Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 12 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Engagements financiers de l'État ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet, rapporteur spécial de la commission des finances de l’économie générale :

En effet, monsieur le président, ma collègue n’a toujours pas accouché : j’interviens donc à sa place.

Avec 101,9 milliards d’euros de crédits prévus pour l’exercice 2014, la mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante, en volume, du budget général de l’État.

Je tiens en premier lieu à rappeler l’aspect très artificiel de cette mission, dans la mesure où il s’agit moins d’une dépense que d’une moindre recette ; il faudrait d’ailleurs envisager une évolution de la LOLF pour que ces crédits soient inscrits en première partie du PLF.

Plutôt qu’effectuer une présentation exhaustive des crédits de la mission, je souhaite mettre l’accent sur deux points particuliers.

Je reviens tout d’abord sur les deux contentieux fiscaux auxquels l’État est actuellement partie prenante et qui pourraient peser lourdement sur les finances publiques. Ces contentieux, toujours pendants devant les juridictions administratives, présentent des similitudes : ils sont tous les deux la conséquence d’une violation du droit de l’Union européenne et portent l’un et l’autre sur des enjeux financiers significatifs. Le contentieux relatif au précompte mobilier est actuellement estimé à 4 milliards d’euros environ ; les récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État devraient permettre une réfaction de 50 % de ce coût global, suite aux arguments apportés par l’administration française. Le second contentieux fiscal, dit « OPCVM », porte sur la retenue à la source qui s’appliquait, jusqu’à sa suppression en juillet 2012, aux dividendes de source française perçus par des OPCVM non-résidents. En 2013, la France devrait décaisser 2 milliards d’euros au titre du contentieux « OPCVM » et 800 millions d’euros dans le cadre du contentieux relatif au précompte mobilier.

Afin que le Parlement puisse exercer ses prérogatives de contrôle et légiférer en connaissance de cause, une meilleure information de la représentation nationale sur les contentieux fiscaux devrait être systématisée. Sur ce point, le gouvernement actuel semble plus ouvert que le précédent, et nous nous en félicitons. Par ailleurs, la commission des finances a adopté, la semaine dernière, un amendement du groupe écologiste visant à mettre en place une information automatique des commissions chargées des finances au Sénat et à l’Assemblée nationale concernant les contentieux fiscaux européens. Je note enfin la volonté du Gouvernement de faire preuve, à l’avenir, de la plus grande prudence pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.

Je souhaite à présent évoquer un second point, qui concerne les restitutions de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques – la TICPE – liée à la consommation d’énergies fossiles. En effet, divers dispositifs dérogatoires permettant un remboursement de la TICPE existent pour certains secteurs d’activité comme le transport routier et les chauffeurs de taxis. L’ensemble de ces dispositifs représenteraient une dépense supérieure à 767 millions d’euros. Or, comme l’a montré la Cour des comptes dans son référé de décembre 2012, la plupart de ces dispositifs ont pour objectif exclusif de soutenir des intérêts économiques sectoriels sans prise en compte de leur nocivité pour l’environnement. La pertinence de ces dispositifs, coûteux pour les finances publiques mais aussi pour la santé publique, n’est pas toujours avérée.

Le ministre du budget s’est engagé devant nous à ce que la dépense fiscale sectorielle en matière de TICPE fasse l’objet d’une réelle évaluation financière et socio-économique, ce dont nous nous félicitons. Nous espérons qu’une telle démarche sera rapidement enclenchée et que les premiers résultats pourront être présentés prochainement devant la commission des finances.

En revanche, concernant la détaxation du kérosène, les réponses apportées par le ministre ne sont pas satisfaisantes. Pour ne pas considérer ce dispositif coûteux pour le budget de l’État et pour l’environnement comme une dépense fiscale, le Gouvernement rappelle qu’il s’agit là d’une obligation conventionnelle applicable aux vols internationaux. Néanmoins, d’autres pays comme l’Allemagne considèrent à juste titre la détaxation du kérosène comme une dépense fiscale, tant sur les vols intérieurs que sur les vols internationaux. Pour cette raison, nous souhaiterions voir évoluer cette situation.

J’en profite pour rappeler qu’il serait souhaitable que la direction du budget n’ait plus seule, comme c’est actuellement le cas, toute latitude pour intégrer ou retirer une dépense fiscale, et qu’elle suive attentivement les débats au sein du comité pour la fiscalité écologique. Il semble primordial que le classement ou le déclassement d’une dépense fiscale obéisse à des règles plus strictes, afin de permettre une meilleure évaluation financière, socio-économique et environnementale de ces dépenses.

J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » et je demande à l’Assemblée de se prononcer dans le même sens.

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