Je constate qu’au cours des derniers mois, un certain nombre de déclarations, dont certains de vos propos, monsieur le ministre de l’intérieur, n’ont pas contribué à l’apaisement, et je le regrette.
Permettez néanmoins que je commence par évoquer les points qui me semblent positifs.
En matière de naturalisation, d’abord, la hausse de 14 à 18 % en un an est la preuve du volontarisme du Gouvernement en la matière. Le rapport Mennucci sur cette question avait mis en lumière les pratiques de l’ancienne majorité.
Je salue également l’objectif de simplifier les tests de langue pour les immigrés âgés, afin de faciliter naturalisations et accès aux droits, ainsi que le préconise la mission d’information à laquelle j’ai participé, et dont le rapport a été unanimement adopté. En matière de régularisation, selon les chiffres publiés mercredi, la circulaire du 28 novembre 2012 a conduit à la régularisation de 10 000 sans-papiers de plus cette année, soit 30 % de plus que sous la précédente majorité.
Mettre fin à l’arbitraire et à l’injustice par la définition de critères objectifs de régularisation est un premier pas, qu’il faut saluer. Les immigrés constituent une richesse pour notre pays, ainsi qu’une source de prospérité dans une Europe vieillissante. Néanmoins, cette circulaire est encore trop restrictive pour certaines situations, et il convient de faire de l’intégration la priorité de votre ministère.
Le rejet de la politique du chiffre est, vous le dites souvent, la preuve de la rupture voulue par ce gouvernement. On voudrait retrouver cette volonté affichée dans tous les domaines. Vous avez en effet prévu un taux d’occupation des centres de rétention similaire à celui des années 2011 et 2012, soit des projections basées sur les chiffres les plus hauts. Vous avez également prévu un taux stable des expulsions hors de notre territoire. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’humanisme et la fermeté que vous revendiquez ne doivent pas s’accommoder des chiffres brandis par l’ancienne majorité.
La question sur les villages judiciaires, que je vous ai posée en commission élargie, est restée sans réponse. L’annexe du tribunal de grande instance de Meaux, situé sur le site du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, a été inaugurée lundi 14 octobre. Permettez-moi de réitérer ma question : pensez-vous qu’il soit raisonnable de développer ces villages judiciaires, qui contreviennent aux principes d’impartialité et d’indépendance des juges, de respect des droits de la défense, de publicité des débats et de dignité des personnes, selon les associations et les principales organisations représentatives des personnels de justice ?
En matière d’asile, vous en avez convenu vous-même, notre système est à bout de souffle et une réforme profonde de notre politique est nécessaire. La concertation que vous avez engagée avec divers acteurs de l’asile doit permettre de consulter largement juristes et associations. Ceux-ci pallient trop souvent les manquements de l’État en la matière ; ils sont les premiers présents sur le terrain et méritent donc d’être mieux associés à cette réforme.
Pour que celle-ci soit menée à bien, l’une des priorités est la diminution drastique des délais de traitement des dossiers. La réforme doit être fondée sur une hausse massive des moyens consacrés. L’augmentation des effectifs de l’OFPRA est un bon point, mais c’est encore insuffisant. Je salue enfin la construction de 2 000 nouvelles places en CADA, mais je regrette que celle-ci s’inscrive en substitution, et non en complément, des crédits alloués aux autres dispositifs.
Monsieur le ministre de l’intérieur, votre budget est préservé, malgré le contexte actuel, et votre ministère bénéficie de moyens à un moment où la capacité d’intervention de la puissance publique est durablement atteinte. Il n’en reste pas moins qu’un budget sert à porter une politique. Je formule donc le voeu que les quelques changements engagés s’accentuent et que nous tournions définitivement la page d’une politique de repli et de stigmatisation.
Nous aurons l’occasion de donner corps au changement lors des futures réformes du CESADA et du droit d’asile. Dans l’attente de ces rendez-vous, le groupe écologiste a décidé de s’abstenir sur votre budget.