer, la politique que vous menez ne diffère pas de celle de vos prédécesseurs. C’est un triste constat qui s’impose. Vous ne revenez d’ailleurs sur aucun des dispositifs les plus antisociaux que vous combattiez pourtant ces dix dernières années.

Messieurs les ministres, on ne vide pas la mer avec une petite cuiller. Quels que soient les moyens dont sera doté le ministère, ils ne suffiront pas à essuyer les plâtres d’une politique aussi défavorable au travail et à l’emploi qu’elle est profitable aux employeurs des grandes entreprises et aux actionnaires. C’est pour toutes ces raisons que nous voterons contre ce budget.

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