Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, les dotations globales de la mission « Immigration, asile et intégration » diminuent en 2014. Elles s’établiront à 665 millions en crédits de paiements et à 653,5 millions en autorisations d’engagement. Les deux programmes de la mission sont en baisse.
Force est de constater que la crise de l’accueil des demandeurs d’asile continue de sévir. Le manque de places en centre d’accueil et la saturation des dispositifs d’urgence sont patents. De manière générale, la situation de l’asile en France et dans l’Union européenne est inquiétante. Tout le monde admet désormais que le système est à bout de souffle, ce constat étant partagé par le ministre de l’Intérieur, les institutions, les associations et les demandeurs d’asile eux-mêmes. Il est donc impérieux de réformer la politique d’asile en France tout à la fois coûteuse et peu protectrice des droits des demandeurs.
Les principales questions à résoudre ont été identifiées par tous les acteurs : simplification des procédures, qualité de la décision, durée de la procédure, dignité dans l’accompagnement. Espérons que la concertation sur le système de l’asile français mise en place en juillet dernier aboutira à une réforme respectueuse des droits des demandeurs.
En attendant, pour la quatrième année consécutive, les dispositifs d’urgence sont plus dotés que l’hébergement pérenne, avec une inscription de 250,4 millions – 115,4 millions pour l’hébergement d’urgence et 135 millions pour l’allocation temporaire d’attente. Le dispositif pérenne coûte quant à lui 213,8 millions.
De même, la capacité d’accueil dans les dispositifs d’hébergements d’urgences et en CADA demeurera en 2014 sensiblement équivalente. Nous souhaitons une rupture avec ce système d’accueil bicéphale qui instaure une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile.
En ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas rompu avec la politique d’éloignement menée par l’ancienne majorité. Le chiffre record de plus de 37 000 reconduites à la frontière pour l’année 2012 témoigne de la continuité de la politique du chiffre. Le ministre de l’intérieur lui-même a indiqué qu’au 31 août 2013, le nombre de retours contraints s’élevait à 13 510. Cette tendance est supérieure à celle constatée entre 2009 et 2011 !
S’agissant de la rétention des personnes en situation irrégulière, comme le souligne Réseau Éducation Sans Frontière, si le taux d’occupation des centres de rétention administrative a fléchi au deuxième semestre 2012, ces centres sont à nouveau « normalement » remplis en 2013 et les expulsions ont repris leur vitesse de croisière.
De manière générale, on peut se désoler que la politique migratoire n’ait pas véritablement changé depuis le changement de majorité.
Si la circulaire du 6 juillet 2012 interdit, en principe, l’enfermement des enfants en centre de rétention, elle est assortie de tant de conditions que seuls les enfants dont les parents sont volontaires à l’expulsion sont assurés d’y échapper.
La circulaire du 28 novembre 2012, qui définit quant à elle des conditions de régularisation pour les familles, les jeunes majeurs scolarisés et les salariés, n’a pas amélioré la situation administrative de bon nombre d’étrangers. Elle permet seulement des admissions « exceptionnelles » au séjour.
La diminution des crédits consacrés au programme « Intégration et accès à la nationalité française » nous paraît à la fois contre-productive et inquiétante au regard des besoins sans cesse croissants.
La circulaire du 16 octobre 2012 sur les procédures d’accès à la nationalité française ne rompt pas avec le dispositif mis en place par la majorité précédente, ni avec le mode d’appréciation de la connaissance du français par voie de tests, ni avec l’obligation de connaître l’histoire, la culture et la société françaises, ni avec l’obligation d’adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République. Le texte reste fondamentalement empreint de l’idée que la nationalité française est une faveur qui se mérite, à l’opposé de l’intention annoncée d’en ouvrir plus largement l’accès.
Pour notre part, nous réfutons l’idée que la nationalité soit attribuée comme un diplôme validant des épreuves réussies. Cette logique du mérite ne vaut pas seulement pour l’obtention de la nationalité mais, aussi, pour l’obtention d’un titre de séjour, voire d’un visa. Avec le contrat d’accueil et d’intégration que chaque étranger doit signer pour obtenir un titre de séjour, la maîtrise de la langue française est devenue une condition pour obtenir ce titre. Or c’est bien lorsqu’ils ont l’assurance d’un droit au séjour stable que les migrants peuvent apprendre le français et s’intégrer ! Il est absurde de demander à ces étrangers de prouver leur capacité d’intégration avant même d’avoir posé le pied sur notre sol !