La séance est ouverte.
La séance est ouverte à neuf heures trente.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux sécurités (no 1428, annexes 43 et 44 ; n° 1433, tome VIII ; n° 1435, tomes XIII et XIV).
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, j’avais il y a un an, pour la première fois, la responsabilité de vous présenter les crédits de la mission « Sécurité » et vous avais alors indiqué mes priorités. Elles n’ont pas changé et le budget 2014, que j’ai l’honneur de présenter ici, comme je l’ai fait il y a quelques jours devant la commission élargie, confirme nos choix. Dans un contexte difficile, nous devons faire preuve de constance, de grande détermination et de sérieux. Le budget de la mission « Sécurités » est la traduction concrète de ces impératifs. Nous pensons que la sécurité des Français est une priorité ; nous devons lutter contre les violences et le crime organisé, faire face à toutes les formes de délinquance et assumer nos responsabilités face à la menace terroriste.
C’est pourquoi nous avons mis fin en 2013 à la suppression massive d’emplois opérée entre 2008 et 2012, en remplaçant tous les départs en retraite et en créant 480 postes supplémentaires de policiers et de gendarmes, conformément à l’engagement du Président de la République. Ce que nos compatriotes attendent, ce ne sont pas des discours sur la sécurité, comme nous en avons eu pendant des années, mais des engagements concrets et l’octroi de moyens aux forces de l’ordre. En 2014, tous les départs en retraite seront également remplacés dans la police et la gendarmerie, poste pour poste. Nous créerons des emplois nouveaux, conformément aux engagements du chef de l’État qui a fait de la sécurité l’une de ses priorités. Ainsi, 405 emplois seront créés en 2014 dans les deux forces, répartis au prorata des effectifs actuellement présents, soit 243 pour la police et 162 pour la gendarmerie.
J’ai tenu à ce que ces emplois soient principalement des postes de titulaires. Cela sera le cas de deux postes nouveaux sur trois, au lieu d’un quart seulement cette année. En tout, la police nationale recrutera en 2014 2 478 gardiens de la paix et la gendarmerie nationale 3 230 sous-officiers de gendarmerie. Je vous invite à ce propos, mesdames et messieurs les députés, à venir assister aux remises de diplômes : vous constaterez ainsi le changement par rapport aux années précédentes. Nous recruterons également 2 863 adjoints de sécurité et cadets de la République ainsi que 5 650 gendarmes adjoints volontaires, en remplacement des départs prévus.
Cela étant, osons dire clairement la vérité : ces créations de postes seront loin de compenser les suppressions effectuées entre 2008 et 2012 dans les forces de sécurité, soit 7 000 postes dans la police et 6 700 dans la gendarmerie. Il faudrait pour ce faire un effort continu pendant au moins quatre quinquennats !
C’est pourquoi nous devons travailler sans relâche à des réorganisations internes susceptibles de mieux utiliser nos ressources afin de les affecter prioritairement aux missions de voie publique. Il s’agit par exemple des redéploiements territoriaux entre police et gendarmerie. Les premiers retours d’expérience des opérations conduites cet été sont satisfaisants, même là où leur réalisation a été difficile, comme j’ai pu m’en rendre compte sur le terrain dans le Loir-et-Cher et dans le Val d’Oise. Les élus locaux, qu’il importe de bien informer et de bien consulter, tout comme les personnels, sont très satisfaits.
Je pense aussi à la mutualisation, chère à Mme Mazetier : création d’un service unique des achats et des équipements, mutualisation des moyens en matière de police technique et scientifique, car la PTS de masse est au coeur de la police de demain et constitue pour nous une priorité, substitution des personnels actifs par des personnels administratifs dans les fonctions non opérationnelles afin d’accroître le nombre de policiers et de gendarmes sur le terrain. Tout cela permettra de mettre en oeuvre les priorités qui sont les nôtres – je pense à la lutte contre les cambriolages, dont le nombre a explosé au cours des cinq dernières années, ce qui explique pour une large part la montée du sentiment d’insécurité…
…tant il est vrai que nous sommes là dans un domaine où la réalité se mêle au ressenti : nous ne devons pas perdre de vue ce viol de l’intimité que constitue le cambriolage. Les résultats que nous obtenons progressivement grâce à des équipes spécifiquement dédiées, dans la police comme dans la gendarmerie, montrent que nous sommes sur la bonne voie, même si nous ne devons aucunement masquer la réalité. Nous menons en effet une politique de grande transparence alors que, rappelons-le, depuis 2004, les gouvernements précédents escamotaient 130 000 faits par an.
L’augmentation des faits de violence sur les personnes et de cambriolage ne date pas de dix-huit mois : il s’agit malheureusement d’une donnée statistique vieille de trente ans, qui s’élève à près de 30 % pour les dix dernières années. Je vous renvoie aux statistiques des cambriolages, dont le nombre explose depuis quelques années. Regardons donc la réalité en face et faisons preuve de transparence en matière de chiffres afin de mieux combattre le phénomène !
En termes d’affectations, mes priorités sont également claires : les zones de sécurité prioritaire et le renseignement intérieur afin d’accompagner la création de la DGSI.
Enfin, car il faut faire court, les programmes « Sécurité civile » et « Sécurité routière » contribueront à l’effort de maîtrise de l’emploi public et connaîtront cinquante-neuf suppressions d’emplois. Le budget 2014 de la mission « Sécurités » permettra de disposer d’effectifs plus nombreux, mais aussi mieux rémunérés et mieux considérés. Sont également prévues de nombreuses mesures catégorielles qui amélioreront significativement la situation des personnels : 29 millions d’euros sont prévus au bénéfice des personnels de la police, 19 millions au bénéfice des personnels de la gendarmerie, un million pour ceux de la sécurité civile et 450 000 pour ceux de la sécurité routière. La promotion des gardiens de la paix et des sous-officiers de gendarmerie en catégorie B sera poursuivie, avec un entrée en vigueur le 1er septembre 2014. Tous les corps bénéficieront de mesures indemnitaires substantielles, preuve que l’État respecte ses engagements passés.
Je viens de vous parler des effectifs des forces de sécurité ; j’ai commencé par là car la police et la gendarmerie nationale sont avant tout, je le constate tous les jours, des forces humaines. Mais je ne saurai pour autant oublier les moyens de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités ». En la matière, pour la gendarmerie comme pour la police nationales, les années 2008-2012 ont été brutales : des crédits en diminution de 18 %, un investissement devenu marginal et des crédits d’équipement très tendus – M. le rapporteur pour avis Daniel Boisserie en sait quelque chose. En 2014, pour la première fois depuis 2007, les crédits de fonctionnement et d’investissement de la police nationale progresseront à nouveau, modestement certes, car la hausse sera de 1 %, mais la tendance néfaste à l’oeuvre depuis six ans s’interrompt après une année de stabilité en 2013.
Tels sont, mesdames et messieurs les députés, les éléments essentiels du budget de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à Mme Sandrine Mazetier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, je salue tout d’abord la mémoire des huit policiers et gendarmes morts en service lors du premier semestre de cette année et dis à leurs familles, leurs proches et leurs collègues la reconnaissance et la gratitude de la représentation nationale.
Le budget 2014 de la mission « Sécurités » illustre concrètement la volonté du Gouvernement de faire de la sécurité l’une de ses priorités dans un contexte de nécessaire maîtrise budgétaire. Les crédits de paiement de la police et de la gendarmerie seront en hausse respective de 1,4 % et de 0,8 %. Les évolutions en termes d’effectifs sont tout aussi significatives. L’hémorragie des effectifs, c’est fini – vous l’avez dit, monsieur le ministre. La police gagne 243 emplois et la gendarmerie 162, très loin des 14 000 postes supprimés sous l’empire de la RGPP.
La masse salariale continue à progresser, mais la hausse est désormais due pour l’essentiel à l’augmentation des effectifs. Au cours du précédent quinquennat au contraire, les dépenses de rémunération avaient bondi en dépit de nombreuses suppressions de postes. J’en profite pour indiquer à ceux qui critiquent la réforme de l’indemnité de sujétion spéciale versée aux élèves que le Gouvernement propose des contreparties tangibles tout en s’inscrivant dans une logique de maîtrise de la dépense publique. Par ailleurs, les crédits relatifs au fonctionnement et à l’investissement de la police augmenteront, tout comme ceux de la gendarmerie – hausse modérée certes, mais la première depuis longtemps.
En effet, entre 2007 et 2013, les crédits de la police ont diminué de 17,8 %. Quant à la gendarmerie, près du quart de son budget a disparu à cause de la RGPP. La situation s’annonce d’autant plus favorable pour les forces de l’ordre que le ministre de l’intérieur a annoncé la semaine dernière le déblocage de 111 millions d’euros mis en réserve en début d’exercice. Cette somme permettra à la gendarmerie de poursuivre le renouvellement de son parc automobile et d’investir à nouveau dans les moyens informatiques après une période marquée par les restrictions.
Cela étant, en période de contrainte budgétaire, la recherche d’économies demeure une priorité. Ainsi, des efforts restent à consentir en matière de coopération et de mutualisation entre la police et la gendarmerie. Du chemin a déjà été parcouru avec la création de services communs, mais il faut aller encore plus loin : dans le domaine de la sécurité nucléaire, que j’évoque dans mon rapport, la répartition des missions entre police et gendarmerie peut légitimement constituer un sujet d’interrogation. Ainsi, en ce qui concerne la protection des sites, les centrales nucléaires sont protégées par la gendarmerie tandis que les sites du CEA et d’Areva sont surveillés par la police. Dans le domaine des transport, les transports routiers sont protégés par la gendarmerie, les transports ferroviaires par la police. Enfin, les forces du RAID et du GIGN sont toutes deux compétentes pour intervenir en cas d’incident, à tout moment et en tout point du territoire. Au vu de ce constat, une question se pose : ces partages sont-ils rationnels, pertinents et économiquement soutenables ?
Quelques mots enfin sur la sécurité routière, qui est l’un des programmes concourant à la sécurité de nos concitoyens. Je regrette d’ailleurs de ne pouvoir bénéficier d’un temps de parole spécifique pour évoquer ce sujet important. Les crédits du compte d’affection spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » s’élèveront en 2014, comme en 2013, à environ 1,4 milliard d’euros, dont plus de 600 millions proviennent des recettes des radars routiers. Je vous rappelle que l’usage des crédits du compte d’affectation spéciale se décompose principalement de la manière suivante : plus de 680 millions d’euros vont aux collectivités locales ; plus de 210 millions à l’entretien des radars et au traitement des données ; enfin, plus de 450 millions vont au désendettement de l’État – un objectif qui demeure central pour le Gouvernement et sa majorité.
Pour terminer, je veux saluer l’action du Gouvernement, qui poursuit la baisse tendancielle du nombre de victimes sur les routes. L’année 2012 avait déjà permis d’atteindre un niveau historiquement bas mais il semble, compte tenu des chiffres des huit premiers mois de l’année 2013, que le bilan puisse encore s’améliorer cette année, ce dont nous nous félicitons tous. Je tenais à saluer ces résultats très encourageants.
Qu’il s’agisse des programmes de la police nationale, de la gendarmerie nationale, de la sécurité routière ou du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », je donne un avis très favorable à l’ensemble de ces crédits et vous demande, mes chers collègues, de les approuver également.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Patrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la sécurité civile.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, j’ai l’honneur d’intervenir, en ma qualité de rapporteur spécial de la commission des finances, après M. le ministre, sur les crédits de la sécurité civile pour 2014. J’ai également le plaisir de vous indiquer que si, avec 438,68 millions d’euros en crédits de paiement, le budget de la sécurité civile connaît une légère diminution par rapport à 2013, les principales actions et les programmes d’investissement sont maintenus.
À la différence de la situation des exercices budgétaires précédents, les crédits de la sécurité civile sont contenus dans un programme unique à l’intérieur de la mission d’ensemble « Sécurités », le programme 161 « Sécurité civile », qui se substitue aux deux programmes « Intervention des services opérationnels » et « Coordination des moyens de secours ». Cette nouvelle présentation budgétaire, qui suit notamment les recommandations de la Cour des comptes a pour but de permettre une distinction entre les dépenses rigides issues d’engagement précis, et d’autres dépenses variant en fonction de l’activité opérationnelle et de la survenue de crises.
L’examen des moyens financiers prévus dans le budget de la sécurité civile est un exercice fondamental, car il s’agit bien des actions que l’État met à la disposition de la population au quotidien, telles que le secours à personnes, ou lors de catastrophes majeures, naturelles ou technologiques – qu’il s’agisse de feux de forêts, de séismes, d’inondations ou encore de risques nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques ou explosifs. La multiplication en 2012 et 2013 des phénomènes de crues et d’inondations dans plusieurs de nos régions est bien présente dans nos esprits.
Je ne détaillerai pas l’évolution des différentes actions du programme 161 relatif à la sécurité civile, cette évolution étant analysée dans mon rapport écrit.
Je mentionnerai simplement l’action 2, « Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux », qui regroupe les trois quarts des moyens financiers du programme et correspond à des activités et à des métiers que nous connaissons bien : les avions, les hélicoptères, les activités de déminage, les formations militaires de la sécurité civile. J’insiste simplement sur le fait qu’un certain nombre de défis sont relevés en ce qui concerne les avions de la sécurité civile : le transfert vers Nîmes de la base aérienne pour la saison des feux de forêts 2017 est désormais programmé ; l’évolution des crédits de maintenance sera mieux maîtrisée et les réflexions sur le remplacement de la flotte des avions bombardiers d’eau Tracker en 2020 progressent.
J’insiste également sur le fait que les grands programmes d’investissement sont maintenus, qu’il s’agisse du centre de formation civil et militaire aux risques nucléaire, radiologique, biologique, chimique et explosif, du centre d’alerte au risque de tsunamis, du réseau de transmission ANTARES ou encore de la mise en place progressive du système d’alerte et d’information des populations, le SAIP.
Dans la deuxième partie de mon rapport, je présente l’action des autres acteurs de la sécurité civile, qui n’est pas contenue dans les crédits de la mission que nous examinons. Ces acteurs sont nombreux. Je pense d’abord aux services de l’État autres que le ministère de l’intérieur ; je rappelle que les moyens affectés à la sécurité civile ne représentent que 45 % environ des dotations que l’État affecte lui-même à la sécurité civile de nos concitoyens.
Je mentionnerai ensuite les services départementaux d’incendie et de secours, qui regroupent l’action des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires. C’est, en effet, une particularité française que de réunir professionnels – 16 % de l’ensemble des sapeurs-pompiers – et volontaires – près de 80 % de l’ensemble –, ce qui favorise une maîtrise des coûts au profit des contribuables, tout en assurant aux citoyens des secours de qualité dans des délais raisonnables en tout point du territoire. Les plus de 7 400 centres existants en font d’ailleurs le plus dense de nos réseaux de service public.
Je pense ensuite aux formations militaires de sapeurs-pompiers que sont la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et le bataillon des marins-pompiers de Marseille, dont j’analyse l’action dans mon rapport écrit. Je pense enfin aux acteurs privés, les associations, dont certaines bénéficient d’un agrément spécial, dit « de sécurité civile » ainsi qu’aux réserves communales de sécurité civile, tant il est vrai que ce domaine concerne chacun d’entre nous, y compris en tant qu’acteurs.
Je voudrais insister aussi sur le plan national d’encouragement au volontariat sapeur-pompier dont le Président de la République a annoncé, le 12 octobre dernier, la mise en place, à l’occasion du 120e congrès des sapeurs-pompiers qui s’est tenu à Chambéry. En crise depuis plusieurs années, le volontariat est pourtant emblématique de cette sécurité civile à laquelle tous les Français ont droit. Nous pouvons tous nous réjouir de la mise en place de ce nouveau plan sur lequel se sont accordés l’ensemble des intervenants et qui comporte plusieurs mesures innovantes. C’est, pour l’État et l’ensemble de la société, une manière de reconnaître l’exemple de dévouement et de courage que nous donnent ces hommes et ces femmes intervenant dans le domaine de la sécurité civile.
À titre plus personnel, je tenais à saluer vos services, monsieur le ministre, pour leur engagement vis-à-vis des outre-mer. En effet, depuis 2012, la mesure des enjeux du risque incendie à la Réunion a été prise. Le prépositionnement pour la deuxième année consécutive et à titre préventif de moyens aériens conséquents pour lutter contre les feux, semble avoir accru très nettement l’efficacité des services chargés de la lutte contre les incendies. Les leçons de la gestion chaotique des feux de 2010 et surtout de 2011 ont été tirées ; il convenait de le souligner.
Nous avons donc confiance, monsieur le ministre, dans votre résolution et celle du Gouvernement pour développer la politique de sécurité civile en France.
Je terminerai cette brève intervention, mes chers collègues, en précisant que la commission des finances a adopté la semaine dernière les crédits de la sécurité civile pour 2014, ce que je vous demande à mon tour de faire.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées, pour la gendarmerie.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer l’action de l’ensemble de nos forces sécurité et notamment de nos gendarmes, qui font preuve chaque jour d’un grand professionnalisme, d’un parfait dévouement et d’un sens extrême du devoir. Monsieur le ministre, vous vous en souvenez sans doute, en commission élargie, j’avais fait part d’une satisfaction « lucide » quant aux moyens consacrés à la gendarmerie. Grâce aux dernières mesures annoncées par le Gouvernement, cette satisfaction lucide s’est transformée en satisfaction tout court !
Avec des autorisations d’engagement en hausse de 1 % et des crédits de paiement en croissance de 0,8 %, le budget 2014 assurait d’ores et déjà la préservation des moyens de la gendarmerie. Je suis aujourd’hui rassuré en constatant que le Gouvernement a su prendre des mesures volontaristes propres à assurer une fin de gestion 2013 plus sereine. En effet, monsieur le ministre, nous le savons tous, la fin de l’exercice 2013 s’annonçait particulièrement contrainte pour la gendarmerie. J’avais, parmi d’autres, fait part de mes inquiétudes en la matière et je m’étais fortement mobilisé à ce sujet auprès de vous, mais aussi auprès de M. le ministre du budget et de M. le Premier ministre. Conscient des difficultés budgétaires que connaît notre pays et convaincu de la nécessité d’une maîtrise responsable de la dépense publique, mon propos n’était évidemment pas de remettre en cause la légitimité des gels de crédits opérés en gestion.
Toutefois, compte tenu des difficultés annoncées, il m’apparaissait absolument indispensable de restituer à la gendarmerie une part substantielle des crédits gelés au titre de l’exercice 2013 – plus de 90 millions d’euros de crédits de paiement, je le rappelle ! Si cela n’avait pas été fait, le manque de moyens aurait pu conduire à une dégradation des conditions de vie des gendarmes ou à une limitation de leur capacité à remplir pleinement leurs missions, ce qui n’était pas acceptable. Je me réjouis des annonces que vous avez faites le 31 octobre dernier, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurités » en commission élargie. Ce sont en effet 111 millions d’euros de crédits de paiement, précédemment gelés, qui vont être restitués à nos forces de sécurité, gendarmerie et police nationales.
À la lecture de mon rapport, vous constaterez d’ailleurs, monsieur le ministre, que la gendarmerie n’avait pas les faveurs du précédent gouvernement et qu’il serait juste que vous en teniez compte dans les répartitions. En outre, 10 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront dégelés afin de répondre aux besoins immobiliers les plus pressants. Je tiens ici à vous exprimer ma reconnaissance, ainsi qu’à l’ensemble du Gouvernement, pour ces mesures qui permettront à nos forces de sécurité d’envisager la fin de gestion 2013 avec davantage de sérénité.
Pour ce qui est de la situation immobilière des gendarmes, l’« urgence immobilière » dure et perdure depuis de trop nombreuses années, faute des moyens nécessaires à l’entretien ou à la remise en état de logements qui sont parfois à la limite de l’insalubrité. Je n’ai pas oublié les locaux domaniaux pour lesquels il nous faudra trouver des solutions.
Vous vous êtes déclaré favorable à la prorogation, pour quatre années supplémentaires, du régime des baux emphytéotiques administratifs – les BEA – pour les opérations liées aux besoins de la gendarmerie, de la police, de la justice et des SDIS. Certes, une telle procédure ne constitue évidemment pas une solution miracle aux problèmes immobiliers, mais c’est un levier d’action important auquel il ne faut pas renoncer, et je vous remercie de votre soutien sur ce point.
En somme, un seul motif d’inquiétude demeure, dont vous n’êtes d’ailleurs sans doute pas responsable : il a trait aux effectifs de la gendarmerie, qui fait face à des « trous à l’emploi ». La gendarmerie a subi de plein fouet les coupes aveugles et inconséquentes menées par la précédente majorité au titre de la RGPP. Il faut le rappeler : entre 2007 et 2012, ce sont près de 6 800 postes budgétaires qui ont été supprimés, alors même que la demande de nos concitoyens en matière de sécurité n’a pas fléchi, bien au contraire. Vous avez inversé la courbe et, pour la deuxième année consécutive, votre budget prévoit des augmentations d’effectifs.
Toutefois, l’écart entre le plafond d’emplois autorisé par le Parlement et les emplois effectifs reste grand. En effet, les « trous à l’emploi » représentaient encore 1 841 postes budgétaires en 2013, soit l’équivalent de 300 brigades. J’ai pleinement conscience de nos difficultés budgétaires ; néanmoins, compte tenu de la demande croissante et légitime de nos concitoyens en matière de sécurité, de l’évolution de la délinquance, en particulier en zones gendarmerie, et des réductions d’effectifs massives menées par le passé, j’estime, monsieur le ministre, que l’essentiel de ces emplois doit être pourvu et, par conséquent, faire l’objet d’une budgétisation pour assurer les recrutements nécessaires à la protection de nos concitoyens les plus fragiles.
Pour ce qui concerne 2014, les moyens consacrés à notre gendarmerie sont au rendez-vous. J’invite par conséquent notre assemblée, y compris l’opposition, à adopter avec enthousiasme les crédits de la mission « Sécurités ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pierre Morel-A-L’Huissier, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité civile.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la sécurité civile française fait face aujourd’hui à des contraintes budgétaires toujours plus pesantes qui appellent des choix stratégiques et des réorganisations parfois difficiles. Du fait de la situation économique de notre pays, des sacrifices sont inévitables ; encore faut-il qu’ils soient faits avec discernement. En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois, mon rôle n’est pas de présenter une analyse technique et globale de ce budget, mais plutôt d’examiner les grandes orientations stratégiques dans ce domaine.
Je me suis intéressé à deux sujets majeurs : celui des moyens aériens et celui du volontariat des sapeurs-pompiers. En ce qui concerne les moyens aériens, j’ai eu l’occasion, lors de l’examen du budget en commission élargie, de me féliciter du choix du site de Nîmes-Garons pour la relocalisation de la base aérienne de la sécurité civile – la BASC. Nous étions nombreux à souhaiter cette décision ; je forme le voeu que le transfert s’effectue maintenant dans les meilleures conditions. Vous vous avez donné quelques précisions à ce sujet, monsieur le ministre, et je tenais à vous en remercier.
Je souhaite également que la flotte d’appareils de lutte contre les feux de forêt, dont le vieillissement devient inquiétant, soit rapidement renouvelée, afin que soit préservée la doctrine unique de lutte contre les feux de forêt que la France a développée depuis plusieurs années.
Vous avez fait état en commission de l’état d’avancement de la procédure de choix des futurs appareils. Bien que n’ignorant pas sa complexité, je ne peux que vous rappeler l’urgence de ce choix.
Les hélicoptères posent un problème de nature différente. Plusieurs flottes concourent à la sécurité civile, puisque la gendarmerie et le SAMU effectuent de nombreuses missions relevant de cette activité ; nous éprouvons beaucoup de difficultés à harmoniser leurs interventions. Les coûts de maintenance et de mise à niveau nous conduisent par ailleurs à envisager une diminution prochaine du parc, dont il faudra cependant préserver la capacité opérationnelle.
La réflexion sur la mutualisation des moyens héliportés est bel et bien engagée depuis plusieurs années, mais la mutualisation proprement dite se fait attendre. L’éclatement des moyens héliportés sur plusieurs services, dont les habitudes et les modes de fonctionnement ont suivi au cours des ans des évolutions divergentes, est loin d’être optimale. Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que vous entendiez préserver l’identité de chaque flotte, mais ne faudrait-il pas sauter le pas et mettre en regard, une fois pour toutes, les moyens et les missions, en créant une flotte unique rattachée au ministère de l’intérieur, qui pourrait éventuellement inclure le parc héliporté du ministère de la santé ?
Le deuxième thème que j’ai abordé dans mon rapport est celui de la préservation du volontariat des sapeurs-pompiers. L’engagement pour le volontariat que vous avez signé le 13 octobre dernier, qui contient vingt-cinq mesures visant à revitaliser le volontariat, montre à l’évidence que le Gouvernement est conscient de la nécessité de faire face au déclin du volontariat – thème que la commission « ambition volontariat » avait examiné dans son rapport de 2009 – et contre lequel la loi du 20 juillet 2011 sur l’engagement des sapeurs-pompiers, que j’ai eu l’honneur de présenter et de rapporter, s’efforce de lutter.
Assurer la pérennité du volontariat est une tâche complexe : le volontariat, par définition, ne se décrète pas. Amener un citoyen à embrasser volontairement une activité aussi contraignante et risquée suppose un travail patient, principalement en direction de la jeunesse.
Les écoles de jeunes sapeurs-pompiers sont un vivier du volontariat. Au-delà de leur mission de formation, elles doivent également susciter des vocations. Comme vous l’avez dit en commission, monsieur le ministre, ces écoles résultent principalement des efforts des unions départementales de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers volontaires. Je tiens à saluer le président de la fédération, Éric Faure, ainsi que le président de l’Union départementale des sapeurs-pompiers volontaires de Lozère, Dominique Turc, qui déploient tous les efforts possibles pour développer le volontariat. Il revient aux services départementaux d’incendie et de secours de les soutenir davantage. Mais cela n’interdit pas à l’État de contribuer plus activement à leur développement. Tel est le sens, me semble-t-il, de la mesure no 21, relative à l’engagement pour le volontariat, que vous avez signée le 13 octobre dernier.
Quelques mots sur le dispositif de mécénat d’entreprise. Lors des débats préalables au vote de la loi de 2011, votre prédécesseur avait estimé que ce dispositif, dont le champ d’application dépasse le cadre strict du volontariat, devait inciter les entrepreneurs privés à accepter plus facilement que leurs employés s’absentent pendant leurs heures de travail pour exercer une activité de sapeur-pompier. Malheureusement, il a été impossible, en l’absence d’un recueil de données adéquat, d’obtenir une évaluation quelconque de son efficacité. Nous nous trouvons en effet devant une situation paradoxale. D’un côté, la procédure de mise en oeuvre du dispositif de mécénat d’entreprise est lourde et complexe, notamment en raison de l’échange d’informations qu’elle suppose entre l’entreprise concernée et le service départemental d’incendie et de secours où l’employé exerce son activité. Mais de l’autre côté, les services du ministère de l’économie et des finances sont, semble-t-il, dans l’incapacité de nous donner la moindre appréciation de l’impact du dispositif sur le volontariat des sapeurs-pompiers.
Lors de la discussion en commission élargie, monsieur le ministre, vous vous êtes dit favorable à la création d’un groupe de travail afin d’étudier l’impact de ce dispositif. Au vu du résultat de ses travaux, sans doute faudrait-il également réfléchir à une simplification de ce dispositif, trop complexe pour être réellement attractif envers les petites entreprises, et qui laisse de côté les entrepreneurs individuels. Peut-être devrions-nous réfléchir à la mise en place d’un dispositif propre, destiné à favoriser le volontariat des sapeurs-pompiers.
Cela étant, au regard de vos choix stratégiques et budgétaires, j’émets un avis favorable sur vos propositions budgétaires.
La parole est à M. Jean-Pierre Blazy, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la sécurité.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2014 confirme assurément la volonté du Président de la République et du Gouvernement de faire de la sécurité de nos concitoyens une priorité.
Pendant le quinquennat précédent, la droite n’a cessé, il est vrai, de parler de sécurité aux Français, en omettant que celle-ci ne pouvait être assurée sans les moyens indispensables. Or les moyens qui avaient été alloués à la police et à la gendarmerie ont été fortement réduits depuis 2007 du fait de la RGPP. En cinq ans, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, un total de 13 700 emplois de policiers et de gendarmes ont été supprimés du fait du non-remplacement des départs en retraite.
Le projet de loi de finances pour 2014, dans le prolongement du précédent, marque une véritable rupture en ce domaine. Les chiffres, que vous avez indiqués tout à l’heure, figurent dans mon rapport : je ne les rappellerai donc pas.
La majorité précédente semblait ne pas avoir compris que le maintien de la tranquillité publique nécessitait des moyens humains et financiers. Étant donné qu’il y a, sur les bancs de l’opposition, beaucoup d’amnésie chronique, il est bon de le réaffirmer. Nous payons aujourd’hui les conséquences de la politique menée précédemment.
La preuve en est apportée par la dernière enquête de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, fruit d’une comparaison entre deux périodes triennales – 2007-2009 et 2010-2012 –, qui dresse trois constats principaux : une forte augmentation du nombre de personnes déclarant se sentir en insécurité à leur domicile, un basculement de ce sentiment des classes populaires vers les classes moyennes et une augmentation du nombre de cambriolages déclarés, passé de 150 000 par an à plus de 200 000. C’est pourquoi il est aujourd’hui de notre devoir d’offrir les ressources humaines nécessaires et les moyens de fonctionnement adaptés, afin de lutter contre la délinquance sur l’ensemble du territoire. De fait, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, le budget la mission « Sécurité » pour 2014 connaît, hors personnels, une légère hausse de 0,6 %.
Monsieur le ministre, lors de votre audition en commission élargie, vous avez annoncé la décision du Premier ministre d’opérer un dégel de 111 millions d’euros pour faire face aux difficultés croissantes que connaissent la police et la gendarmerie nationales, concernant notamment les véhicules et le renouvellement informatique. Cette décision constitue une nouveauté : pour la première fois depuis 2007, il faut le rappeler, les crédits exécutés par la police et la gendarmerie nationales seront en augmentation par rapport à l’année précédente : cette hausse de 2 % correspond à un montant de 40 millions d’euros. Ce dégel permettra d’assurer le renouvellement du parc automobile, qui ne doit plus être une variable d’ajustement dans la gestion budgétaire du ministère de l’intérieur.
Pendant dix ans, l’ancienne majorité, en développant les partenariats public-privé, a plombé le budget du ministère dans le domaine de l’immobilier, car les loyers connaissent bien évidemment une évolution exponentielle. Fort heureusement, nous avons abandonné cette politique, ce qui n’empêche pas de dresser le constat de l’impossibilité d’assurer, dans des conditions acceptables, l’exercice des fonctions et les conditions de logement de nos forces de l’ordre. Le parc domanial, notamment celui de la gendarmerie, est en souffrance. Les besoins sont énormes : pour la gendarmerie, il faudrait 2 milliards d’euros, sur les dix ans qui viennent, pour les constructions et plus de 100 millions d’euros par an pour le gros entretien. Pour la police nationale, les besoins dépassent 600 millions d’euros, dont près de 320 millions pour les constructions neuves. J’ai voulu, dans mon rapport, porter une attention particulière à cette question majeure.
Certes, le dégel de 10 millions d’euros pour répondre aux besoins immobiliers les plus pressants de la gendarmerie nationale, en particulier pour assurer le logement des familles, est le bienvenu. Mais il est clair qu’en la matière, les crédits budgétaires restent et resteront insuffisants. C’est pourquoi – je l’ai dit en commission élargie – je souhaite la mise en place d’une mission d’expertise sur la faisabilité d’une décentralisation de l’immobilier, même si j’en connais les difficultés de conception. Je crois qu’il faut innover dans la recherche de véritables solutions pour régler ces problèmes immobiliers structurels, qui sont source de difficultés inacceptables, tant pour les forces de l’ordre que pour l’accueil de nos concitoyens dans les commissariats et les gendarmeries.
La mutualisation des garages et des laboratoires reste une solution qui facilitera le travail de la police technique et scientifique. Je pense que nous allons progresser sur ces questions.
S’agissant des mesures propres aux personnels, vous avez indiqué que 2014 serait une année de nette amélioration catégorielle pour les policiers et les gendarmes. En revanche, vous le savez, je persiste à regretter – comme vous, je pense, monsieur le ministre – la diminution de l’indemnité de sujétions spéciales de police, dont le coût s’élèvera à seulement 12 millions d’euros.
Voyez, chers collègues de l’opposition, les efforts que nous déployons pour réparer ce que vous avez mis à mal… Et permettez-moi de vous dire que la tâche est forcément rude ! Qui plus est, la politique du chiffre que vous aviez menée a par ailleurs affaibli la relation de confiance entre les forces de l’ordre et la population. C’est pour y remédier, monsieur le ministre, que vous souhaitez réinstaurer un travail de proximité, grâce au dispositif des zones de sécurité prioritaire. Nous en voyons les premiers résultats ; les chiffres figurent dans le rapport. En relançant la coproduction de sécurité, les zones de sécurité prioritaire doivent également permettre de relancer les politiques publiques de prévention de la délinquance. Par ailleurs, la commission des lois a créé une mission d’information, dont j’ai l’honneur d’être président et rapporteur, qui devra analyser, évaluer et formuler des propositions pour lutter contre l’insécurité sur tout le territoire.
En conclusion, nous voilà en présence d’un budget prioritaire, dans un contexte budgétaire difficile : parce qu’elle est la priorité des Français, la sécurité reste bien la priorité du Gouvernement. C’est pourquoi, monsieur le ministre, la commission des lois apporte son soutien à votre projet de budget pour 2014. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux interventions des porte-parole des groupes.
La parole est à M. Éric Ciotti, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le ministre, vous affirmiez la semaine dernière, en commission élargie, que les questions de sécurité, au-delà des postures, devaient pouvoir rassembler la majorité et l’opposition. Je partage votre avis sur la nécessité de ce consensus. Faire respecter l’autorité républicaine et garantir la sécurité, première des libertés, constituent des objectifs qui devraient en effet transcender les clivages traditionnels.
Pourtant, mes chers collègues, ce n’est pas ce budget qui pourra nous réunir. Pour commencer, votre majorité reste prisonnière d’une approche idéologique et archaïque de la sécurité.
Comment parvenir au consensus avec Mme Duflot, monsieur le ministre, qui va jusqu’à vous placer en dehors du cadre républicain ? Comment parvenir au consensus avec Mme Taubira qui prône en permanence la culture de l’excuse ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Si, je le pense véritablement : c’est vraiment ce que je ressens en voyant l’attitude de la ministre de la justice.
Mais surtout, votre budget ne pourra nous réunir car il conforte une politique qui conduit à une forte dégradation des conditions de sécurité dans notre pays. Il s’inscrit dans un contexte qui n’a jamais été aussi dégradé, malgré vos efforts et votre talent, que je salue, pour dissimuler la vérité et communiquer. Les policiers et les gendarmes sont frappés par la morosité. Leur imposer le port d’un matricule a constitué pour eux un acte de défiance profondément injustifié. Les policiers expriment aujourd’hui légitimement leur colère. Ils l’ont fait, cette semaine, dans la rue ; ils l’ont fait au travers d’une pétition, lancée à l’initiative du syndicat Alliance, qui a recueilli 42 000 signatures, et qui a été adressée au Président de la République pour protester contre la diminution de l’indemnité de sujétions spéciales de police.
Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Le premier des gendarmes, le général Favier, directeur général de la gendarmerie nationale, a poussé récemment un véritable cri d’alarme pour dénoncer des difficultés inédites – je dis bien : des difficultés inédites – de fonctionnement de l’institution qu’il dirige.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Dans les deux cas, monsieur le ministre, vous avez tenté d’éteindre l’incendie, mais la réalité demeure.
Enfin, mes chers collègues, même si cela vous gêne, ce budget s’inscrit surtout dans un contexte de très forte augmentation de la délinquance.
La violence atteint un niveau record, historiquement élevé, dans notre pays. Si je ne me trompe, monsieur le ministre, vous êtes en fonction depuis dix-huit mois.
Or, selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, au cours des douze derniers mois, les atteintes aux biens ont progressé de 4 %, les atteintes aux personnes de 3,1 %.
Plus concrètement, cela se traduit chaque jour, en moyenne, par 1 018 cambriolages, 300 vols à la tire et 151 vols violents sans armes, contre des femmes, sur voie publique. On vous voit commenter ces chiffres avec habileté en assumant ces mauvais résultats, monsieur le ministre, vous l’avez fait en commission ; mais ce qu’attendent les Français, ce ne sont pas des commentaires sur votre propre action, ce sont des actes pour faire reculer la délinquance. Et le projet de budget que vous nous présentez ce matin est pour nous l’occasion de dénoncer ces faux-semblants.
Pour commencer, vous affirmez que le budget de la mission « Sécurités » augmente en 2014. En réalité, lorsqu’on regarde de plus près, on constate que les crédits de fonctionnement baisseront de 5 % l’année prochaine : votre augmentation de 1 % n’est imputable qu’aux crédits de paiement affectés au projet des Batignolles pour la police judiciaire de la préfecture de Paris. Il s’agit donc d’un nouvel artifice pour cacher la baisse très dure des dépenses de fonctionnement attendue pour l’année prochaine.
Par ailleurs, dans votre exposé, vous avez focalisé notre attention sur le seul solde des créations d’emploi à la marge que vous nous avez présentées à l’instant.
Intéressons-nous plutôt aux moyens opérationnels que vous proposez aux forces de police et de gendarmerie qui, en réalité, vont fortement baisser.
Au fond, lorsque la gauche a annoncé à son arrivée au pouvoir le contenu de sa politique sur les effectifs – vous les avez rappelés, monsieur le ministre –, elle a tout simplement oublié de dire aux policiers et aux gendarmes que le revers de la médaille serait la diminution des moyens quotidiens et une « pause salariale »… Cette pénurie de moyens est d’autant plus grave que les forces de l’ordre sont confrontées à une poursuite de l’augmentation des violences et des outrages. Je veux à mon tour rendre hommage aux policiers blessés en service, qui sont les victimes de cette politique.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP ne pourra vous accorder sa confiance et s’y opposera à ce budget.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants. Je rappelle que le temps de parole est limité à cinq minutes pour chaque groupe.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Sécurités » concerne l’une des prérogatives essentielles de l’État : assurer la protection de nos concitoyens et améliorer l’efficacité de la lutte contre la délinquance, alors que, ainsi que vient de le rappeler M. Éric Ciotti, les forces de l’ordre doivent faire face, dans des conditions difficiles, à une délinquance qui ne cesse de croître et qui est toujours plus violente.
Avec des crédits en légère hausse – environ 18,3 milliards d’euros pour 2014 –, vous voulez présenter, monsieur le ministre, cette mission comme un budget salvateur pour la sécurité de notre pays. Mais, hélas ! à y regarder de plus près, ce budget est largement en trompe l’oeil, c’est un budget d’affichage.
Du reste, vos résultats en matière de sécurité en attestent : les chiffres de la délinquance sont mauvais ; vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même. Les atteintes aux personnes sont en hausse, les cambriolages explosent.
C’est le cas depuis dix ans, monsieur !
Même la grande criminalité, plus facile à contenir, a encore progressé de 5 %. En outre, la délinquance ne s’arrête pas aux villes : elle est en train de s’étendre aux territoires ruraux, dont les habitants ressentent cruellement cette évolution. Elle touche en particulier les agriculteurs, qui ont déjà bien du mal à faire face à une situation économique difficile. À cet égard, monsieur le ministre, nous appelons votre attention sur le fait que vous devez également être le ministre des territoires ruraux.
Ce budget d’affichage se résume aux quelques effectifs supplémentaires que vous nous annoncez : 405 créations de postes. Au demeurant, notre collègue Daniel Boisserie lui-même, rapporteur pour avis, a relativisé cette mesure : alors que vous annoncez ces créations de postes, 1 800 emplois sont aujourd’hui non pourvus, par exemple dans la gendarmerie. Cela signifie que, dans la réalité, nous ne voyons pas les effets de ces augmentations de postes sur le terrain.
Mais il y a pire. Permettez-moi, monsieur le ministre, de répondre à vos affirmations, répétées tout à l’heure par M. Blazy, au sujet de la diminution importante des effectifs qui aurait été mise en oeuvre au cours de la précédente législature. C’est vrai…
Et pour cause, ce sont les chiffres : près de 13 700 postes ont été supprimés !
Monsieur Blazy, apprenez à écouter les gens, cela vous permettra de vous instruire à l’occasion.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ce constat renvoie bien à une réalité, mais M. Blazy était député de 2002 à 2007,…
Il sait donc pertinemment qu’au cours de cette période les effectifs avaient augmenté de 12 000 postes.
Entre 2007 et 2012, monsieur le ministre, on est simplement revenu en partie sur l’augmentation des effectifs décidée lors de la législature précédente.
Voilà que Lagarde se fait l’avocat de Sarkozy !
Autrement dit, monsieur le ministre, et cela vous rappellera une certaine période, nous avons aujourd’hui le même niveau d’effectifs que sous Lionel Jospin. Vous ne pouvez donc pas dire que ce niveau s’est dégradé.
J’ajouterai d’ailleurs que si vous jugez que ces 13 000 postes doivent être rétablis, ce n’est pas au rythme de 400 postes par an que vous y parviendrez.
En second lieu, mais vous n’êtes pas le premier à qui l’on peut faire ce reproche, la répartition des effectifs ne correspond pas à la carte de la délinquance. Étant élu de Seine-Saint-Denis, je voudrais appeler votre attention sur l’inégalité persistante d’effectifs entre les départements d’une région comme l’Île-de-France, en particulier si l’on rapporte le nombre de policiers à la population.
Si vous m’écoutiez, monsieur Blazy, vous auriez entendu ce que j’ai précisé à l’instant : cet écueil a également concerné les prédécesseurs du ministre. On compte toujours quatre fois plus de policiers à Paris qu’en Seine-Saint-Denis. Où est le changement, monsieur Blazy ?
Les chiffres de la délinquance ne justifient pas cet écart. Vous qui avez été élu de la banlieue parisienne, monsieur le ministre, vous pourriez y être sensible ; j’en avais en tout cas l’espoir.
Ce département qui concentre tant de difficultés doit faire face à un autre problème : vous prélevez des effectifs du 93 pour renforcer les forces de sécurité à Marseille. Sans doute en ont-elles besoin, mais ce n’est pas en déshabillant Pierre qu’on parvient à améliorer la situation de Paul.
Vous venez d’annoncer le dégel de 111 millions d’euros à la fin de l’année : très franchement, cette somme sera largement insuffisante et, surtout, elle est débloquée bien tardivement. Des gendarmes témoignent par exemple que depuis plusieurs mois leurs déplacements en voiture de fonction sont limités à vingt kilomètres par jour. La question immobilière a été évoquée : c’est également un élément clé dans le fonctionnement de la gendarmerie, et elle est devenue particulièrement préoccupante. Certaines casernes de gendarmes se trouvent dans un état très dégradé. La gendarmerie rencontre également d’importantes difficultés pour entretenir le matériel et pour renouveler son parc automobile.
Enfin, en ce qui concerne la sécurité civile, la préservation du service des pompiers, en particulier des sapeurs pompiers volontaires et de son mode de fonctionnement est un enjeu important de la mission. Le volontariat est au coeur de notre système national de sécurité civile. Or on assiste à une crise du volontariat qui se traduit par une baisse des effectifs des sapeurs pompiers. Il y a donc urgence à rendre plus attractif l’engagement volontaire par une politique nationale ambitieuse permettant de favoriser le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires et de lutter contre la baisse de la disponibilité en journée constatée dans la plupart des départements français.
En résumé, ce budget d’affichage, de toute évidence, ne nous permettra pas de mieux répondre cette année aux nombreux enjeux relatifs aux questions de sécurité et aux attentes de nos concitoyens : c’est pourquoi le groupe UDI votera naturellement contre les crédits de la mission.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis maintenant plus d’un an nous nous félicitons de la fin de la RGPP et de la réorientation des politiques publiques de la sécurité intérieure.
Nous notons notamment le renforcement des moyens humains après des années de réduction d’effectifs. Si par malheur la droite était restée au pouvoir, nous aurions d’ailleurs assisté à la suppression de 3 000 postes supplémentaires.
Rappelons en effet que l’UMP a détruit au cours de la précédente législature plus de 10 000 emplois au sein des forces de sécurité.
Nous apprécions également que la nouvelle majorité ait mis fin, dès son arrivée au pouvoir, à la politique du chiffre qui, en contraignant la police à donner la priorité à des délits mineurs aux dépens d’affaires de plus grande ampleur, avait des conséquences contre-productives.
On en arrivait à des situations ridicules voire dangereuses, l’objectif unique étant de décourager le dépôt de plainte afin de faire baisser les statistiques, lesquelles n’avaient d’ailleurs dans ces conditions plus aucune valeur.
À cet égard, je tiens à souligner la volonté du Gouvernement de rendre les statistiques plus transparentes. Le choix de se recentrer sur le coeur de métier et d’abandonner les tâches périphériques est donc remis au goût du jour.
Pour en revenir aux crédits de la mission, nous constatons que M. le ministre a pour la deuxième année consécutive un budget en hausse : celui-ci augmente de 1 % par rapport à 2013. La sécurité civile et la gendarmerie nationale profitent de ces crédits supplémentaires. Police et gendarmerie bénéficieront en effet de la création de 405 postes en 2014, lesquels s’ajoutent aux 480 emplois qui avaient été créés en 2013. Nous sommes encore loin de réparer les dégâts causés par les suppressions d’effectifs de la droite, mais nous sommes sur un chemin ascendant.
Une donnée qui nous préoccupe concerne la hausse des cambriolages en zone rurale, notamment dans les exploitations agricoles. Monsieur le ministre, vous avez fait état d’une augmentation de 40 % du nombre de cambriolages sur l’ensemble du territoire et annoncé un déplacement futur avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, Stéphane Le Foll, sur la thématique des vols dans les exploitations agricoles. Pouvons-nous en savoir plus sur vos perspectives d’action pour résorber ce problème ? Peut-on s’appuyer sur l’expérience des zones de sécurité prioritaire, dont certaines ont été mises en place sur des territoires où les cambriolages avaient fortement augmenté ?
Concernant les commerces, la généralisation de systèmes de prévention situationnelle a été évoquée, comme le marquage ADN, une méthode invisible qui consiste à asperger sur un délinquant des empreintes durables par un nuage inoffensif. Où en est-on de la mise en place de cette technique ?
Nous sommes en revanche beaucoup plus dubitatifs concernant l’efficacité de la vidéosurveillance, dont l’incidence reste souvent faible et non démontrée malgré des coûts très lourds, comme l’a souligné la Cour des comptes. L’installation de programmes de caméras financés via le Fonds interministériel de prévention de la délinquance a notamment produit des résultats assez contestables.
Concernant les différents fichiers de police, le budget prévoit une modernisation du fichier national automatisé des empreintes génétiques, mais également, pour des sommes plus importantes – 8 millions d’euros –, du fichier national automatisé des empreintes digitales.
Dans un arrêt de chambre – donc non définitif – rendu le jeudi 18 avril 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que la conservation des empreintes d’une personne non condamnée constitue une violation de son droit au respect de sa vie privée, considérant que cela n’est pas conforme à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale. Nous espérons que la modernisation de ces fichiers s’accompagnera d’une évolution du droit à l’oubli pour les personnes mises hors de cause.
S’agissant de l’immobilier, qui aura servi en quelque sorte de variable d’ajustement, d’importants retards avaient été pris au cours des dernières années. Selon la direction générale de la police nationale, 41,5 % des bâtiments de police seraient dans un état vétuste ou dégradé, comme le souligne un récent rapport sénatorial. La dégradation des locaux pèse autant sur les gardés à vue que sur les personnels et les victimes qui se rendent dans les commissariats.
Vous avez identifié quarante-trois points noirs et pensez accélérer la politique de rénovation à compter de la programmation triennale allant de 2015 à 2017 : même si des points d’interrogation subsistent concernant le financement, vous aurez tout notre soutien dans ce domaine, car la situation réclame des solutions urgentes.
L’urgence, vous avez su l’enclencher lorsqu’il a fallu créer les zones de sécurités prioritaires, qui visaient à concentrer les nouveaux moyens et effectifs dans des quartiers ou la situation était extrêmement dégradée. Toutefois, nous savons que la police et la gendarmerie ne sont pas les seuls services qui garantissent la sécurité. Des moyens supplémentaires seront-ils mis en place vers d’autres secteurs qui y concourent, tels que l’insertion, l’éducation, ou la médiation ?
Enfin, en ce qui concerne la sécurité civile, nous sommes heureux que le Président de la République ait décidé d’augmenter le nombre des distinctions honorant les sapeurs-pompiers volontaires : c’était une de leurs revendications. Vous nous avez également informés, monsieur le ministre, de la revalorisation de leurs indemnités à hauteur de 2 % ; une première hausse de 1 % leur a déjà été consentie, une seconde aura lieu bientôt.
Au final, monsieur le ministre, force est de constater que votre budget n’est pas un des plus mal dotés ; c’est un choix de la part de la représentation nationale. Nous adopterons donc les crédits de ce budget et nous exprimons notre soutien aux futurs fonctionnaires qui seront engagés dans les périlleuses tâches qui les attendent pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame, messieurs les rapporteurs, c’est parce que la sécurité est un droit fondamental pour tous les citoyens de notre République, c’est parce que la tranquillité est la première des libertés pour chacun de nos compatriotes et parce que l’insécurité frappe d’abord les plus faibles et les plus démunis de notre société que le Président de la République a fait de la sécurité une grande priorité. Et, ce qui est mieux encore, le Gouvernement, donc vous-même, monsieur le ministre, a su le traduire dans les actes ; force est de constater que cela n’avait pas toujours été le cas auparavant.
En effet, dans le rapport thématique de la Cour des comptes de juillet 2011 relatif à l’organisation et à la gestion des forces de sécurité publique, la diminution du nombre de policiers était patente du fait de la révision générale des politiques publiques, ce qui a jeté une lumière crue sur la démoralisation des personnels, tenus de respecter cette politique du chiffre que vous avez heureusement abandonnée, monsieur le ministre, au profit de la mise en place de nouvelles orientations ambitieuses en matière de lutte contre la délinquance.
Depuis que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est aux affaires, une politique déterminée en faveur de la sécurité est en marche : accroissement des forces de sécurité, fin de la mesure quantitative systématique, lutte contre l’insécurité et le sentiment d’insécurité en assurant une présence physique tout en utilisant les outils sophistiqués de la police scientifique, installation et développement de soixante-quatre zones de sécurité prioritaires qui commencent à faire leurs preuves, réconciliation de la police et de la gendarmerie – ce dossier, je le sais, vous tient particulièrement à coeur, monsieur le ministre –, élaboration avec la Chancellerie de projets ambitieux tels que le projet de loi de lutte contre la récidive, que nous attendons d’examiner avec impatience.
Nous vous savons gré, monsieur le ministre, d’avoir ainsi changé de méthode, même si, vous le rappelez souvent, en matière de sécurité, rien n’est jamais acquis. Les résultats en la matière s’obtiennent dans la durée. Laissons de côté les polémiques entretenues par quelques démagogues populistes et tenons-nous en aux réalités, celles qui intéressent justement les Français, trop souvent saoulés de boniments.
Votre projet de budget permet justement de les appréhender et d’évaluer la politique que vous entendez mener. Le changement de nomenclature budgétaire pour 2014 empêche d’apprécier l’évolution, à structure constante, du budget du ministère.
Toutefois, il est possible de souligner la permanence de vos orientations stratégiques : la recherche d’une réelle efficacité, tant dans la prévention que dans la répression des actes de délinquance, autour d’un meilleur maillage territorial et d’une meilleure réponse à la délinquance polymorphe ; la rationalisation et la mutualisation entre les acteurs de sécurité, gages d’une meilleure stratégie d’investissement, ce qui réduira enfin les écarts entre les prévisions initiales et l’exécution budgétaire dus à des mouvements de crédits trop importants et à des sous-exécutions trop fortes ; la mise en place de nouveaux outils destinés à mesurer la délinquance ; le renforcement de la qualité des interventions et des partenariats des acteurs de la sécurité nationale.
Les élus du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste partagent ces orientations et soutiennent votre démarche. Le temps qui m’est imparti ne me permet pas de livrer une analyse exhaustive des différents programmes de cette mission.
Dans le programme « Police nationale », nous accueillons favorablement l’augmentation des dépenses en personnel de 127 millions d’euros, dépenses qui représentent 90 % de l’ensemble de la dotation. Ainsi, la police verra ses effectifs croître de 243 ETP à périmètre constant. Par ailleurs, la baisse des dépenses de fonctionnement doit être relativisée : les autorisations d’engagement ont considérablement augmenté l’année dernière et les prévisions d’encaissement des fonds communs de développement et d’aide publique au développement de la gendarmerie dont bénéficiera la police se montent à 25,4 millions d’euros.
S’agissant du programme « Gendarmerie nationale », la hausse importante des crédits décidée en 2013 se poursuit en 2014. L’augmentation du plafond d’emplois de 74 ETP correspond à une augmentation de 162 postes dans le schéma d’emploi. Je signalerai la proportion très importante du plafond d’emploi des gendarmes volontaires, plus grande que celle des ADS dans la police. Ces personnels, qui servent au titre d’un contrat d’un an renouvelable quatre fois et sont, jusqu’ici, sans qualification particulière, forment avec les sous-officiers l’essentiel des personnels de la gendarmerie.
Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur notre soutien, un soutien sans faiblesse, ferme, déterminé, à l’image de votre action à la tête du ministère de l’intérieur. Nous voterons avec plaisir votre budget.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’enveloppe de cette mission, qui regroupe les programmes de la police nationale, de la gendarmerie, de la sécurité routière et de la sécurité civile, voit ses crédits hors pensions portés à un peu plus de 12 milliards d’euros en 2014, soit une hausse de 1 % par rapport à 2013.
Les dépenses de fonctionnement s’élèveront à environ 1,2 milliard, soit 10 % de la mission. Il y avait urgence : entre 2008 et 2012, la police nationale et la gendarmerie ont perdu 400 millions d’euros de crédits de fonctionnement et d’investissement. Pour 2013, les crédits étaient calculés au plus juste. Le déblocage de 111 millions d’euros pour le fonctionnement de nos forces de l’ordre était nécessaire. Le directeur général de la gendarmerie nationale nous a indiqué en commission de la défense qu’aucune commande de véhicule ou d’ordinateur n’avait pu être passée, et qu’il avait eu des difficultés pour assurer les dépenses d’énergie.
Le déblocage de 10 millions d’euros supplémentaires en direction de l’immobilier est également une bonne chose. C’est pour la gendarmerie, dont la spécificité est que le lieu de travail est souvent le lieu d’habitation, que les besoins sont les plus pressants. De nombreuses casernes, particulièrement vétustes, ne répondent plus aux normes de sécurité et de confort et nécessitent de lourds investissements d’entretien. 43 d’entre elles, correspondant à 3 220 logements, sont jugées prioritaires. Le maintien à niveau du parc immobilier de la gendarmerie nécessite une dépense annuelle de 200 millions d’euros, pour la reconstruction des casernes et les réhabilitations lourdes, et de 100 millions pour la maintenance. Ces besoins ne peuvent être honorés depuis dix ans ; il faudra bien un jour prendre le problème à bras-le-corps ! En 2014, les mutualisations permettront une baisse de ces dépenses de 0,4 %, ce qui représente une économie de 7 millions d’euros.
Police et gendarmerie bénéficient de la création de 405 emplois en 2014, en sus des 480 emplois créés en 2013. 60 % de ces postes iront à la police, prioritairement dans les zones de délinquance les plus sensibles, et particulièrement dans les ZSP, à Marseille et en Corse. Mais le Nord, où les chiffres de la délinquance ont viré au rouge depuis plusieurs mois, ne doit pas être oublié. Vous avez parlé d’un rattrapage des effectifs dans ce département l’année prochaine, monsieur le ministre ; j’aimerais avoir plus de précisions sur ce point.
Après que l’UMP a détruit au cours de la treizième législature près de 10 700 ETP au sein des forces de sécurité, il était urgent de renforcer les effectifs dans les zones de délinquance les plus sensibles, notamment dans les ZSP. Il est bon que des recrutements soient prévus, mais nous regrettons que toutes les créations de postes se fassent au détriment d’autres services publics. Nous n’acceptons pas cette logique.
De plus, avec un rythme de création annuelle de 405 postes, il faudra plus de vingt ans pour revenir sur les suppressions décidées sous la droite. Il est indispensable de recréer tous les emplois détruits sous les gouvernements de droite en cinq ans dans le domaine de la sécurité. Les 5 000 emplois promis sur le quinquennat sont insuffisants ! Il faut redonner toute sa place à la police de proximité, gage de meilleurs contacts avec la population.
Il est par ailleurs urgent de revaloriser les conditions de travail des forces de l’ordre, qui accomplissent des missions souvent périlleuses. Ce budget comprend une économie de 12 millions d’euros, suite à la diminution de l’ISSP des élèves en école. Cette prime passera de 26 % de leur rémunération à 12 % pour les élèves gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie au cours de leur année de formation. Elle sera également réduite pour les élèves officiers et commissaires.
Cette baisse représente environ 200 euros pour les jeunes fonctionnaires ou militaires. Monsieur le ministre, vous avez annoncé la création d’une indemnité compensatrice pour les lauréats des concours internes. Vous avez assuré que vos services étudient d’autres mesures en faveur de ceux qui choisissent de servir la police et la gendarmerie. Mais nous sommes dans le flou, et ne trouvons pas de justification à cette baisse immédiate et pénalisante.
Autre grief, le report du paiement du passage des fonctionnaires de catégorie C à B. Le paiement des points de catégorie B pour les gradés, gardiens de la paix et sous-officiers de gendarmerie qu’entraîne la modification catégorielle accusera un retard de neuf mois, ce qui est préjudiciable pour le pouvoir d’achat. Enfin, comment accepter le non-paiement de la nouvelle bonification indiciaire due à certains majors de police ?
Monsieur le ministre, votre budget va dans le bon sens, même s’il est insuffisant. Nous étions prêts à le voter, mais les problèmes que je viens d’évoquer pèsent sur le moral de nos forces de l’ordre, qui se mobilisent. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
La parole est à M. Sébastien Pietrasanta, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, je salue au nom du groupe socialiste nos forces de l’ordre, nos policiers et nos gendarmes qui, au quotidien, partout sur le territoire de notre République, assurent la sécurité des biens et des personnes. Nous mesurons la difficulté du travail qui est le leur.
Le budget 2014 est un budget de soutien à ces forces de l’ordre, afin qu’elles exercent au mieux leurs missions. C’est aussi un budget de rupture, après que la droite a sacrifié la sécurité en faisant fondre, année après année, non seulement leurs troupes, mais aussi leurs moyens.
La situation des gendarmes est particulièrement problématique. Ce n’est pas parce que les gendarmes sont des militaires privés du droit de revendication qu’il faut les oublier. Eux qui ont en charge de vastes territoires ne doivent pas être négligés, pas plus que leurs conditions de vie. Nous entendons aussi les difficultés des policiers.
Le dégel de près de 111 millions d’euros annoncé la semaine dernière par le ministre de l’intérieur montre toute l’importance qu’accorde le Gouvernement aux conditions de travail et de vie de nos forces de l’ordre. À cela s’ajoute le budget 2014, le meilleur possible dans ce contexte financier difficile. Il respecte la priorité accordée à la sécurité par le Président de la République.
Votre budget préfigure l’avenir, en posant les bases d’une police du XXIe siècle efficace, moderne et humaine. On ne se passera jamais des femmes et des hommes qui composent les forces vives de la police et de la gendarmerie. Sur ce point, votre budget rompt définitivement avec la politique précédente de la RGPP, dont chacun connaît les conséquences désastreuses sur la lutte contre la délinquance. Pas moins de 405 emplois supplémentaires sont créés, fléchés en priorité vers les ZSP.
À l’évidence, le citoyen, comme la victime, est au coeur de vos préoccupations. Vous rappelez à juste titre la nécessité d’intégrer les forces de l’ordre dans la vie des quartiers, avec notamment des patrouilles pédestres, en lien avec les polices municipales et tous les agents de sécurité privée, que je souhaite également saluer.
Ce budget est moderne, parce qu’il traduit la conscience que vous avez du lien entre les délinquances internationale, nationale et locale. Il prévoit de mobiliser les services de renseignement à tous les niveaux, de mutualiser tous les services utiles et de créer des ZSP dont l’objectif est de détruire une délinquance enracinée depuis fort longtemps, sans pour autant nuire aux territoires adjacents. La délinquance est en effet mobile – c’est un fait sur lequel nous avons pris le soin d’attirer votre attention.
Monsieur le ministre, vous misez largement sur la coopération entre le ministère de la justice et votre ministère.
Nous nous en réjouissons et saluons ce rapprochement indispensable. Il existe bien une méthode Valls.
Elle est fondée sur beaucoup de courage et d’honnêteté. Vous avez pris sur vous de modifier la mesure de la délinquance, quitte à faire sortir des placards des chiffres qui y étaient très bien cachés.
Elle est simplement mieux connue ; les Français en sont bien conscients.
C’est sur ces chiffres plus objectifs que vous fondez votre politique rationnelle. Vous pouvez ainsi cibler prioritairement les délinquants d’habitude et les filières structurées, renforcer l’occupation de la voie publique par un îlotage revu et corrigé, et prévenir le développement de la délinquance, un objectif que nous partageons sur tous les bancs.
Monsieur le ministre, ce budget va dans le bon sens. Il faut de la volonté, pas de la polémique, rester soudés et ne pas alimenter des débats stériles en matière de sécurité. Cette volonté, qui est la vôtre et celle du Gouvernement, se traduit dans votre budget. C’est pour cette raison que le groupe SRC l’approuve sans réserve.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en arrivons aux questions. Leur durée, ainsi que celle des réponses, est fixée à deux minutes.
Nous commençons par les questions du groupe UMP.
La parole est à M. Philippe Goujon.
Laloi du 12 mars 2012, dont j’étais le rapporteur, qui garantissait une protection complète de l’identité en associant dans un fichier administratif empreintes digitales et identité, et qui offrait une sécurisation des transactions effectuées sur internet est aujourd’hui dépourvue des moyens de sa mis en oeuvre.
Alors que le Gouvernement vient d’allonger la durée de validité des titres d’identité à quinze ans, il est plus que jamais indispensable de traiter en amont les risques de fraude et de sécuriser ces documents.
Une récente étude de l’ONDRP révèle que 650 000 ménages ont été victimes d’un débit frauduleux via internet sur leur compte bancaire en 2011. En 2012, 11 661 fraudes aux documents et à l’identité ont été constatées, avec une hausse de près de 2 % pour les faux documents d’identité. 117 642 personnes ont été signalées pour l’utilisation d’au moins deux états civils différents, et selon un sondage CSA de 2012, 400 000 Français se seraient fait voler leur identité en dix ans.
Alors que le phénomène a augmenté de 50 % en quelques années, l’usurpation d’identité, sanctionnée d’un maximum de cinq ans de prison, apparaît moins risquée que d’autres trafics. Vous m’indiquez avoir saisi l’inspection générale de l’administration et vous apprêter, sur la base de ses conclusions, à prendre des décisions.
Monsieur le ministre, allez-vous faire aboutir cette réforme en permettant, par la création d’une base à lien fort, l’association à une identité physique de données biométriques permettant de remonter vers l’usurpateur en cas de détection d’une fraude ? Augmenterez-vous le quantum de la peine afin de le rendre véritablement dissuasif ? Enfin, disposez-vous, à l’heure actuelle, des moyens de suivre cette infraction dans la chaîne pénale ? L’usurpation d’identité est un sujet de préoccupation pour nombre de nos concitoyens.
Je me tiens évidemment à votre disposition, monsieur Goujon, pour suivre cette affaire. Vous l’avez rappelé vous-même : la disposition votée en 2012 a été censurée par le Conseil constitutionnel, ce qui a posé un problème non seulement juridique, mais également technique. Comme j’ai eu l’occasion de le dire il y a quelques jours, un rapport commandé à l’inspection générale de l’administration a conclu qu’il faut avant tout sécuriser la procédure en amont de la fabrication du titre – cela vaut pour l’état civil et pour les justificatifs de domicile. Il faut donc d’abord travailler sur la traçabilité des titres : c’est cela qui me préoccupe en premier lieu.
Monsieur le ministre, face à l’explosion des cambriolages et à la hausse des agressions et des violences dont sont victimes les Français depuis plusieurs années, il faut mobiliser toutes les bonnes volontés.
La sécurité est d’abord une responsabilité régalienne – c’est la vôtre, mais aussi, malheureusement, celle de la ministre de la justice.
Mais c’est aussi une responsabilité partagée avec l’ensemble des acteurs publics qui agissent sur le terrain. Je tiens à exprimer ici une conviction très forte : les maires et les municipalités ont un rôle fondamental à jouer pour améliorer la tranquillité de nos concitoyens.
Je crois indispensable une plus grande implication des polices municipales, lesquelles doivent devenir de véritables brigades municipales de sécurité, patrouillant au contact direct des habitants et opérationnelles aux heures d’activité des délinquants – la journée, mais aussi la nuit. Je pense également à l’utilisation ciblée de caméras de vidéoprotection, dans le cadre d’un plan municipal de prévention de la délinquance mobilisant notamment les bailleurs sociaux et les associations.
Je voudrais vous faire très directement une proposition : il me semble nécessaire que, après les élections municipales de 2014 – et ce quel que soit le verdict des urnes –, le ministre de l’intérieur et les nouveaux maires qui seraient volontaires pour cette expérience puissent tout remettre à plat et définir ensemble un pacte de sécurité territoriale pluriannuel pour les années 2014-2017. Ce plan, aussi précis que possible, porterait sur les missions et les moyens. Il comporterait notamment des engagements réciproques d’ordre opérationnel, c’est-à-dire en matière d’effectifs et d’horaires ; il mobiliserait la police nationale et la brigade municipale de sécurité. Les villes qui s’engageraient dans une telle démarche volontariste allant bien au-delà de la situation actuelle pourraient bénéficier d’une sorte de bonus de dotation de la part de l’État. Voilà, monsieur le ministre de l’intérieur, une proposition pragmatique qui, j’en suis convaincu, répondrait aux attentes des Français.
Monsieur Larrivé, je salue votre bonne volonté qui vous conduit à faire des propositions pour avancer. Je remarque d’ailleurs que cette proposition s’inspire – en tout cas elle n’en est pas très éloignée – de ce que nous faisons à travers les zones de sécurité prioritaires : il est très important que tous les acteurs ayant une responsabilité dans ce domaine apportent leur concours, comme c’est d’ailleurs le cas depuis une trentaine d’années. C’est vrai des collectivités territoriales, mais aussi en partie de la sécurité privée – je l’ai dit devant la commission élargie. Tout ce qui permet de créer du consensus et de l’unité et qui est l’efficace va dans le bon sens. Nous nous retrouverons donc, si j’ai bien compris, au lendemain des municipales pour travailler sur vos propositions.
Je rappelle d’ailleurs en réponse à M. Lagarde – mais il est sans doute retourné à Drancy –, que la gauche, en 2002, avait voté la création de postes supplémentaires. Jean-Pierre Blazy, qui suivait déjà ces questions, s’en souvient sans doute.
Lorsqu’on est attaché à la sécurité et qu’on en appelle à la responsabilité, quand on fait des propositions pour créer les conditions d’une meilleure coordination entre tous les acteurs, il faut se montrer responsable jusqu’au bout, et voter un budget qui va dans le bon sens car il augmente les moyens de fonctionnement et le nombre de postes.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Je voudrais concentrer mon propos sur la gendarmerie, actuellement confrontée à une forte augmentation de la délinquance. En effet, les secteurs ruraux sont de plus en plus le refuge de trafics importants et l’on observe un développement des bandes itinérantes qui écument les campagnes – d’où la hausse de 12 % des cambriolages sur les douze derniers mois dont nous parle l’ONDRP. Je veux témoigner, dans mon département, l’Eure-et-Loir, de la formidable réactivité et de la pugnacité des gendarmes – encore faut-il qu’ils aient des moyens.
S’agissant des moyens humains, vous êtes un excellent communicant : vous annoncez avec tambours et trompettes 162 créations de postes – pour mémoire, la gendarmerie emploie près de 100 000 personnes –, tout en oubliant évidemment de parler des 2 000 postes qui restent vacants dans nos brigades. Il faut donc relativiser l’effort affiché en matière de créations de postes.
Mais je veux surtout insister sur les moyens de fonctionnement, hors immobilier – je dis bien hors immobilier, car vous n’avez pas été très attentif à la question que j’ai posée en commission –, qui diminuent de près de 10 %. La charge des loyers augmente de plus de 21 millions d’euros, notamment sous l’effet des BEA. Or cette hausse est financée par une baisse des moyens de fonctionnement : 14 millions en moins sur les moyens de fonctionnement courant liés à l’homme et 8 millions d’euros sur les moyens mobiles. Vous conviendrez que ces baisses sont importantes.
Vous affichez une hausse de 1 % des moyens de fonctionnement de la gendarmerie, mais en réalité les moyens courants supportent le poids de l’augmentation de l’immobilier.
Ma question est donc la suivante : comment, selon vous, dans un contexte budgétaire qui restera très difficile pour eux en 2014, les gendarmes pourront-ils faire face à la hausse de la délinquance ?
Monsieur Olivier Marleix, je vous ai écouté avec vous beaucoup d’intérêt. Vous n’étiez pas député lors de la législature précédente,…
…mais vous en assumez avec talent et opiniâtreté le bilan. Mais d’autres le faisaient également très bien, monsieur Ciotti, vous le savez !
Les postes restés vacants ont été créés en 2009. J’ai pour souci de faire en sorte que chacun d’entre eux soit occupé par un gendarme. Vous balayez d’un revers de main les créations de postes, mais il ne faut tout de même pas oublier que, non seulement nous créons des postes, mais nous avons surtout arrêté d’en supprimer.
Par ailleurs, il y a une volonté très forte de la part du directeur général de la gendarmerie nationale de faire en sorte que la réorganisation des brigades de gendarmerie permette une meilleure occupation du terrain, correspondant mieux aux foyers de délinquance.
Il faut effectivement des moyens pour la gendarmerie, notamment pour le carburant et les véhicules. J’ai d’ailleurs obtenu, à cette fin, le dégel de 111 millions d’euros pour la police et pour la gendarmerie. À cet égard, je pourrais rappeler les propos du général Migneaux, prédécesseur du général Favier, sur l’état dans lequel se trouvait la gendarmerie il y a dix-huit mois.
Enfin, même si je comprends tout à fait les difficultés qui existaient à l’époque en matière de fonctionnement, je veux tout de même rappeler le coût très lourd des PPP et des BEA qui pèsent aujourd’hui sur la gendarmerie. Or, en dépit de la situation budgétaire dont nous avons hérité, le budget que nous présentons nous permet, aussi bien en termes de personnels et d’ETP que de moyens de fonctionnement, de mettre en oeuvre notre politique de sécurité.
Nous poursuivons avec une question du groupe SRC.
La parole est à M. Christian Assaf.
L’année 2013 a vu les zones de sécurité prioritaires se déployer sur toute la France, ciblant les territoires les plus touchés par l’insécurité, en zones rurales comme en zones urbaines.
Les ZSP, chacun le sait, nécessitent des moyens supplémentaires. La politique de recrutement de policiers et de gendarmes menée par le Gouvernement sert à renforcer en priorité ces zones d’intervention. L’affectation dans ces zones de 243 nouveaux postes de policiers est la bienvenue. Néanmoins, dans un contexte budgétaire contraint, il est essentiel de trouver de nouveaux leviers. On ne peut plus compter sur la simple augmentation des moyens, comme on le voit dans votre budget, d’autant que, même si elles constituent un dispositif de première importance, les ZSP n’ont pas vocation à être permanentes.
Monsieur le ministre, quels dispositifs envisagez-vous pour compléter le maillage territorial engagé avec les ZSP ? Dans quelle mesure ces zones répondent-elles à l’impératif de renouveler les méthodes et les stratégies d’action ? Comment s’intègrent-elles, à long terme, dans votre politique de lutte contre l’insécurité ? En milieu urbain, ne faudrait-il pas envisager, à l’échelle intercommunale, une meilleure articulation entre police nationale et police municipale ?
Monsieur le député, vous avez dit l’essentiel. Nous commençons par évaluer le travail engagé depuis maintenant un an dans les zones de sécurité prioritaires. C’est le sens de la mission que j’ai confié à M. Lambert, ancien préfet de Seine-Saint-Denis.
Je constate aujourd’hui que nous obtenons des résultats grâce au travail entre les forces de l’ordre et la justice, sans oublier l’appui des forces locales. Je pense évidemment aux élus et aux policiers municipaux, mais également à la vidéoprotection et à la mobilisation de la population : ce dernier élément est essentiel.
Ce faisant, vous l’avez parfaitement dit, nous renouvelons aussi nos méthodes. De plus, je suis convaincu que nous pouvons étendre les pratiques que nous mettons en oeuvre dans les zones de sécurité prioritaires. En effet, ces bons résultats, ces nouvelles méthodes – la coordination en particulier – doivent dépasser le cadre de ZSP. Nous ne pourrons pas, d’ailleurs, continuer à en créer indéfiniment, même si j’annoncerai prochainement une troisième vague. Comme je le disais à l’instant, on peut aussi s’appuyer sur des acteurs privés, notamment pour la protection des commerçants, plus particulièrement les bijoutiers et les buralistes.
C’est cette méthode qu’il faut développer, dans un souci de proximité et d’efficacité, en attaquant là où la délinquance est le plus enracinée. En cela d’ailleurs, comme je le disais il y a un instant en réponse à M. Larrivé, nous nous inspirons de ce qui a été mis en oeuvre depuis très longtemps par la gauche, car celle-ci regarde avec beaucoup de réalisme et de lucidité ces questions. C’est en mobilisant la société et l’ensemble des acteurs que nous gagnerons en efficacité.
J’appelle les crédits de la mission « Sécurités », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Sécurités » sont adoptés.
Je suis saisie d’un amendement no 407 portant article additionnel après l’article 74.
La parole est à M. Daniel Boisserie, rapporteur pour avis, pour le soutenir.
Cet amendement concerne les beaux baux emphytéotiques administratifs. Les BEA servent à restaurer ou construire des locaux pour les gendarmes. Initialement, cette procédure devait prendre fin au 31 décembre 2007. Le dispositif a été prorogé à trois reprises, à chaque fois pour une durée d’un an. L’article 96 de la loi no 2011-267 du 14 mars 2011, la LOPPSI, a prolongé ce régime pour trois ans, jusqu’au 31 décembre 2013. Passée cette date, il ne sera donc plus possible de recourir à la procédure du BEA.
Le présent amendement, cosigné par M. Blazy et Mme Mazetier, vise à proroger pour quatre années supplémentaires la procédure relative aux BEA pour les opérations liées aux besoins de la gendarmerie, mais aussi de la police nationale, des services départementaux d’incendie et de secours et de la justice. Il n’y a pas d’autre choix possible que de continuer,…
…vu l’état catastrophique des bâtiments.
L’action de la majorité précédente, c’est précisément la vôtre, monsieur Ciotti !
L’état du parc immobilier est déplorable.
Certains logements sont dans un état tel qu’il n’est pas acceptable de les louer à des gendarmes. C’est vous qui portez la responsabilité de cet état de fait – je sais que vous l’assumez.
Nous n’avons donc pas d’autre choix et nous devrons aussi, sans doute, exploiter la piste des biens domaniaux que vous n’avez pas été capables de remettre en état entre 2008 et 2012. Je sais qu’il n’est pas facile de trouver une solution mais la situation est si catastrophique que nous n’avons d’autre choix que de maintenir les BEA, voire de les étendre au-delà des casernes locales et territoriales.
Avis favorable à cet amendement qui vise à proroger jusqu’à la fin de l’année 2017 le dispositif des BEA car il est nécessaire de conserver tous les outils juridiques qui permettent de répondre aux immenses besoins immobiliers des forces de l’ordre en général et plus particulièrement de la gendarmerie.
Toutefois, ce type d’outil doit être géré avec prudence. Le Gouvernement, s’il approuve cet amendement, n’en souhaite pas moins étudier et mettre en oeuvre d’autres procédures pour des raisons de coût, en faisant appel à des partenariats avec des collectivités territoriales ou de grands opérateurs. Cela étant, sur le principe, la sagesse commande de conserver ce dispositif jusqu’en 2017.
Nous voterons cet amendement de bon sens. J’y vois une forme de conversion de la majorité au partenariat public-privé qu’elle a si souvent contesté, puisque le BEA en est à l’évidence une forme.
Les baux emphytéotiques administratifs ont permis de rattraper bien des retards. Rappelons que ces dispositions ont été introduites dans la LOPPSI par Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre de l’intérieur. Vous poursuivez aujourd’hui cette politique, rendant ainsi hommage à l’action de la précédente majorité, pour améliorer la situation immobilière de la police et de la gendarmerie.
Ainsi, dans le département que j’ai l’honneur de présider, grâce au dispositif des BEA, ont été construits pour le compte du ministère de l’intérieur quatorze unités de gendarmerie, deux commissariats et une base de sécurité civile, pour un montant de 115 millions d’euros.
Je pense, moi aussi, qu’il est indispensable de conserver la boîte à outils disponible, mais à condition de rappeler les limites des BEA. Je pourrais vous citer l’exemple de la Meurthe-et-Moselle où je me suis rendu dernièrement : le recours aux BEA y a entraîné une hausse des loyers de 20 %, à tel point que le ministère de l’intérieur lui-même a reconnu qu’il y avait un problème. Il faut conserver cet outil, c’est vrai, mais en prenant nos précautions. Il ne s’agit pas pour autant d’un partenariat public-privé et si vous voulez que l’on se penche d’un peu plus près sur les chiffres, monsieur Ciotti, je vous renvoie au coût des loyers du commissariat des Moulins de Nice, payés par le ministère de l’intérieur et le conseil général…
…pendant trente ans, avec une évolution extrêmement négative, ce qui pèse sur les capacités du ministère de l’intérieur de développer d’autres opérations. Et ce n’est pas mieux pour la collectivité locale des Alpes-Maritimes… Il n’y a pas lieu de s’en glorifier. Nous avons abandonné le PPP, nous maintenons le BEA, mais il faut poursuivre la réflexion pour trouver des solutions innovantes propres à concilier les contraintes budgétaires avec la nécessité de réaliser enfin les opérations immobilières indispensables à l’amélioration des conditions de travail et de vie des policiers et des gendarmes.
Monsieur Ciotti, nous n’allons pas polémiquer sur ce sujet puisque vous en approuvez le principe, ce dont je vous remercie. Cela étant,on ne saurait comparer les PPP avec les BEA : cela n’a absolument rien à voir. Je ne vous rappellerai pas ce qu’il se passe à Balard, vous le savez fort bien. L’important n’est pas de décréter quelque chose mais de se donner les moyens de le faire. Reconnaissez qu’entre 2008 et 2012, la gendarmerie n’a pas eu les moyens financiers dont elle avait besoin.
L’amendement no 407 est adopté.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers » sont adoptés.
Nous en venons maintenant à l’amendement no 617 du Gouvernement, qui tend à insérer un article additionnel après l’article 78.
La parole est à M. le ministre..
Le procès-verbal électronique est, depuis 2011, un outil important de la modernisation du travail des services chargés de verbaliser, à la fois pour l’État, en ce qui concerne la police et la gendarmerie, et pour les communes. Il permet en effet d’automatiser la chaîne de verbalisation des infractions relatives à la sécurité routière et surtout d’améliorer le recouvrement des amendes tout en réduisant les tâches administratives des services. Le PV électronique a d’abord été déployé dans les services de police et de gendarmerie, mais il est de plus en plus adopté par les communes. Cet amendement prévoit par conséquent de reconduire pour deux ans le dispositif d’incitation financière des communes afin qu’elles s’équipent de terminaux pour le PV électronique. Doté de 7,5 millions d’euros en 2011, le fonds d’amorçage en faveur des communes a été consommé à hauteur de 1,75 million d’euros depuis deux ans et il devrait s’éteindre le 31 décembre de cette année si nous ne le reconduisons pas. Nous vous proposons ainsi de proroger son existence pour deux ans afin que les communes puissent continuer à bénéficier de l’aide versée pour qu’elles s’équipent du matériel nécessaire.
La généralisation du procès-verbal électronique est une bonne chose et c’est bien que les communes se dotent des terminaux nécessaires. Je regrette simplement que cet amendement, qui aurait pu attendre le projet de loi de finances rectificative, soit arrivé si tôt, mais je lui donne un avis favorable – à titre personnel, puisque la commission n’a pas pu l’examiner.
L’amendement no 617 est adopté.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à l’immigration, à l’asile et à l’intégration.
La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
Madame la présidente, monsieur le ministre du budget, monsieur le président de la commission des lois, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, vous le savez, le Gouvernement poursuit un cap clair en matière d’immigration, d’intégration et d’asile qui repose sur quatre axes : le respect des droits, en particulier le droit constitutionnel, conventionnel et européen de l’asile, la lutte contre l’immigration irrégulière, les filières d’immigration clandestine et la fraude au séjour sous toutes ses formes, le renforcement de l’attractivité internationale en permettant à notre pays de renouer avec une immigration de l’excellence et de la connaissance, l’amélioration enfin des dispositifs d’accueil et d’insertion socio-professionnelle des immigrés récemment arrivés.
Les crédits qui seront consacrés en 2014 à l’asile dépasseront 503 millions d’euros, soit environ 80 % des crédits du programme « Immigration et asile » et 0,4 % de plus qu’en 2013.
Depuis 2007, la demande d’asile augmente en moyenne de 10 % chaque année. Avec probablement 68 000 demandes en fin d’année 2013, dont 80 % se concluront par un rejet par l’OFPRA et la CNDA, notre système d’asile implose. Si nous avons donné des moyens supplémentaires à l’OFPRA et financé l’ouverture de 2000 nouvelles places en centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, nous devons aller encore plus loin et c’est le sens de la concertation que j’ai lancée sur ce sujet afin que nous puissions réformer en profondeur notre système. Nous aurons l’occasion d’en discuter prochainement.
Le projet de budget pour 2014 permet aussi au Gouvernement de mettre en oeuvre sa politique en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
En 2014, nous vous proposons ainsi d’inscrire 73 millions d’euros en loi de finances initiale.
Certains, notamment sur les bancs de l’opposition, ont souligné lors de l’audition en commission élargie que ces crédits baissaient, ce qui traduirait une forme de renoncement du Gouvernement en matière de lutte contre l’immigration irrégulière.
Il n’en est naturellement rien. Nous avons simplement réajusté le montant des crédits inscrits en loi de finances à la réalité de la dépense, là où le gouvernement précédent faisait de l’affichage en gonflant artificiellement des crédits qui en réalité n’étaient pas exécutés.
J’en viens aux crédits de la politique d’intégration inscrits au programme « Intégration et accès à la nationalité française ». Là encore, une révision en profondeur de nos politiques s’impose. La démarche de modernisation de l’action publique impulsée par le Gouvernement a consacré l’un de ses premiers chantiers à l’accueil des primo-arrivants et l’amélioration des dispositifs d’accueil développés autour du contrat d’accueil et d’intégration. J’ai déjà développé ces sujets en commission.
Au-delà de ces propositions, je souhaite développer une nouvelle politique globale de l’accueil autour de trois orientations : mieux préparer l’arrivée en France, réaffirmer la responsabilité régalienne de l’État en matière d’apprentissage des valeurs et de la langue, refonder notre partenariat avec les acteurs locaux pour accompagner les étrangers primo-arrivants vers un accès plus rapide aux dispositifs de droit commun. Pour cela, nous devons passer de la notion de contrat à celle de parcours dont chacun sera acteur et responsable.
Pour résumer, une politique renouvelée de l’asile, une politique d’accueil qui soit la plus intégratrice possible, une politique de la naturalisation grâce à laquelle des dizaines de milliers de nouveaux Français seront fiers d’appartenir à la nation commune pour peu que leur parcours d’intégration ait été réussi, telles sont les orientations politiques qui sous-tendent ce budget en matière d’immigration, d’asile et d’intégration, qui fait preuve de sérieux, de détermination, de constance et qui devrait nous rassembler.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Laurent Grandguillaume, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour la politique d’immigration, d’asile et d’intégration s’attache à conjuguer humanité, efficacité et économie. C’est un budget à la fois rigoureux et ambitieux.
L’accueil des étrangers en situation régulière, la maîtrise des flux migratoires, la lutte contre l’immigration clandestine, la garantie de l’exercice du droit d’asile, l’intégration des étrangers en situation régulière et l’accès à la nationalité française fondent les grands enjeux de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Fixées à 653,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 664,9 millions d’euros en crédits de paiement, les dotations de la mission vont diminuer de respectivement 8,8 et 5,6 millions d’euros par rapport aux crédits initiaux pour 2013. Cette baisse traduit les contributions de la mission aux efforts d’économie sur le budget de l’État mais aussi une rationalisation des frais engagés et une optimisation des dépenses publiques.
Toutefois, il faut souligner l’augmentation de 2,6 millions d’euros des dotations pour garantir l’exercice du droit d’asile. Cette légère augmentation traduit la volonté du Gouvernement actuel de renforcer les capacités d’accueil et d’améliorer le traitement des demandes d’asile.
Une des mesures fortes de la stratégie visant à maîtriser les dépenses d’asile sans sacrifier ce devoir humanitaire consiste à créer de nouvelles places en centres d’accueil de demandeurs d’asile. La loi de finances pour 2013 prévoyait déjà d’en créer 1 000 en cours d’exercice ; ce sont finalement 2 000 places qui seront ouvertes d’ici la fin de l’année, et 2 000 places supplémentaires en 2014 – à raison de 1 000 en avril et de 1 000 autres en décembre – pour atteindre un total de 25 410 places en CADA.
Le deuxième levier de la stratégie de maîtrise des dépenses d’asile consiste en un nouveau renforcement des capacités d’instruction de l’OFPRA afin d’amplifier la réduction des délais de traitement des demandes d’asile, laquelle est un objectif que le Gouvernement a choisi de poursuivre au regard des conséquences humaines pour les demandeurs d’asile d’une part et, de l’autre, pour des raisons budgétaires. De ce point de vue, la prochaine réforme de l’asile sera essentielle pour réduire ces délais et rendre plus humaine la politique menée à l’égard des demandeurs d’asile.
En tout état de cause, au-delà des variables exogènes que représentent les futurs besoins de prise en charge, plusieurs réformes à venir pourraient avoir un impact sur les dépenses de l’asile : la réorganisation de la gestion de l’ATA, qui est un sujet important, et la transposition de la directive européenne « Procédures » à compter de 2015. Enfin, à la suite des travaux du député Matthias Fekl sur la création de nouveaux titres de séjour pluriannuels, le Gouvernement devrait présenter un nouveau projet de loi sur l’immigration, qui contiendrait des dispositions sur les autorisations délivrées aux demandeurs d’asile au cours du traitement de leurs démarches.
L’amélioration de l’accueil en préfecture fait également partie des orientations prioritaires du ministre. Une mission d’appui a été créée auprès de l’administration centrale et des plans d’action ont été réalisés par chaque préfecture. Une amélioration est perceptible au titre de l’année 2013, mais ne pourra être consolidée qu’avec la mise en oeuvre du titre de séjour pluriannuel.
Concernant la lutte contre l’immigration irrégulière, qui constitue l’un des piliers de la politique française de l’immigration, les crédits de la mission diminuent de 5,9 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Cela traduit surtout une révision du réseau de centres de rétention administrative visant à réduire la voilure dans les territoires où les besoins sont moindres, dans un souci d’optimisation des dépenses et de saine gestion des deniers publics. Le ministère a tiré les enseignements de la sous-occupation des CRA : si certains sont certes sous tension, la moyenne nationale s’établit néanmoins à 46 % au premier semestre 2013 et excède rarement 40 % en dehors de Paris. La direction générale des étrangers en France escompte en 2013 une économie liée aux CRA de 3,5 à 4 millions d’euros.
Enfin, le Gouvernement a lancé une réflexion sur les politiques d’intégration françaises. Le projet annuel de performances pour 2014 affiche l’ambition suivante : « 2014 verra la refondation de la politique d’intégration ». Le rapport du conseiller d’État Thierry Tuot sur ce sujet en a constitué la première étape, et les groupes de travail mis en place par le Premier ministre devraient rendre leurs conclusions à la fin de l’année. Ces réformes en cours auront donc un impact budgétaire non négligeable et traduisent la politique de la majorité visant à un équilibre entre fermeté, rationalisation des dépenses publiques et humanité.
Pour conclure, je voudrais élargir mon propos aux tensions qui traversent notre société. Deux forces s’affrontent aujourd’hui : la haine et les peurs d’un côté, l’espoir de l’autre. Cependant, la force des préjugés vis-à-vis de l’étranger ne se combat pas que par l’affirmation de valeurs ou par de simples déclarations. Il faut lutter contre cette loi du mensonge triomphant qui passe et qui se diffuse désormais par le numérique, par les réseaux sociaux ou par des courriels de propagande. Aujourd’hui, en effet, la haine a un miroir avec Internet.
Ainsi, un citoyen m’a interpellé la semaine dernière en me renvoyant un courriel apparemment diffusé par la chef de bureau d’une administration, qui appelait à la diffusion de mensonges concernant les immigrés et les prétendues largesses de l’État dont ils bénéficieraient, notamment l’aide médicale d’État. J’ai contacté cette fonctionnaire ce matin : elle est victime depuis trois ans d’une usurpation d’identité. Quand l’administration est bafouée, c’est la République qui est souillée. Il nous appartient de faire respecter le droit, de dire la vérité et de traquer les mensonges et les propos racistes qui sont le carburant de la haine. Certains responsables politiques ont légitimé la parole raciste ; il nous appartient plus que jamais de mener ce combat politique pour la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, je tiens avant tout chose à m’associer à la conclusion de M. Grandguillaume : s’il y a bien des ennemis dans la République et dans le monde, ce sont ceux qui défendent ou utilisent le racisme.
La commission des affaires étrangères a donné un avis favorable aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». C’est en effet un budget responsable, qui traduit de nouveaux efforts pour réorienter peu à peu les principales politiques publiques entrant dans le champ de cette mission, après les inflexions salutaires que nous avons déjà connues depuis le changement de majorité.
Pour 2014, les crédits de cette mission sont appelés à participer à l’effort de redressement des comptes publics. Les dotations devraient ainsi reculer de 1,3 % en autorisations d’engagement et de 0,9 % en crédits de paiement. Cet effort global, à la fois réel et raisonnable, recouvre des évolutions internes qui sont tout à fait significatives.
En ce qui concerne l’asile, tout d’abord, il nous est demandé d’accorder des moyens supplémentaires pour renforcer le dispositif d’accueil de droit commun, tout en poursuivant les efforts de réduction des délais d’instruction des demandes d’asile. Corrélativement, les crédits demandés pour l’hébergement d’urgence et pour l’allocation temporaire d’attente devraient être en baisse. Je veux saluer cet effort de réorientation, tant il était nécessaire.
Le lancement d’un travail de concertation sur une réforme d’ensemble du système d’asile était tout aussi indispensable. Cette réforme doit nous permettre d’apporter des réponses structurelles à des dysfonctionnements persistants – la saturation du dispositif d’accueil et la longueur excessive des délais d’instruction, mais aussi une évolution budgétaire préoccupante. Il faudra, par ailleurs, assurer la bonne transposition des directives qui viennent d’être adoptées au plan européen afin d’harmoniser davantage les systèmes d’asile. Un bon équilibre devra être trouvé entre les garanties dont les demandeurs ont besoin et l’efficacité de notre dispositif. Ces deux exigences ne sont pas incompatibles, bien au contraire, et j’ose espérer que le travail de concertation permettra d’aboutir à des solutions consensuelles.
J’en viens à la politique d’immigration, autre sujet auquel la commission des affaires étrangères s’intéresse tout particulièrement dans le cadre de cette mission budgétaire, parce qu’il est l’un des aspects essentiels de nos rapports avec le monde – un aspect humain. Là encore, plusieurs inflexions ont déjà été données. Le niveau des aides au retour, qui conduisait à des effets pervers indéniables, a été revu à la baisse. Il en résulte une évolution significative des retours aidés au niveau mondial, particulièrement pour certains pays de destination comme la Roumanie et la Bulgarie.
L’attractivité de notre pays pour certains publics bien ciblés a fait l’objet d’une autre inflexion. Pour les étudiants étrangers, la circulaire dite « Guéant » de 2011 a été – enfin ! – abrogée, et d’autres mesures ont suivi pour remédier à un certain nombre de difficultés concrètes et pour restaurer l’image de notre pays.
Je veux également rappeler l’intérêt que présente la généralisation des titres pluriannuels afin de simplifier le droit au séjour, de sécuriser les parcours migratoires et de renforcer l’attractivité de la France pour les talents internationaux. Le Gouvernement avait annoncé que cette réforme pourrait avoir lieu à l’occasion d’un projet de loi dont l’ambition serait plus vaste. Où en est cette réflexion, monsieur le ministre de l’intérieur ?
Je tiens aussi à souligner l’intérêt du projet relatif au système d’information des visas. Il devrait permettre des gains de productivité, mais aussi une simplification et une fluidification bienvenue, pour les agents comme pour le public. Je rappelle que d’autres pays se sont engagés dans cette voie, notamment le Royaume-Uni, où l’on dit qu’il pourrait bientôt être presque aussi facile de demander un visa que de réserver son billet d’avion. J’espère que des crédits seront dégagés afin de réaliser dans un avenir proche cette refonte du système d’information des visas. Ce n’est bien sûr qu’un aspect de notre politique dans ce domaine, mais rien de ce qui peut contribuer à l’attractivité de la France ne doit être négligé.
En matière d’intégration, les crédits prévus dans le cadre de cette mission budgétaire sont appelés à participer à l’effort de maîtrise des dépenses publiques auquel ce Gouvernement a eu le courage de s’astreindre. Les dotations demandées pour les actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique sont en baisse de plus de 3 % ; quant à celles qui sont prévues au titre des actions d’intégration des étrangers en situation régulière, elles devraient reculer de 9 % environ. Cette évolution pourrait susciter quelques inquiétudes si le Gouvernement n’avait pas annoncé une refonte globale de la politique d’intégration. Nous devons la repenser pour améliorer son efficacité. Il me semble qu’un certain nombre de dispositifs pourraient être revus, et que l’on gagnerait notamment à s’inscrire davantage dans de véritables parcours d’intégration reposant sur une approche plus personnalisée et portant sur plusieurs années.
Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, je vous invite, mes chers collègues, à voter les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Éric Ciotti, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’asile.
Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, le diagnostic est partagé par tous : la situation de notre système d’asile est devenue extrêmement préoccupante. L’actualité récente – je ne vous ferai pas l’injure de revenir sur « l’affaire Leonarda », qui n’a pas fait honneur à notre pays – l’a amplement démontré. Notre système d’asile implose – je reprends le terme que vous avez employé en commission, monsieur le ministre –, d’abord parce que la demande poursuit sa hausse : en 2012, l’OFPRA a reçu 61 468 demandes d’asile, soit une hausse de 7 % par rapport à l’année précédente. Cette augmentation se poursuit et son rythme s’accélère cette année, puique 50 000 demandes environ ont été déposées avant la fin septembre, soit une hausse prévisible de 10,8 % en tendance annuelle qui laisse présager pour 2013 d’un nombre total record de près de 70 000 demandes.
Il implose aussi parce que cette hausse se traduit par une augmentation du stock d’affaires en instance à l’OFPRA, qui est passé de 24 200 au 1erjanvier 2013 à 30 400 au 30 juin 2013, soit une hausse de plus de 25 % en six mois ! Cette augmentation du stock entraîne mécaniquement un allongement des délais. Le délai prévisible moyen de traitement et de jugement d’une demande par l’OFPRA et Cour nationale du droit d’asile s’est ainsi fortement allongé, passant de quatorze mois et six jours en 2012 à une prévision de seize mois pour 2013. Ces délais sont d’autant plus longs que près de la moitié des protections sont accordées non par l’OFPRA, mais par la CNDA, ce qui constitue une anomalie.
Cette longueur des délais conduit à un détournement de la procédure à des fins d’immigration. Aujourd’hui, l’asile est devenu une forme légale d’entrée sur le territoire pour des immigrés en situation illégale, et il encourage les phénomènes de filières. Le cercle vicieux se met en place : en renforçant l’attractivité de notre système d’asile, et donc son engorgement, l’allongement du délai s’auto-entretient. S’y ajoute la concentration de la demande dans certaines régions – jusqu’à 45 % en Île-de-France – qui sature les hébergements d’urgence.
Cette dégradation est d’autant plus préoccupante que les directives européennes adoptées récemment avec l’accord de l’actuel Gouvernement, en particulier la directive « Procédures », entraîneront un nouvel allongement. Elles accordent en effet des garanties supplémentaires aux demandeurs, notamment lors de l’entretien individuel.
On voit bien que l’objectif fixé par le Président de la République lors de sa campagne, soit un délai six mois incluant le délai de recours devant la CNDA, apparaît hors d’atteinte et même irréaliste – c’est une promesse de plus qui ne sera pas réalisée.
Vous l’avez d’ailleurs vous-même ramené, monsieur le ministre, à neuf mois, mais ce nouvel objectif ne pourra pas davantage être atteint.
S’ajoute à ce tableau déjà sombre le récent rapport des trois corps d’inspection sur l’hébergement et la prise en charge des demandeurs d’asile. La conclusion est sans appel : près d’un bénéficiaire de l’allocation temporaire d’attente sur cinq la perçoit indûment.
Enfin, et c’est sans doute le plus grave, les demandeurs d’asile déboutés se maintiennent pour la plupart sur notre territoire au lieu d’être éloignés. A cet égard, « l’affaire Leonarda », en dépit du tohu-bohu médiatique qui a suivi, particulièrement dans votre majorité, fait figure d’exception puisque selon les estimations dressées dans le rapport précité, moins de 5 % des demandeurs déboutés sont éloignés du territoire national. Il n’est pas excessif d’affirmer que notre procédure d’asile, menacée d’embolie, à bout de souffle, s’est transformée en véritable machine à fabriquer des clandestins.
Dans ce contexte, une réforme en profondeur de notre procédure d’asile s’impose. Il faudra qu’elle soit suffisamment ambitieuse et à la hauteur des enjeux. J’aimerais donc, monsieur le ministre, que vous me répondiez sur cinq propositions précises. La première consisterait à ce que la décision de rejet de l’OFPRA, en l’absence de recours ou en cas de recours rejeté par l’Office ou la CNDA, vaille automatiquement obligation de quitter le territoire français.
La deuxième proposition consisterait à obliger le demandeur à déposer sa demande dans un délai maximal de trois mois.
La troisième consisterait à fusionner l’OFPRA et l’OFII – l’office français de l’immigration et de l’intégration.
La quatrième, liée à la précédente, serait de créer des antennes de l’OFPRA en région.
La cinquième serait que vous affectiez les moyens nécessaires à la réduction des délais. Le précédent gouvernement a augmenté le nombre d’officiers instructeurs de 106 à 162 entre 2007 et 2012. À la cour nationale du droit d’asile, il a quasiment doublé le nombre de rapporteurs en deux ans : de soixante fin 2009, ils sont passés à 135 fin 2011.
Vous n’avez fait bénéficier la cour d’aucun renfort en 2013. Seuls dix recrutements s’ajoutent cette année. Même si des gains de productivité sont réalisés grâce au plan de réorganisation de l’OFPRA, il faudrait des recrutements bien plus importants pour résorber les stocks, ce qui est indispensable pour réduire les délais et, au final, monsieur le ministre, réduire les dépenses d’hébergement et d’accueil des demandeurs.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Marie-Anne Chapdelaine, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour l’immigration, l’intégration et l’accès à la nationalité française.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, cet avis va porter sur la mobilité étudiante. Les enjeux de l’accueil des étudiants étrangers sont considérables, sur notre territoire comme au-delà de nos frontières. La place et la grandeur de notre pays dans le monde, voilà ce qui se joue avec la mobilité étudiante.
Chacun d’entre nous se souvient de la circulaire du 31 mai 2011, plus connue sous le nom de « circulaire Guéant », qui avait considérablement durci les conditions d’accès au marché du travail des étudiants, à l’issue de leurs études.
Les effets directs de cette circulaire ont été massifs. Pendant sa durée d’application, environ quatre demandes de changement de statut sur cinq ont été refusées par la préfecture de police de Paris, alors qu’auparavant la proportion était inverse. Au niveau national, le taux de refus des autorisations de travail demandées dans le cadre d’un changement de statut a plus que doublé, passant de 20 % à 43 %.
Mais ce texte a eu également des effets indirects considérables. Le nombre d’étudiants étrangers accueillis par la France a chuté de 10 % en 2012. Notre pays, qui était le premier pays non anglophone pour l’accueil des étudiants étrangers, est descendu au cinquième rang mondial. Même l’Allemagne est passée devant nous. Notre image auprès des étudiants internationaux a été fortement dégradée, voire salie. Cette image doit être restaurée. Un premier signal très positif a été envoyé, immédiatement après l’élection présidentielle, par l’abrogation de cette circulaire. Merci, monsieur le ministre de l’intérieur !
D’autres mesures concrètes ont suivi, notamment avec la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, qui a assoupli les conditions d’accès au marché du travail des étudiants ayant obtenu un master. Il convient d’aller plus loin pour que la France retrouve son prestige et reste une destination de choix pour les étudiants. Nous devons nous doter d’une politique d’attractivité universitaire et scientifique ambitieuse.
Je vais évoquer les propositions concrètes les plus significatives de mon rapport. Il convient tout d’abord de faciliter les démarches des étudiants souhaitant venir étudier en France. Sur ce point, il faudrait rétablir la motivation des refus de visas de long séjour étudiants et scientifiques, qui a été supprimée en 2003.
Il serait également utile d’allonger la durée de validité maximale des visas de long séjour valant titre de séjour de quelques mois, afin qu’elle couvre systématiquement la période de réinscription universitaire : certains étudiants ne retournent pas dans leur pays parce qu’ils ont peur de ne pas revenir.
Le second axe de réforme devrait viser à simplifier et à alléger les formalités que doivent accomplir les étudiants étrangers une fois admis en France. L’ouverture de guichets uniques dans certains départements, qui permettent aux étudiants de déposer leur demande de titre de séjour dans leur université, sans avoir à se déplacer en préfecture, est à cet égard extrêmement positive, comme j’ai pu le constater à Rennes. Leur généralisation me semble hautement souhaitable.
Quant à la visite médicale obligatoire que doivent effectuer les étudiants auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, ne serait-il pas plus simple qu’elle puisse avoir lieu auprès d’un médecin de ville ou des services universitaires de médecine préventive des CROUS ?
Par ailleurs, il serait souhaitable que les titres de séjour pluriannuels soient étendus aux étudiants suivant un cursus de niveau licence, à l’issue de leur première année d’études. Cela ferait économiser les temps de passage en préfecture.
Le troisième axe de réforme vise à attirer les étudiants les plus investis en leur offrant des perspectives à l’issue de leurs études. Des assouplissements ont déjà été opérés sur ce point par la loi dite « Fioraso ». Ne serait-il pas possible d’aller plus loin, d’abord en supprimant le délai de quatre mois imposé aux étudiants pour déposer leur demande d’autorisation provisoire de séjour, ensuite en supprimant l’opposabilité de la situation de l’emploi pour les étudiants étrangers titulaires d’un master, sans les obliger à passer par une autorisation provisoire de séjour ? Ce serait une simplification bienvenue.
Je me félicite, monsieur le ministre, que vous ayez accueilli favorablement ces propositions lors de l’examen des crédits de la mission en commission élargie.
J’y vois une volonté et une méthode politiques : celle de refuser les amalgames pour défendre sans fard et avec détermination une vision stratégique de notre nation. Prononcer le mot « étranger » n’est pas faire naître un fantasme, instiller de la peur, user d’une facilité de langage, abuser d’un tremplin vers la démagogie. Être étranger, c’est un statut. Lui donner droits et obligations qui lui reviennent c’est écrire le mot France en lettres de noblesse.
Enfin, je rappelle que la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous allons maintenant entendre les porte-parole des groupes.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, avec près de 665 millions d’euros de crédits demandés pour 2014, le budget consacré à l’immigration affiche une baisse de 1,3 % d’autorisations d’engagement et de 0,9 % de crédits de paiement par rapport à 2013. Preuve que les bonnes intentions du début de mandat sont déjà loin et que l’immigration ne figure pas cette année parmi les priorités du Gouvernement.
Certes, nous notons les efforts consentis en matière d’asile, efforts indispensables dans un pays comme le nôtre, qui enregistre depuis 2008 une hausse continue de la demande. Nous partageons bien évidemment, monsieur le ministre de l’intérieur, vos préoccupations, s’agissant de la réduction des délais de traitement et de la rationalisation des moyens financiers consacrés à la prise en charge des demandeurs d’asile.
Le droit d’asile français est effectivement très complexe et les instances décisionnaires particulièrement engorgées. L’objectif de réduire à neuf mois les délais de traitement des dossiers par l’OFPRA et la CNDA semble bien optimiste, compte tenu de la situation actuelle. Pour autant, nous en convenons, en allouant 504 millions d’euros de crédits à la garantie de l’exercice du droit d’asile, vous poursuivez, et c’est tant mieux, les efforts dans ce domaine.
S’agissant du logement, vous créez, comme en 2013, 2 000 places supplémentaires pour les demandeurs d’asile. Notons toutefois que cette mesure s’accompagne d’une baisse des crédits destinés au financement de
l’allocation temporaire d’attente et de l’hébergement d’urgence, respectivement de -3,6% et -7,7%.
En outre, en matière d’asile comme en matière d’immigration et d’intégration, la dimension européenne est cruciale. Les nombreux problèmes qui affectent les dispositifs d’hébergement doivent nécessairement être abordés dans un cadre européen. L’harmonisation au niveau européen du droit d’asile est en bonne voie, notamment grâce à l’adoption des directives relatives au droit d’asile en juin dernier. Mais nous avons encore beaucoup à faire avant de parvenir à la mise en place d’un régime européen commun de l’asile, pourtant indispensable.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il ne nous a pas échappé que la concentration des efforts en 2014 sur la politique de l’asile se fait au détriment de la lutte contre l’immigration irrégulière. En ce domaine, nous partageons tous la même opinion : nous souhaitons l’application rigoureuse de la loi et la poursuite des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine et de maîtrise des flux migratoires, adaptés au contexte économique de notre pays, tout en veillant à assurer, en toutes circonstances, la dignité humaine.
La baisse constante des crédits consacrés à ces objectifs ne peut que nous inquiéter : après être passés de 85 à 76 millions d’euros entre 2012 et 2013, ils se voient ramenés à 73 millions d’euros pour 2014. Il y a là un risque majeur de non-maîtrise d’un sujet très difficile, dont il faut pleinement assumer la charge.
L’effort financier pèse également de façon inquiétante sur l’intégration des immigrés en situation régulière. D’environ 66 millions d’euros de crédits de paiement l’an dernier, nous passons à 62 millions d’euros. Je veux vous dire, monsieur le ministre, que ce choix n’est pas conforme à notre idéal républicain ni à l’intérêt de la France. Les étrangers que nous accueillons sur notre territoire, nous devons les accompagner et leur donner les moyens d’une intégration qui soit la plus rapide possible.
Sur cette question également, la réduction des délais de traitement des dossiers de demande de naturalisation des immigrés en situation régulière devrait être une priorité pour les autorités. Ainsi, alors que le délai d’examen par l’autorité publique d’un dossier de naturalisation peut durer dix-huit mois, renouvelable trois mois, les délais de dépôts de dossiers peuvent eux aussi atteindre des proportions inacceptables.
Dans mon département de Seine-Saint-Denis, il faut jusqu’à un an et demi pour prendre rendez-vous et ensuite déposer son dossier. Il arrive ainsi qu’une naturalisation soit accordée ou rejetée après plus de trois ans de procédure. Depuis des années, je dénonce cette situation et j’ai notamment redéposé sous cette législature une proposition de loi qui vise à résoudre ce problème.
En conclusion, le groupe UDI déplorait l’an dernier le non-choix politique que reflétait le budget consacré à l’immigration, à l’asile et à l’intégration. Un non-choix qui n’optait ni pour une exacte continuité ni pour une révolution en matière de politique d’immigration. Cette année, vous semblez davantage assumer vos choix, mais de toute évidence, ils se font au détriment de la lutte contre l’immigration irrégulière et, surtout, de la politique d’intégration dont notre pays a besoin.
Bien entendu, nous voterons contre le budget que vous présentez.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, il n’y a pas de politique d’intégration républicaine réussie – c’est notre objectif partagé – sans une politique d’immigration pragmatique, ferme, cohérente et humaine. C’est la politique du Gouvernement et nous la soutenons.
La mission « Immigration, asile et intégration » regroupe les moyens de l’État destinés à maîtriser, organiser et accompagner par la politique d’intégration l’immigration légale et à lutter contre l’immigration illégale, ainsi qu’à garantir l’exercice du droit constitutionnel d’asile.
La question de l’exercice du droit d’asile étant particulièrement d’actualité, vous me permettrez, monsieur le ministre de l’intérieur, de concentrer mon intervention sur ce lourd défi qui est lancé à la France. Pas plus aujourd’hui qu’hier notre pays n’a vocation à accueillir toute la misère du monde, mais la France est et doit rester la terre de refuge des opprimés, de ceux qui sont menacés dans leur intégrité, de ceux qui subissent le joug d’un État dictatorial, et qui répondent ainsi aux critères de l’asile.
Dotée de 503 millions d’euros en autorisations d’engagements et en crédits de paiement, l’action no 2 « Garantie de l’exercice du droit d’asile » augmente de 0,5 % par rapport à l’année dernière, sachant qu’elle avait connu une augmentation de 22,5 % entre 2012 et 2013. Cette action consomme 85 % des crédits du programme. Cette dotation peut donc être considérée comme satisfaisante, même si l’évolution de la demande d’asile, aléatoire, mais en hausse constante depuis six ans, influe inévitablement sur la qualité du système d’accueil. Le cap des 70 000 devrait être atteint l’année prochaine, après que plus de 61 000 demandes ont été enregistrées l’année dernière.
La France est désormais passée au second rang des pays destinataires en Europe, après l’Allemagne. Comme le rappelle notre rapporteur spécial, les flux sont nettement influencés par les modifications apportées à la liste des pays d’origine sûre. Il convient absolument, lorsque cette liste est modifiée, de s’assurer juridiquement qu’aucun risque d’invalidation par le Conseil d’État ne vienne replacer le pays concerné en tête des pays de provenance des demandeurs d’asile.
Face à cet alourdissement des besoins, les moyens pour y répondre, s’ils ont été progressivement renforcés, doivent encore être accrus, en attendant les conclusions imminentes de la concertation que vous avez lancée avec nos collègues Jean-Louis Touraine et Valérie Létard, et la réforme du droit d’asile que vous avez annoncée, pour une adoption courant 2014.
La transposition de la directive européenne « Procédures » à compter de 2015, qui prévoit de rehausser les normes minimales en matière d’accueil des demandeurs et de procédure d’examen des demandes d’asile, et qui enjoint la présence d’un conseil auprès du demandeur d’asile, est à placer dans cette perspective.
Les dotations budgétaires prévues dans le projet de loi de finances pour 2014 traduisent parfaitement les choix du Président de la République : réduction des délais d’instruction des demandes d’asile – un impératif, ne serait-ce que pour traiter les dossiers en instance, plus de 24 000 au 1erjanvier 2013 ; rénovation du dispositif d’accueil des demandeurs à travers un meilleur mode d’hébergement.
La réduction des délais de traitement, de l’instruction devant l’OFPRA à l’appel devant la Cour nationale du droit d’asile, l’objectif de ramener à six mois le délai devant la CNDA au lieu d’environ dix mois aujourd’hui – correspondant à l’objectif de ramener le délai global de traitement à neuf mois en 2015 – permettra par ailleurs d’améliorer le taux de rotation des places dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile et donc d’améliorer leurs conditions d’hébergement. L’augmentation de 7,5 % de la ligne de financement des CADA est appréciable, d’autant plus qu’il faut privilégier le placement en CADA par rapport à l’hébergement d’urgence, précaire et coûteux. Deux mille places nouvelles en CADA sont prévues dans ce budget, après mille places nouvelles en 2013. Il faut continuer dans cette voie et persévérer dans celle d’une meilleure prise en charge des demandeurs d’asile.
Cependant, il est nécessaire de lutter contre le détournement de la procédure d’asile, lequel est alimenté par l’allongement des délais - que vous comptez réduire - et la hausse des dépenses d’hébergement - que vous voulez freiner -, détournement souligné par notre rapporteur pour avis de la commission des lois.
Cohérence, volontarisme, réalisme et pragmatisme, fermeté et humanité, telle est votre politique, monsieur le ministre, celle-là même qui permet de combattre le racisme et la haine. Elle se traduit logiquement dans votre budget, que nous soutiendrons avec détermination.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine et pour cinq minutes.
Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, les dotations globales de la mission « Immigration, asile et intégration » diminuent en 2014. Elles s’établiront à 665 millions en crédits de paiements et à 653,5 millions en autorisations d’engagement. Les deux programmes de la mission sont en baisse.
Force est de constater que la crise de l’accueil des demandeurs d’asile continue de sévir. Le manque de places en centre d’accueil et la saturation des dispositifs d’urgence sont patents. De manière générale, la situation de l’asile en France et dans l’Union européenne est inquiétante. Tout le monde admet désormais que le système est à bout de souffle, ce constat étant partagé par le ministre de l’Intérieur, les institutions, les associations et les demandeurs d’asile eux-mêmes. Il est donc impérieux de réformer la politique d’asile en France tout à la fois coûteuse et peu protectrice des droits des demandeurs.
Les principales questions à résoudre ont été identifiées par tous les acteurs : simplification des procédures, qualité de la décision, durée de la procédure, dignité dans l’accompagnement. Espérons que la concertation sur le système de l’asile français mise en place en juillet dernier aboutira à une réforme respectueuse des droits des demandeurs.
En attendant, pour la quatrième année consécutive, les dispositifs d’urgence sont plus dotés que l’hébergement pérenne, avec une inscription de 250,4 millions – 115,4 millions pour l’hébergement d’urgence et 135 millions pour l’allocation temporaire d’attente. Le dispositif pérenne coûte quant à lui 213,8 millions.
De même, la capacité d’accueil dans les dispositifs d’hébergements d’urgences et en CADA demeurera en 2014 sensiblement équivalente. Nous souhaitons une rupture avec ce système d’accueil bicéphale qui instaure une inégalité de traitement entre les demandeurs d’asile.
En ce qui concerne les étrangers en situation irrégulière, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas rompu avec la politique d’éloignement menée par l’ancienne majorité. Le chiffre record de plus de 37 000 reconduites à la frontière pour l’année 2012 témoigne de la continuité de la politique du chiffre. Le ministre de l’intérieur lui-même a indiqué qu’au 31 août 2013, le nombre de retours contraints s’élevait à 13 510. Cette tendance est supérieure à celle constatée entre 2009 et 2011 !
S’agissant de la rétention des personnes en situation irrégulière, comme le souligne Réseau Éducation Sans Frontière, si le taux d’occupation des centres de rétention administrative a fléchi au deuxième semestre 2012, ces centres sont à nouveau « normalement » remplis en 2013 et les expulsions ont repris leur vitesse de croisière.
De manière générale, on peut se désoler que la politique migratoire n’ait pas véritablement changé depuis le changement de majorité.
Si la circulaire du 6 juillet 2012 interdit, en principe, l’enfermement des enfants en centre de rétention, elle est assortie de tant de conditions que seuls les enfants dont les parents sont volontaires à l’expulsion sont assurés d’y échapper.
La circulaire du 28 novembre 2012, qui définit quant à elle des conditions de régularisation pour les familles, les jeunes majeurs scolarisés et les salariés, n’a pas amélioré la situation administrative de bon nombre d’étrangers. Elle permet seulement des admissions « exceptionnelles » au séjour.
La diminution des crédits consacrés au programme « Intégration et accès à la nationalité française » nous paraît à la fois contre-productive et inquiétante au regard des besoins sans cesse croissants.
La circulaire du 16 octobre 2012 sur les procédures d’accès à la nationalité française ne rompt pas avec le dispositif mis en place par la majorité précédente, ni avec le mode d’appréciation de la connaissance du français par voie de tests, ni avec l’obligation de connaître l’histoire, la culture et la société françaises, ni avec l’obligation d’adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République. Le texte reste fondamentalement empreint de l’idée que la nationalité française est une faveur qui se mérite, à l’opposé de l’intention annoncée d’en ouvrir plus largement l’accès.
Pour notre part, nous réfutons l’idée que la nationalité soit attribuée comme un diplôme validant des épreuves réussies. Cette logique du mérite ne vaut pas seulement pour l’obtention de la nationalité mais, aussi, pour l’obtention d’un titre de séjour, voire d’un visa. Avec le contrat d’accueil et d’intégration que chaque étranger doit signer pour obtenir un titre de séjour, la maîtrise de la langue française est devenue une condition pour obtenir ce titre. Or c’est bien lorsqu’ils ont l’assurance d’un droit au séjour stable que les migrants peuvent apprendre le français et s’intégrer ! Il est absurde de demander à ces étrangers de prouver leur capacité d’intégration avant même d’avoir posé le pied sur notre sol !
Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche voteront contre ce budget.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Madame la présidente, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les parlementaires, la mission « Immigration, asile et intégration » regroupe les moyens de l’État pour maîtriser, organiser et accompagner l’immigration légale par la politique d’intégration, lutter contre l’immigration irrégulière et garantir le droit d’asile. Elle se compose de deux programmes budgétaires, « Immigration et asile » et « Intégration et accès à la nationalité ».
Par rapport à la loi de finances pour 2013, le budget global de la mission diminue légèrement. S’il en est de même des crédits du programme 303, « Immigration et asile », un effort financier est consenti avec une dotation en hausse de 0,5 % afin de garantir l’exercice du droit d’asile.
Le budget général montre pourtant que la demande d’asile est en forte hausse pour la sixième année consécutive. Cette situation récurrente et préoccupante depuis 2008 entraîne une dégradation des délais de traitement des demandes d’asile et met à mal les conditions d’accueil des demandeurs ainsi que les finances de l’État. La longueur des procédures fait perdre leur sens aux décisions de justice. Tous les voyants sont au rouge : délai, saturation d’hébergements, inflation du budget consacré à l’allocation temporaire d’asile.
Notre système d’asile ne fonctionne plus, il faut le reconnaître pour le sauver et le garantir. Il relève de notre responsabilité de ne pas le laisser péricliter.
Cette année encore, les dotations budgétaires traduisent le cap fixé par le Président de la République avec trois missions majeures à réussir : la réduction des délais d’instruction des demandes d’asile, la rénovation du dispositif d’accueil en privilégiant l’hébergement pérenne, l’intégration de nouvelles normes européennes dans les procédures.
Monsieur le ministre, la majorité est attentive au travail en amont et en profondeur que vous avez initié pour la rénovation des procédures d’asile : premièrement, la signature d’un contrat d’objectif avec l’OFPRA : cet établissement public, avec l’accord de ses syndicats, a entrepris de se réformer et de rénover ses procédures et s’est engagé à améliorer les délais tout en se fixant pour objectif d’assurer un traitement plus adapté des demandes tout en mettant fin à la précarisation de ses personnels, source de pertes de savoir-faire très préjudiciables à l’efficacité de leur travail et de défaillances en cascades sur l’hébergement, l’accompagnement et les coûts sans satisfaire personne ; deuxièmement, la concertation parallèlement menée par deux parlementaires qui devrait faire aboutir une réforme essentielle et responsable du droit d’asile. Cette méthode signe la vraie rupture avec la brutalité de celles du quinquennat précédent.
Il convient également de rappeler les décisions que vous avez déjà prises comme l’abandon de la politique du chiffre pour le chiffre, la suppression de la circulaire Guéant, qui traitait injustement les étudiants étrangers, l’interdiction de placer les enfants en centres de rétention, une circulaire de régularisation dont les critères sont transparents, loin des opacités que nous avons connues.
Nous savons que cette mission est sensible et observée de toute part parce qu’elle pose les conditions d’accueil que la France réserve à ses migrants et que la France doit respecter sa tradition d’accueil, héritée de son histoire, qui fait son identité et le ciment de sa République, mais aussi parce que l’opposition actuelle, qui nous offrait un discours consensuel, n’a finalement pas voté ce budget en commission, signe de l’instrumentalisation et de l’hystérisation du sujet auxquelles elle ne manquera probablement pas de se laisser aller pour être dans l’air du temps…
Pourtant, elle ne peut guère nous faire la leçon : au cours de ces cinq dernières années, le précédent gouvernement a fait de l’affichage budgétaire pour montrer sa détermination à lutter contre l’immigration irrégulière alors que seulement 75 % des crédits inscrits dans la LFI ont été consommés. En 2013, vous aviez d’ailleurs déjà réajusté la budgétisation à la réalité de la dépense car il ne sert à rien d’inscrire des crédits que l’on sait ne pas pouvoir utiliser. La baisse apparente n’entame pas la volonté politique de lutter contre les filières qui exploitent la misère humaine.
Le programme 104, « Intégration et accès a la nationalité », est doté d’un petit budget alors que la question est très importante.
Restons vigilants et sachons, malgré les contraintes budgétaires, poursuivre et développer une politique d’intégration. La droite s’en prend aujourd’hui au droit du sol comme elle a autrefois attaqué la binationalité. Elle est surtout responsable d’une baisse historique des taux de naturalisation de 30% et d’une gestion plus que critiquable de ce dossier.
Nous savons, monsieur le ministre, que vous avez réorienté la politique de naturalisation et que cela se traduit déjà par une hausse des résultats. Vous savez la majorité attachée à une politique de l’asile qui ne soit pas confondue avec celle de l’immigration. Cette majorité ne tient pas à ce que l’on en fasse une variable d’ajustement de flux migratoires !
Nous voulons que la France prenne sa part pour protéger des femmes et des hommes qui fuient des persécutions et des conflits. Nous voulons que les étrangers qui choisissent de devenir Français en soient remerciés. Nous voulons une approche apaisée de la situation des migrants.
Le groupe SRC votera ce budget satisfaisant et sans doute transitoire avant la réforme du droit d’asile que vous nous présenterez dans les prochaines semaines.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire et pour cinq minutes.
Madame la présidente, messieurs les ministres de l’Intérieur et du budget, mes chers collègues, le défi de l’immigration doit faire l’objet d’une autre politique que celle menée par le président François Hollande depuis bientôt deux ans.
Nous sommes républicains, ni plus ni moins que vous.
Nous savons que la question de l’immigration est très sensible puisqu’elle touche à l’histoire personnelle d’hommes et de femmes qui abandonnent leur pays, cherchent à rejoindre le nôtre et ont des droits qu’il faut bien sûr respecter. Mais l’État aussi a des droits et un devoir : celui de défendre l’intérêt de la France et des Français.
Nous n’avons pas à nous excuser, dans la France de 2013, de souhaiter – contrairement au Parti socialiste et à ses alliés – une diminution globale des flux d’immigration vers la France. Oui, il faut réduire l’immigration parce que notre système d’intégration, hélas ! est en panne et que cet échec nourrit les communautarismes.
La profonde crise économique, financière et sociale dans laquelle s’enfonce notre pays…
… rend nécessaire une forte diminution du nombre des personnes qui y entrent sans qualification, c’est-à-dire l’essentiel de l’immigration dite familiale, qui a encore augmenté de près de 7 % l’année dernière.
Pour atteindre cet objectif, il convient de mobiliser tous les instruments de l’État – juridiques, opérationnels, mais aussi diplomatiques. Est-ce le cas aujourd’hui ? Je ne le crois pas. Car la politique d’immigration est devenue incohérente, éclatée, entre le ministère de l’intérieur, qui fait son travail, le ministère des affaires étrangères et la myriade de ministères sociaux, sans cap présidentiel clair.
Ce que le Gouvernement fait d’une main, il le défait d’une autre. Bien sûr, les préfets, les policiers et les gendarmes appliquent la loi sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, démantèlent des filières d’immigration clandestine, reconduisent dans leur pays un certain nombre de personnes venues en France illégalement. Mais, parallèlement, le Gouvernement envoie des signaux de relâchement que perçoivent les filières et qui encouragent l’immigration clandestine. Il a ainsi demandé aux préfets d’appliquer une circulaire qui a permis, depuis un an, à près de 17 000 clandestins supplémentaires d’obtenir une carte de séjour.
De même, le système d’aide sociale apparaît toujours plus attractif pour les clandestins, puisque la ministre des affaires sociales a fait voter une loi qui permet à 264 000 étrangers en situation illégale de bénéficier, sans aucune limitation, d’une aide médicale d’État qui coûte plus de 800 millions aux contribuables. Ces dépenses sont en hausse de plus de 16 % depuis l’arrivée de M. Hollande au pouvoir !
Parallèlement, contre tout bon sens, le Président de la République accepte à Bruxelles une diminution du budget de FRONTEX, l’agence chargée de contrôler les frontières extérieures de l’Europe : ce budget, qui était de 115 millions d’euros en 2011, lorsque nous étions aux affaires, est descendu à 85 millions d’euros aujourd’hui.
De la même façon, monsieur le ministre de l’intérieur, vous vous efforcez de faire face à la crise de l’asile en gérant de manière sérieuse et plus directive les centres d’accueil des demandeurs d’asile ; mais la ministre du logement, Mme Duflot, ne vous aidera certainement pas à combattre le maintien de déboutés du droit d’asile dans les centres d’hébergement dont elle a la responsabilité.
Vous donnez à l’OFPRA et à la Cour nationale du droit d’asile quelques moyens supplémentaires pour réduire les délais d’examen des quelque 70 000 demandes d’asile ; mais le ministre des affaires européennes à Bruxelles accepte de voter des directives bureaucratiques, qui vont encore compliquer l’examen de ces demandes.
Vous démantelez, ici ou là, quelques campements illégaux et insalubres de Roms, en vertu de la loi et de décisions de justice qui vous y engagent ; mais le chef de l’État ne prend aucune initiative pour mettre enfin la Roumanie et la Bulgarie devant leurs responsabilités, alors que ces pays ont reçu, de l’aveu même de la commissaire Viviane Reding, près de 17 milliards d’euros de la part de l’Union européenne pour faciliter l’insertion des Roms, sans résultats et sans contrôle.
De la même façon, monsieur le ministre de l’intérieur, vous ne pouvez pas conduire une politique d’immigration cohérente lorsque le dialogue avec les pays d’origine et de transit est au point mort, dans les mains d’un ministre du développement, Pascal Canfin, qui refuse de traiter la question migratoire parce qu’il appartient à un parti écologiste hostile à toute régulation de l’immigration.
En réalité, faute de cohérence, faute d’objectifs assumés et d’instruments coordonnés, la politique d’immigration du Gouvernement est condamnée à l’échec, et nous le regrettons. Peut-être le cap sera-t-il corrigé; en tout état de cause, nous ne pouvons approuver aujourd’hui le budget que vous nous soumettez. Le groupe UMP votera donc contre les incohérences d’une politique très largement insuffisante.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des lois, madame et messieurs les rapporteurs, chers collègues, l’instrumentalisation de la question migratoire comme d’un épouvantail dans le débat politique par les responsables de l’ancienne majorité a eu pour effet ce que nous avons aujourd’hui sous les yeux : une libération de la parole xénophobe et une stigmatisation accrue des populations étrangères.
Nous avions été nombreux dans cet hémicycle à saluer le changement d’approche du Gouvernement en la matière et sa volonté de ne pas faire de cette question un enjeu politicien.
Quand Cécile Duflot intervient pour dire que le ministre de l’intérieur n’est pas républicain, ce n’est pas politicien ? Il ne faut pas exagérer !
Je constate qu’au cours des derniers mois, un certain nombre de déclarations, dont certains de vos propos, monsieur le ministre de l’intérieur, n’ont pas contribué à l’apaisement, et je le regrette.
Permettez néanmoins que je commence par évoquer les points qui me semblent positifs.
En matière de naturalisation, d’abord, la hausse de 14 à 18 % en un an est la preuve du volontarisme du Gouvernement en la matière. Le rapport Mennucci sur cette question avait mis en lumière les pratiques de l’ancienne majorité.
Je salue également l’objectif de simplifier les tests de langue pour les immigrés âgés, afin de faciliter naturalisations et accès aux droits, ainsi que le préconise la mission d’information à laquelle j’ai participé, et dont le rapport a été unanimement adopté. En matière de régularisation, selon les chiffres publiés mercredi, la circulaire du 28 novembre 2012 a conduit à la régularisation de 10 000 sans-papiers de plus cette année, soit 30 % de plus que sous la précédente majorité.
Mettre fin à l’arbitraire et à l’injustice par la définition de critères objectifs de régularisation est un premier pas, qu’il faut saluer. Les immigrés constituent une richesse pour notre pays, ainsi qu’une source de prospérité dans une Europe vieillissante. Néanmoins, cette circulaire est encore trop restrictive pour certaines situations, et il convient de faire de l’intégration la priorité de votre ministère.
Le rejet de la politique du chiffre est, vous le dites souvent, la preuve de la rupture voulue par ce gouvernement. On voudrait retrouver cette volonté affichée dans tous les domaines. Vous avez en effet prévu un taux d’occupation des centres de rétention similaire à celui des années 2011 et 2012, soit des projections basées sur les chiffres les plus hauts. Vous avez également prévu un taux stable des expulsions hors de notre territoire. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’humanisme et la fermeté que vous revendiquez ne doivent pas s’accommoder des chiffres brandis par l’ancienne majorité.
La question sur les villages judiciaires, que je vous ai posée en commission élargie, est restée sans réponse. L’annexe du tribunal de grande instance de Meaux, situé sur le site du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, a été inaugurée lundi 14 octobre. Permettez-moi de réitérer ma question : pensez-vous qu’il soit raisonnable de développer ces villages judiciaires, qui contreviennent aux principes d’impartialité et d’indépendance des juges, de respect des droits de la défense, de publicité des débats et de dignité des personnes, selon les associations et les principales organisations représentatives des personnels de justice ?
En matière d’asile, vous en avez convenu vous-même, notre système est à bout de souffle et une réforme profonde de notre politique est nécessaire. La concertation que vous avez engagée avec divers acteurs de l’asile doit permettre de consulter largement juristes et associations. Ceux-ci pallient trop souvent les manquements de l’État en la matière ; ils sont les premiers présents sur le terrain et méritent donc d’être mieux associés à cette réforme.
Pour que celle-ci soit menée à bien, l’une des priorités est la diminution drastique des délais de traitement des dossiers. La réforme doit être fondée sur une hausse massive des moyens consacrés. L’augmentation des effectifs de l’OFPRA est un bon point, mais c’est encore insuffisant. Je salue enfin la construction de 2 000 nouvelles places en CADA, mais je regrette que celle-ci s’inscrive en substitution, et non en complément, des crédits alloués aux autres dispositifs.
Monsieur le ministre de l’intérieur, votre budget est préservé, malgré le contexte actuel, et votre ministère bénéficie de moyens à un moment où la capacité d’intervention de la puissance publique est durablement atteinte. Il n’en reste pas moins qu’un budget sert à porter une politique. Je formule donc le voeu que les quelques changements engagés s’accentuent et que nous tournions définitivement la page d’une politique de repli et de stigmatisation.
Nous aurons l’occasion de donner corps au changement lors des futures réformes du CESADA et du droit d’asile. Dans l’attente de ces rendez-vous, le groupe écologiste a décidé de s’abstenir sur votre budget.
Nous en arrivons aux questions. Je vous rappelle que la durée des questions et des réponses est fixée à deux minutes.
Une seule question a été déposée, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
La parole est à Mme Elisabeth Pochon,.
Monsieur le ministre de l’intérieur, dans ma circonscription, le chiffre 303 n’est pas le numéro d’un programme budgétaire relatif à l’immigration et à l’asile, mais celui de la ligne de bus qui mène directement les ressortissants étrangers à la file d’attente interminable de la préfecture de Bobigny. Ces femmes et ces hommes passent des journées, parfois même des nuits, à attendre sans être sûrs d’être reçus. Lorsqu’ils parviennent au guichet, ils se voient parfois opposer des refus de traitement incompréhensibles. Le livre noir réalisé par des associations de mon département et intitulé Étrangers, conditions d’accueil, traitement des dossiers par la préfecture de Bobigny : l’indignité, identifie avec précision et lucidité l’indignité des conditions d’accueil.
Cela pèse aussi sur la qualité du travail des agents en préfecture, exposés quotidiennement au stress des demandeurs. Les préfectures sont débordées et confrontées à un afflux extrêmement élevé de visiteurs, qui multiplient inutilement les passages. Ce constat est désormais partagé par le plus grand nombre et il appelle des solutions. Le rapport remis par Matthias Fekl au Premier ministre, visant à sécuriser les parcours des ressortissants étrangers trace des perspectives très intéressantes pour l’amélioration des conditions d’accueil. Une chose est sûre : cela passe par une meilleure fluidité, et la simplification des procédures pourrait être une solution.
La mise en place d’un titre de séjour pluriannuel participe de ces solutions, en ce qu’elle permettrait de stopper la précarité des demandeurs en évitant le renouvellement à répétition des récépissés et des titres de séjour. On peut aussi penser à la dématérialisation de certaines procédures comme celle du retrait du dossier pour le renouvellement des titres de séjour de dix ans.
La tradition d’accueil de notre pays contribue à son rayonnement sur la scène internationale. De la qualité de notre accueil dépend la capacité des populations à s’intégrer, à se sentir et à devenir des citoyens français. Ensuite, les enfants de ces populations deviennent des Français, qui apportent à notre pays une richesse culturelle dont il peut être fier. C’est là tout le sens du droit du sol que la droite veut remettre en cause dans sa course derrière l’extrême droite.
Monsieur le ministre, quels moyens pouvez-vous consacrer à l’amélioration des conditions d’accueil des ressortissants étrangers ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Madame Pochon, vous avez eu raison de m’interpeller sur ces questions : l’amélioration de l’accueil en préfecture, d’une manière générale, et celui des étrangers en particulier, puisqu’ils sont désormais les plus nombreux à se rendre en sous-préfecture ou en préfecture, est un défi.
Rappelons pour commencer que ces difficultés en préfecture ne sont évidemment pas nouvelles. Matthias Fekl l’a bien souligné dans son rapport et en a rappelé les causes : nous obligeons trois millions d’étrangers à cinq millions de passages annuels en préfecture… Les titulaires d’une carte de séjour temporaire sont ainsi contraints à trois ou quatre passages par an en préfecture. Nous ne pouvons pas continuer avec ce flux constant.
L’effort à accomplir repose sur trois axes. Le premier concerne les aménagements immobiliers : quatre-vingt-deux préfectures et trente-quatre sous-préfectures ont fait l’objet de travaux de plus ou moins grande envergure. Parmi les opérations les plus importantes, on peut citer celles qui ont touché la préfecture d’Annecy ou celle de Marseille. Par ailleurs, et vous le savez, car vous connaissez bien ces sujets, une priorité est donnée au relogement de la sous-préfecture de Saint-Denis afin notamment de soulager l’accueil des étrangers à Bobigny. Je salue à ce propos l’arrivée de votre président Bruno Le Roux, lui aussi député de la Seine-Saint-Denis.
Le deuxième chantier est celui de la modernisation des procédures. Il faut faciliter les démarches des étrangers, généraliser les réceptions sur rendez-vous, rendre l’information plus accessible, généraliser la remise de titres sur convocation par SMS et dématérialiser l’achat de timbres fiscaux à l’horizon 2014. C’est là un travail important de simplification et d’uniformisation de certaines procédures, que nous allons bien sûr poursuivre.
Troisièmement, la solution durable à cette question passe par une diminution du nombre de passages en préfecture. Des mesures ont déjà été prises pour prolonger la durée de certains récépissés ou modifier la date d’effet de titres de séjour. Nous sommes également allés aussi loin que la loi le permet pour généraliser la délivrance de titres de séjour pluriannuels, notamment pour les étudiants. Cet effort sera bien sûr poursuivi en 2014, par la généralisation du titre de séjour pluriannuel, qui permettra, là aussi, d’améliorer de manière significative l’accueil en préfecture, mais également de stabiliser le nombre de ces émigrés qui restent en France et qui voient toujours avec une certaine inquiétude, alors qu’ils respectent parfaitement la loi, ce rendez-vous en préfecture.
Dans ces domaines, c’est là encore le pragmatisme qui doit s’imposer. Il faut concilier la loi, les valeurs et le bon sens pour accueillir dans de bonnes conditions, tout en menant une politique ferme dès lors qu’il s’agit de lutter contre l’immigration irrégulière.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
J’appelle les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », inscrits à l’état B.
Sur ces crédits, je suis saisie d’un amendement no 192 .
La parole est à M. Sergio Coronado, pour le soutenir.
Cet amendement ne sera pas une surprise, puisque je l’ai déjà déposé l’an passé et que je l’ai également présenté en commission élargie : il vise à redéployer 5 millions d’euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement prévus à l’action no 3 du programme 303 vers l’action no 15 du programme 104.
Vous le savez, le nombre de centres de rétention administratifs sur le territoire métropolitain est assez important. L’an passé, nous avions constaté que leur taux d’occupation avoisinait les 50 % et, lors de la commission élargie, M. le ministre nous a dit qu’il avait légèrement augmenté, pour avoisiner aujourd’hui les 60 %. Néanmoins, en période de restriction budgétaire, il me semble assez déraisonnable de garder des centres qui ne sont pas utilisés de manière optimale : c’est une perte nette pour les finances publiques. C’est la raison pour laquelle je propose un redéploiement de ces crédits.
En matière de rétention, le Gouvernement souhaite veiller à deux choses : d’abord garantir que la privation de liberté, parfois inévitable pour assurer l’éloignement, soit la plus brève possible, et surtout qu’elle se déroule dans les meilleures conditions pour l’étranger, dans le respect des droits. Nous souhaitons par ailleurs limiter les déplacements et les escortes qui mobilisent les forces de l’ordre pour des opérations, osons le dire, à faible valeur ajoutée en termes de lutte contre l’immigration irrégulière.
La fermeture de centres de rétention induite par une diminution des crédits n’est donc pas souhaitable. Elle entraînerait par ailleurs une hausse de la promiscuité et une dégradation des conditions d’accueil, ce que ni vous ni moi ne souhaitons. Le taux d’occupation des CRA, depuis la rentrée de septembre, est globalement de l’ordre de 60 %, comme je l’ai indiqué en début de semaine. Il est plus élevé pour les hommes seuls – 75 % – que pour les femmes et les familles. Quasiment plus aucune famille n’est placée en détention depuis la circulaire du 6 juillet 2012.
Enfin, mon ambition est de développer les alternatives à la rétention qui fonctionnent, comme l’assignation à résidence, pour limiter les mesures coercitives, conformément à nos engagements européens. Cela nécessite notamment de nouvelles adaptations législatives : celles-ci seront présentées dans le cadre du prochain projet de loi sur l’immigration, qui sera distinct de celui sur l’asile, lequel fera l’objet d’un texte à part, que nous examinerons après la concertation en cours, dont j’attends avec impatience les conclusions.
Je demande donc, en conclusion, le rejet de votre amendement.
Cet amendement tend à redéployer 5 millions d’euros de l’action no 3 du programme « Immigration et asile » vers le programme 104. Plus précisément, cela aurait pour conséquence de réduire le budget de fonctionnement des centres de rétention administrative, en se fondant sur le constat de leur sous-occupation moyenne, et de renforcer le budget de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Cela permettrait une baisse des taxes sur les visas, qui constituent aujourd’hui la principale source de financement de l’OFII.
Cependant, le projet de budget pour 2014 opère déjà une diminution de ces dépenses, après une précédente baisse en 2013, et il envisage d’autres économies potentielles grâce à la révision du maillage territorial des CRA.
La remontée du taux d’occupation des centres et l’évolution d’autres dépenses, telles que celles liées aux assignations à résidence, justifie des prévisions prudentes. Réduire ces dépenses de 5 millions d’euros supplémentaires supposerait de fermer en totalité plusieurs centres, imposant donc le transport des personnes retenues vers les centres restants, ce qui occasionnerait d’autres frais. Cet amendement va néanmoins dans le bon sens, puisqu’il propose une économie supplémentaire.
Ayant auditionné la direction générale des étrangers de France, j’ai confiance dans la capacité de l’administration à mettre en oeuvre une gestion plus rigoureuse. C’est déjà le cas aujourd’hui, et des économies sont d’ores et déjà réalisées.
Cela dit, monsieur Coronado, je note avec intérêt que vous proposez de réduire les dépenses, alors que l’opposition se plaît à proposer des dépenses supplémentaires à chaque commission élargie tout en tenant un discours inverse dans l’hémicycle. C’est une forme d’imposture, et j’invite d’ailleurs le ministre du budget à évaluer le montant des mesures ainsi promises en commission élargie : on doit atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros.
Quoi qu’il en soit, l’avis de la commission sur cet amendement est défavorable. Restons-en aux conclusions des travaux réalisés en commission des finances et réalisons les économies déjà prévues.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le ministre de l’intérieur, l’intervention de M. Grandguillaume tombe à point. Je voudrais vous faire part, en ma qualité de président de la commission des finances, de mon extrême inquiétude sur les dotations budgétaires de l’année 2014 concernant les différents programmes qui traitent de l’immigration. Il est dommage que le ministre du budget vienne de s’absenter, mais je ne doute pas que vous lui rapporterez mes propos.
Trois programmes sont concernés : le programme 183 « Aide médicale d’État », dans la mission « Santé » ; ce programme 303, qui traite de l’allocation temporaire d’accueil ; enfin, le programme 177 dans la mission « Logement » sur les centres d’hébergements d’urgence.
À l’heure où je vous parle, les dépenses au titre de l’aide médicale d’État enregistrent un dépassement de l’ordre de 200 à 250 millions d’euros par rapport aux inscriptions de crédits initiales en loi de finances pour 2013. S’agissant de l’allocation temporaire d’accueil, la loi de finances initiale prévoyait 90 millions d’euros en 2012. L’année s’est terminée, en exécution, à 150 millions. Il est vrai que la dotation pour 2013 a été réévaluée à 140 millions, et c’est une bonne chose, mais j’estime que le dépassement sera au minimum de 20 millions d’euros. Et pour ce qui est des centres d’hébergement d’urgence, nous avons été obligés il y a quelques semaines d’inscrire 107 millions supplémentaires dans le cadre d’un décret d’avance.
Autrement dit, sur les trois programmes liés à l’immigration, qui ne relèvent pas tous des missions dont vous avez la responsabilité, nous constatons un dépassement en exécution 2013 de 300 à 400 millions d’euros.
Comment ce dépassement sera-t-il financé ? Nous allons le savoir dans quelque temps en examinant la loi de finances rectificative. Le ministre du budget a déclaré hier dans Les Échos que tout serait compensé, mais il faudra bien trouver ces 300 millions quelque part ; et je suis d’ores et déjà sûr que cela se fera par des diminutions de crédits d’investissements sur l’université, sur la recherche, sur l’équipement.
Monsieur le ministre, j’appelle votre attention sur ce point. J’ai été sensible à vos propos en commission élargie : il faut absolument mettre en place des procédures de contrôle. Nous ne pouvons plus nous permettre des dérives de plusieurs centaines de millions sur de tels programmes. Je voulais le dire solennellement ce matin, d’autant plus que, comme vous le savez tous, la note de crédit de notre pays vient à nouveau d’être dégradée. Faisons très attention : si nous ne sommes pas capables de gérer nos dépenses et de tenir nos crédits, nous nous exposons aux plus grandes difficultés.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président de la commission des finances, je m’abstiendrai de commenter votre dernière remarque. Elle montre simplement, comme l’a rappelé ce matin le Président de la République, la nécessité de poursuivre l’effort pour redresser nos finances publiques. Vous connaissez bien ces sujets ; vous savez dans quelles conditions la note de la France a déjà été dégradée au début de l’année 2012, vous connaissez les défis que doit affronter notre pays aujourd’hui.
S’agissant de l’aide médicale d’État, Marisol Touraine pilote évidemment ce dossier. Ces contrôles doivent être renforcés, je ne doute pas qu’elle aura l’occasion de s’exprimer sur ce point.
pour ce qui est de l’allocation temporaire d’accueil, nous avons rebasé cette dépense. Nous sommes en train de mettre fin aux indus, comme je l’ai déclaré devant la commission élargie. Nous avons publié le rapport de l’inspection générale, car je souhaite que la plus grande transparence soit faite sur ces chiffres, comme sur tout le reste. Il manquait 90 millions d’euros en 2012, il en manquera environ 15 millions cette année, et la dépense doit être stabilisée autour de 160 millions d’euros.
Enfin, s’agissant de l’hébergement d’urgence, ma collègue Cécile Duflot aura peut-être l’occasion d’aborder cette question ce soir, à l’occasion du débat sur le logement. Cela rend d’autant plus cruciale la réforme de l’asile, qui ne pourra pas être une réforme a minima. Cette réforme devra respecter nos valeurs, qui imposent d’accueillir dans de bonnes conditions ceux qui ont droit à cet asile – je pense à ces cinq cents Syriens que nous allons accueillir. De l’autre côté, tous les déboutés du droit d’asile doivent bénéficier de droits, mais dans le cadre d’un dispositif qui permette à la fois la réponse la plus rapide et l’accueil le plus directif possible. Pour l’heure, l’hébergement d’urgence est totalement saturé, ce qui pose énormément de problèmes sur le terrain.
Depuis un certain nombre d’années, les demandes d’asile augmentent de 10 % par an. Nous ne sommes pas le seul pays concerné : pour la première fois, l’Allemagne vient de passer devant la France. Cela nous oblige à des réformes profondes.
Je connais vos qualités personnelles et politiques, monsieur Carrez. Et puisque vous avez fait ici un appel solennel, je compte sur vous pour trouver, à propos de l’asile, les voies d’un consensus. Si nous voulons préserver ce droit fondamental et éviter qu’il soit confondu avec la politique d’immigration, si nous voulons y mettre les moyens nécessaires et l’organisation indispensable – je parle sous le regard du ministre du budget – nous devons trouver les voies d’un large accord : c’est à l’Assemblée nationale et au Parlement qu’il revient de garantir la pérennité du droit d’asile dans ce pays.
Il faut donc avoir du courage. Je ne doute pas que Jean-Louis Touraine et Valérie Létard nous soumettront une série de propositions. En entendant M. Ciotti – abstraction faite de ses remarques politiciennes –, en lisant le rapport de Roger Karoutchi au Sénat, ou encore en écoutant les propos de M. Dufau, je ne doute pas que nous avons les bases nécessaires pour réaliser cette réforme, pour des raisons budgétaires, certes, mais avant tout pour des raisons politiques et juridiques.
Je veux dire à quel point j’apprécie la réponse responsable du ministre de l’intérieur. J’aurais aimé avoir une réponse aussi responsable hier lorsque je présidais la mission élargie sur la mission « Santé ».
Monsieur le ministre du budget, je viens de faire part de mon inquiétude sur les dérapages de dépenses enregistrés, non pas en 2014, mais bel et bien au titre de l’exercice 2013, sur l’ensemble des trois programmes qui concernent l’immigration : le programme concernant les centres d’hébergement d’urgence, auxquels il a fallu, par un décret d’avance, attribuer 107 millions de plus en septembre dernier ; le programme sur l’allocation temporaire d’accueil, sur lequel le ministre de l’intérieur vient de me répondre précisément et pour lequel le dépassement se limite à 15 à 20 millions ; le programme « Aide médicale d’État » enfin, qui connaît un dépassement proche de 250 millions d’euros. Soit au total plus de 300 millions d’euros, que vous allez devoir gager sur des économies sur des dépenses d’investissement, par exemple, autrement dit sur des dépenses absolument indispensables.
Je souhaitais donc attirer l’attention sur la nécessité de réformes structurelles afin de mieux gérer ce type de crédits. De ce point de vue, la réponse responsable du ministre de l’intérieur m’a satisfait ; je souhaiterais, monsieur le ministre chargé du budget, qu’il en soit de même pour vos autres collègues du Gouvernement.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur Carrez, je vous sais rigoureux, exigeant, responsable et intellectuellement honnête. Mais vous n’êtes jamais aussi convaincant que lorsque vous êtes pondéré et modéré. Or je sens chez vous une forme d’emportement qui vous éloigne de l’image que je me fais de vous, et cela me peine.
Soyons précis. Nous sommes à la fin de l’exécution de l’exercice 2013. Nous aurons à en débattre au cours de la semaine prochaine, puisque la loi de finances rectificative vous sera présentée.
Je tiens à préciser, à la suite de cet entretien dans Les Échos qui faisait état de nos débats au sein de la commission des finances, la volonté du Gouvernement de faire en sorte qu’il n’y ait aucun dérapage de la dépense en 2013 et pour les années qui suivent. Nous devons absolument apporter la démonstration à tous ceux qui nous regardent et à nous-même que nous tiendrons rigoureusement nos objectifs de dépenses : il y va de notre crédibilité.
Il a été décidé, dans la loi de finances rectificative dont nous débattrons mercredi, que chaque ouverture de crédits sera gagée par des annulations en contrepartie. De cette manière, la dépense sera parfaitement et rigoureusement tenue.
Par ailleurs, et mes propos feront écho à ceux du ministre de l’intérieur avec lequel je n’ai naturellement désaccord sur ces sujets, il nous faut impérativement créer les conditions pour que, sur toutes les missions, nous soyons d’une rigueur absolue pour maîtriser les dépenses qui ont naturellement tendance à croître, qui ont beaucoup crû au cours des dernières années, et qui ont souvent fait l’objet de sous-budgétisations manifestes. Faisons donc preuve, sur tous les postes que vous avez indiqués, d’une vigilance particulière dans la perspective de l’élaboration de la loi de finances pour 2015 et de l’exécution de la loi de finances pour 2014. Je ferai à cet égard des propositions très concrètes et j’en rendrai compte devant la commission des finances de votre assemblée.
L’amendement no 192 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.
Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à l’immigration, l’asile et l’intégration.
Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : administration générale et territoriale de l’État ; politique des territoires ; égalité des territoires, logement et ville.
La séance est levée.
La séance est levée à douze heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron