La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Mes chers collègues, lors des cérémonies de commémoration du 11 novembre, notre collègue, Bernard Reynès, ainsi que Françoise Cestier, adjointe au maire, et Louis Bouchet, membre du conseil municipal de Châteaurenard, ont été victimes d’une terrible agression.
Avec cet acte d’une violence insupportable, c’est toute la représentation nationale qui s’est sentie attaquée. En votre nom à tous, je veux leur faire part de notre entière solidarité et leur souhaiter un prompt rétablissement.
Applaudissements sur tous les bancs.
Je me suis entretenu hier avec Bernard Reynès. Il m’a demandé de remercier chacun de vous pour les témoignages de sympathie qui lui ont été adressés. Nous attendons de l’accueillir la semaine prochaine, lorsqu’il sera de nouveau parmi nous.
La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.
Avant de poser ma question, monsieur le président, je tiens à exprimer au nom du groupe RRDP notre profonde tristesse suite aux incidents qui ont émaillé les cérémonies du 11 novembre. Nous appelons à la retenue et au respect de la mémoire nationale.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le Premier ministre, le climat politique se tend. Après les insultes proférées à l’encontre de la garde des sceaux, à qui nous avons exprimé notre soutien la semaine passée, le journal Le Parisien faisait il y a quelques jours sa une de la question suivante : « La France devient-elle raciste ? ».
Hélas, ces constatations des médias expriment un malaise difficile à entendre pour notre République. Pourtant, les faits sont là et ils sont têtus ! D’après la Commission nationale consultative des droits de l’homme, les actes racistes ont augmenté en 2012 et s’accroissent encore cette année. On le sait : la crise, la pauvreté et l’angoisse du lendemain bousculent les consciences, au risque d’alimenter le repli sur soi et la peur de l’autre.
La France n’est pas raciste bien sûr, et nous pouvons encore être fiers de l’humanité qu’elle défend. Force est toutefois de constater une libération nouvelle de la parole raciste qui pollue le débat public. La radicalisation du discours politique de quelques-uns contribue aussi à faire monter les antagonismes.
Monsieur le Premier ministre, vous qui êtes chargé de conduire les affaires du pays, qu’envisagez-vous pour faire reculer le racisme dans notre pays ?
Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.
Monsieur le député, je m’entretenais au téléphone avec le député Bernard Reynès à l’égard duquel vous venez d’exprimer la solidarité de la représentation nationale : il va de soi que tout le Gouvernement s’y associe, ainsi qu’à la solidarité manifestée à l’égard des autres personnes touchées.
Les propos que me tenait M. Reynès vont dans le sens de votre préoccupation : il y a une forme de libération de la parole. Dans son département et autour de sa commune de Châteaurenard, il évoquait la montée d’un climat de haine. Je l’interrogeais sur le coupable présumé de cette agression qui aurait pu lui coûter la vie : il ne savait naturellement pas si l’intéressé a une quelconque appartenance politique, mais il m’a dit – et cela doit tous nous faire réfléchir – que dans le climat de haine qu’il sent monter, n’importe quelle personne quelque peu fragile pourrait, comme cela s’est déjà passé en d’autres occasions au cours de notre histoire, être tenté de commettre un acte qui porte atteinte à la vie d’une Française ou d’un Français.
Cela, ce n’est pas la France ! Ce n’est pas la République ! Vous avez raison, c’est contre cela qu’il faut lutter ! Le Gouvernement a engagé un certain nombre d’actions contre le racisme et l’antisémitisme. S’il n’y a pas forcément une augmentation massive du nombre des actes, la libération de la parole, elle, est très importante.
Notre action commence par la formation des fonctionnaires, avec le programme que nous avons lancé dès 2012, mais aussi par l’école : avec le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, nous avons aussi lancé plusieurs programmes en ce sens.
Murmures sur les bancs du groupe UMP.
Mais notre action passe aussi par la lutte contre tous les propos racistes et antisémites qui sont proférés sur internet, pour laquelle le Gouvernement s’est donné les moyens nécessaires.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Elle passe également par des procédures de justice : des mesures ont été prises par la garde des sceaux, Christiane Taubira, qui permettront désormais de porter plainte plus facilement et d’engager des procédures judiciaires pour ne rien laisser passer.
Au-delà, je voudrais dire devant la représentation nationale que nous devons appeler à un sursaut républicain. Je me félicite qu’à Angers comme à Nantes, des manifestations citoyennes aient été organisées le 11 novembre pour dire non aux propos racistes qui ont été tenus à l’égard de Mme Christiane Taubira,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, Écolo et RRDP
comme ce fut notamment le cas à Angers où, dans un climat de haine, une jeune fille totalement inconsciente et accompagnée d’adultes, qui plus est, a brandi une banane devant la garde des sceaux ! Je vous demande de réagir, mesdames et messieurs les députés, et de ne rien laisser passer !
Je vous demande de dire non et d’appeler partout au sursaut citoyen contre le racisme et l’antisémitisme !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, Écolo et RRDP.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Ma question s’adresse à monsieur le ministre des outre-mer.
Monsieur le ministre, l’une des principales et des plus ancestrales distillerie de rhum de Martinique, la distillerie des rhums Neisson, internationalement reconnue pour sa qualité et exportatrice dans le monde entier, voit aujourd’hui son avenir compromis par le fait d’un arrêté préfectoral qui doit être pris à la demande de la filiale locale d’une multinationale de distribution d’eau potable.
Cet arrêté, s’il était confirmé, priverait à terme la distillerie Neisson de près de 50 % des cannes AOC qu’elle cultive, en raison d’un forage d’eau destiné à la consommation humaine qui implique un périmètre de protection rapprochée de 20 hectares – sur les 49 hectares de la distillerie…
Les différentes instances professionnelles de la filière canne-sucre-rhum d’outre-mer, les chambres consulaires, l’INAO, le ministère de l’agriculture ont tous émis un avis défavorable à cette initiative des pouvoirs publics régionaux comme étant préjudiciable à une production de rhum AOC installée dans une région défavorisée de la Martinique. Malgré tout, l’arrêté est sur le point d’être pris.
Monsieur le ministre, il existe pourtant des solutions alternatives. Une nouvelle enquête publique doit être diligentée pour éviter une catastrophe sociale et économique, je dirais une de plus pour la Martinique, après la scission aberrante de l’Université des Antilles-Guyane, décidée ce week-end !
Monsieur le ministre, montrez-nous – pour une fois ! –que ce gouvernement aime les rhums (Sourires), en tout cas le rhum Neisson, qui mérite, lui et sa famille, qu’on les défende et les maintienne en France en tant que productions industrielles françaises innovantes !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.
Monsieur le député, je vous rassure immédiatement : les rhums Depaz et Neisson n’ont pas à s’inquiéter pour leur avenir. Il n’y a ni insuffisance d’instructions de la part du préfet de région, ni déficit d’amour pour les rhums, pour tous les rhums, qu’il s’agisse des membres du Gouvernement ou de la représentation nationale.
Il s’agit d’une demande faite par les élus du Syndicat des communes de la côte Caraïbe Nord-Ouest. Une enquête publique est engagée depuis mai 2013, et il faut un périmètre de protection rapprochée de 57 hectares, parmi lesquels 20 hectares font partie du terroir de l’AOC canne et de l’AOC rhum.
Je peux vous l’assurer, monsieur le député, toutes instructions ont été données, en particulier celle de prolonger la période d’instruction jusqu’à la mi-décembre afin de tenir compte de toutes les contraintes.
L’avenir n’est donc pas engagé, il n’y a pas d’inquiétude à avoir, et l’arrêté préfectoral qui sera pris tiendra compte de toutes ces contraintes.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.
La parole est à M. Jean-François Copé, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, à titre exceptionnel, ce n’est pas une question que je vais poser, mais un hommage que je veux rendre.
Trois élus, une femme et deux hommes, dont Bernard Reynès, député et maire de Châteaurenard, ont failli perdre la vie. C’est à eux que je pense en ce moment. C’est parce qu’ils portaient une écharpe tricolore, devant le monument aux morts, honorant la mémoire de ceux qui sont morts pour la France durant la Première guerre mondiale, qu’ils ont été frappés.
Je veux aujourd’hui, devant vous tous, leur rendre hommage et, à travers eux, à tous les élus qui, au quotidien et quelle que soit leur sensibilité, accomplissent dans les mairies cette fantastique mission de servir les Françaises et les Français, bien souvent sans attendre rien d’autre que la reconnaissance de la République.
Hier, à travers eux, monsieur le Premier ministre, c’est la République qui a été frappée. Cela m’amène, au-delà de l’hommage que je veux leur rendre devant vous, à lancer un message d’alerte.
Ce matin, pas un mot, pas d’article digne de ce nom pour évoquer cette tragédie. Le spectre de la banalisation et de l’oubli nous engage (Applaudissements), et je veux dire ici que notre société connaît depuis quelque temps des dérives terribles : les violences, les intolérances se multiplient.
Je demande que notre assemblée condamne de manière unanime cette tragédie. Il ne faut ni oublier ni banaliser ce qui est constitutif d’un crime contre des élus, et donc, contre la République.
Applaudissements sur tous les bancs. Mmes et MM. les députés du groupe UMP se lèvent pour applaudir.
Monsieur le président Copé, je ne peux que m’associer à ce que vous venez de dire, qui rejoint d’ailleurs la réponse que j’ai faite il y a quelques instants.
La solidarité avec le député-maire de Châteaurenard a été spontanée, sur tous les bancs de cette assemblée et dans toutes les formations politiques démocratiques et, bien entendu, de la part du Président de la République, de moi-même et de tous les membres du Gouvernement.
Je m’associe à l’hommage que vous rendez à ces hommes et à ces femmes qui, jusque dans le plus petit village de France, se dévouent sans compter, avec désintéressement, pour leurs concitoyens. Le 11 novembre, dans chaque commune de France car il n’est pas un village qui n’ait un monument aux morts de la Grande Guerre, est un moment où les Français se retrouvent, au-delà de leurs sensibilités, et où ils partagent quelque chose de plus fort et de plus haut que tout le reste : la France avec ses valeurs, la République avec ses exigences.
Cela doit nous faire réfléchir et nous retenir en toutes circonstances, même lorsque le débat politique est âpre, que des divergences de fond nous séparent, comme c’est arrivé il y a quelques mois à l’occasion du débat sur le mariage pour tous. Oui, il y a des clivages, mais j’invite chacune et chacun à bien méditer la force des mots et leurs conséquences.
C’est pourquoi, comme je le disais il y a quelques instants, gardons-nous d’entrer dans cette spirale. Le temps est venu d’un sursaut, pour dire que la France est une République avec ses valeurs, qu’elle ne laissera rien passer et que la représentation nationale doit être en première ligne de ce combat.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes UMP, UDI et GDR.
La parole est à M. Olivier Faure, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
La France est un grand pays. Tous ensemble, nous formons une nation forgée autour de trois valeurs : liberté, égalité, fraternité. C’est en leur nom qu’un million quatre cent mille soldats se sont fait hacher sous la mitraille lors de la Grande guerre. Telle est la France dont nous sommes les héritiers, celle qui a su traverser les épreuves. Tels sont la France et les Français auxquels le Président de la République a rendu hommage hier. À cette occasion, nous avons assisté à de nouvelles manifestations de haine. Elles ne peuvent être tolérées car elles visent la République elle-même, au-delà de la personne du président.
Des courants fanatiques refont surface. Ici, c’est une ministre que l’on offense parce qu’elle est noire, là une loi de la République que l’on refuse de voir appliquée ou pire encore des élus que l’on poignarde. Et c’est partout la même violence contre la démocratie, le suffrage universel et la République ! Même s’il ne faut pas confondre les causes, des manifestants expriment en ce moment leur désaccord en détruisant des radars et des portiques – dont l’installation a été décidée par l’ensemble des groupes parlementaires –, ce qui n’est pas davantage admissible. Au nom de tous les collègues de mon groupe, je réaffirme avec vous, monsieur le Premier ministre, la nécessité de maintenir l’autorité de l’État pour la défense de la démocratie et de la République elle-même !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Les sifflets entendus hier, alors que les Français se rassemblaient autour des monuments aux morts et, à Paris, de la tombe du soldat inconnu, ne sont dus qu’à 200 personnes à peine, toutes de sensibilité d’extrême-droite. Certaines d’entre elles sont connues et viennent d’être déférées à la justice à l’issue de leur garde à vue. Justice sera rendue, car la République doit être exigeante partout et pour tous, dans le respect des lois !
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.
Ce qui s’est passé hier n’est pas banal, fût-ce le fait d’une toute petite minorité. Ces quelques hommes et femmes avaient d’ailleurs annoncé ce qu’ils allaient faire. Déjà l’été dernier, à l’occasion du combat d’une fraction des Français contre le mariage pour tous, ils n’avaient pas manqué de proférer des menaces contre le Président de la République au moyen d’un petit avion.
Mais viser le Président de la République lors de la commémoration du 11 novembre, c’est viser la République et cela, je ne l’accepte pas !
Mêmes mouvements.
J’ai parlé de sursaut. Quel est, en effet, le sens du rassemblement de quelques personnes qui ont protesté et sifflé, coiffées de bonnets rouges, prétendant formuler des revendications ?
En réalité, ce sont la démocratie et la République qu’elles n’aiment pas, car elles s’inspirent d’idées qui sont toujours les mêmes et qui jadis ont conduit la France au chaos, celles de l’extrême-droite. Les idées maurrassiennes, que l’on croyait disparues, sont en fait toujours là mais ne correspondent pas à ce que souhaite l’immense majorité du peuple français !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Dans ses profondeurs, le peuple français est attaché à la République et ne tolère pas de tels comportements !
Je mets donc en garde contre toute faiblesse face à l’atteinte à l’ordre public et la destruction de biens publics. Je le répète ici, devant la représentation nationale, la justice sera ferme. La circulaire de politique pénale préparée par Mme la garde des sceaux sera diffusée dans quelques heures et s’appliquera partout, dans toutes les régions et pour tous les faits portant atteinte aux droits de la République. Le Gouvernement et les Français avec lui exigent que l’autorité de l’État soit respectée !
Le Président de la République a prononcé il y a quelques jours un grand discours.
Il donnait le coup d’envoi des commémorations du centenaire de la Grande guerre qui a fait tant de mal et causé tant de misères et de morts, en France comme dans le monde, cette guerre qui devait être la dernière, mais qui a été prolongée par une autre encore plus terrible. À cette occasion comme hier à Oyonnax, le Président de la République a rappelé qu’il s’est trouvé, le 11 novembre 1940, des hommes et des femmes épris de liberté et courageux pour se rassembler, au péril de leur vie, et dire non à la barbarie et l’occupation de la France. Ces lycéens et étudiants, ces Françaises et Français ont alors été 25 000 sous l’Arc de triomphe !
Le Président de la République a rendu le même hommage aux résistants, ces hommes du maquis qui, le 11 novembre 1943, au péril de leur vie, sont venus avec courage dire qu’il existe une autre France que celle de la collaboration, du racisme et du refus de la République : la leur, celle de l’avenir. C’est à eux que nous devons rendre hommage, à ces hommes et à ces femmes, en disant non à l’extrême-droite, aux insultes et aux sifflets. En leur disant non, c’est à la France éternelle et républicaine et à ses valeurs que nous diront oui de toute notre force !
Mesdames et messieurs les députés des groupes SRC, écologiste et RRDP se lèvent et applaudissent.
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Je dénonce, au nom de l’ensemble des députés du groupe UDI, les agissements inacceptables de ceux qui sont venus troubler les cérémonies du 11 novembre. Ils ne font pas honneur à ce que la nation a en partage, c’est-à-dire le respect dû à ceux qui ont payé de leur vie le combat pour la liberté.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.
Au nom de l’ensemble des députés du groupe UDI, j’adresse également un message de solidarité et d’amitié à Bernard Reynès et à ses adjoints, agressés hier alors qu’ils portaient l’écharpe tricolore.
De tels actes n’ont pas leur place dans notre République et j’affirme notre solidarité la plus totale dans le combat pour le respect des valeurs qui fondent notre nation.
Mêmes mouvements.
Je m’adresserai aussi directement à vous, monsieur le Premier ministre, puisque vous vous êtes adressé à la représentation nationale en nous assignant dans ce combat le premier rôle. Vous-même portez une responsabilité primordiale ! Vous êtes le chef du Gouvernement, vous qui ne cessez d’attribuer depuis des mois la responsabilité de la situation que nous vivons à ceux qui vous ont précédé !
Voilà dix-huit mois que vous êtes au pouvoir et, aujourd’hui, un sentiment d’incompréhension habite le peuple français et un sentiment de colère est en train de s’exprimer, faute tout simplement de savoir où vous emmenez la France. En effet, vos positions changent successivement pour colmater ce qui s’apparente à de véritables brèches.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Vous avez entendu comme nous, monsieur le Premier ministre, l’appel des Bretons. Il ne s’agit pas simplement des bonnets rouges que vous évoquez, mais de la désespérance de gens quotidiennement confrontés à une grave crise.
Vous avez présenté un plan breton, après un plan lorrain, ainsi qu’un plan pour Marseille. Ce que je vous demande aujourd’hui, monsieur le Premier ministre, c’est un plan pour la France !
Mêmes mouvements.
Dès lors, vous ne pouvez pas continuer à invoquer sans cesse l’emploi tout en augmentant les taux de TVA comme vous vous apprêtez à le faire au 1erjanvier dans le bâtiment, alors même que chute l’activité. Les Français attendent que vous indiquiez un chemin clair !
Mêmes mouvements.
Non, monsieur le député François Sauvadet, il n’y a pas de changement de cap depuis dix-huit mois ! Il y a un cap et une stratégie.
Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.
Ils procèdent d’un diagnostic d’ailleurs formulé par la Cour des comptes, celui de la dégradation de la situation du pays en mai 2012. Je sais que cela vous incommode, mais il faut pourtant le rappeler : la dette publique de la France, en mai 2012, était supérieure de 600 milliards d’euros à celle de 2007, les déficits publics s’élevaient à 5,3 % du PIB, la compétitivité était en recul et la désindustrialisation marquée.
Mêmes mouvements.
Tout cela nous indique ce que nous avons à le faire : le redressement du pays. Certes, cela demande des efforts, en particulier pour redresser nos finances publiques, mais nous le faisons avec ténacité, car c’est indispensable. Les déficits s’élevaient à 5,3 % en mai 2012, à 4,8 % fin 2012 et 4,1 % fin 2013. Nous continuons à les réduire car cela est nécessaire, en particulier pour conserver une forte crédibilité. Nous poursuivons aussi le redressement de notre appareil productif, bataille indispensable pour la préservation des emplois, le redressement de notre industrie et le renforcement de notre compétitivité.
C’est pourquoi nous avons mis au point, il y a un an, le pacte pour la croissance et l’emploi, dont toutes les mesures se déploient. Telle est notre constance, monsieur le député François Sauvadet : le redressement par rapport à la dégradation de la situation de la France en 2012.
Les efforts paieront ! Après le redressement viendra le dépassement ! Nous sommes à l’heure des résultats en termes de croissance et d’emploi ! Tel est le combat de ce gouvernement !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
Politique du Gouvernement
La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, en dix-huit mois, François Hollande est devenu le président des plans sociaux et des impôts
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
les Français lui doivent pas moins de 55 milliards d’euros d’impôts nouveaux en dix-huit mois !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Partout sur le territoire national, ils crient leur colère face à une France socialiste qui asphyxie le pays sous la dépense publique et l’impôt, ils crient leur colère face à une France socialiste qui dégrade notre pays et le plonge dans la faillite.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Cette colère, monsieur le Premier ministre, elle est profonde et vous tétanise, car vous n’avez plus de prise sur rien, ni politiquement, ni institutionnellement.
« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
La Ve République ne fonctionne qu’à trois conditions : un Président de la République qui fixe le cap, un gouvernement qui gouverne et gère le pays, une majorité solide qui soutient son gouvernement : trois conditions qui font aujourd’hui défaut !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Dix-huit mois après avoir pris le pouvoir, vous êtes impuissants et, osons le dire, vous êtes usés ! Avez-vous mesuré l’état clinique dans lequel vous vous trouvez ? François Hollande a installé une présidence molle, sans autorité, sans relief, une présidence qui bat tous les records d’impopularité. Vous-même, vous êtes à la tête d’un gouvernement fantôme, rejeté par 91 % des Français !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Votre majorité étale ses divisions matin, midi et soir, et n’est tenue en rien !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le Premier ministre, la grave situation à laquelle nous sommes confrontés impose un sursaut. L’horizon de la France ne peut se limiter au nombre de jours où vous resterez à Matignon !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le président Jacob, je ne sais pas si vous vous inspirez du gaullisme quand vous nous faites la leçon – comme s’est permis de le faire, il y a quelques jours, un ancien président de l’Assemblée nationale au sujet des représentants des cinq communes Compagnons de la Libération, venus se recueillir devant la tombe du général de Gaulle, à savoir Paris, Nantes, Grenoble, Vassieux-en-Vercors et l’île de Sein,…
…des communes qui portent la mémoire et la responsabilité de l’ordre de la Libération. C’est à ce titre, monsieur Accoyer, que les représentants de ces communes se trouvaient à Colombey-les-Deux-Églises.
Nous sommes, les uns et les autres, héritiers d’une grande histoire ! Cessez donc de toujours vouloir nous faire la leçon !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Quand vous vous obstinez à vouloir faire croire qu’il y aurait une crise institutionnelle,
« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP
de quoi parlez-vous, monsieur Jacob ? Remettez-vous en cause la légitimité du suffrage universel ? Je vous pose la question !
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je ne pense pas que vous vous mesuriez la portée de votre discours et que vous vous rendiez compte de votre responsabilité quand vous remettez en cause l’élection du Président de la République au suffrage universel !
Applaudissements sur les bancsz du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Que je sache, François Hollande a été élu Président de la République pour cinq ans et, si vous entendez contester cela, vous n’aviez qu’à vous joindre à ceux qui manifestaient le 11 novembre sur les Champs-Élysées !
Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Quant à vos propos sur la majorité et le Gouvernement, ils trouveront une réponse très simple la semaine prochaine, avec le vote de l’ensemble du budget – recettes et dépenses – pour 2014 : je n’ai aucun doute que, le jour du vote, les socialistes, les radicaux, les écologistes et le MRC, qui forment la majorité parlementaire, voteront tous ensemble le budget de la France !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Huées sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le ministre de l’économie et des finances, la semaine dernière, une agence de notation financière américaine a pris la décision de dégrader la note de la France en lui attribuant la note AA – notons au passage que la France reste l’un des pays les mieux notés au monde.
Alors que la politique courageuse conduite par le Gouvernement pour ne pas faire peser sur les générations à venir le poids d’une dette qui était devenue trop lourde commence à porter ses fruits ; alors que ce que nous mettons en moins dans le service de la dette, nous le mettons dans l’éducation, la justice, la santé et la sécurité ; alors que nous restaurons la compétitivité de notre pays, tout en préparant l’avenir de notre industrie en investissant dans l’éducation, l’enseignement supérieur et la recherche, cette décision, disons-le clairement, est surprenante.
Elle résulte d’une évaluation bricolée, effectuée au doigt mouillé. Le prix Nobel d’économie Paul Krugman ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’il estime que cette décision est fondée sur des appréciations idéologiques, et non des réalités économiques et financières.
« Il a raison ! » sur les bancs du groupe SRC.
Ce qui gêne les partisans d’un libéralisme sans contrôle, c’est la réorientation européenne voulue par le Président de la République ; c’est la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale ; c’est l’adoption de mesures de justice fiscale, le rééquilibrage entre les valeurs du travail et celles du capital ; c’est la préférence donnée, non pas au monde de la finance, mais à celui des producteurs – salariés, artisans, commerçants, patrons de PME, élus locaux, et tant d’autres, dont le pays a besoin pour redresser la tête et retrouver le chemin du progrès économique et social.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Chers collègues, nous ne rappellerons jamais assez que la droite nous a légué une dette alourdie de 600 milliards d’euros en cinq ans,
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP
cette même droite qui cherche aujourd’hui à nous caricaturer, alors que nous devrions tous faire front pour moderniser et préserver notre modèle social et pour rechercher ce qui est, au fond, la vraie priorité des Français : non pas la note décernée par une agence financière, mais l’emploi !
Monsieur le ministre, ma question est simple : quelles sont les prochaines étapes du redressement financier de la France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, pour ce qui est du passage de la note de la France de AA+ à AA, je veux d’abord souligner que cette note reste effectivement l’une des plus élevées des pays de la zone euro
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
et qu’elle est, par ailleurs, assortie d’une perspective stable, ce qui permet aux investisseurs de continuer à faire confiance à la France. Ainsi, trois jours après le changement de note, les taux d’intérêt de la France n’ont pas bougé, ni par rapport à ceux relevés la veille de la modification, ni par rapport à ceux de notre grand partenaire allemand – depuis mai 2012, notre écart de taux avec l’Allemagne s’est d’ailleurs réduit de 90 points de base.
Si les investisseurs font confiance à la France, c’est parce que notre pays est doté d’infrastructures et de services publics de qualité, d’un modèle social enviable, d’une main-d’oeuvre productive et bien formée – bref, parce que c’est la cinquième économie du monde !
Sans aller jusqu’à affirmer, comme le fait M. Krugman – que je respecte pleinement –, que la France est victime d’un complot, je dois dire que les critiques qui ont été formulées à l’encontre de notre pays sont excessives et inexactes, et que l’on a considérablement sous-estimé la portée et l’efficacité des réformes qui ont été menées.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous avons réduit les déficits publics – que nous avaient légués ceux-là mêmes qui, aujourd’hui, osent malgré tout chantonner sur cet air – et nous poursuivons notre action en y adjoignant deux dimensions supplémentaires – celle des économies et celle de la compétitivité –, dans un objectif de lutte contre le chômage. C’est la seule politique qui vaille pour redresser le pays, et nous continuerons à creuser ce sillon avec ambition !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Le groupe écologiste s’associe à toutes celles et tous ceux qui appellent nos concitoyens à l’apaisement et les groupes politiques au sang-froid.
Monsieur le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, on le sait, les périls sont devenus multiples : il y a quelques jours, le typhon Haiyan tuait des dizaines de milliers de personnes et dévastait tout sur son passage. La situation appelle, d’abord, notre soutien à toute initiative que prendra le Gouvernement pour aider les Philippines et ses habitants.
Cette catastrophe confirme malheureusement l’impact du changement climatique, auquel aucun continent ni personne n’échappera. Rien d’étonnant pour les scientifiques : alors que la couche supérieure de l’océan se réchauffe inexorablement, une étude de l’université de Floride a démontré qu’une augmentation d’un degré de la température de l’eau accroît la vitesse des 10 % de cyclones les plus puissants de 6,5 mètres par seconde.
En d’autres termes, si nous ne maîtrisons pas l’augmentation de la température, les risques cycloniques vont croître. À celles et ceux qui conservent une approche étriquée de l’économie, au mépris de la condition sociale et de la protection de l’environnement, je rappelle le rapport de Nicholas Stern, publié en 2006, qui précise qu’en cas d’inaction d’ici 2050, le changement climatique coûterait entre 5 et 20 % du produit mondial brut. L’ajustement de ses prévisions nous conduit plutôt vers le haut de la fourchette.
L’écologie n’est pas seulement une chance pour l’économie, elle en est la planche de salut. Depuis hier, à Varsovie, 192 pays ont entamé des négociations en vue d’aboutir en 2015 à un accord sur la réduction des gaz à effet de serre engageant l’ensemble des pays.
La France a une responsabilité historique puisqu’elle accueillera, à Paris, en 2015, la conférence sur le climat.
Monsieur le ministre, quel rôle la France jouera-t-elle à la conférence de Varsovie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)
La parole est à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Monsieur le président, monsieur le député, mesdames, messieurs les députés, je veux tout d’abord exprimer l’émotion du Gouvernement et la solidarité de la nation – et je pense refléter les sentiments de l’ensemble de la représentation nationale – à l’égard des victimes du typhon Haiyan, aux Philippines, au Vietnam et en Chine.
Applaudissements sur tous les bancs.
Monsieur le député, ce qui s’est passé ce week-end est, une fois encore, l’illustration que les chiffres des experts du GIEC sont confirmés par des dérèglements climatiques répétés. Il n’est plus temps de tergiverser mais d’agir. Avec Laurent Fabius, Pascal Canfin et des membres de la représentation nationale, nous nous rendrons à Varsovie pour dire la détermination de la France à agir. À cet effet, mesdames, messieurs les députés, nous devons restaurer la confiance des pays en développement, qui doutent, parfois, de la sincérité des pays riches à traiter cette question comme il se doit. Pour cela, nous devons lancer la dynamique qui conduira au sommet de Paris 2015, pour parvenir à un accord enfin universel et contraignant. Dès Varsovie, mesdames et messieurs les députés, l’Union européenne doit créer les conditions pour que tous les pays s’engagent sur des objectifs ambitieux de lutte contre le changement climatique. Nous le devons aux victimes du typhon Haiyan. Nous le devons aux générations futures.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste, RRDP et UDI.
La parole est à Mme Catherine Vautrin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre. En dix-huit mois, le rêve de changement que vous promettiez aux Français s’est transformé en véritable cauchemar ! Nos concitoyens sont inquiets. Ces inquiétudes ont été d’ailleurs renforcées par le dernier classement de Standard and Poor’s, agence qu’aujourd’hui vous décriez, alors qu’en janvier 2012, un ancien élu de notre assemblée, devenu Président de la République, affirmait à propos de la perte du triple A : « Cette sanction signe l’échec du quinquennat. » Il ajoutait : « en matière économique et budgétaire, ce qui compte, c’est la cohérence et la stabilité ! »
Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP
Depuis 2012, les Français ont subi plus de 55 milliards d’impôts nouveaux et près de 150 dispositifs fiscaux ont été créés ou modifiés. Est-ce là votre vision de la stabilité ? C’est plutôt, pour les Français, du jamais vu !
Après les pigeons, les poussins, les abeilles, les tondus, les Bretons, demain s’élèvera la voix des sacrifiés ! Sacrifiés, mais pas résignés, voilà comment se définissent les artisans et les travailleurs indépendants, qui constituent simplement, faut-il le rappeler, le premier employeur de France. Ces entreprises sont les principales victimes de votre politique : je pense à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, à la suppression de la prime à l’embauche des apprentis, alors que ces professions jouent un rôle central dans l’apprentissage et à la hausse de l’impôt papier. Maintenant, vous leur annoncez la hausse de la TVA au 1erjanvier, sans allègement du coût du travail, ce qui va restreindre le pouvoir d’achat et restreindre les carnets de commande. C’est l’ensemble du territoire qui est menacé d’un vaste plan social. C’est la disparition de l’économie de proximité qui est en train de se jouer.
Monsieur le Premier ministre, la seule question qui vaille n’est pas de savoir qui vous remplacera demain, mais quand, enfin, vous allez changer de politique.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Madame la députée Catherine Vautrin, je n’aurai pas la cruauté de revenir sur le quinquennat précédent et la perte du triple A.
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP
Je me souviens d’une période –telle est la différence avec la situation actuelle –où le Président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy, expliquait que cette question constituait la bataille centrale – bataille qui a été perdue par le gouvernement de l’époque.
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.
C’est en effet à ce moment-là qu’ont été sanctionnées l’inconstance, l’incohérence et la faiblesse d’une politique qui a endetté la France et qui a accru nos déficits.
Vous m’interrogez, d’abord, sur la fiscalité. Tout a été dit à ce sujet. Encore une fois, nous avons hérité des déficits que vous nous avez laissés, et nous sommes en train de mener une politique résolue afin de les réduire. Cela nous conduit, vous le savez, dans une période de croissance extrêmement faible en France – probablement 0,2 % cette année – et de récession dans la zone euro, à répartir nos efforts entre deux tiers de prélèvements et un tiers d’économies, comme nous le conseillaient, d’ailleurs, la plupart des organisations internationales. Pour cette année, le Gouvernement a choisi la stabilisation des prélèvements obligatoires
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
alors qu’ils avaient augmenté d’un point par an au cours des trois dernières années, ils n’augmenteront cette année que de 0,005 %.
Vous m’interrogez également sur la situation de l’artisanat. Nous sommes aux côtés des artisans
Mêmes mouvements
et nous sommes engagés dans un dialogue avec eux. Nous le sommes grâce aux mesures que nous prenons pour favoriser la rénovation thermique à leur bénéfice. Nous le sommes lorsque nous mettons en place le crédit d’impôt compétitivité emploi, qui concernera toutes les entreprises de France, dès lors qu’elles ont des employés.
Nous le sommes lorsque nous agissons en faveur du financement des petites et moyennes entreprises, à travers la Banque publique d’investissement, qui prend en compte leurs problèmes, ou encore à travers toutes les mesures que j’ai définies en faveur du financement des PME.
Bref, madame, ne caricaturez pas : ce gouvernement redresse, ce gouvernement agit, ce gouvernement écoute.
La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le Premier ministre, au cours de cette séance, nous avons beaucoup évoqué la situation de notre pays, les tensions qui y règnent. Vous avez évoqué la République ; je voudrais pour ma part vous interroger sur l’école de la République.
Voilà quelques mois, vous avez lancé une réforme qui, aujourd’hui, crée beaucoup de confusion : celle des rythmes scolaires. Environ 10 % des communes se sont engagées dans cette réforme au cours de la première année qui a suivi son adoption ; elles essuient aujourd’hui beaucoup de mécontentement, comme le montre la grève des animateurs chargés de remplacer les enseignants qui a lieu aujourd’hui devant la mairie de Paris.
Quant aux autres communes, qui représentent 90 % du total, celles qui ne croient pas à cette réforme et ne s’y sont pas engagées, elles sont inquiètes de la façon dont celle-ci va s’appliquer dans les mois qui viennent et de la façon dont cela va se télescoper avec le calendrier des élections municipales. Cette semaine est prévue une grève des enseignants qui sera particulièrement suivie ; ces derniers viennent vous demander un peu d’apaisement sur le sujet, monsieur le Premier ministre.
Si vous constatez comme nous qu’il y a une France qui gronde, qu’il y a des difficultés, que la République elle-même est mise en cause, vous devez être, étant donné votre niveau de responsabilité, un facteur non pas d’entêtement mais d’apaisement. Cette réforme des rythmes scolaires ne convient pas. Les enfants sont plus fatigués depuis sa mise en oeuvre qu’auparavant.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Les collectivités locales, en particulier les plus petites, ne peuvent pas la financer.
Nous vous demandons, au nom du groupe UDI, d’abroger le décret réformant les rythmes scolaires,
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP
de reprendre la concertation, de faire preuve de plus d’équité, de renouer le dialogue, car l’école de la République mérite le dialogue. Elle mérite que nous la préservions des grondements que nous entendons aujourd’hui dans la rue et que nous prenions un peu plus de temps pour bien faire les choses.
Monsieur le Premier ministre, saurez-vous saisir cette main tendue et faire preuve de la sagesse que nous attendons de vous ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le député, la refondation de l’école de la République est une nécessité – vous semblez d’ailleurs en convenir désormais – car le déclin de notre école et l’accroissement des inégalités scolaires sont l’un comme l’autre inacceptables.
La refondation de l’école est en route. Vous savez qu’en 2011, dans votre académie, 546 postes d’enseignants avaient été supprimés, puis 535 postes en 2012. Cette année, nous y créons pour notre part 835 postes, ce qui est un premier acte.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
La même volonté s’exprime dans la remise en place d’une formation des enseignants, qui avait été supprimée. Lors de la dernière rentrée, dans votre académie comme ailleurs, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation ont ouvert. En outre, vous pouvez vous réjouir de ce que, après plusieurs années de difficultés de recrutement pour le métier d’enseignant, les chiffres pour l’académie de Créteil soient en hausse : les étudiants qui se présentent aux concours sont 12 % de plus que l’année précédente.
Enfin, si ce redressement est nécessaire, il faut aussi donner aux élèves un temps scolaire de meilleure qualité.
Le fait de travailler le mercredi matin pour lire, écrire et compter, tout le monde le souhaitait, y compris vous-mêmes, mesdames et messieurs les députés de l’opposition ! Ce que vous avez demandé pour la réussite de cette réforme, c’est davantage de temps. Le Président de la République vous a donc accordé deux ans supplémentaires. Vous avez également réclamé des moyens financiers : ils ont été accordés.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je ne voudrais pas que l’on pense aujourd’hui que, comme hier, votre premier intérêt n’est pas celui de l’école. En effet, alors qu’on ne vous a pas entendus protester quand des postes ont été supprimés, quand la formation des enseignants a été supprimée, vous le faites aujourd’hui au moment où il vous est demandé de vous mettre en mouvement pour l’intérêt des élèves. Cette réforme doit être mise en oeuvre, faites donc aussi votre part du chemin.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.
La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question s’adresse au ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs décennies, l’Iran construit délibérément et clandestinement un très important programme nucléaire à vocation militaire en travaillant à la fois sur l’enrichissement de l’uranium et sur le plutonium.
Concernant l’enrichissement, ce pays est parvenu à se procurer 19 000 centrifugeuses, à fabriquer 6 700 kg d’uranium faiblement enrichi et 330 kg d’uranium enrichi à 20 %. Or ces quantités n’ont aucun lien avec le programme nucléaire civil iranien et sont injustifiées au regard de celui-ci, puisqu’il se limite à une centrale livrée par les Russes avec son combustible. L’Iran exploite également la filière plutonium : un réacteur plutonigène est actuellement en construction à Arak.
Dans toute la région, en Israël, bien sûr, mais aussi dans tous les pays sunnites – Arabie Saoudite, Émirats, Égypte, Turquie –, règne une très forte inquiétude, et le risque d’une prolifération généralisée est patent.
Face à ce danger pour la paix dans le monde, la communauté internationale a mis en place un système de sanctions économiques qui s’est avéré efficace, puisque le nouveau président iranien, M. Rohani, a déclaré souhaiter un accord avec la communauté internationale. La question est bien sûr de savoir quel sera le contenu de cet accord : sera-ce un accord de dupes, qui permettrait à l’Iran de conserver son programme nucléaire et de faire lever les sanctions, ou un accord dans lequel ce pays dégraderait l’uranium enrichi et renoncerait au réacteur plutonigène d’Arak sous vérification internationale ?
La presse iranienne s’en prend à vous personnellement ce matin, monsieur le ministre, et laisse entendre que la France aurait insisté, à la différence d’autres pays, pour un accord rigoureux et vérifiable. Si tel est le cas, puisqu’il s’agit d’une question d’intérêt national majeur, l’opposition vous soutiendra. Cependant, il est crucial que cette ligne soit maintenue dans quinze jours. Qu’allez-vous faire pour que nous soyons alors entourés ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, la ligne de la France, qui est aussi celle de la communauté internationale, est la suivante : l’Iran a parfaitement le droit d’utiliser l’énergie nucléaire civile, mais non la bombe atomique. Telle est la ligne sur laquelle s’appuie la négociation.
Voici quelques jours s’est tenue une longue négociation à Genève. Elle a été utile. La France y a apporté sa contribution. Je tiens à préciser que notre position correspond à la position commune des six pays, c’est-à-dire des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et de l’Allemagne.
Cette proposition a été présentée aux Iraniens qui, après discussion, n’ont pas pu, à ce stade, l’approuver. Nous avons toutefois pris rendez-vous le 20 novembre pour que nos directeurs politiques se rencontrent à nouveau. J’espère qu’à cette occasion nous pourrons conclure un accord. Sur quelle base ? Sur une base de fermeté. Mais la fermeté n’est pas la fermeture : la France souhaite que le résultat soit, comme vous l’avez souligné, crédible et solide.
Je pense qu’à Genève nous avons avancé. Nous n’avons pas servi les intérêts de tel ou tel pays. La France est un pays indépendant qui agit au service de la sécurité régionale et internationale. Telle est et telle continuera d’être notre ligne.
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur plusieurs bancs des groupes UMP, UDI et GDR.
La parole est à M. Patrice Prat, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif.
À l’heure où les polémiques fusent de toutes parts ; à l’heure où des groupuscules sont animés par le rejet de la République, de l’État de droit ou par le ressentiment contre les représentants de la démocratie ; à l’heure où l’on voudrait nous faire douter des capacités de notre pays à se redresser, à rebâtir une économie laissée en lambeaux par nos prédécesseurs, à creuser son propre sillon à l’international, il y a, à l’inverse, dans une partie de l’opinion de plus en plus majoritaire, une fierté qui se propage à nouveau et qui vient démentir les faits que je citais il y a un instant.
La France, grande nation industrielle, lieu de tradition et de modernité, où les savoir-faire d’un bout à l’autre du territoire sont si variés, si complémentaires et si spécifiques, n’a jamais cessé d’être à la pointe de l’innovation, ce qui nous a permis de réaliser nombre de conquêtes commerciales.
Oui, mes chers collègues, c’est le retour du made in France et demain de la marque « France », fruit d’une croyance dans cet état d’esprit créatif qui fait que chaque geste de l’artisan se transmet patiemment de génération en génération et que la France se réconcilie avec les progrès scientifiques et technologiques. Oui, les consommateurs sont désormais plus nombreux à choisir le made in France. Oui, ils comprennent que notre rebond économique passe par ce nouveau réflexe d’acheter français. Enfin, le made in Francen’est pas réservé à l’industrie du luxe –c’est là une idée fausse que nous devons aussi combattre.
Monsieur le ministre, alors que se tenait le salon du made in France ce week-end à Paris, quel souffle nouveau comptez-vous donner pour amplifier cette bataille et en faire une grande cause nationale ?
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.
Monsieur le député, vous décrivez là une cause nationale qui inclut chaque Français, quelle que soit sa sensibilité ; elle inclut le consommateur et le producteur et peut, en effet, être l’un des moyens par lesquels nous pouvons patiemment, sur le temps long, reconstruire notre industrie nationale, laquelle a subi des dégâts importants ces dernières années. Or nous pouvons le faire parce que 95 % des Français déclarent aujourd’hui, selon une enquête d’opinion récente, qu’« acheter un produit made in France est un acte citoyen ». Ils considèrent également que leur achat permet de soutenir l’industrie nationale.
Du côté des entrepreneurs et des producteurs, le même mouvement s’esquisse : nous avons observé des relocalisations. Les entrepreneurs refont leurs calculs et retravaillent leurs coûts de production. C’est le cas d’un grand nombre de grandes marques bien connues des Français, telles Atol, Smoby, L’Oréal, Toyota, Renault et plus récemment encore Paraboot ou les magasins Habitat. Ces sociétés font de plus en plus fabriquer leurs produits sur le sol français. C’est le moyen par lequel nous pouvons reconstruire, comme d’autres pays, dans un esprit de patriotisme économique, l’industrie nationale. Il nous faut le faire. Pouvons-nous accentuer le mouvement ? Oui, en surveillant nos coûts de production –coût du travail, du capital ou encore de l’énergie. C’est l’objet des chantiers en cours.
Cela passe également par le soutien à notre industrie. C’est là une bataille culturelle, à gagner dans les têtes : nous parlons à nos concitoyens, lesquels répondent qu’ils y sont prêts. Bref, c’est l’outil par lequel nous pouvons unifier les Français, quels qu’ils soient et quelle que soit leur sensibilité. C’est ainsi que nous reconstruirons pierre après pierre notre industrie française.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste.
La parole est à Mme Valérie Boyer, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le Premier ministre, hier vous avez récolté ce qui a été semé et ce sont la France et sa mémoire qui ont été offensées.
Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Après avoir conspué et vilipendé le président Sarkozy qui a quitté l’Élysée sous les sifflets de la gauche, au nom de la liberté d’expression, vous vous offusquez d’être désavoués par les Français.
Huées et claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC qui couvrent la voix de l’oratrice.
Ce qui porte atteinte à la fonction présidentielle, c’est de dresser les Français les uns contre les autres, par exemple en détruisant fiscalement la famille. Ce qui porte atteinte à la fonction présidentielle, c’est d’assommer les Français d’impôts – 55 milliards en dix-huit mois. Ce qui porte atteinte à la fonction présidentielle, c’est le rejet massif de la politique de François Hollande et de sa personne.
Mêmes mouvements.
Mes chers collègues ! Le Gouvernement répondra à Mme Boyer et à ses propos.
Ce qui porte atteinte à la fonction présidentielle, c’est d’instrumentaliser la visite du Premier ministre à Marseille aux frais de l’État pour aller consoler une sénatrice et conforter le candidat du Gouvernement en vue des élections municipales. Ce qui porte atteinte aux Français, c’est de soumettre le soutien aux Marseillais à un chantage électoral.
Mêmes mouvements.
Marseille n’a pas attendu le Premier ministre pour valoriser son potentiel : outre son statut de capitale européenne de la culture en 2013, on peut citer Euroméditerranée, la rénovation urbaine d’une ville devenue touristique, la création du parc des Calanques et bien d’autres projets.
Mêmes mouvements.
Pour Marseille, vous nous offrez un catalogue de projets recyclés qui ne verront le jour que dans dix ou vingt ans. Les aides que vous promettez sont conditionnelles et viendront compléter les engagements que les collectivités voudront bien prendre.
Mêmes mouvements.
Aujourd’hui, comme tous les Français, les Marseillais demandent moins d’impôts et plus de travail, mais certainement pas des promesses financées par l’emprunt et l’overdose fiscale.
Mêmes mouvements.
La gauche a les pleins pouvoirs pour conduire sa politique. Alors, ressaisissez-vous ! Finalement, monsieur le Premier ministre, je n’ai qu’une seule question : quand allez-vous écouter le peuple de France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.– Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Madame la députée, sachant que vous alliez poser une question, je me préparais à entendre une interpellation sur Marseille, mais le brouhaha dans l’Assemblée ne m’a pas permis – je vous le dis très honnêtement et avec toutes mes excuses – d’entendre votre question.
Mais j’ai entendu votre première phrase. Or, non seulement elle est en contradiction totale avec ce que beaucoup de vos collègues ont dit ces dernières heures et avec ce que Jean-François Copé a déclaré il y a un instant,
Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste
mais elle est particulièrement dangereuse, parce que, à Marseille comme ailleurs, ce dont nous avons besoin – le Premier ministre vient de le rappeler –, c’est d’unité et de rassemblement autour des valeurs de la République.
Quand un parlementaire de votre département est poignardé ; quand une ministre de la République est insultée ; quand le chef de l’État est sifflé sur les Champs-Élysées le jour de la commémoration du 11 novembre, qui doit pourtant rassembler les Français autour de la mémoire et des valeurs de la patrie, eh bien, dans cet hémicycle, où bat le coeur de la démocratie, comme partout où vit la République, la seule réponse possible, madame Boyer, c’est le rassemblement autour de nos valeurs. La première phrase de votre question n’a donc pas lieu d’être. Encore une fois, le rassemblement s’impose.
De nombreux membres des groupes SRC et écologiste se lèvent et applaudissent.
La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Ma question s’adresse au ministre de l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, il n’est pas d’école sans professeurs pour la faire vivre. Dès votre entrée en fonctions, vous êtes parti à la reconquête d’un corps enseignant dénigré, voire conspué, durant le quinquennat précédent. Je ne reviendrai pas sur la suppression massive de postes, faisant des enseignants la variable d’ajustement du budget de l’État.
L’abandon de la formation des enseignants a montré le mépris de la majorité précédente pour cette profession. Supprimer cette formation, c’était faire croire qu’enseigner soit le seul métier que l’on puisse faire sans l’avoir appris. Cette politique destructrice a entraîné, logiquement, la baisse continue du nombre de candidats aux concours de recrutement entre 2008 et 2012.
Grâce à votre volontarisme, la crise des vocations, à laquelle le gouvernement de l’époque a voulu faire croire, semble aujourd’hui se résorber. Nous nous félicitons de votre détermination à revaloriser les métiers de l’enseignement ; vous rappelez qu’enseigner n’est pas simplement maîtriser des connaissances, mais également avoir le goût et les aptitudes nécessaires pour les transmettre avec efficacité.
Les étudiants se tournent de nouveau vers le si noble et si essentiel métier d’enseignant. Alors que près de 1 000 postes n’ont pu être pourvus l’an passé, faute d’étudiants ayant le niveau nécessaire, le nombre d’inscrits aux concours menant aux différents métiers de l’enseignement est en hausse de 30 %. L’augmentation la plus spectaculaire concerne les concours de professeur des écoles, avec près de 50 % d’inscrits supplémentaires. Cette tendance devrait se confirmer puisque les écoles supérieures du professorat et de l’éducation – les ESPE – enregistrent elles aussi une hausse de 30 % des inscrits en première année de master « métiers de l’enseignement ».
Ma question est simple, monsieur le ministre : comment l’accueil de ces nouveaux étudiants dans les ESPE sera-t-il organisé, et comment poursuivrez-vous la réforme de la formation des enseignants ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Mesdames et messieurs les députés, madame la députée, pour un pays qui doit mieux préparer son avenir, c’est une bonne nouvelle de savoir que le recrutement des enseignants reprend.
L’école est le premier investissement d’avenir. Lorsqu’elle est sacrifiée, comme elle l’a été pendant dix ans, c’est l’avenir du pays qui se trouve sacrifié. Et nous retrouvons dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’industrie, de l’économie ou de la dette publique, ce que nous avons vécu avec l’école : une politique incapable de se fixer un horizon.
La droite voulait, de surcroît, faire porter cette responsabilité à la jeunesse et l’accusait de ne plus avoir la vocation ou l’envie de servir son pays. Pourtant, dès lors que nous lui offrons des conditions normales, celles dont avaient bénéficié les générations précédentes – une formation pour les enseignants, une année de stage –, la jeunesse française est au rendez-vous !
Ces derniers jours, nous avons appris que le nombre de candidats aux concours d’enseignants avait augmenté de 29,2 % pour atteindre 153 500 inscrits pour le primaire et le secondaire, une hausse qui confirme celle de l’année dernière.
C’est ainsi que nous parvenons à résoudre un certain nombre de difficultés, et ce, qui plus est, sur le plan qualitatif. Les académies le plus en difficulté, comme Créteil et Versailles, enregistrent pour la première fois une augmentation des inscrits aux concours, de 12 % et de 11 % respectivement. Dans le second degré, les recrutements dans les disciplines déficitaires – anglais, lettres modernes, mathématiques – augmentent de 10 à 20 %.
La refondation de l’école est en marche. Mais l’école dans la République, c’est toujours beaucoup plus que l’école. Cela suppose des efforts, de la cohérence, de la détermination. Nous y sommes et nous voyons bien qui est présent au rendez-vous : la gauche !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Michel Heinrich, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Ma question, à laquelle j’associe mes collègues Hervé Mariton et Patrice Verchère, s’adresse à M. le ministre du budget. Avant même que n’aboutisse le contentieux qui oppose la France à l’Europe sur le taux réduit de TVA appliqué aux activités équestres, un amendement du Gouvernement, prenant tout le monde de court, vient de décider le passage du taux réduit au taux normal de 20 %.
Le secteur compte 7 000 centres équestres, emploie 18 000 personnes pour 250 000 chevaux et accueille plus de 2,3 millions de pratiquants. Dans le contexte actuel de crise, il n’est pas possible de répercuter cette hausse.
Alors que le sport équestre se popularise enfin et que la filière exerce de nombreuses missions d’intérêt général – maintien d’activités en milieu rural, accueil des enfants, réinsertion, rééducation fonctionnelle et psychologique, lien social –on agit en sorte de le transformer en une activité de nantis : un bond en arrière de douze ans !
Si les centres équestres ne répercutent pas cette hausse, ils n’auront plus de marge. On s’oriente ainsi vers la destruction de 6 000 emplois salariés et de 2 000 clubs hippiques. Près de 80 000 chevaux seront alors destinés à l’abattoir !
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
La filière équestre a déjà fait un effort lors du passage du taux de TVA de 5,5 % à 7 %. Assurément, elle ne pourra assumer une augmentation de 13 % de ses charges. Le travail au noir risque de s’introduire dans un secteur propre et générateur d’emplois.
Les conséquences de cette décision sont trop graves, monsieur le ministre, pour prendre un risque sans y être contraint. Et même si vous reveniez en arrière après que le résultat du contentieux nous aura été favorable, un tiers de ces activités auront disparu. Est-il si urgent d’obéir aux ordres de l’Europe, alors même que nous attendons le résultat du contentieux ? Ou l’Europe n’est-elle qu’un alibi pour justifier une taxation supplémentaire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Monsieur le député, je veux commencer par dire que nous sommes attentifs à cette filière et que nous ne souhaitons pas que le sport équestre devienne, ou redevienne, un sport de nantis. Mais parlons posément : vous savez que la hausse de la TVA, qui prendra effet au 1erjanvier 2014, n’est pas un choix du Gouvernement.
La France a été condamnée en mars 2012 pour l’application du taux réduit de TVA aux prestations relatives aux équidés. Nous avons reçu fin 2012 une mise en demeure spécifique aux centres équestres. Si nous ne publions pas immédiatement le décret relevant le taux de TVA, nous serons déférés devant la Cour de justice et irrémédiablement condamnés. Je ne veux pas croire que vous nous suggériez de payer des dizaines de millions d’euros d’amende dans l’intervalle qui nous sépare de notre condamnation. Cela ne nous mènera nulle part !
La démarche du Gouvernement est tout autre : ce matin, Bernard Cazeneuve recevait la filière avec plusieurs propositions. La France défendra la possibilité d’appliquer un taux réduit aux activités équestres dans le cadre de la révision de la directive « TVA ». De manière à ne pas déstabiliser l’économie des centres équestres et à préserver l’emploi, les contrats conclus avant le 31 décembre 2013 continueront à bénéficier du taux réduit jusqu’à leur terme : un tiers environ de la mesure sera ainsi annulé. Le deuxième tiers devra être absorbé, soit sur la marge, soit par l’utilisateur final – cela représenterait un surcoût de 60 centimes d’euro par heure de cours. Je vous annonce enfin que le tiers restant sera compensé par une aide aux centres équestres, via un fonds « Cheval » dirigé par les représentants de la filière. Voilà le pacte que nous proposons aux centres équestres pour remédier à une situation qui n’est pas de notre fait. Je souhaite que chacun aborde ce sujet avec pragmatisme.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.
La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Denis Baupin.
La Conférence des présidents, réunie ce matin, a arrêté la proposition d’ordre du jour suivante pour la semaine du 2 décembre 2013, avec notamment la proposition suivante :
Débat sur le rapport d’information de la commission des affaires européennes relatif à la directive sur le détachement des travailleurs.
Il n’y a pas d’opposition ? Il en est ainsi décidé.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs aux engagements financiers de l’État et aux remboursements et dégrèvements (no 1428, annexes 25, 41 et 48).
La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, qui remplace M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vais pour présenter de manière synthétique les crédits 2014 de la mission « Engagements financiers » et des missions qui y sont rattachées. Je vous remercie de bien vouloir excuser Bernard Cazeneuve que je vais essayer de suppléer au mieux de mes capacités.
La mission « Engagements financiers » regroupe plusieurs programmes à fort enjeu correspondant à des dépenses obligatoires de l’État.
Il s’agit d’abord des charges de la dette, sur un programme doté de crédits évaluatifs, dont le niveau dépend à la fois du stock de dette, de l’évolution des taux d’intérêt et enfin de l’inflation, compte tenu de la proportion significative d’obligations du Trésor dont la rémunération est indexée sur l’inflation. En 2014, la prévision, de 46,7 milliards d’euros, est en légère hausse par rapport aux prévisions révisées de 2013 – 45 milliards. Les hypothèses sous-jacentes, volontairement prudentes, reposent sur une remontée progressive des taux d’intérêt des titres d’État. L’impact de cette évolution reste toutefois atténué par l’effet des émissions à moyen et long terme réalisées en 2013 à des taux très bas, conduisant à des coupons de 2 %.
Dans le cadre du programme 336, la France souscrira en 2014 la dernière tranche de sa participation au Mécanisme européen de stabilité, pour 3,3 milliards d’euros. Le montant total est de 16,3 milliards d’euros, avec quatre tranches déjà versées en 2012 et 2013. Il faut noter que cette prise de participation n’a pas d’effet sur le déficit public en comptabilité nationale.
Le programme 114 regroupe les dépenses résultant de la mise en jeu des garanties accordées par l’État. Les crédits sont évaluatifs, avec une prévision en 2014 de 208 millions d’euros, très proche de celle de 2013. Il s’agit pour l’essentiel des garanties accordées au titre du commerce extérieur, dans un cadre législatif amélioré fin 2012 et qui le sera à nouveau dans le projet de loi de finances rectificative 2013 qui sera examiné demain en conseil des ministres. Malgré une forte progression des encours de garanties – plus 50 % de 2008 à 2012 –, ces procédures restent gérées rigoureusement avec un faible taux de sinistre – l’exécution budgétaire du programme en 2012 ne dépassait d’ailleurs pas 122 millions d’euros et celle de 2013 devrait aussi être inférieure aux prévisions de loi de finances initiale.
Enfin, la mission comprend aussi, dans le cadre du programme 145 « Épargne », les versements de l’État dans le cadre des dispositifs d’épargne logement, qui poursuivent leur décroissance, avec une baisse de plus de 22 % par rapport à 2013.
La mission « Remboursements et dégrèvements », avec 102 milliards d’euros de crédits évaluatifs, concerne à la fois les impôts d’État et les impôts directs locaux, dont l’État garantit aux collectivités le produit voté, avant tout dispositif d’allègement. Les crédits sont en hausse sensible par rapport à 2013 – plus 5,7 milliards d’euros –, notamment parce qu’en 2014, pour la première fois, des remboursements seront effectués au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – le CICE, que vous connaissez très bien.
Le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » comprend, en recettes, en premier lieu les produits de cession de participations de l’État, évaluées conventionnellement à 5 milliards d’euros comme les années précédentes, et qui s’inscriront dans le cadre de la nouvelle doctrine de gestion dynamique des participations présentée cet été par Pierre Moscovici et Arnaud Montebourg, et évoquée notamment lors de l’audition en commission élargie du 5 novembre dernier. Rappelons que, dans ce cadre, 2 milliards d’euros de cessions ont déjà été réalisées en 2013.
Ce compte comprend ensuite des versements du budget général pour 5 milliards d’euros car certains versements transitent par ce compte spécial lorsque l’État entend souscrire des participations. Ce sera le cas en 2014, pour 3,3 milliards d’euros de prise de participation au Mécanisme européen de stabilité, comme je l’ai indiqué précédemment, et pour 1,7 milliard au titre du nouveau programme des investissements d’avenir, le PIA 2.
En dépenses, outre les deux flux financiers que je viens de décrire, il est prévu 3,5 milliards d’euros de crédits pour des dotations en capital ou autres apports en fonds propres, notamment en direction de la BPI et des banques multilatérales de développement, et 1,5 milliard d’euros pour contribuer au désendettement de l’État.
Le compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » retrace le reversement à la Grèce des revenus du portefeuille de titres grecs détenus par la Banque de France. Ce mécanisme, issu des programmes d’assistance financière à la Grèce arrêtés en 2011 et 2012, concerne l’ensemble des banques centrales de la zone euro. La quote-part de la France s’élève à 2,8 milliards d’euros répartis sur une longue période, jusqu’en 2025. En 2014, les versements représenteront 501 millions d’euros. Après un net excédent en 2013, le compte est présenté en déficit en 2014 car la séquence des reversements à la Grèce convenue entre partenaires européens ne suit pas exactement celle des produits constatés par la Banque de France et transférés à l’État.
Enfin, sur le compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », il est proposé d’ouvrir 7,5 milliards d’euros de crédits d’avance, qui donneront lieu à remboursement en cours d’année. Il s’agit, pour l’essentiel, d’avances à l’Agence de services et de paiement à hauteur de 7,2 milliards d’euros pour préfinancer les aides aux agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune ; ces aides seront ensuite remboursées par l’Union européenne avec un décalage de deux mois. Ce mécanisme, qui remonte à 2001, permet d’éviter que l’ASP ne soit contrainte à recourir à des crédits de trésorerie.
La parole est à M. Dominique Lefebvre, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les engagements financiers de l’État.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » comprend six programmes, dont le plus important en volume budgétaire – plus de 90 % des crédits de la mission – mais aussi le plus stratégique pour le pilotage des finances publiques est bien sûr le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État », sur lequel je concentrerai mon propos.
S’agissant des autres programmes de la mission, je tiens à saluer le travail effectué par votre administration, monsieur le ministre, notamment par la direction générale du trésor qui a créé un outil de recensement des garanties de l’État baptisé « tableau d’inventaire des garanties recensées par l’État », qui répond à une demande de la commission des finances comme aux recommandations de la Cour des comptes. Derrière ces garanties, qui constituent des engagements hors bilan, il y a évidemment des risques qu’il faut pouvoir maîtriser : je tenais donc à saluer cette réalisation. La plupart des garanties du programme « Appels en garantie de l’État » portent d’ailleurs sur les soutiens à l’exportation : ce dispositif, qui s’élève à 138 millions d’euros, est indispensable, utile et efficace pour la compétitivité de nos entreprises.
Quant au programme « Épargne », les crédits consacrés au financement des primes d’épargne logement diminuent fortement. À l’inverse, les dépenses fiscales qui y sont rattachées progressent de près de 23 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 et de 4 % par rapport à la nouvelle prévision d’exécution pour 2013. Je m’interroge sur la fiabilité de l’évaluation de ces dépenses fiscales d’une année sur l’autre ; dans l’ensemble, toutefois, le soutien public progresse.
Le programme « Majoration de rentes » est un dispositif en voie d’extinction.
Le programme « Dotation en capital du Mécanisme européen de stabilité » prévoit le financement de la dernière tranche incombant à la France, s’élevant à un peu plus de 3 milliards d’euros sur un total de 16,3 milliards.
Enfin, le programme « Augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement » est mentionné pour mémoire.
J’en reviens au programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État ». L’examen de ce budget intervient alors même que, le 8 novembre dernier, une agence de notation a dégradé la note de la France, comme, du reste, celle du Fonds européen de stabilité financière. Cette décision mérite d’être relativisée puisque la note AA avec perspective stable – en lieu et place d’une note AA+ sous perspective négative datant de janvier 2012 – reste parmi les meilleures en Europe et dans le monde, et que la note de la dette à court terme française reste fixée à A-1+, soit la meilleure possible.
Il n’y a donc pas lieu de remettre en cause les hypothèses à partir desquelles a été évaluée la charge d’intérêts de la dette dans le budget de l’État pour 2014. Celle-ci passerait d’environ 45 milliards d’euros en 2013 à 46,7 milliards en 2014, soit une progression de 3,7 %, sous l’effet de l’accroissement de l’encours, d’une augmentation modérée de l’inflation et d’hypothèses prudentes de remontée des taux d’intérêt à dix ans de 100 points de base – soit une moyenne annuelle de 3,3 % – et des taux courts de 25 points de base – soit une moyenne annuelle de 0,3 %. Ces hypothèses sont tout à fait plausibles et réalistes.
Au-delà de 2014, il est plus que probable que les taux continuent de remonter. Aussi, nous devons nous attendre à une remontée qui se diffusera assez rapidement dans le coût de notre dette, compte tenu de la nécessité de refinancer un volume significatif de titres émis à moyen terme par nos prédécesseurs durant la crise financière de 2008-2009 et arrivant à échéance – ces titres représenteront 53 milliards d’euros en 2015.
Cette contrainte – puisque c’en est une de plus léguée par la précédente majorité de droite – s’inscrit dans le contexte d’une diminution du programme de financement de l’Allemagne qui pourrait, du fait d’un effet de rareté, voir ses taux baisser, entraînant un nouvel écart de taux avec la France qui nous serait défavorable.
Ceci étant, la situation de la France reste solide et appréciée des investisseurs : les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas depuis dix-huit mois et notre situation relative par rapport à nos partenaires, en particulier par rapport à l’Allemagne, reste stable – cet écart de taux a même eu tendance à se réduire. C’est la preuve, s’il en est, de la crédibilité de la politique de sérieux budgétaire conduite depuis dix-huit mois.
Pour autant, la question de la dette, de son poids et de son évolution constitue bien un enjeu majeur pour aujourd’hui et pour demain. En cette fin d’année 2013, le montant total de la dette publique française sera en effet de 2 011 milliards d’euros, soit 31 000 euros par Français. Il s’agit d’une dette de l’État pour 80 %, mais aussi d’une dette sociale pour 11 % – un anachronisme en Europe – et d’une dette locale pour 9 %. En 2013, cette dette aura conduit l’État à verser 45 milliards d’euros d’intérêts aux créanciers de la France, ce qui en fait la première dépense budgétaire de l’État hors charge de pensions. Et en 2014, c’est à un besoin de financement colossal de 177 milliards d’euros que cette dette accumulée nous conduit ; le besoin de financement restera aussi élevé au cours des prochaines années, malgré la réduction du déficit public.
Oui, cette dette publique colossale est un boulet qui entrave la capacité de notre économie et de nos entreprises à rebondir. Oui, cette dette publique nous prive de nombreuses marges de manoeuvre et porte atteinte à la souveraineté de la France. Il faut donc en sortir, monsieur le ministre : c’est ce que fait le gouvernement de Jean-Marc Ayrault, sous l’impulsion du Président de la République, en conduisant la politique de redressement des finances publiques et de baisse des déficits – celui de l’État comme celui de la protection sociale. Cette politique difficile et courageuse doit se poursuivre pour au moins deux raisons : d’abord pour une question de souveraineté, ensuite – et je ne cesserai de le dire – parce que nous avons une responsabilité morale vis-à-vis des générations futures. Nous payons aujourd’hui le prix de cette nécessaire politique de redressement, le prix de l’impopularité qui est surtout celui de l’irresponsabilité de nos prédécesseurs.
Il est courant de dire que la dette publique vient de loin et qu’elle est l’accumulation de près de quarante ans de déficits publics continus. Je veux cependant rappeler que la dernière fois que la dette a baissé en France, c’était sous un gouvernement de gauche, entre 1999 et 2001,…
…tandis que l’emballement de notre dette publique s’est produit sous des gouvernements de droite successifs, de 2002 à 2012, avec une forte accélération sur la période 2007-2012 au cours de laquelle la dette publique a augmenté de 600 milliards d’euros – soit plus de 25 points de PIB – pour nous amener au-delà de la barre des 90 % de la richesse nationale. Seuls les pays de la zone euro actuellement sous assistance et le Royaume Uni ont fait pire !
Monsieur le ministre, face à cette responsabilité morale à l’égard des générations futures et parce que la sauvegarde de notre souveraineté l’exige, nous devons impérativement maintenir la trajectoire de redressement des finances publiques – celles de l’État comme celles de la protection sociale –, réduire le déficit structurel et parvenir dès 2015 à une inversion de la courbe de la dette.
La parole est à M. Éric Alauzet, suppléant Mme Eva Sas, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les remboursements et dégrèvements.
En effet, monsieur le président, ma collègue n’a toujours pas accouché : j’interviens donc à sa place.
Avec 101,9 milliards d’euros de crédits prévus pour l’exercice 2014, la mission « Remboursements et dégrèvements » est la plus importante, en volume, du budget général de l’État.
Je tiens en premier lieu à rappeler l’aspect très artificiel de cette mission, dans la mesure où il s’agit moins d’une dépense que d’une moindre recette ; il faudrait d’ailleurs envisager une évolution de la LOLF pour que ces crédits soient inscrits en première partie du PLF.
Plutôt qu’effectuer une présentation exhaustive des crédits de la mission, je souhaite mettre l’accent sur deux points particuliers.
Je reviens tout d’abord sur les deux contentieux fiscaux auxquels l’État est actuellement partie prenante et qui pourraient peser lourdement sur les finances publiques. Ces contentieux, toujours pendants devant les juridictions administratives, présentent des similitudes : ils sont tous les deux la conséquence d’une violation du droit de l’Union européenne et portent l’un et l’autre sur des enjeux financiers significatifs. Le contentieux relatif au précompte mobilier est actuellement estimé à 4 milliards d’euros environ ; les récentes décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État devraient permettre une réfaction de 50 % de ce coût global, suite aux arguments apportés par l’administration française. Le second contentieux fiscal, dit « OPCVM », porte sur la retenue à la source qui s’appliquait, jusqu’à sa suppression en juillet 2012, aux dividendes de source française perçus par des OPCVM non-résidents. En 2013, la France devrait décaisser 2 milliards d’euros au titre du contentieux « OPCVM » et 800 millions d’euros dans le cadre du contentieux relatif au précompte mobilier.
Afin que le Parlement puisse exercer ses prérogatives de contrôle et légiférer en connaissance de cause, une meilleure information de la représentation nationale sur les contentieux fiscaux devrait être systématisée. Sur ce point, le gouvernement actuel semble plus ouvert que le précédent, et nous nous en félicitons. Par ailleurs, la commission des finances a adopté, la semaine dernière, un amendement du groupe écologiste visant à mettre en place une information automatique des commissions chargées des finances au Sénat et à l’Assemblée nationale concernant les contentieux fiscaux européens. Je note enfin la volonté du Gouvernement de faire preuve, à l’avenir, de la plus grande prudence pour éviter que de telles situations ne se reproduisent.
Je souhaite à présent évoquer un second point, qui concerne les restitutions de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques – la TICPE – liée à la consommation d’énergies fossiles. En effet, divers dispositifs dérogatoires permettant un remboursement de la TICPE existent pour certains secteurs d’activité comme le transport routier et les chauffeurs de taxis. L’ensemble de ces dispositifs représenteraient une dépense supérieure à 767 millions d’euros. Or, comme l’a montré la Cour des comptes dans son référé de décembre 2012, la plupart de ces dispositifs ont pour objectif exclusif de soutenir des intérêts économiques sectoriels sans prise en compte de leur nocivité pour l’environnement. La pertinence de ces dispositifs, coûteux pour les finances publiques mais aussi pour la santé publique, n’est pas toujours avérée.
Le ministre du budget s’est engagé devant nous à ce que la dépense fiscale sectorielle en matière de TICPE fasse l’objet d’une réelle évaluation financière et socio-économique, ce dont nous nous félicitons. Nous espérons qu’une telle démarche sera rapidement enclenchée et que les premiers résultats pourront être présentés prochainement devant la commission des finances.
En revanche, concernant la détaxation du kérosène, les réponses apportées par le ministre ne sont pas satisfaisantes. Pour ne pas considérer ce dispositif coûteux pour le budget de l’État et pour l’environnement comme une dépense fiscale, le Gouvernement rappelle qu’il s’agit là d’une obligation conventionnelle applicable aux vols internationaux. Néanmoins, d’autres pays comme l’Allemagne considèrent à juste titre la détaxation du kérosène comme une dépense fiscale, tant sur les vols intérieurs que sur les vols internationaux. Pour cette raison, nous souhaiterions voir évoluer cette situation.
J’en profite pour rappeler qu’il serait souhaitable que la direction du budget n’ait plus seule, comme c’est actuellement le cas, toute latitude pour intégrer ou retirer une dépense fiscale, et qu’elle suive attentivement les débats au sein du comité pour la fiscalité écologique. Il semble primordial que le classement ou le déclassement d’une dépense fiscale obéisse à des règles plus strictes, afin de permettre une meilleure évaluation financière, socio-économique et environnementale de ces dépenses.
J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » et je demande à l’Assemblée de se prononcer dans le même sens.
La parole est à M. Guillaume Bachelay, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour les participations financières de l’État, la participation de la France au désendettement de la Grèce, les avances à divers organismes gérant des services publics.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 2 août dernier, dans une communication au conseil des ministres, les ministres de l’économie et des finances et du redressement productif ont annoncé une nouvelle doctrine de l’État actionnaire au service de la stratégie de soutien à la production, à l’innovation et à l’industrie. Cette nouvelle doctrine, active et dynamique pour le portefeuille de ces participations financières, constitue une évolution réelle de la conception traditionnelle de l’État actionnaire : c’est pourquoi mon intervention lui sera consacrée.
Cette nouvelle approche, que j’avais préconisée il y a un an dans mon précédent rapport, n’implique évidemment pas de remettre en cause la préservation des intérêts financiers de l’État ni la bonne gestion de son patrimoine. En effet, ce portefeuille est l’un des leviers de notre souveraineté nationale ; il contribue pour une part au budget de la nation – un peu plus de 3 milliards d’euros prévus pour 2014 –, et cet atout majeur doit être transmis aux générations qui suivront.
Cette nouvelle doctrine assigne à l’État actionnaire, investisseur avisé et de long terme, un nouvel objectif qui vient compléter et conforter l’objectif de préservation des intérêts financiers de l’État, et non s’y substituer. La démarche du Gouvernement se fonde sur le soutien à la production, indispensable et crucial pour la croissance durable, la montée en gamme de notre économie et, bien sûr, la création d’emplois.
En ce sens, elle constitue un prolongement du pacte pour la compétitivité engagé depuis un an. Avec Bpifrance et le nouveau programme d’investissements d’avenir auquel il a vocation à contribuer d’ailleurs, l’État actionnaire a vocation à devenir un instrument supplémentaire et volontaire en faveur de l’investissement et du réinvestissement productif, de la transition écologique, et énergétique de l’économie, du développement des entreprises et du soutien aux activités innovantes.
Il est possible que pour mobiliser de nouveaux moyens financiers, cette mise à contribution du portefeuille d’actifs financiers, comme l’a préconisé le Gouvernement, passe par une réduction de certains niveaux historiques de participation. C’est d’ailleurs ce qui a été fait dans le courant de cette année, avec des cessions de fractions de participation dans EADS, à hauteur de 871 millions d’euros, Safran pour 448 millions et Aéroports de Paris pour 738 millions d’euros qui ont notamment permis de financer l’augmentation de capital de Bpifrance, elle-même au service des PME et des entreprises de taille intermédiaire françaises.
Le Gouvernement n’a pas, à ce stade, précisé les critères qui devront présider à ces opérations. Je pense, pour ma part, que plusieurs conditions précises sont à définir et à réunir.
Premièrement, l’État doit maintenir son contrôle ou son influence sur les entreprises concernées : dans le cas des cessions réalisées cette année, la capacité de contrôle et d’influence de l’État, que ce soit sur Aéroports de Paris, EADS, Safran, n’a pas été remise en cause.
La protection des intérêts financiers de l’État – c’est un deuxième point – impose d’attendre le moment opportun pour procéder à ces opérations. Il n’est en effet pas question d’essuyer des moins-values qui feraient perdre de la valeur au portefeuille d’actifs de l’État.
Enfin, la valeur totale des actifs financiers de l’État ne doit pas diminuer. Nous devons transmettre aux générations futures un patrimoine financier préservé.
Avant de conclure, je souhaite insister sur deux points qui conditionnent pour une bonne part le meilleur déploiement possible de cette nouvelle doctrine. D’abord, la coordination optimale qui doit être assurée entre les différents services et organismes en charge de la politique industrielle, l’agence des participations de l’État, Bpifrance, le commissariat général à l’investissement, la direction générale de la compétitivité de l’industrie et des services, bref, l’ensemble de ces organismes et services doit oeuvrer au sein d’un comité stratégique unique.
Le deuxième enjeu porte sur la professionnalisation et la diversification à poursuivre des représentants de l’État dans les conseils d’administration. Ces enjeux ne sont pas de simples modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle politique, elles sont des principes pour sa pleine réussite.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, les nouvelles orientations de la politique de l’État actionnaire sont favorables à la croissance et à l’emploi, à la constitution des champions industriels de demain et au développement des territoires, tout en garantissant le respect des intérêts financiers de l’État, c’est-à-dire de chaque Français. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous préciser l’état de la réflexion du Gouvernement sur les modalités de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine. Pour ma part, je vous propose d’adopter, comme l’a fait la commission des finances, les crédits des comptes « Participations financières de l’État », « Participation de la France au désendettement de la Grèce » et « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics ».
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité des rapports de nos collègues Dominique Lefebvre, Éric Alauzet et Guillaume Bachelay. Je concentrerai mon intervention sur la dette.
Plus que tout autre grandeur économique, la dette est le lourd héritage des politiques passées. Elle vient de loin, mais pas si loin que cela, comme l’a rappelé Dominique Lefebvre. Il y a un peu plus d’une dizaine d’années, la dette de la France avait baissé ; c’était à la fin d’une période de croissance, à la fin d’un gouvernement de gauche. Elle était repassée en dessous de la barre de 60 % – 58,5 % en 2001 – et le déficit avait atteint un niveau qu’il n’a jamais connu depuis, soit 1,7 %.
Dix ans après, en 2011, la dette frôle les 90 % et à l’été 2012, elle a été à 90 % et le déficit s’élève à 5,3 %. Que s’est-il passé ? Bien sûr, il y a eu la crise. Mais le concept de déficit structurel que l’Europe nous invite à utiliser est pertinent pour faire la part de ce qui résulte de la conjoncture, et donc de la crise, et des politiques économiques. Non seulement cela permet d’analyser le passé, mais d’y voir clair sur le futur.
Au milieu des années 2000, deux grands pays européens sont confrontés à la fois à un déficit excessif et à une dette dépassant 60 % du PIB : la France et l’Allemagne. En 2004, la France a un déficit de 3,6 % du PIB, l’Allemagne de 3,8 %. La dette de la France s’élève à 66 % et celle de l’Allemagne à 68 %. Un cycle de croissance se développe sur les années 2004 à 2007 ; l’Allemagne le met à profit pour réduire son déficit à zéro et elle aborde la crise avec un déficit nul, c’est-à-dire avec un déficit structurel nul.
La France, elle, au contraire, réduit un peu son déficit…
…un peu dans les années Villepin, monsieur Carrez. Mais elle aborde la crise en étant en déficit effectif excessif et en étant en déficit structurel considérable. Le vrai problème de la France, c’est qu’entre 2007 et 2011, elle a connu des déficits structurels, c’est-à-dire hors crise, compris entre 3,5 % et plus de 5 %. Or le déficit structurel…monsieur le président de la commission des finances, écoutez bien.
Le déficit structurel est le socle à partir duquel se construit le déficit. Au-delà du déficit structurel, il y a en effet des périodes de conjoncture favorable qui conduisent à une réduction du déficit conjoncturel et, depuis 2009, des périodes difficiles qui augmentent ce déficit au-delà du déficit structurel. Mais la différence entre la France et l’Allemagne qui ont subi la crise de la même façon, c’est que l’Allemagne l’a abordée avec un déficit structurel nul – par conséquent, elle n’a jamais dépassé 4 % du PIB de déficit…
…là où la France qui démarrait à plus de 3 % est arrivée à 7,5 % au plus fort de la crise et se retrouve en 2011 à 5,3 %. C’est là que se situe l’explosion de la dette.
Il est important de raisonner en solde structurel car tant que nous sommes en récession et que la croissance est nulle – depuis six ans environ –, le déficit conjoncturel a tendance à s’accroître. Par conséquent, pour connaître notre position lorsque nous retrouverons une situation normale, il faut considérer le déficit structurel. La première fois où le déficit structurel passe en dessous de la barre des 3 %, c’est en 2013 avec 2,6 %. Il continue de baisser, en 2014, il sera beaucoup plus faible – 1,7 % – et s’annulera en 2017 grâce à la politique du Gouvernement. Le déficit effectif dépendra évidemment de la conjoncture et jusqu’en 2014, tant que nous avons une croissance inférieure à la croissance potentielle, le déficit effectif baissera beaucoup moins que le déficit structurel. Mais à partir de 2014, les choses s’inversent. Quand la croissance rattrape la croissance potentielle, on n’avance plus à contre-courant, mais on a le courant pour soi, et la réduction du déficit effectif sera forte. En réduisant le déficit structurel, nous avons construit les bases d’une forte réduction du déficit lorsque nous retrouverons la croissance.
Sur la dette en pourcentage du PIB, c’est plus difficile car la crise intervient de deux façons : par les déficits – le numérateur – et par le PIB – le dénominateur. Autrement dit, en pourcentage du PIB, la dette croît parce que le déficit croît, mais elle croît aussi car la croissance nominale est faible. C’est le problème auquel nous sommes confrontés depuis 2009 et particulièrement cette année où l’inflation est très faible. À partir du moment où l’on retrouve la croissance, c’est pareil : la dette va baisser. À cet égard, les prévisions du Gouvernement sont tout à fait crédibles. La dette de l’Allemagne – qui avait des déficits très faibles après la crise – a baissé à partir de 2010. En France, il faudra plus de temps parce qu’il faut résorber les déficits.
À partir de 2015, les conditions seront réunies pour une forte baisse de la dette. La politique conduite en matière de réduction des déficits structurels est pertinente parce qu’elle préserve les stabilisateurs automatiques, c’est-à-dire qu’elle ne rajoute pas de la crise à la crise et qu’elle nous met sur le chemin d’une réduction forte des déficits quand la croissance sera au rendez-vous. Le groupe socialiste votera les deux missions.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Alain Chrétien, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons d’assister à un cours d’économie dispensé en cinq minutes par le professeur Pierre-Alain Muet.
Nous l’avons écouté avec beaucoup d’attention, Gilles Carrez en particulier.
Néanmoins, permettez-moi d’abord de souligner une de vos contradictions. Il y a un peu plus d’un an, le candidat Hollande faisait porter l’entière responsabilité de la dégradation de la note de la France sur le président de l’époque. C’était la faute du Gouvernement en place, la faute d’une équipe, la faute d’un président. La semaine dernière, une agence de notation a, une nouvelle fois, dégradé la note de la France. Mais, bizarrement, ce n’est ni la faute d’un gouvernement, ni la faute d’une équipe, ni la faute d’un président, mais celle d’une agence irresponsable qui ne sait pas de quoi elle parle et qui n’a pas pris la mesure des réformes qui ont été engagées.
Je ne pouvais commencer mon intervention sans vous mettre face à vos contradictions. Car la dégradation de la note française est bel et bien une remise en cause totale de votre politique économique, à quoi s’ajoute à l’analyse de la Commission européenne qui ne va pas dans le même sens que M. Muet. Sur les taux d’intérêt, vous indiquez qu’ils sont historiquement bas car les prêteurs font confiance à la France. Vous oubliez que, depuis la crise, la BCE a inondé l’Europe de liquidités et que des milliards étaient sur le marché, facilement achetables, à des taux d’intérêt bas. Les faibles taux d’intérêt n’ont donc rien à voir avec la confiance des prêteurs dans la France ; ils sont la conséquence d’une politique monétaire volontariste dont l’objectif était de donner des liquidités aux pays qui en avaient besoin. Vous n’êtes nullement responsable de cette politique favorable en termes de taux d’intérêt. À l’instar des rapporteurs, je dirai que vous avez mangé votre pain blanc. Pas plus tard que vendredi soir, les taux d’intérêt avaient augmenté de deux cents points de base. Or un demi-point d’augmentation des taux représente 2 milliards d’euros d’intérêts supplémentaires. Vous devez d’ores et déjà vous préparer à une remontée des taux qui aura des conséquences significatives sur le montant des intérêts que nous aurons à payer l’année prochaine.
Les choses ne sont pas si simples : Il n’y a pas d’un côté les irresponsables qui n’ont pas la légitimité pour noter votre politique et, de l’autre, les vertueux – vous, en l’occurrence – qui en dépit des recommandations des uns et des autres, gardent un cap, qui n’est pas le bon. Vous êtes en effet les seuls à penser que vous allez dans la bonne direction. Je pense à cette révolution fiscale permanente qui fait partie de la défiance de la part des investisseurs et qu’ils vous reprochent. Comparons avec les autres pays européens. Partout, les réformes ont été mises en oeuvre, partout, les déficits reculent, y compris en Italie, en Espagne, pays qui ont connu des réformes très dures.
Votre politique repose entièrement sur le retour de la croissance, vous l’avez dit, monsieur Muet : lorsque la croissance reviendra, nous reviendrons à des déficits plus réduits. Mais pour que la croissance revienne, la confiance, les investissements, la consommation doivent être là. Or il n’y a rien de tout cela aujourd’hui. Il n’y aura rien de tout cela demain. La seule manière de réduire les déficits est de retrouver la croissance, et donc, la confiance. La politique fiscale que vous menez depuis dix-huit mois n’a aucune conséquence positive sur les trois critères suivants : investissement, confiance, consommation.
L’on ne peut donc juger avec optimisme la trajectoire des finances publiques telle que vous l’avez évoquée. Rappelons qu’en 2012, vous prévoyiez 4,5 % et vous avez fait 4,8 %. En 2013, vous prévoyez 3 % et vous avez fait 4,1 % et en 2014, vous ne ferez pas mieux. Le déficit se situera toujours entre 3,5 % et 4 % : ce n’est pas moi qui le dis, mais la Commission européenne. La semaine dernière, elle a déclaré que vous ne seriez pas à 3 %, mais à 3,7 %, à politique inchangée.
Il faut donc s’attendre à un nouveau tour de vis de 15 milliards d’euros supplémentaires l’année prochaine. Vous nous direz où vous trouverez ces 15 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour répondre aux exigences de la Commission européenne et atteindre les fameux 3 % – engagement no 9 du candidat Hollande, je le rappelle. Là encore, un engagement qui ne sera pas tenu et qui participe à la défiance généralisée des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous débattons d’une question qui ne rassemble pas énormément de monde dans l’hémicycle mais qui est probablement l’une des plus préoccupantes pour la République : comment faire face à des déficits qui se sont creusés et qui atteignent aujourd’hui des sommets ? Car nous avons tous aujourd’hui la responsabilité de réduire la dette de façon à ne pas la laisser dans le sac à dos de nos enfants.
Beaucoup d’engagements ont été pris pendant la campagne de François Hollande. On allait voir ce qu’on allait voir : tous les membres des gouvernements qui s’étaient succédé étaient des incapables, enfin, une nouvelle majorité allait réduire le déficit en le faisant passer sous la barre des 3 % dès cette année.
De deux choses l’une : soit le candidat Hollande s’est trouvé confronté à une réalité qu’il avait jusqu’à présent ignorée et volontairement ignorée ; soit il faut s’interroger sur les capacités d’analyse qui étaient les siennes.
Nous sommes face à une situation extrêmement préoccupante, comme vient de le souligner mon collègue. En effet, l’assainissement des comptes publics n’a pas été engagé à la hauteur nécessaire, compte tenu des circonstances. Les économies qui nous sont annoncées sont pour l’essentiel des économies factices.
Je suis extrêmement préoccupé – nous en reparlerons car nous examinerons les dépenses liées à la fonction publique – par le fait qu’en dix-huit mois, vous avez augmenté de 3 000 le nombre de nos fonctionnaires alors nous l’avions réduit de 60 000. Or nous savons très bien que toutes les grandes économies occidentales ont revu le périmètre de leur État et de leur fonction publique. Rappelons tout de même que les dépenses nettes de traitement représentent 80 milliards et 120 milliards avec les pensions. Embaucher un fonctionnaire, c’est un engagement que l’on ne prend pas pour une année mais pour toute la durée de la vie professionnelle et pour celle de la retraite.
Vous parlez de dépenses structurelles sur lesquelles vous seriez revenus en apportant des réponses dans la durée mais je suis persuadé que la France ne sera pas au rendez-vous de ces engagements.
Les intérêts de la dette pour 2014 vont atteindre 46,7 milliards d’euros. Et notre pays va devoir contracter un emprunt de 177 milliards d’euros en 2014.
Bruxelles a accordé à la France un délai de deux ans pour ramener son déficit public en dessous des 3 % du PIB en 2015. Mais plus personne n’y croit, pas même la Commission.
Je voudrais appeler votre attention sur les conclusions du Haut conseil des finances publiques, qui a rendu un avis incendiaire sur le budget pour 2014, condamnant sévèrement votre politique.
Il considère les prévisions en matière de baisse du chômage comme irréalistes. Il était question d’inverser la courbe du chômage mais il ne baisse pas, malheureusement, et je suis le premier à le regretter avec mon groupe.
En outre, Le CICE ne sera, à court terme, ni une source de création d’emplois ni une mesure de soutien fort aux entreprises car, selon le Haut conseil, il « ne peut pas être purement assimilé à des allégements de charges ».
Enfin, les dépenses ont augmenté plus que prévu en 2013, tendance qui continuerait en 2014. Toujours selon le Haut conseil, « l’effort supplémentaire prévu par le Gouvernement pour 2014 ne permettra pas de rattraper le retard accumulé en 2013 ». Il émet donc de forts doutes, que nous partageons, sur les économies présentées par le Gouvernement pour 2014.
Le Haut conseil a même annoncé – et je ne m’en réjouis pas du tout – qu’en l’absence de réaction du Gouvernement, le mécanisme de correction prévu par le traité européen sera automatiquement déclenché en mai 2014. En termes clairs, la France serait donc mise sous tutelle par Bruxelles, faute d’avoir mis en oeuvre les mesures fiscales et les réformes structurelles qui s’imposent.
De grâce, changez de cap ! Vous avez pu constater la désespérance des Français. Elle s’exprime chaque jour. Un sentiment de colère se manifeste. Le pays ne comprend pas où le Gouvernement veut aller : il a augmenté les charges ; il n’a pas réduit les dépenses ni engagé de réformes structurelles ; il n’a pas su redonner du souffle à l’économie confrontée à la crise.
Prenons l’exemple de la hausse de la TVA de 7 % à 10 % pour les artisans. Vous leur demandez un effort supplémentaire alors qu’il s’agit d’emplois non délocalisables et qu’il y a une chute de la commande privée et donc de l’activité.
Il faut faire des économies et revoir le périmètre d’intervention de l’État. Il faut engager un nouvel élan de la décentralisation et revoir l’ensemble des missions qui nous sont confiées. Le Gouvernement ne s’engage pas dans cette voie et je le regrette profondément.
Je souhaite que la croissance revienne vite car la situation est particulièrement préoccupante. À force de prendre une succession de mesures, de revenir sur ces mêmes mesures, puis d’en présenter d’autres, vous êtes en train de donner le tournis aux Français qui ne savent plus où vous voulez aller. C’est très grave car il y va de la confiance et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’est pas au rendez-vous
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Engagements financiers de l’État » comprend six programmes, dont le plus important en termes de volume budgétaire – plus de 90 % des crédits – est le programme « Charge de la dette et trésorerie de l’État ». Il représente désormais la première dépense budgétaire de l’État hors charges de pensions.
Le vote sur cette mission est pour nous l’occasion de rappeler que la politique doit être au-dessus du champ économique pour s’émanciper des institutions financières qui oeuvrent au nom d’intérêts privés et qui spéculent sur la dette souveraine comme elles spéculent sur n’importe quelle entreprise.
L’abaissement par une agence américaine de la note de la France de « AA + » à « AA » illustre cette situation incroyable : une entreprise étrangère dicte sa conduite à un État souverain dans ses choix économiques.
L « écotaxe », qui devait être installée au profit également d’une entreprise étrangère,..
...illustre encore cette démission qui nous ramène en une sorte d’affermage fiscal au temps des gabelous et des fermiers généraux.
En fait depuis 1973, notre État s’est séparé de ce qui faisait de lui un État : la possibilité de s’autofinancer par la création de monnaie ou en passant par des institutions dédiées. L’État ne peut aujourd’hui plus s’approvisionner en devises auprès de la banque centrale. L’État est devenu un simple agent économique dépendant des marchés financiers et des organismes prêteurs.
Le débat sur le taux d’endettement de l’État, que les principaux partis considèrent comme excessif, fait l’impasse sur cette réalité historique : l’endettement de l’État vis-à-vis des marchés a été organisé de longue main. Ce circuit est profondément contre-productif, comme en atteste la situation économique actuelle qui est la conséquence des politiques d’austérité menées au nom du désendettement !
Dans un article publié il y a quelques semaines par le quotidien La Tribune, on pouvait lire : « Les pays qui ont appliqué l’austérité ont vu leurs dettes publiques exploser ». De fait, les données publiées par l’Institut européen des statistiques Eurostat montrent que les pays qui ont appliqué les mesures de restrictions budgétaires les plus drastiques ont vu leurs dettes publiques augmenter.
En Grèce, elle a explosé, pour passer de 136 % du PIB au premier trimestre 2012 à 160 % du PIB aujourd’hui, son niveau d’avant restructuration. Elle est passée en Espagne de 73 % à 88 % du PIB, sur la même période, et, au Portugal, de 112 % à 127 % du PIB en un an. L’Irlande ne fait pas mieux : sa dette publique atteint désormais 125 % du PIB alors qu’elle ne représentait « que » 106 % de la richesse nationale un an plus tôt. Quant à l’Italie, qui vient de sortir, après avoir rempli ses objectifs, de la procédure de surveillance pour déficit excessif, elle n’est pas non plus en reste puisque sa dette publique est passée en un an de 123 % à 130 % du PIB.
« Le modèle du tout austérité s’effrite », reconnaît La Tribune. En décembre dernier, le FMI lui-même, l’un des artisans de la cure d’austérité dans le sud de la zone euro, avait reconnu avoir mal évalué l’impact de l’austérité sur la croissance. En conséquence, les restrictions budgétaires ont pesé plus que prévu sur les économies « sous programme ». L’institution de Washington avait fait son mea culpa a minima sur la gestion de la crise grecque. Selon elle, la dette du pays aurait dû être restructurée plus tôt et de manière plus importante.
Face à ces constats, le présent budget ne rompt pas avec l’austérité. Il s’enfonce au contraire dans le mur avec le budget le plus rigoriste de la période récente, tous gouvernements confondus.
Le peuple ne comprend plus, c’est pourquoi il se révolte. On le trompe aussi en ne lui disant pas quel est le projet européen, où est le cap et quel est le leadership.
Si certains se félicitent du recul des intérêts de la dette, qui baissent de 200 millions d’euros, nous pointons, nous, les destructions désastreuses qui ont été mises en oeuvre pour obtenir ce résultat comptable. Tant d’emplois supprimés, tant d’activités économiques sacrifiées ! Tout le monde a assez payé cette dette idéologique.
En effet, si les 46 milliards d’euros d’intérêt de la dette font pousser des cris d’orfraie aux gardiens de l’orthodoxie budgétaire, il n’en est pas de même des 20 milliards du cadeau fiscal du CICE ou encore des 60 milliards que nous coûte l’évasion fiscale. Ces deux dernières sommes représentent pourtant des montants dont l’État se prive volontairement, à l’heure où le Gouvernement impose une réforme destructrice de notre système de retraites pour un montant d’environ 25 milliards !
C’est pourquoi nous contestons la logique de fond qui prévaut en matière de désendettement. Les députés d’outre-mer associés au groupe GDR souhaitent, au contraire, briser les contraintes imposées par l’Europe néo-libérale. C’est la raison pour laquelle, tout en respectant la diversité au sein de notre groupe parlementaire démocratique, nous voterons, globalement, contre ce budget.
Nous en venons aux questions.
La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.
J’aimerais revenir, comme l’a fait Alain Chrétien en commission, sur la question des détenteurs de la dette publique. Il me paraît en effet indispensable de connaître plus en détail, par nationalité et par type d’investisseurs, ceux qui financent le train de vie de l’État car ce sont eux qui peuvent exiger le remboursement ou des contreparties à un réaménagement de leurs créances en cas de défaut ou de crise.
Comme seule réponse à une question aussi essentielle, monsieur Eckert, ou vous-même, monsieur le ministre, citez toujours un seul et même chiffre : la proportion d’investisseurs non-résidents par rapport au nombre total de créanciers, qui est de 63 % en 2013. Un peu sommaire pour des sommes se chiffrant en milliers de milliards !
Au-delà de cette information, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Banques, compagnies d’assurance, gestionnaires d’actifs tels les fonds souverains, fonds de pension, banques centrales ou établissements financiers divers : la multiplicité des acteurs se combine à celle des pays.
Les pays anglo-saxons, notamment les Etats-Unis à travers le Trésor, rendent publiques des données nettement plus précises permettant de connaître les créanciers par pays et par type d’institutions. Nous pourrions bénéficier utilement d’une information similaire.
Ce serait chose facile pour l’Agence France Trésor s’agissant au moins des émissions primaires, les informations sur la détention du stock de dettes étant par définition plus approximatives.
Aujourd’hui, on ne connaît pas d’études régulières sur le sujet. Quelques rares informations émanent de la Banque de France ou d’études étrangères. Nous versons donc 45 milliards d’intérêts à des inconnus !
Nous ignorons la nature des intervenants qui allouent l’épargne et financent le train de vie de la France. Vous savez pourtant combien, selon à qui l’on a affaire, les attentes ne sont pas les mêmes, notamment en termes de rentabilité.
Ensuite, l’identité des détenteurs de la dette est une donnée importante dans le cadre de la prévention d’un risque systémique en cas de crise affectant un émetteur souverain car ils n’ont pas la même sensibilité aux risques. Ce type d’information est d’autant plus capital que désormais, les emprunts nouveaux comportent la possibilité de renégocier les termes du contrat d’émission, avec l’accord de la majorité des détenteurs. Encore faut-il les connaître !
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, j’aimerais que soit enfin pris l’engagement d’inclure une information plus précise de la représentation nationale sur ce sujet. Je vous pose donc à nouveau la question : de qui sommes-nous les débiteurs ?
Madame la députée, je vous ferai la même réponse que M. Bernard Cazeneuve et M. Christian Eckert : la réalité aujourd’hui, c’est que 63 % de la dette française sont détenus par des non-résidents qui, pour l’essentiel, appartiennent à des pays de la zone euro. Cela devrait déjà être de nature à vous rassurer.
Si je comprends bien ce qui sous-tend votre question, vous vous demandez de qui nous dépendons à travers les détenteurs de cette dette. Je veux simplement vous rassurer sur un point : la part de la dette détenue par des non-résidents s’élevait en 2010 à 70 %. Cette part est donc en recul puisqu’elle est aujourd’hui de 63 %. Cela marque incontestablement un signe de confiance dans la qualité de la situation financière de la France car, sinon, il n’y aurait pas autant de détenteurs de la dette française à l’étranger.
Je voudrais simplement signaler que, sur cette question des non-résidents et des résidents, nous sommes en situation favorable par rapport à l’Allemagne, puisque la dette allemande est détenue par des non-résidents dans une proportion supérieure à celle de la France. Voilà les réponses que je pouvais vous apporter ; je ne sais pas si j’ai ainsi pu vous rassurer.
Par conséquent, la situation s’améliore et, quand on compare la France et l’Allemagne, la situation de la France est meilleure que celle de l’Allemagne.
J’appelle les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Engagements financiers de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Participation de la France au désendettement de la Grèce » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte de concours financiers « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics » sont adoptés.
Nous abordons l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances publiques et des ressources humaines, aux provisions et aux régimes sociaux et de retraite (n°s1428, annexes 27, 28, 29, 30, 39 ; 1435, tome III).
La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les parlementaires, n’ayant pas prévu de prendre la parole, je vais simplement résumer la mission « Fonction publique ».
Je rappellerai au Parlement ce que je dis souvent au ministre du budget : nous avons totalement intégré la contrainte financière, tant dans nos relations avec les collectivités territoriales qu’avec l’ensemble de la fonction publique et des ministères. Ainsi, dans la tâche qui est la mienne de modernisation de l’action publique, nous avons intégré la contrainte budgétaire.
Cela étant dit, que faisons-nous ? Nous regardons, ministère par ministère, les politiques publiques qui peuvent être évaluées. Certains d’entre vous ont du reste porté une grande attention aux évaluations qui, sans être rendues publiques, ont été discutées dans cette enceinte. Vous avez ainsi pu noter que ces évaluations ont immédiatement été suivies d’effets, en particulier au ministère de l’économie et des finances puisque les premières « grosses économies » – pardonnez-moi cette expression – ont été réalisées tant par le service des achats de l’État que par la gestion de l’immobilier, et d’autres sont encore à venir. Cela provient également des aides aux entreprises, et d’autres ministères nous ont fait l’honneur d’entendre nos conclusions, par exemple en mutualisant leurs fonctions support.
Chaque comité interministériel de modernisation de l’action publique doit, trimestre après trimestre, proposer de nouvelles évaluations, tirer les conclusions de celles déjà réalisées, mais aussi dresser le bilan des propositions avancées lors du comité interministériel précédent ; nous attendons donc beaucoup du prochain comité interministériel.
Par ailleurs, j’attends également beaucoup, tout comme mon collègue ministre du budget, des réunions qui vont nous permettre, dans un cadre triennal, de placer la modernisation de l’action publique au coeur de la problématique de la dépense publique.
Enfin, concernant la fonction publique elle-même, je me bats et je continuerai à me battre tant que j’occuperai ces fonctions pour que soit reconnue l’importance de l’action publique, et donc de la fonction publique. Pour autant, le message que j’adresse à l’ensemble des fonctionnaires de France, et en particulier des fonctionnaires de l’État, est le suivant : compte tenu des priorités du Président de la République, plus de 13 000 postes ont été supprimés cette année dans les autres ministères, c’est vrai. Nous n’en prenons pas acte : nous accompagnons cette baisse de postes en faisant en sorte, avec les préfets de régions, les préfets de départements et tous ceux qui peuvent nous y aider, de faire remonter les questions de proximité de service public, d’actions publiques non réalisées, les problèmes des contrôles, d’État garant, d’État protecteur, qui peuvent se poser sur les territoires.
Il va donc sans dire que les secrétaires généraux et les directeurs d’administrations centrales doivent prendre en compte l’engagement du Président de la République et du Premier ministre que nos fonctionnaires soient très présents sur nos territoires même si, et vous l’avez noté, un certain nombre de postes concernant l’ingénierie publique auprès des collectivités territoriales ont été supprimés.
Cela a constitué une difficulté pour nos collectivités territoriales, au moment même où on leur retirait 1,5 milliard d’euros.
Mais avec l’accord de l’Association des départements de France et de l’ensemble des départements de France, toutes tendances politiques confondues, il nous semble que sur des sujets comme l’assistance technique fournie par l’État – l’ATESAT –, nous sommes capables de conjuguer l’action publique entre l’État et les départements pour que le service soit rendu à un coût encore plus acceptable qu’aujourd’hui, avec moins de fonctions de support…
… mais avec beaucoup plus d’efficacité.
Ce que j’ai toujours du mal à entendre, mais le débat va sans doute nous y conduire de nouveau, monsieur le député Chrétien, c’est que l’on nous demande de rationaliser la dépense publique, dans le sens d’une diminution, notamment du nombre de postes de fonctionnaires, sauf quand il s’agit des territoires ! Or le Premier ministre lui-même souhaite que l’on soit aussi performant que possible concernant les territoires, avec les contraintes que j’ai indiquées.
Enfin, les projets de décentralisation, comme vous le savez, sont accompagnés de transferts de personnels. Les derniers articles du projet de loi concernant les transferts en traitent. Il sera examiné ici dans quelques jours : j’espère que, sur ces sujets, nous trouverons également moyen d’améliorer les fonctions support.
Je conclurai sur les fonctions support parce que j’ai entendu la critique d’un certain nombre de citoyens ou de responsables politiques sur la non suppression des départements de France par rapport aux régions. Je rappelle qu’en analysant les fonctions support dans le cadre d’une évaluation des politiques publiques, accompagnés en cela par l’ensemble des ministres de la République, nous avons constaté que transférer la gestion d’un certain nombre d’allocations de solidarité aux agglomérations, par exemple, eût représenté un coût extrêmement élevé pour tout le monde.
Nous nous en sommes donc tenus à la raison, qui était de ne pas, en pleine crise économique, dépenser davantage pour nous faire plaisir en cédant à une idée médiatico-politique facile, et sans doute déraisonnable.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et ressources humaines ». Avec 11,5 milliards d’euros de crédits de paiement et 134 476 emplois dans le projet de loi de finances pour 2014, cette mission porte essentiellement sur les moyens du ministère de l’économie et des finances, notamment pour ses missions régaliennes en matière fiscale, comptable, douanière et immobilière.
Son examen traduit une réalité incontestable : le ministère de l’économie et des finances est à la pointe de notre stratégie de redressement des comptes publics – une stratégie fondée sur des économies suffisamment fortes pour permettre à la fois l’ajustement budgétaire et le financement de priorités. Nous avons souhaité, avec Pierre Moscovici, que ce ministère montre l’exemple, et lorsque l’on regarde les budgets dont il est question à la faveur de notre débat aujourd’hui, on se rend compte que cet exemple est donné.
Cette mission comprend également les crédits du programme 148 « Fonction publique », qui relève de la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, que je veux remercier pour son concours, son aide et la qualité de la collaboration qui s’est nouée entre nous et entre nos cabinets. Je profite de sa présence pour rendre hommage à l’ensemble des fonctionnaires, qui font honneur au service public et qui accomplissent leur mission avec dévouement et un très grand sens de l’État. L’opposition se plaît souvent à stigmatiser les fonctionnaires.
Je préfère rappeler qu’ils prennent une part non négligeable de l’effort de redressement et qu’ils permettent, par leur esprit de responsabilité, de favoriser la réorganisation de notre administration à laquelle nous procédons.
Je ferai trois observations générales concernant l’évolution de ce budget. C’est d’abord un budget qui contribue de manière exemplaire à l’effort de maîtrise de la dépense, qui est central dans le projet de loi de finances pour 2014. La maîtrise des finances publiques suppose de réaliser des économies. Nous y sommes très attachés et avons donc agi, avec Pierre Moscovici, pour que les crédits de la mission baissent de 1,5% par rapport à la loi de finances initiale de 2013, hors charges de retraite, dans le but de réaliser une économie globale de 130 millions d’euros.
La rationalisation de l’action publique suppose des suppressions de postes ; nous les assumons. Ainsi, 2 424 emplois ont été supprimés : 1 988 emplois dans les réseaux de la direction générale des finances publiques, 314 emplois à la direction générale des douanes, mais aussi 122 emplois au sein des administrations centrales.
Ces efforts permettent de financer les priorités du ministère et de garantir la montée en gamme de nos services publics. C’est ainsi que les dépenses d’avenir ont été garanties, avec notamment les grands projets informatiques tels que le plan numérique de la direction générale des finances publiques, qui représente 35 millions d’euros d’engagement, les projets de dématérialisation portés par l’Agence pour l’informatique financière de l’État, le projet d’opérateur national de paie ou le renouvellement des matériels de surveillance de la douane pour mieux lutter contre la fraude. Nous avons la conviction que préserver ces dépenses, c’est rendre possible les économies de fonctionnement des années à venir, tout en améliorant la qualité du service rendu aux usagers, particuliers et entreprises.
Avec la ministre de l’économie et des finances, nous avons souhaité que ce budget s’inscrive pleinement dans la stratégie de modernisation que nous appelons de nos voeux. La modernisation se traduit d’abord par la priorité accordée au numérique. La dématérialisation des processus sera un axe majeur en matière de fiscalité, de chaîne de la dépense, de relation avec les fournisseurs de l’État, comme de procédures douanières.
Le ministère est aussi très présent dans le choc de simplification voulu par le Président de la République, qui se traduit entre autres par le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, que l’Assemblée nationale a adopté au cours du mois d’octobre.
Enfin, le ministère de l’économie et des finances joue tout son rôle d’impulsion dans la modernisation des fonctions support de l’État grâce à des moyens portés par la mission dont vous examinez les crédits. Je pense à la politique des achats, avec le service des achats de l’État, à la politique immobilière pilotée au sein de la direction générale des finances publiques par France Domaine.
À ce titre, le compte spécial « Gestion du patrimoine immobilier » est un outil majeur de la politique immobilière de l’État, dont les orientations stratégiques pour les années à venir ont été présentées au Conseil de l’immobilier de l’État en mai dernier. Je tiens d’ailleurs à souligner l’action très remarquable de son président Jean-Louis Dumont, qui donne beaucoup, par son implication personnelle, pour moderniser la politique immobilière de l’État.
Nous sommes très attachés à l’optimisation du patrimoine de l’État et de ses opérateurs. Nous y voyons là une source d’économies importantes, mais cette politique contribue en outre à la modernisation du foncier public en faveur de la construction de logements sociaux, la transition énergétique et l’accessibilité des bâtiments.
Nous avons par ailleurs la volonté de maîtriser la mission « Régimes sociaux et de retraite », qui regroupe les subventions de l’État à certains régimes spéciaux de retraite déséquilibrés compte tenu de leurs caractéristiques démographiques : je pense à la SNCF, à la RATP, aux marins, aux mines, à la SEITA, pour un montant total qui n’est pas négligeable de 6,5 milliards d’euros en 2014. Nous réalisons là aussi des économies puisque le décalage de la date de revalorisation des pensions du 1er avril au 1er octobre 2014 entraînera une économie pour la mission de 40 millions d’euros. Par ailleurs, les différents régimes réaliseront un effort de maîtrise de leurs coûts de gestion que nous assumons.
Enfin, 155 millions d’euros viendront alimenter la mission « Provisions » pour faire face à des dépenses accidentelles imprévisibles, qui pourront être réparties en cours d’année en fonction des besoins.
Sur les sujets qui font l’objet de nos débats, je voulais donner rapidement les principaux chiffres et les principales orientations. Je forme le voeu que notre débat permette de répondre à l’ensemble des questions que les parlementaires peuvent légitimement se poser.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local et la facilitation et la sécurisation des échanges.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » qui comprend les crédits dédiés à la direction générale des finances publiques et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » (302), qui comprend les crédits dédiés à direction générale des douanes et des droits indirects représentent environ 87 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».
Je tiens tout d’abord à rappeler que ces programmes ne sont pas des programmes prioritaires au sens où l’entend le Gouvernement. Cela signifie qu’ils doivent continuer de fournir des efforts, notamment en ce qui concerne les réductions des effectifs, afin de contribuer à la réduction du nombre des agents de l’État.
Le ministère de l’économie et des finances en général, et la DGFiP et la DGDDI en particulier, ont réalisé des efforts très importants ces dernières années, tant en termes de réduction des effectifs que de baisse des moyens financiers. La DGFiP, administration nouvelle née d’une importante fusion, n’a cessé de s’adapter depuis sa création. Je tiens à saluer ces efforts.
En 2014, l’enveloppe des crédits de personnel accordée aux deux directions s’inscrira à nouveau dans une logique similaire à celle qui prévalait auparavant avec la révision générale des politiques publiques, soit un objectif de maîtrise des dépenses publiques. La sémantique change mais les objectifs restent bien les mêmes. Cette année, le ministère de l’économie et des finances devra à nouveau fournir un effort important en rendant 2 564 emplois.
Je souhaite appeler votre attention sur les projets stratégiques en cours d’élaboration dans ces deux importantes directions en réseau du ministère de l’économie et des finances. En effet, l’une et l’autre travaillent actuellement sur des feuilles de route pour la période 2014-2018 qui devraient permettre de dessiner leur avenir. Néanmoins les premiers retours de la démarche stratégique entreprise par la DGFiP m’ont laissé quelque peu sceptique, si ce n’est inquiet, ce processus n’ayant hélas, de stratégique que le nom. Les deux administrations se trouvent aujourd’hui confrontées à un principe de réalité. Le contexte budgétaire contraint actuel impose des réductions conséquentes de moyens humains et financiers. Mais ces efforts pour être viables sur le moyen et le long terme, ne peuvent être poursuivis que dans le cadre de grandes réformes structurelles. Pourtant, la DGFiP entend, à la suite de sa démarche stratégique, maintenir en l’état son réseau et l’ensemble du spectre de ses missions, et affirme même vouloir les conforter, voire en renforcer certaines, notamment celles ayant trait à la lutte contre la fraude fiscale. Or il me semble particulièrement difficile, voire illusoire, de vouloir maintenir l’ensemble des missions ainsi que le réseau de ces deux administrations sans engager de véritables et courageuses réformes structurelles.
Monsieur le ministre, vous m’avez indiqué que le programme de modernisation de la DGFiP, comme de la DGDDI, était pour vous une priorité et que ces projets stratégiques seraient porteurs de réformes structurelles. Néanmoins, ces dernières ne sont pas évidentes et le présent projet de loi de finances n’en apporte nullement la preuve. De véritables réformes structurelles devraient porter sur le périmètre des missions et sur l’évolution réelle du réseau de ces deux administrations. Ces réformes ne peuvent se limiter à une numérisation renforcée de la DGFiP et de la DGDDI. Or c’est là le seul axe de modernisation que vous nous proposez.
La numérisation est primordiale, mais elle ne constitue pas, à elle seule, une réforme structurelle. Par ailleurs, si la numérisation peut représenter une chance, en facilitant le travail des agents et en améliorant les rapports avec les partenaires et les usagers, elle peut également dégrader les conditions de travail, voire engendrer de nouvelles charges. Par exemple, la mise en place dans des délais très resserrés de la dématérialisation des procédures, qui a été récemment généralisée pour les entreprises, a conduit à déplacer le travail de certains agents, les obligeant à soutenir les entreprises pour les aider dans cette importante phase de transition. Un calendrier moins contraint aurait peut-être permis une évolution plus harmonieuse pour les entreprises comme pour les agents de la DGFiP, qui ont dû délaisser leurs missions pour s’atteler dans l’urgence à cette nouvelle tâche.
L’accueil des usagers, que celui-ci ait lieu de manière physique au guichet ou via des appels téléphoniques ou des communications électroniques, constitue, à mes yeux, un autre exemple éloquent de cette inadéquation entre le discours et les actes. Les besoins en termes d’accueil n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, et plus encore en 2013 avec une hausse de 840 000 foyers nouvellement imposables. Or les moyens n’ont cessé de baisser en matière d’accueil du public, dégradant par là même les conditions de travail des agents, résignés et mécontents, et la qualité du service rendu aux contribuables.
Concernant la DGDDI, mes inquiétudes sont similaires. Les missions seront officiellement maintenues, le réseau restera dense en apparence, mais sans réforme structurelle, réelle et courageuse, l’outil s’abîmera inexorablement. J’en veux pour preuve l’incapacité chronique de la DGDDI à maintenir ses capacités opérationnelles puisque ses crédits d’investissement sont sous-exécutés d’année en année. La douane a d’ailleurs dû renoncer récemment au renouvellement de deux vedettes garde-côtes.
Par ailleurs, je suis particulièrement préoccupé par le sort qui sera réservé aux 300 agents de la DGDDI qui auraient dû avoir en charge une partie du traitement de l’écotaxe poids lourds. Que vont devenir les cent quarante agents affectés au centre national de gestion de l’écotaxe implanté à Metz ? En outre, je déplore qu’il soit toujours si difficile d’obtenir des informations concrètes sur le niveau des pénalités qui pourraient être supportées par l’État en cas de prolongation de la suspension de l’écotaxe ou d’abandon pur et simple de celle-ci. Une meilleure information de la représentation nationale sur ce sujet me semble indispensable.
Les réformes structurelles nécessaires n’étant pas au rendez-vous pour ces deux administrations, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes 156 et 302.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Karine Berger, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la stratégie des finances publiques et la modernisation de l’État et la conduite et le pilotage des politiques économiques et financières.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, les programmes 218 et 221 avaient été constitués dans un contexte particulier celui de la RGPP. Le programme 221 notamment rassemblait l’action de la direction du budget, l’action d’une partie de la rémunération de la fonction publique et la DGME, devenu secrétariat général à la modernisation de l’action publique. Au fond, il rassemblait la façon dont l’actuelle opposition, c’est-à-dire l’ancienne majorité, voyait le pilotage des politiques publiques : réduire les dépenses,le pilotage « sous norme » et d’une certaine façon un intérêt moindre à la question de l’objectif final de ces politiques publiques.
Il nous revient de rendre de nouveau l’emboîtement de ces deux objectifs que sont le pilotage des finances publiques et le pilotage des politiques publiques beaucoup plus compatible. C’est en tout cas dans cet esprit que nous avons rédigé ce rapport cette année, tout en nous interrogeant sur la façon dont la direction du budget construit les documents budgétaires aujourd’hui et qui comporte deux risques.
Le premier risque est celui d’une approche exclusivement comptable qui resterait – ce qui n’est pas le cas, bien sûr – dans l’esprit initial de la RGPP. Il faut absolument éviter que la stratégie de finances publiques et le pilotage des politiques publiques ne se réduisent à un pilotage sous norme qui amènerait une logique comptable et non pas une logique de résultats qui est, je le répète, la grande avancée de la LOLF en 2001.
Deuxième risque : il faut se méfier d’une approche en termes d’objectif de politique publique qui n’accorderait pas un intérêt particulier à la question du niveau des dépenses publiques. C’est bel et bien à un emboîtement des deux qu’il convient de parvenir. De ce point de vue, notre rapport a abouti à trois conclusions-recommandations sur lesquelles nous allons essayer de vous convaincre afin qu’elles soient suivies dans les mois à venir.
Première recommandation : il convient absolument de réfléchir au nouveau pilotage du solde structurel, puisque nous ne sommes plus exclusivement dans une logique de solde nominal des dépenses publiques. Le rapport donne de nombreux exemples où la question de l’évaluation de la baisse des dépenses publiques ne recouvre pas exactement – c’est le moins que l’on puisse dire – une baisse des dépenses structurelles. Étant donné que nous pilotons désormais un solde structurel, nous devons, dans les documents budgétaires de l’année prochaine, nous intéresser à la notion de dépenses structurelles.
Deuxième recommandation : la notion de dépenses publiques même doit être revisitée puisque, dans le pilotage des finances publiques, il y a cette idée que nous pilotons au regard de dépenses tendancielles. Le rapport de l’Inspection générale des finances que vous avez bien voulu me transmettre après que j’en ai fait la demande, pointe le fait que la notion de dépenses tendancielles est encore débattue. Et puisqu’une grande partie du pilotage des finances publiques et la gestion des finances publiques se font au regard de cette norme, en tout cas de cette hypothèse d’évolution des dépenses tendancielles, il paraît très important que les documents budgétaires nous fournissent les chiffres et les hypothèses sur ces dépenses tendancielles.
La troisième recommandation dépasse un peu les programmes 221 et 218 puisqu’elle touche à la modernisation de l’action publique. Il s’agit de rendre peut-être un sens à la logique de la LOLF de 2001 qui raisonnait par missions et programmes avec comme recommandation forte que les ministères soient responsables de la réalisation de ces programmes et de ces missions avec des objectifs, des indicateurs de performance, toutes choses très importantes qui ont peut-être été un peu gommées quand nous construisons désormais le pilotage des dépenses publiques. Il convient probablement, et je l’avais suggéré au président de la commission des finances, que les parlementaires se saisissent, dans les mois qui viennent, d’une réflexion sur une LOLF bis, 2.0…
…qui permettrait de revenir à la logique de la LOLF, à savoir fonctionner par objectif, par mission de l’État, en évaluant ces objectifs au travers d’indicateurs de performance, sans jamais oublier que nous devons parvenir à des résultats en matière de dépenses publiques. Il ne faut donc jamais perdre de vue que la question de la norme des dépenses tendancielles et plus particulièrement la norme des dépenses structurelles doit être compatible avec ces missions.
Ces trois recommandations me conduisent à donner un avis favorable sur les programmes 218 et 221 et à souhaiter bon courage à l’ensemble des administrations qui devront produire tous ces éléments pour l’année prochaine.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
La parole est à M. Pascal Terrasse, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.
Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, mon rapport porte sur l’analyse des crédits du programme 148 « Fonction publique » et de la mission « Provisions ». Le contenu du programme 148 est beaucoup plus limité que son intitulé ne le laisse penser. En effet, ce programme détaille les crédits consacrés à la formation interministérielle des fonctionnaires de l’État – l’ENA et les cinq instituts régionaux d’administration – et les crédits engagés pour le financement de l’action sociale interministérielle. La dotation de la mission « Provisions » vise à couvrir les surcoûts dits exceptionnels, intervenant en cours d’exercice et très souvent liés à la survenance d’aléas, par exemple climatiques ou sanitaires.
Le programme 148 prend sa part de l’effort de redressement des finances publiques, puisque les autorisations d’engagement demandées pour 2014 d’un montant de 200,8 millions d’euros sont en baisse de 6 % par rapport à 2013 et les crédits de paiement d’un montant de 206 millions d’euros diminuent de 5,2 % par rapport à 2013. On nous demande souvent si nous réduisons les dépenses de l’État. Vous avez là un exemple concret d’économies substantielles de 5,2 %.
L’essentiel de l’effort d’économies repose sur l’action 2 du programme dédiée à l’action sociale interministérielle et non sur l’action 1 dédiée à l’ENA et aux IRA. En effet, les dotations aux écoles interministérielles de service public s’élèvent à 79 millions d’euros, en une augmentation de 2,7 % par rapport à 2013 tandis que pour 2014 les crédits pour l’action sociale interministérielle diminuent de manière significative par rapport à 2013 : 11 % pour les autorisations d’engagement d’un montant de 119,8 millions d’euros, et 9,7 % pour les crédits de paiement d’un montant de 125,2 millions.
L’action sociale interministérielle consiste en des prestations de nature collective, comme la réservation de logements sociaux ou de places en crèche ou la restauration, et quatre prestations individuelles : chèque-vacances, CESU-garde d’enfant, aide au maintien à domicile et aide à l’installation des personnels de l’État.
Les prestations concernées par la baisse sont l’aide à l’installation et le CESU-garde d’enfants, avec la suppression de la première tranche pour les catégories A et A supérieurs.
L’aide à l’installation des personnels de l’État, qui peut représenter 1500 euros pour un agent de catégorie C, n’est dotée d’aucun crédit en 2014, contre 4,8 millions d’euros en 2013. Je m’interroge sur le choix de supprimer cette prestation, si c’est le cas : faire des économies sur les agents de catégorie C pose problème, sachant que ce sont eux qui ont le plus de mal à s’installer dans les grandes villes, compte tenu du coût prohibitif des loyers.
J’ai souhaité dans mon rapport élargir le champ de la réflexion au-delà de l’étude des seuls crédits de cette mission et je voudrais insister tout particulièrement sur la politique ambitieuse du Gouvernement, malgré les faibles marges de manoeuvre budgétaires. Madame la ministre, vous avez engagé une véritable concertation avec l’ensemble des partenaires sociaux. Les organisations syndicales, que j’ai toutes reçues, m’ont fait part, comme l’a rappelé Karine Berger, de l’amélioration du dialogue social, alors que la RGPP se limitait à une vision très budgétaire. L’agenda social que vous avez proposé, par la concertation et la négociation, n’est pas de même nature. Les thèmes abordés couvrent l’essentiel des aspects qui importent pour la fonction publique : l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes avec la signature d’un protocole d’accord en mars dernier, les parcours professionnels, la déontologie, les conditions de travail, les droits sociaux, la lutte contre la précarisation de l’emploi public, la mobilité et la formation professionnelle. Je note enfin que le dispositif de féminisation que vous avez vous-même mis en oeuvre, madame la ministre, commence à porter ses fruits. Aujourd’hui, 34 % des primo-arrivants sont des femmes, notamment dans les filières de direction de votre administration ; je tenais à le souligner.
Enfin, l’objectif du Gouvernement en matière de fonction publique dans le cadre de la stratégie de redressement des comptes publics est de stabiliser la masse salariale, ce qui signifie stabiliser les effectifs et encadrer les rémunérations. Je le répète, 13 158 postes de fonctionnaires sont supprimés : ce n’est jamais arrivé dans le passé.
Bien évidemment, il y a des compensations dans les domaines liés aux actions prioritaires de l’État. Nous avons fait des choix ; nous avons expliqué devant les Français que l’éducation nationale, la police, la justice devaient être prioritaires. Par voie de conséquence, des postes seront créés dans ces secteurs.
Malgré le gel des évolutions de rémunération, vous avez souhaité par ailleurs donner la priorité aux agents de catégorie C. C’est une bonne chose. Je n’entre pas dans le détail, mais ces revalorisations sont mensuelles importantes pour ces fonctionnaires.
Enfin, je reviendrai sur l’article 67, puisqu’il va nous occuper pendant un certain temps : il porte sur le jour de carence. Sans entrer dans les détails, j’aurai l’occasion de répondre à ceux de mes collègues qui ont déposé des amendements. Avec ce jour de carence, on a cherché à faire une économie, mais le résultat n’a pas été à la hauteur. Nous en avions discuté en commission, avec le rapporteur général et le président de notre commission ; le choix fait par le Gouvernement de supprimer ce jour a du sens, parce que l’amélioration du contrôle permettra de faire des économies. le montant en jeu est d’environ 60 millions d’euros.
Je crois néanmoins qu’il faudra aller plus loin, vers un dispositif de prévoyance, tel qu’il existe aujourd’hui pour 78 % des salariés du privé. Cela a un coût pour l’État, mais il faudra y réfléchir.
En tout cas, j’engage quant à moi le Gouvernement et mes collègues parlementaires à réfléchir à cette possibilité.
La parole est à M. Jean-Louis Dumont, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la politique immobilière de l’État et la gestion du patrimoine immobilier de l’État.
C’est en 2005 qu’a été instaurée une politique immobilière de l’État : elle a permis d’améliorer la gestion, la valorisation et l’utilisation des biens. Néanmoins, il reste encore beaucoup à faire ; au-delà du parc, qui est plus adapté, moins coûteux et commence à respecter les normes édictées par la volonté politique, normes réaffirmées ici par les ministres successifs et les différents gouvernements, il reste beaucoup à faire, ne serait-ce que pour rappeler que les douze mètres carrés par agent constituent un plafond et non un plancher.
Nous définirons cela pour l’année prochaine.
Au niveau budgétaire, c’est un compte d’affectation spécial ouvert en 2006 qui permet de retracer les cessions de biens immobiliers, les dépenses liées à des investissements et à de grosses réhabilitations, ainsi que les dépenses globales en matière d’immobilier.
De plus, le programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », permet de mutualiser des crédits relatifs aux dépenses d’entretien.
Pour 2014, les prévisions de cession sont en légère diminution, passant à 470 millions d’euros. Compte tenu de la situation du marché de l’immobilier, ce repli est sensible depuis plus de deux années. Avec 550 millions d’euros en crédits de paiement et 565 millions en autorisations d’engagement, les autres dépenses sont en augmentation.
Le différentiel de 80 millions, que chaque parlementaire ne manquera pas de relever, est largement couvert par l’ensemble des gains réalisés sur cette ligne. C’est une obligation légale : à partir de 2014, les recettes tirées des cessions devront permettre de financer à hauteur de 30 % le désendettement de la nation.
Les 80 millions escomptés pourront donc être couverts. Il n’empêche, monsieur le ministre, qu’une fois de plus je dois souligner l’absence d’une mutualisation complète et des recettes, et de la solidarité par rapport au désendettement. De même, il n’y a pas de solidarité totale quant à l’affectation des sommes permettant l’entretien des bâtiments de l’État. Le ministère de la défense n’y contribue pas. Le ministère des affaires étrangères, parce que ses biens immobiliers sont disséminés à travers le monde, rencontre des difficultés de gestion qui l’exemptent de cette mutualisation.
Je crois que lorsqu’on édicte une règle, il faut qu’elle puisse s’appliquer à tous les ministères, d’autant qu’ici ou là, on en profite pour s’exonérer de la règle des douze mètres carrés, pour s’exonérer de l’effort de valorisation du patrimoine.
Pourtant, je l’ai déjà dit, il y a bien des progrès à faire. Vous-même, monsieur le ministre, ministre du domaine, lorsque vous êtes venu devant le Conseil immobilier de l’État, vous avez rappelé avec force, calme et détermination que vous comptiez mener avec la plus grande rigueur votre politique.
Encore faut-il que les messages passent dans tous les ministères et chez tous les opérateurs de l’État. C’est pourquoi le document de politique transversale qui est paru avant notre débat est intéressant. Cette année, il est plus dense que d’habitude ; il comporte des informations très positives, mais on remarque aussi que des lignes et des colonnes sont vides.
J’ose espérer, monsieur le ministre, que dès l’an prochain, nous aurons un document de politique transversale qui rassemble toutes les politiques financières en matière d’immobilier, c’est-à-dire un document beaucoup plus complet.
Par exemple, puisque j’évoquais le ministère de la défense, parlons de la Gendarmerie nationale. En visitant son parc immobilier, je m’étais rendu compte de son état. Comment voulez-vous être efficace, si le ministère de la défense considère qu’il a d’autres priorités, alors qu’il faudrait d’abord donner à nos forces de sécurité, forces de l’ordre, des locaux d’accueil et de repos dignes de ce nom ?
Je vais conclure en disant qu’il y a tout de même des exemple de gestion qui méritent une attention particulière. J’ai à l’esprit le cas du site de Picpus. Le ministère de l’agriculture a fait des études, et un permis de construire, encore valable, a été abandonné, après 27 millions d’euros de dépenses. Un autre ministère, celui de l’enseignement supérieur et de la recherche, s’est alors intéressé au terrain ainsi abandonné à Picpus, où est installé l’Office national des forêts, dont la tour mérite un intérêt particulier.
Je suis sûr qu’à droite, à gauche, au centre, des collègues savent ce qu’est la gestion des forêts, qu’elles soient domaniales, communales ou même privées. Que veut-on faire de l’ONF ?
Rappeler à l’ensemble des ministres ce qu’est une bonne gestion, ce serait des gains financiers pour l’ensemble des opérateurs et éviterait bien des dépenses à terme.
Voilà, monsieur le ministre, très rapidement, l’état de ce compte qui mériterait une gestion plus dynamique et les données qui permettraient cette bonne gestion de l’immobilier de l’État et de ses opérateurs.
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, suppléant M. Yves Censi, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour les régimes sociaux et de retraite et les pensions.
En 2014, les crédits demandés pour le financement des retraites de la fonction publique et des régimes spéciaux s’élèvent à 62,8 milliards, soit près de 22 % des dépenses inscrites au budget général. Les pensions de l’État et des régimes spéciaux constituent donc un enjeu considérable pour les finances publiques, ces 62,8 milliards de pensions devant être rapprochés du montant de la masse salariale de l’État, lequel s’élève à 81 milliards.
Au 31 décembre 2012, les engagements de retraite des fonctionnaires civils de l’État et des militaires se situaient à environ 1 498 milliards, ce qui correspond à près de 74 % du PIB.
Je tiens à le préciser, le régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires est concerné par la réforme des retraites en cours d’examen au Parlement. Ainsi, les fonctionnaires, militaires et régimes spéciaux, seront concernés par les mesures générales destinées à garantir l’avenir des retraites – hausse de cotisations et augmentation progressive de la durée d’assurance à l’horizon 2017. La date de revalorisation des pensions sur l’inflation sera également décalée du 1er avril au 1er octobre 2014.
À titre liminaire, je rappellerai qu’un compte d’affectation spéciale, ou CAS, a pour objet d’isoler certaines recettes et dépenses du budget de l’État qui, en raison de leur nature, doivent faire l’objet d’une comptabilisation particulière. Un compte spécial constitue donc une exception au principe de non-affectation des recettes. Le CAS « Pensions » permet de centraliser et de présenter de façon synthétique l’ensemble des crédits que l’État consacre au service des pensions et des allocations viagères.
Les autorisations d’engagement et crédits de paiement demandés pour 2014 s’élèvent à 57,25 milliards, ce qui représente une progression de 0,87 % par rapport à 2013.
Le compte se compose de trois programmes : le programme 741 « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires d’invalidité », le programme 742 « Ouvriers des établissements industriels de l’État » et le programme 743 « Pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre et autres pensions ».
En 2014, les dépenses au titre du programme 741 s’élèveront à 52,3 milliards, soit une hausse de 1,7 % par rapport à 2013. Le programme 741 représente à lui seul 92 % des dépenses inscrites dans le CAS. Fait notable, cette année : les taux de contribution employeurs n’ont pas augmenté pour la première fois depuis la création du CAS en 2006. Les taux seront donc identiques à ceux de l’an dernier, soit 74,28 % pour les fonctionnaires civils et 126,07 % pour les militaires.
Enfin, le taux de cotisation salariale passe de 8,66 % en 2012 à 8,76 % pour 2013 conformément aux dispositions de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010.
Suite à l’actuelle réforme des retraites, une augmentation du taux de la retenue pour pension des fonctionnaires de 0,06 point a été prise en compte dans l’équilibre du CAS « Pensions » pour 2014. D’ici 2017, il est prévu que le taux de cotisation salariale augmente de 0,3 point comme pour le régime des salariés de droit privé.
Notons que l’inflation, surestimée à 1,75 %, s’est en réalité élevée à 0,8 % seulement, ce qui représente pour le CAS une économie de 400 millions. Je rappelle à toutes fins utiles que les économies générées par la réforme de 2010 sont estimées à 1,32 milliard en 2014.
La Mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe des crédits concourant à financer des régimes spéciaux de retraite structurellement déficitaires ou des dispositifs de cessation d’activité. Les crédits inscrits sur cette mission s’élèvent à 6,53 milliards pour 2014, montant équivalent à celui de la loi de finances pour 2013.
La mission « Régimes sociaux et de retraite » comporte trois programmes d’inégal volume.
Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres » est essentiellement constitué des subventions d’équilibre aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP. Au total, il est doté de 4,1 milliards, ce qui est à tout le moins considérable !
Comme je l’ai fait l’an dernier lors de la présentation de cette mission en tant que rapporteur spécial, je reprends le rapport de la Cour des comptes de septembre 2012 sur les réformes des régimes de retraite de la SNCF et de la RATP.
La Cour déplore que les différentes réformes de ces régimes se caractérisent davantage par leur aspect symbolique que par leur contribution à l’équilibre des finances publiques. Espérons qu’il n’en sera pas de même pour les réformes à venir.
Le programme 197 « Régimes de retraite et de Sécurité sociale des marins » retrace principalement la subvention d’équilibre de l’État pour les charges de retraites. Il est doté de 829 millions pour 2014, soit une légère baisse de 1,2 % par rapport à 2013.
Il convient de noter que l’ENIM, l’établissement national des invalides de la marine, a fait l’objet d’une profonde réorganisation qui a conduit à une réelle maîtrise des frais de gestion.
Enfin, le programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », qui bénéficie de 1 514 millions, est le support budgétaire des participations de l’État à différents régimes de retraite en voie d’extinction. La plus grosse participation est faite à la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines, ce régime se caractérisant par un déséquilibre extrême entre cotisants et pensionnés.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour la fonction publique.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, les crédits – 200,85 millions en autorisation d’engagement et 206,290 millions en crédits de paiement – pour la formation des fonctionnaires et l’action sociale interministérielle correspondent aux priorités définies par les pouvoirs publics. Ils participent d’une politique de gestion active de la fonction publique dans un contexte budgétaire difficile, pour ne pas dire contraint.
La politique conduite au sein des trois fonctions publiques ne saurait pourtant se réduire à ces simples considérations strictement financières.
Je tiens à souligner ici la nécessité de poursuivre – madame la ministre, si vous m’écoutiez… –…
Sourires
Je faisais simplement un compliment à Mme la ministre qui semblait ne pas vouloir l’entendre !
Sourires
…la démarche de dialogue nouée entre le Gouvernement et les partenaires sociaux dans le cadre de l’agenda social.
Au cours des auditions que j’ai réalisées dans le cadre de l’élaboration de l’avis de la commission des lois, les représentants des organisations syndicales se sont félicités de la reprise d’un véritable dialogue social au sein des trois fonctions publiques. Ils l’ont tous dit et je l’ai acté, monsieur Sauvadet !
De fait, dans le cadre de l’agenda 2012-2013, la politique de concertation menée par le Gouvernement a permis de lancer des concertations sur de nombreux thèmes tels que les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations, l’action sociale ou la formation professionnelle tout au long de la vie.
Et les grèves ? Ce sont des grèves de contentement sans doute ? Les fonctionnaires font la grève parce qu’ils sont heureux !
Bien des réformes restent à accomplir, de nombreux chantiers doivent être menés à bon port. Dans le rapport remis la semaine dernière au Premier ministre, M. Bernard Pêcheur a ouvert un certain nombre de pistes. Il importe que nous les examinions de manière approfondie dans le cadre d’un dialogue ouvert et transparent sur le long terme. C’est dans cette optique que j’aborde pour ma part la question de la suppression du jour de carence, lequel constitue un problème complexe.
Première chose à observer : nul ne doit être sanctionné parce qu’il est malade, même si je partage la préoccupation exprimée par les auteurs de plusieurs amendements en ce qui concerne l’existence de situations parfois propices à l’absentéisme au sein des trois fonctions publiques. Quoi qu’il en soit, cela serait se tromper que de tenir l’application du jour de carence pour l’alpha et l’oméga de la lutte contre l’absentéisme dans la fonction publique.
L’impact très relatif de l’application du jour de carence ne saurait en tout cas détourner les pouvoirs publics d’une véritable réflexion sur les moyens de prévenir les situations d’absentéisme dans les fonctions publiques.
D’après les réponses au questionnaire budgétaire commun adressé au ministère de la fonction publique – monsieur Sauvadet, cela va vous intéresser…–
…l’exploitation des fichiers mensuels de paye des agents de l’État montre qu’en 2012 près de 500 000 d’entre eux ont fait l’objet d’une retenue pour journée de carence et 755 000 journées de carence ont été comptabilisées.
Ces chiffres ne peuvent laisser indifférents car ils témoignent potentiellement de l’existence de conditions de travail parfois difficiles, en tout cas peu propices au bon fonctionnement des services publics.
Quant à la comparaison avec le secteur privé, rappelons que les conventions collectives assurent la prise en charge de la journée de carence dans de très nombreux cas.
Dans ces conditions, je pense qu’il ne serait pas hors de propos de réaliser, madame la ministre, un travail d’évaluation – sur le moyen terme – de l’application du dispositif alternatif porté par l’article 67 du projet de loi de finances pour 2014.
L’intérêt d’une telle évaluation doit également nous conduire à prendre toutes les mesures nécessaires pour que la fonction publique garantisse l’efficacité des administrations et des services publics.
Dès lors, la problématique de la lutte contre les discriminations se révèle d’autant plus essentielle qu’elle met en lumière des défis qu’à l’instar de la société française la fonction publique doit relever, qu’il s’agisse du renouvellement des rapports et conditions de travail, de l’égalité professionnelle entre les sexes ou de l’intégration de la diversité.
J’ai entendu, madame la ministre, un certain nombre de réponses que vous avez formulées à l’endroit de mes propositions et j’en suis satisfait. Je note, en tout cas, que la mobilisation dont les personnes publiques ont fait preuve en 2013 est satisfaisante, notamment, s’agissant de l’application des dispositions de la loi du 12 mars 2012 en matière de nominations équilibrées entre chaque sexe mais, également, à travers des engagements prometteurs tels que le protocole d’accord du 8 mars 2013 relatif à l’égalité professionnelle. Néanmoins, il me semble que nous pourrions amplifier cet effort et franchir de nouveaux caps en envisageant la mise en place de nouveaux instruments et de nouvelles politiques.
J’ai évoqué de tels instruments : l’institution d’un observatoire des discriminations dans la fonction publique ; la consécration d’une part de 10 % du volume horaire de la formation initiale et continue des fonctionnaires à l’apprentissage de la gestion des situations de discriminations ; l’institution auprès de chaque employeur public d’un comité des rémunérations ; la possibilité de saisir le Conseil d’État à la demande du Premier ministre afin d’obtenir un avis sur la possibilité, pour le juge administratif, en dehors de toute disposition législative expresse, de prononcer l’annulation de nominations ne respectant pas l’objectif d’une représentation équilibrée de chaque sexe.
Aussi, madame la ministre, vous en serez satisfaits : je voterai les crédits de la mission, en souhaitant que les réponses positives que vous avez apportées à mes demandes concernant la lutte contre les discriminations trouvent, dans l’année qui vient, une traduction rapide et concrète.
Nous en venons aux porte-parole des groupes.
La parole est à Mme Virginie Duby-Muller pour le groupe UMP et pour cinq minutes.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour nous pencher sur les crédits des missions « Gestion des Finances Publiques et des Ressources Humaines », « Régimes sociaux et de Retraite », « Provisions » et « Politique immobilière de l’État. »
Nous sommes heureux, madame la ministre de la fonction publique, de vous avoir avec nous. Lundi dernier, en commission élargie, nous avions regretté votre absence en raison de la remise du rapport Pêcheur sur l’évolution de la fonction publique. Vous allez donc pouvoir nous en parler aujourd’hui et répondre aux interrogations de la représentation nationale.
Pour ma part, et au nom du groupe UMP, je reviendrai sur les points qui nous tiennent à coeur, à savoir les effectifs, le jour de carence, la convergence public-privé et la politique immobilière de l’État.
En commission, je vous ai fait part de notre scepticisme devant la réalité de la baisse des effectifs de la fonction publique. Certes les crédits diminuent ainsi que le nombre d’emplois équivalent temps plein ; pourtant, la France détient toujours un record mondial avec 90 fonctionnaires pour 1 000 habitants contre 50 en Allemagne, soit, le double.
Le rapport Pêcheur sera-t-il un déclencheur afin que la baisse des effectifs publics et de la masse salariale que nous attendons soit réelle ? Rien n’est moins sûr, même si son auteur est clair lorsqu’il écrit, page 61 : « La France, qui est un grand pays développé, ne peut avoir pour ambition d’avoir des fonctionnaires et des militaires « au rabais », une fonction publique sous-développée. S’il y a trop de fonctionnaires, il faut en réduire le nombre et non pas les sous-payer ».
Si on observe une légère baisse des effectifs au niveau de la fonction publique d’État, on remarque un comportement inverse dans la fonction publique territoriale – d’où une véritable schizophrénie.
La Cour des comptes, dans son premier rapport sur les finances locales publié le 14 octobre, pointe ainsi l’augmentation constante de la masse salariale des collectivités territoriales – particulièrement du bloc communal – et invite l’État à limiter les mesures susceptibles d’entraîner une hausse de la masse salariale du secteur local puisque 40 % de cette hausse en 2012 résultent de mesures législatives et réglementaires.
Ces dernières vont s’amplifier en 2014 avec l’abrogation du jour de carence, l’extension de la réforme des rythmes scolaires et l’augmentation salariale des agents de catégorie C dès le mois de janvier.
Attention, monsieur le ministre chargé du budget, à l’effet d’affichage de chiffres rassurants au sommet de l’État quand vos collègues du Gouvernement ont la main lourde sur les créations de postes de fonctionnaires ou qu’ils prennent des mesures coûteuses ou peu efficientes !
Il en est ainsi du jour de carence annoncé à la surprise générale en début d’année par vous-même, madame la ministre.
Il s’agissait en réalité d’un hochet, offert en contrepartie du maintien du gel d’indice. L’instauration du jour de carence par Nicolas Sarkozy avait permis d’économiser 164 millions d’euros dans les trois fonctions publiques. Selon vos prévisions, sa suppression en coûtera 157, et on peut penser que ce sera davantage.
Cette mesure répondait pourtant à un impératif de justice et d’équité et avait fait ses preuves en réduisant l’absentéisme, en particulier dans la fonction publique hospitalière. Dans un souci de convergence entre la fonction publique et les emplois du secteur privé, le groupe UMP demandera, par le biais d’amendements, le rétablissement du jour de carence, voire davantage.
Sur les retraites maintenant, M. le ministre de l’économie avait fait la réponse suivante à mon collègue Yves Censi, qui l’avait interrogé en commission élargie sur la convergence avec le régime général : « Les régimes spéciaux seront bien concernés par la nouvelle réforme. Il n’y a pas de rapprochement supplémentaire, mais nous ne creusons pas l’écart. » Heureusement car les Français – comme l’a fait remarquer François Sauvadet – attendaient que vous réduisiez pour de bon ce hiatus entre le public et le privé !
Concernant la politique immobilière de l’État, votre rapporteur très consciencieux, pour ne pas dire très critique, vous a fait remarquer que la gestion de l’immobilier de l’État nécessitait plus de rigueur et de cohérence si vous vouliez faire des économies Nous avons apprécié les réponses détaillées de M. Moscovici et espérons que le président du Conseil immobilier de l’État sera entendu.
Je voudrais terminer par deux questions : l’avenir du métier de douanier et la prime de vie chère en Haute-Savoie. Malgré les réponses apportées à mon collègue Camille de Rocca Serra pour son rapport, les douaniers ressentent un malaise profond : alors que les indicateurs de leurs performances sont bons, les restructurations continuent et les effectifs diminuent, et la situation risque de s’aggraver avec le projet stratégique « Douane 2018 ». Les douaniers ont pourtant un rôle fondamental en matière de recette fiscale et de lutte contre les trafics et la contrefaçon. Comment entendez-vous assurer l’avenir de cette administration et quel sens entendez-vous donner au métier de douanier ?
S’agissant maintenant de la prime de vie chère, le rapport Pêcheur traite, entre autres choses, de la nécessaire mobilité des fonctionnaires, ce qui suppose une attractivité identique de toutes les régions. Or le coût du foncier et de la vie quotidienne s’avère plus élevé dans certaines d’entre elles : c’est par exemple le cas de la Haute-Savoie, du fait de sa proximité avec la Suisse. En Île-de-France, les fonctionnaires bénéficient d’une indemnité de résidence équivalant à 3 % de leur traitement brut, ce qui n’est pas le cas en Haute-Savoie, alors que le logement y est aussi cher.
J’ai bien noté que le rapport Pêcheur préconisait de dresser d’ici 2014 un panorama complet du paysage indemnitaire pour le simplifier. Je veillerai, avec mes collègues du département, à ce que les fonctionnaires haut-savoyards qui ont un coût de la vie élevé ne soient pas oubliés.
Pour conclure, alors que le rapport Pêcheur met pour la énième fois en exergue le besoin de mobilité dans la fonction publique, souligne la nécessité d’une vraie gestion des ressources humaines, lève le tabou du nombre de fonctionnaires, de la complexité inouïe des primes et de l’absence de données consolidées sur ces sujets pour l’ensemble des trois versants de la fonction publique, on pourra regretter, comme l’a fait remarquer Libération, qu’il n’appelle pas à un « grand chambardement ». Il n’entraînera pas le Big Bang attendu, nécessaire à l’assainissement de notre pays.
Dans ces conditions, vous ne serez pas surpris d’apprendre que le groupe UMP ne votera pas les crédits de cette mission.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Sauvadet, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, vous comprendrez que je ne me limite pas strictement aux termes de la mission dont nous discutons aujourd’hui, même si elle est importante, comme l’a rappelé le ministre du budget, puisqu’elle relève du périmètre du ministère de l’économie et des finances. Le pilotage de la modernisation de l’État et les politiques de formation et d’action sociale interministérielle des fonctionnaires ne sont pas des actions mineures ; nous allons, en outre, voir la création d’un nouveau corps interministériel, qui répondra à une attente forte de voir se rapprocher des politiques sociales, qui jusqu’à présent n’étaient pas coordonnées.
Il ne s’agit donc certainement pas d’un sujet mineur, mais vous comprendrez qu’au nom du groupe UDI, je m’exprime plus globalement sur la politique du Gouvernement vis-à-vis de la fonction publique.
Cette question concerne un grand nombre de nos compatriotes, puisque 20 % de l’emploi en France se trouve dans la fonction publique, qu’il s’agisse de la fonction publique d’État, de la fonction publique hospitalière ou de la fonction publique territoriale. Je rappelle que lorsqu’une décision est prise dans la fonction publique d’État, elle a aussi des conséquences sur la fonction publique territoriale et sur l’ensemble de nos collectivités – j’y reviendrai.
S’agissant d’abord de la méthode, madame la ministre, pour ma part je vous excuse….
Merci !
…de n’avoir pas pu être présente lors de la commission élargie, puisqu’au moment même où nous examinions les crédits de cette mission, vous étiez appelée par le Premier ministre pour la présentation du rapport Pêcheur, relatif à l’avenir de la fonction publique. Il y a cependant là, à mon sens, un problème d’organisation de nos travaux, dont je ferai part au président de notre assemblée, et dont j’aimerais que vous fassiez part au chef du Gouvernement. Je souhaite que le Parlement et les parlementaires soient respectés. Il est quand même anormal que l’on remette au Premier ministre un rapport sur la fonction publique, qui pourrait faire l’objet d’un débat complémentaire au Parlement au moment de l’examen du budget, et que cela vous empêche d’être présente en commission élargie ! Je vous demande de transmettre ce message au Premier ministre. Le Parlement doit être respecté si l’on veut que les institutions de la République soient respectées.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
…puisque vous ne pouviez pas faire autrement, sauf à vous soustraire à l’autorité du Premier ministre, ce qui serait pour lui une préoccupation supplémentaire.
En effet, inutile d’en rajouter, puisque chaque jour lui apporte déjà son lot de problèmes !
En tout cas, j’aurais aimé savoir quels sont vos projets pour la fonction publique. Vous avez à cet égard beaucoup critiqué la manière dont la précédente majorité a piloté la fameuse révision générale des politiques publiques, mais vous êtes en train de faire pire dans un certain nombre de ministères, ô combien pire !
Il ne s’agit pas d’une question anodine puisqu’elle concerne de nombreuses personnes et représente, vous le savez, monsieur le ministre chargé du budget, 80 milliards d’euros de traitements – 120 milliards si l’on compte les pensions. Tous les grands pays qui ont été confrontés, comme nous, à une crise majeure ont réduit le périmètre de leur fonction publique. Ils ont fait de l’allégement de leur fonction publique une priorité afin de la rendre plus efficiente. Je regrette que vous ayez balayé d’un revers de main cette nécessité qu’il y a à alléger le poids de la fonction publique dans le budget de l’État.
Le Président de la République avait annoncé la création de 60 000 ou 65 000 postes de fonctionnaires dans certains grands ministères qui pèsent déjà beaucoup dans la fonction publique d’État, notamment l’éducation nationale. Vous avez fait bien pire, vous disais-je, car pour créer ces postes sans augmenter le nombre de fonctionnaires, vous avez pris des mesures d’une violence inouïe dans l’ensemble des autres ministères que vous qualifiez de non prioritaires, mais qui assument une mission régalienne au nom de l’État.
Vous nous dites, madame la ministre, que cela n’aura pas une incidence trop importante sur le territoire. J’observe d’abord que, contrairement à ce que vous avez dit, vous n’avez pas baissé les effectifs depuis dix-huit mois ; au contraire, entre votre arrivée au pouvoir et la fin de l’année 2014, vous aurez augmenté les effectifs de la fonction publique de 3 347 personnes, quand le précédent Gouvernement en avait déjà supprimé plus de 60 000.
Je ne dis pas que cela doive être votre objectif, mais il importe d’alléger la fonction publique, et nous nous y sommes employés.
Venons-en ensuite à la traduction de cette politique sur le terrain. Tout se passe en silence, sans que la chose ait été discutée avec quiconque. Vous avez évoqué la technique de l’ATESAT. Ici même, à cette tribune, lors du débat sur la redéfinition des périmètres des cantons, qui va engager une nouvelle réorganisation territoriale, le ministre de l’intérieur m’avait dit, au nom du Gouvernement, que jamais l’ATESAT ne serait supprimée dans les territoires, parce que l’aide aux communes est une priorité. Cela s’est fait discrètement, et il a fallu que je reçoive un jour une note d’un préfet pour apprendre qu’elle serait supprimée en 2014 !
Si c’est cela, votre façon de voir l’avenir de la fonction publique !
Tout cela me préoccupe beaucoup, car nous allons assister à un lent délitement de l’ensemble de la présence territoriale, que va accélérer la suppression de la moitié des chefs-lieux de cantons de France, puisque c’est autour de ces nouveaux périmètres que va s’organiser la fonction publique.
Il en va de même de la réforme des retraites, pour laquelle je trouve qu’il y a eu également beaucoup d’injustice. Vous demandez des efforts aux Français, mais dans la fonction publique, comme l’a rappelé ma collègue à l’instant, votre seule volonté a été de ne pas creuser l’écart ! En termes de justice, ce qu’il faut, c’est rapprocher les efforts qui sont consentis par l’ensemble des Français de ceux qui sont demandés à notre fonction publique, et de ce point de vue, je trouve que votre réforme est particulièrement injuste.
Je voudrais, pour terminer, revenir sur la suppression du délai de carence. Je n’en fais pas un dogme : il est évident qu’une personne qui est malade ou qui rencontre des difficultés dans son travail doit être entendue. Vous savez combien j’ai été attentif – et nous devons tous l’être – aux risques psychosociaux : il faut prêter attention à l’autre. Mais franchement, revenir sur le délai de carence, ce n’est pas rendre service à notre pays, ce n’est pas rendre service à la fonction publique et ce n’est pas rendre service à l’ensemble des Français, qui, dans le privé, ont un délai de carence de trois jours.
Vous nous dites que des complémentaires permettent de compenser l’absence ou le salaire, mais cela ne concerne que 60 % des Français : beaucoup de personnes, notamment des artisans, ne sont pas concernées. Je répète que je ne fais pas un dogme du délai de carence, mais nous avons bien constaté qu’il a changé la donne dans nos collectivités : les absences dites de confort ont baissé – la fédération hospitalière de France a noté une amélioration. Que certains ne viennent pas travailler pendant une journée et touchent à la fois leur traitement et leur prime, vous trouvez cela normal ?
Non !
Enfin, vous dites que cela n’a pas apporté ce que l’on attendait : mais c’est précisément parce que cela a fonctionné ! Si cela a rapporté moins que prévu, c’est précisément parce que des fonctionnaires qui s’absentaient pour des raisons de confort sont revenus au travail.
Je l’ai constaté moi-même dans mon conseil général. Pourquoi revenir sur cette question, alors que vous n’avez pas les moyens de mener une politique pour la fonction publique ? Vous n’allez vous occuper que des fonctionnaires de catégorie C, mais que va-t-il se passer pour les autres ?
Il faut que vous clarifiez ce que vous attendez et les réformes que vous voulez engager. En tout cas, cela passera impérativement par une modernisation, une réduction du nombre de fonctionnaires d’État et une clarification avec les collectivités locales.
Pour ces raisons, le groupe UDI ne vous accordera pas sa confiance sur ce sujet.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mesdames et messieurs, j’évoquerai d’abord un sujet auquel je suis très attaché, comme M. le ministre chargé du budget le sait, celui de la fraude.
La volonté politique de lutter contre la fraude et les trafics est réelle et soutenue, depuis des mois déjà. Depuis le début de notre mandat…
…la majorité et le Gouvernement ont travaillé à renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale et cherchent à ouvrir une troisième voie – car c’est bien cela l’enjeu – entre l’austérité, d’une part, et l’augmentation des impôts, d’autre part, pour redresser les comptes publics.
Le maintien des crédits des programmes 156, consacré notamment à garantir le recouvrement des recettes publiques, et 302, qui concerne la lutte contre la fraude menée par les services des douanes, s’inscrit dans la continuité de cette action ambitieuse.
Le ministre de l’économie m’a confirmé en commission élargie que les capacités de la DGFIP pour mener à bien sa mission de lutte contre la fraude seraient maintenues. Il nous a également assurés de la création de nouveaux instruments juridiques permettant d’agir efficacement en matière de détection et de recouvrement. Les écologistes se réjouissent évidemment de ces engagements. En effet, la mise en oeuvre de la loi de lutte contre la fraude, que notre assemblée a votée il y a peu, et la réussite de cet axe prioritaire dépendent des moyens alloués.
Il est néanmoins regrettable que la priorité donnée à la détection de la fraude n’apparaisse pas plus nettement dans nos indicateurs. Un des moyens lisibles de la mesurer consisterait à évaluer la part des effectifs dédiés à ces actions ; il serait sans doute possible d’imaginer d’autres indicateurs, mais le Parlement et le Gouvernement ont en tout cas tout intérêt à insister sur les mesures qu’ils prennent en ce domaine, des mesures volontaristes qui permettront d’éviter des augmentations d’impôt.
Je sais votre volonté de ne pas créer d’illusions excessives quant à notre capacité de récupérer les 50 milliards dont on parle.
Vous devriez prendre le sujet un peu plus au sérieux, cher collègue !
Deux milliards de plus ont été récupérés cette année et nous pouvons sans doute espérer davantage dans les années à venir. Mais je crois vraiment que le Gouvernement a intérêt à communiquer davantage sur cette question.
Deuxième point, nous avons été nombreux, en commission élargie, à soulever la question des modalités du report de la taxe poids lourds, notamment en ce qui concerne les 350 emplois dédiés au traitement de cette taxe sur 2013 et 2014. Vous nous avez indiqué, madame la ministre, que ces agents seraient affectés à des missions temporaires et que le report de l’entrée en vigueur de la taxe aurait donc peu de conséquences concrètes. Cependant la mise en place de cette taxe semble avoir mobilisé de manière importante les services des douanes. Cet impact en termes de temps consacré à sa mise en oeuvre, mais aussi en termes de recette non perçue est sans doute moins faible que vous ne l’aviez indiqué.
Enfin, trois questions me tiennent particulièrement à coeur : l’éco-conditionnalité des achats de l’État, l’accompagnement de la
dématérialisation des services et la réhabilitation thermique du patrimoine et des bâtiments de l’État.
S’il est nécessaire de réaliser des économies sur les achats, le moindre coût ne peut être le seul critère. Il est essentiel de créer un indicateur appréciant, d’une part, la qualité des achats en terme social et environnemental et, d’autre part, l’impact de nos achats sur la balance commerciale. Ces deux indications pourraient nous être très utiles.
Il m’a par ailleurs été confirmé que la dématérialisation des services aux usagers serait accompagnée, notamment pour les publics fragiles et ceux qui n’ont pas accès à internet. Je reste néanmoins inquiet de la fracture numérique qui divise notre pays et qui pourrait marginaliser certaines personnes.
Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quelles mesures pourront être prises dans ce sens, et quels indicateurs pourraient être utilisés ?
Par ailleurs, si le Gouvernement a démontré sa volonté d’entretenir régulièrement les bâtiments du patrimoine de l’État, nous aurions besoin d’indicateurs nous permettant de mesurer le parcours accompli. Je pense notamment au programme Display, encouragé par l’Union européenne, qui prévoit l’affichage des performances énergétiques du bâtiment en termes de rejet de carbone, de consommation d’eau et d’énergie. Où en sommes-nous dans la mise en oeuvre de ce programme ?
Une autre directive européenne fixe l’objectif d’un renouvellement de 3 % du patrimoine de l’État tous les ans. Là encore, nous aurions tout intérêt à disposer d’un indicateur nous permettant de suivre l’application de cette ambition.
La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, cette mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » étant très large, nous ne pourrons pas aborder dans cette intervention l’ensemble des programmes concernés. Nous allons donc nous concentrer sur le programme 302 qui regroupe l’ensemble des activités de la direction générale des douanes et droits indirects.
L’analyse des chiffres prouve que les objectifs louables fixés par ce programme sont inatteignables. Rien d’étonnant à cela tant l’hémorragie qui touche les effectifs de la direction générale des douanes et droits indirects ne semble pouvoir être stoppée.
En effet, les états généraux de la douane qui se sont tenus au Conseil économique, social et environnemental le 18 septembre dernier ont dressé un état des lieux des plus alarmants. En cinq ans, la douane française a perdu près de 10 % de ses effectifs pour atteindre 16 500 agents. Elle en comptait plus de 21 500 en 1993. Certains départements français ne comptent même plus aucun service d’opérations commerciales alors même que la direction générale recouvre les missions de gestion de la fiscalité sur les produits énergétiques, la gestion de la fiscalité environnementale et des contributions indirectes comme l’alcool et le tabac, en complément de ses missions de douane. C’est le cas des départements de l’Orne et des Alpes-de-Haute-Provence et demain, dans le cadre du projet stratégique « Douane 2013-2018 », encore plus de départements devraient être touchés.
Ce projet de loi de finances maintient la norme drastique des suppressions d’emploi à la DGDDI, poursuivant la tendance qui s’est amplifiée à partir de l’année 2006 et accélérée à partir de l’année 2009.
C’est un contresens politique majeur à l’heure où le Gouvernement s’engage à lutter contre la fraude fiscale – texte que nous avons adopté il y a tout juste une semaine – et où il se fixe pour objectif de récupérer 2 milliards d’euros de fraude fiscale.
En fait, ce bleu budgétaire fait le choix d’un abandon de recettes pour l’État, à l’heure où le Gouvernement nous vante les vertus des économies budgétaires. La diminution de deux cent huit équivalents temps plein représente une perte sèche de recettes considérable. Le calcul est simple : en 2012 les perceptions douanières représentaient 67 946 millions d’euros pour 17 159 agents en activité, soit 3 959 millions par agent des douanes. Mais le pire semble à venir, puisque le projet stratégique « Douane 2013-2018 » devrait ramener les effectifs de 16 500 personnes aujourd’hui à moins de 14 000 en 2020.
Dans ce cadre, les objectifs du programme 302 ne seront pas atteignables. Comment lutter contre la grande fraude douanière, la criminalité organisée et protéger les entreprises et les consommateurs européens dans ce contexte – je parle ici de saisies de stupéfiants, de contrefaçon ou encore de protection du consommateur ? Comment renforcer la présence des agents sur le terrain alors que le maillage territorial est lui de moins en moins assuré ?
Les états généraux de la douane ont pourtant prouvé l’importance stratégique du maintien d’un service public douanier de qualité pour répondre à l’ensemble des attentes de la collectivité nationale en matière de protection des citoyens, de sécurisation des recettes publiques, de régulation du commerce international et d’action économique en faveur des entreprises.
Il faut le savoir : aujourd’hui seulement un produit sur dix mille entrants en Europe est contrôlé. Qu’en sera-t-il demain ? Les douaniers, en sous-effectif, peuvent de moins en moins faire face au phénoménal flux croissant de marchandises qui traverse en tous sens la planète. Cette rotation à grande vitesse, sans un service douanier digne de ce nom, favorise les trafics, les fraudes où la finance et la criminalité se mélangent. Le trafic d’espèces protégées, celui des déchets, celui de la contrefaçon prospèrent sur un laxisme de fait orchestré par des États dont les services publics sont affaiblis.
Outre-mer, le constat est plus cinglant encore. Aux Antilles, les personnels des douanes à qui l’on demande de lutter contre les narco-trafiquants américains et caribéens, contre l’immigration clandestine ou pour la prévention sanitaire et la défense des intérêts économiques, disposent de moyens terrestres, maritimes et aériens dérisoires. Cette administration travaille en flux tendus et obtient de brillants résultats grâce seulement à la disponibilité d’un personnel motivé.
Mais réduire encore les personnels ou les moyens, compte tenu de la spécificité éclatée des littoraux outre-mer, implique une réduction drastique de ses capacités d’action. Il faut donc arrêter cette politique de démantèlement de brigades, comme à Saint-Pierre ou Basse-Terre, qui désorganise les services et favorise la délinquance. Il faut aussi y mettre des fonctionnaires compétents, spécialistes, qui connaissent intimement les milieux et l’environnement. Cette problématique était celle préconisée par le Conseil interministériel de l’outre-mer du 6 novembre 2009, le CIOM. Elle est malheureusement abandonnée aujourd’hui.
Outre-mer, nous sommes proches du point de non-retour. En Martinique, les quatre navires ont disparu pour ne laisser exister que deux vedettes, d’ailleurs souvent inutilisables car non proportionnées aux besoins. Le parc d’aéronefs des douanes est lui aussi obsolète, les hélicoptères ayant plus de vingt ans d’âge. Quant au parc automobile, les douaniers ne disposent même pas de 4x4 appropriés en zone de montagne, ni de jumelles de vision nocturne, et sont équipés de gilets pare-balles d’un autre temps. Ils doivent utiliser leurs téléphones portables personnels, les dotations faisant défaut. En d’autres termes, si les réussites sont là, c’est grâce aux personnels, mais les moyens sont dérisoires par rapport aux enjeux. Il faut remédier à cette situation.
Aussi, Monsieur le ministre, parce que nous faisons le choix de la démocratie et non celui de la fraude, parce que nous faisons le choix d’un État solidaire et protecteur du peuple, nous voterons contre cette mission budgétaire. Nous ne pouvons, en effet, soutenir un budget qui confirme l’affaiblissement programmé des douanes et qui, par ricochet, justifierait le fait que nous ne nous donnions pas tous les moyens de combattre la fraude pour préférer l’augmentation des prélèvements ou la multiplication des mesures d’austérité.
La parole est à Mme Françoise Descamps-Crosnier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, l’objectif de redressement des comptes publics n’est pas antinomique avec la modernisation de l’action publique engagée par le Gouvernement en décembre dernier comme en témoigne la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » que nous examinons. Cette mission confirme que nous devons être capables de faire mieux en dépensant moins. Stratégique, elle confirme les orientations prises en matière de pilotage, de contrôle et d’optimisation de l’action publique.
Il faut rappeler que la baisse des crédits de paiement sur l’ensemble de la mission est de 1,5 %, et n’impacte pas la conduite de la modernisation de l’action de l’État en matière de politique fiscale et de gestion de ses agents, traduisant ainsi la capacité à rationaliser la dépense publique de manière qualitative, ce qui permet de démontrer la qualité et la force de l’action publique menée par les fonctionnaires.
Cette mission budgétaire traduit les profondes mutations actuellement engagées ou en voie de l’être pour l’ingénierie de l’État sur des questions éminemment stratégiques : l’optimisation de la gestion fiscale et financière au profit des usagers en proposant une offre de service plus grande, notamment à travers le numérique ; la poursuite de la garantie de l’égalité de traitement par la lutte contre la fraude ; le renforcement de la gestion par la performance dans la préparation du budget ; l’amélioration de la gestion par des outils et des pratiques mutualisées entre ministères tels que le programme CHORUS ; la modernisation de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique en préservant le caractère exemplaire de l’État-employeur.
Les programmes opérationnels de la politique fiscale, comptable et douanière visent à garantir le paiement de l’impôt par une accessibilité meilleure, à payer rapidement les prestataires de services, à développer la qualité de service, en garantissant la qualité des comptes publics et en déployant une offre numérique complète, accessible et décloisonnée au bénéfice de tous les publics. Tous ces éléments participent de la volonté de modernisation de l’action publique.
Ce budget commence à traduire le « choc de simplification » voulu par le Président de la République, qui permettra la facilitation des relations entre les administrations et les usagers, condition à la compétitivité des entreprises, d’une part, et à l’efficacité des services publics, d’autre part. Jamais les mesures de simplification n’avaient été traitées de manière aussi globale.
Ainsi, le développement de la dématérialisation des actes pour les entreprises est une réponse à la lourdeur administrative génératrice de coût, au même titre que la procédure « Dites-le nous une fois ». C’est en cela que cette mission contribue notamment à la levée des contraintes pesant sur la compétitivité et l’emploi de notre pays, exigence inscrite dans le pacte national de compétitivité, de croissance et d’emploi.
De surcroît, dans un environnement économique difficile, où les entreprises sont tributaires de la rapidité et de l’efficience de l’État, des établissements publics et des collectivités territoriales en termes de délais de paiement, le déploiement complet de l’application Helios permet une amélioration des procédures de mise en paiement de factures, plus simples et plus rapides. C’est un enjeu capital pour les entreprises.
Les différents programmes de cette mission expriment la volonté du Gouvernement de se doter d’outils forts pour moderniser l’État et d’offrir une réponse politique à la crise économique qui frappe si durement notre pays. Mieux utiliser les deniers publics pour garantir des missions de service public aux Français et permettre le soutien à notre économie, c’est l’objectif de performance de cette mission.
Aussi, cette modernisation doit confirmer l’exemplarité de l’État-employeur. C’est le sens du programme 148 « Fonction publique », dont l’objet concerne la formation initiale et continue des agents, mais aussi l’action sociale interministérielle. La stratégie de performance de ce programme permettra d’initier la réflexion autour des nouveaux chantiers qui cadrent l’agenda social en 2014, en sus des principaux accords signés portant notamment sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, sur la rénovation du dialogue social et sur la sécurisation des parcours professionnels des agents contractuels.
À ce propos, j’aimerais saluer des engagements prometteurs, tels que le protocole d’accord du 8 mars 2013 relatif à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans la fonction publique.
L’année 2014 nous permettra donc de poser les jalons de nouvelles réformes dans le but de moderniser l’action publique : réaffirmation des valeurs et des principes du service public et de la déontologie des agents ; consolidation et développement d’un dialogue social et modernisation de l’exercice du mandat syndical ; renforcement des politiques menées en matière d’exemplarité de l’État ; simplification des rémunérations et amélioration des carrières. Et le rapport de Bernard Pêcheur, récemment remis, servira de base à une concertation à venir. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour la mettre en oeuvre.
Je vous remercie également de ne pas avoir une vision comptable de la gestion de la fonction publique. La vision comptable, quantitative de la politique conduite par le précédent gouvernement ne visant que la réduction des effectifs, n’a menée qu’à la dégradation des services publics sur les territoires.
Le temps me manque pour aborder les objectifs d’adaptation et de modernisation des schémas stratégiques de gestion qui ont été définis entre les ministères. Je conclurai donc ainsi : les finances publiques et les ressources humaines sont les deux piliers du bon fonctionnement des services publics. Nous examinons donc cet après-midi une mission majeure, et vous avez, madame et monsieur les ministres, la confiance du groupe SRC qui votera en faveur de ces crédits !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.
J’appelle les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » sont adoptés.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 67 du présent projet de loi, qui abroge le jour de carence dans la fonction publique instauré par le précédent gouvernement.
L’instauration de ce jour de carence était une mesure de convergence entre la fonction publique et les salariés du secteur privé, prise dans un souci d’équité. Elle a permis de réduire l’absentéisme de façon significative, puisqu’il a par exemple baissé de 7 % dans la fonction publique hospitalière. Autre exemple : dans la fonction publique territoriale, selon une étude réalisée en juin dernier par la Société française de courtage, la Sofcap, le jour de carence a fait chuter de 43,2 % le nombre d’arrêts-maladie d’une journée dans les collectivités territoriales, tandis que les arrêts de deux jours ont diminué de 18 % et ceux de trois jours de 12,2 %. L’instauration de ce jour de carence a donc eu les effets escomptés et a permis d’économiser 164 millions d’euros.
Abroger le jour de carence, comme vous le proposez, madame la ministre, aura par conséquent un impact financier. Alors même que notre pays est censé s’inscrire dans une trajectoire de redressement des finances publiques et d’effort collectif, votre décision est donc parfaitement incompréhensible, en plus de faire preuve d’une grande iniquité. Enfin, cette abrogation va aussi générer des coûts indirects tels que la désorganisation des services, qui est préjudiciable, in fine, à la qualité pour les usagers.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 67, car nous ne comprenons vraiment pas, madame la ministre, votre obstination à vouloir supprimer un dispositif qui, en peu de temps, avait fait ses preuves, notamment dans la fonction publique hospitalière. Les directeurs d’hôpitaux que nous rencontrons sont déçus et ne comprennent pas pourquoi vous revenez sur ce jour de carence.
De surcroît, vous avez pu mesurer au fil des derniers jours et des dernières semaines l’exaspération grandissante de nos concitoyens. Or, s’il y a bien aujourd’hui un fait qu’ils ne peuvent plus accepter, c’est la distorsion de traitement entre la fonction publique d’une part et le secteur privé de l’autre. L’instauration d’une journée de carence était un signe de convergence ; loin d’être une injustice flagrante, il s’agissait au contraire, avec un rapprochement entre deux dispositifs, d’une mesure de justice. Nos concitoyens sont totalement désemparés face à votre acharnement à casser un système qui commençait à faire ses preuves et à donner un signe fort.
Vous avez déjà commis une erreur semblable sur les retraites ; ne la commettez pas une nouvelle fois avec ce texte. Laissez fonctionner le dispositif du jour de carence dans la fonction publique : tant pour les finances publiques que pour l’image de convergence que vous donnerez, les Français vous en seront reconnaissants ! L’abrogation que vous proposez est en effet un signe d’injustice flagrant…
… qui n’est pas compris et qui alimente l’exaspération à laquelle vous êtes confrontés chaque jour.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement no 586 .
Depuis le 1er janvier 2012, une journée de carence est appliquée pour les congés maladie ordinaires à l’ensemble des fonctionnaires stagiaires et titulaires et aux agents non titulaires de droit public des trois fonctions publiques.
Lors de ses travaux sur les arrêts de travail, la MECSS a constaté que l’instauration de ce jour de carence avait eu un effet non négligeable, contrairement à ce que vous prétendez, particulièrement dans la fonction publique hospitalière. Je rappelle que le rapport de la MECSS a été adopté à l’unanimité et que sa publication a été autorisée à l’unanimité également par la commission des affaires sociales.
La Cour des comptes a souligné que, selon ses informations, le taux de congés maladie de courte durée a diminué de 25 % depuis la mise en place du jour de carence. Selon la fédération hospitalière de France, d’après une enquête réalisée dans dix centres hospitaliers universitaires et neuf centres hospitaliers représentant 20 % des effectifs de la fonction publique hospitalière, ce taux aurait reculé de 7 % depuis l’instauration du jour de carence et cette diminution atteindrait 20 % dans certains établissements.
Je rappelle que dans le secteur privé, ce sont trois jours de carence qui sont appliqués ; même si, dans certains cas, les assurances complémentaires interviennent, d’autres ne le font pas. Je rappelle aussi une autre différence entre public et privé concernant le remboursement des indemnités journalières : dans le secteur privé, le salaire de base est plafonné à 1,8 SMIC, ce qui n’est pas le cas dans le secteur public. Pour les indépendants, le délai de carence est de sept jours : vous le voyez, la différence est énorme. Or, les indépendants représentent 20 % de la population éligible et 8 % de la dépense liée aux indemnités journalières.
Nous pourrions donc, madame la ministre, au nom du sens de l’égalité dont les Français ont particulièrement besoin en ce moment, revenir sur la décision que vous voulez prendre de supprimer une mesure que nous avions nous-mêmes mise en oeuvre et qui est perçue favorablement depuis un an et demi.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
La parole est à M. François Sauvadet, pour soutenir l’amendement no 618 .
J’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, madame la ministre : il est absolument incompréhensible, choquant et même scandaleux…
… que l’on adresse comme seul signal à la fonction publique, qui est aujourd’hui en plein désarroi, la suppression du jour de carence, alors qu’il y avait précisément eu un consensus national lorsque j’avais présenté cette mesure au nom du précédent Gouvernement. Il s’agissait en effet d’une mesure de justice concernant les personnes qui prennent un congé de confort d’une journée. Nous avions bien été attentifs à prendre en compte les risques psychosociaux et les congés maladie de longue durée ; il ne s’agissait dès lors que de lutter contre une pratique qui s’était quelque peu développée dans la fonction publique : l’absentéisme de courte durée, c’est-à-dire d’une journée. Absent ou présent, le fonctionnaire touchait autrefois sa rémunération normale augmentée des primes pour un tel congé. Nous avons donc pris une mesure de justice et d’équité.
Je constate d’ailleurs que même les rapporteurs spéciaux de notre Assemblée sont plutôt gênés : M. Tourret, par exemple, nous dit qu’il faudrait procéder à une évaluation de la mesure.
Vous qui nous parlez sans cesse de concertation, madame la ministre, avec qui vous êtes-vous concertée pour décider de l’abrogation du jour de carence ? La fédération hospitalière de France s’en est émue en des termes que j’approuve pleinement, notamment parce qu’elle a constaté les effets positifs du jour de carence sur l’absentéisme de courte durée, dit « de confort ».
Je suis président d’un conseil général – car on peut encore l’être dans ce Parlement. Dans les collectivités territoriales, le jour de carence a produit des effets bénéfiques et, grâce à lui, un certain nombre de personnes ont cessé de prendre des congés de circonstance.
Vous ne cessez aujourd’hui de parler de justice, madame la ministre.
Quelle image de la justice donnez-vous donc, au moment même où vous demandez des efforts à tous les Français tout en disant à certains de nos compatriotes qu’ils peuvent s’en dispenser puisque vous procéderez à une évaluation avant d’envisager la suite !
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Supprimer le jour de carence, madame la ministre, compliquera singulièrement les choses
« Égalité ! » sur les bancs du groupe UMP
lorsque le jour viendra de remettre le dispositif en place, tant votre décision est mal perçue par les fonctionnaires eux-mêmes, mais aussi mal perçue par les Français qui se disent qu’il y a décidément deux catégories de Français à vos yeux : ceux qui devraient être préservés parce qu’il s’agit d’un électorat qui est censé vous être favorable, et ceux qui doivent payer parce qu’ils créent de la richesse.
« Eh oui ! » et vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Le groupe UDI ne partage pas votre vision, madame la ministre. Je vous demande de mettre en place une commission qui se saisisse de ce problème et de renoncer à cette suppression que vous imposez au pays et à l’ensemble des collectivités territoriales de France.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Comme l’ont dit mes collègues, madame la ministre, c’est en effet une drôle d’idée de vouloir supprimer ce jour de carence, parce que c’est injuste à l’égard des salariés du secteur privé.
Dans le secteur privé, il y a trois jours de carence ; je sais bien que deux de ces trois jours sont généralement couverts par l’employeur, par des mutuelles ou encore par des systèmes de prévoyance, mais le troisième jour n’est le plus souvent pas pris en charge.
C’est la raison pour laquelle nous avions institué un jour de carence dans le secteur public : c’était une mesure juste.
C’était aussi une mesure efficace, puisqu’elle a permis de réduire l’absentéisme, notamment dans la fonction publique hospitalière, parce qu’elle responsabilise les agents.
En ces temps difficiles, il est évidemment préférable de responsabiliser les gens, plutôt que le contraire.
C’est donc une drôle d’idée que vous avez de vouloir supprimer ce dispositif. Au fond, est-ce bien votre idée ? Je n’en suis pas si sûr. Je crois qu’elle vous a été soufflée par les syndicats, à qui vous êtes en train de céder. Vous leur cédez sur cette question comme vous leur cédez sur d’autres, telle que la disponibilité d’un fonctionnaire qui aurait refusé trois propositions de poste successives en cas de réforme de son administration.
Il y va là aussi de la responsabilité des uns et des autres. La garantie de l’emploi doit être assortie d’un certain nombre de devoirs qui doivent être exercés de façon juste. Nous avons une haute opinion de la fonction publique et de la capacité des fonctionnaires à remplir leurs missions de service public
Murmures sur les bancs du groupe SRC
mais il faut bien que certaines règles soient édictées, et ces règles doivent s’appliquer à tous, dans le secteur privé comme dans le secteur public. Or, le jour de carence est précisément le symbole de la justice et de l’efficacité dans une fonction publique moderne !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Je tiens avant tout à contredire plusieurs présupposés. J’ai écouté M. Woerth avec beaucoup d’attention ; il se trompe. Les systèmes de prévoyance du secteur privé couvrent en effet 78 % des salariés…
J’apporte cette précision car on ne saurait raconter tout et n’importe quoi dans cette enceinte. Aujourd’hui, 78 % des salariés du secteur privé sont couverts par un système de prévoyance.
Vous avez, chers collègues de l’opposition, voté l’accord national interprofessionnel avec nous. Nous avions alors prévu une clause permettant à chaque branche professionnelle de pouvoir disposer par obligation d’un système de prévoyance. Ainsi, dans quelques années, la totalité des salariés du secteur privé disposera d’un régime obligatoire qui couvrira les absences.
La question que vous soulevez, qui est légitime, est au fond la suivante : y aurait-il davantage d’absences dans le secteur public que dans le secteur privé ?
« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.
Sauf à remettre en cause les éléments fournis par la DARES, on sait aujourd’hui que les absences dans le secteur privé sont les mêmes que dans le secteur public.
« Mais non ! Quelle honte ! » sur les bancs du groupe UMP.
Ce sont les chiffres de la DARES ; je vous invite à consulter son rapport de février 2013 !
Vives protestations sur les bancs du groupe UMP.
De même, les chiffres que vous donnez aux Français concernant l’économie qu’aurait permis – encore un présupposé – de réaliser l’adoption du jour de carence sont très loin de la réalité.
Vous êtes des pompiers pyromanes ! Et après cela, vous vous étonnez de la situation !
Vous prétendez avoir obtenu une économie de 120 millions : c’est fantaisiste et irréel ! Au contraire, le dispositif que nous mettons en place a pour premier objectif de généraliser les contrôles concernant les arrêts maladie, qui sont aujourd’hui effectués à titre expérimental dans la fonction publique.
D’autre part, comme Mme la ministre vous le confirmera dans un instant, la transmission dans un délai de quarante-huit heures des certificats médicaux, qui n’était pas non plus exigée, sera mise en place dans le cadre de ce dispositif.
Je conclurai en évoquant le débat que nous avons eu en commission avec M. Sauvadet, ainsi qu’avec le rapporteur général et le président de la commission des finances.
Au fond, nous pourrions très bien imaginer le droit de tous pour tous et souhaiter que, demain, l’État employeur couvre ses propres salariés, c’est-à-dire les fonctionnaires, au moyen d’un système de prévoyance.
Il ne s’agirait pas là de faire une économie de 60 millions, mais une dépense complémentaire de l’ordre de 400 à 500 millions. Voilà la réalité ! Voilà ce qui, au fond, vous dérange !
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.
On sait, en réalité, que le régime, tel qu’il est mis en place aujourd’hui, permettra de faire des économies dès lors que l’objectif est de contrôler au mieux les arrêts de maladie.
C’est la raison pour laquelle la commission, qui a examiné l’ensemble de ces amendements, les a rejetés.
Pourquoi deux poids et deux mesures ? Le travail est le même pour tout le monde !
Tous ces cris m’étonnent. La fonction publique n’est pas, comme on voudrait le faire croire, une masse de salariés, souvent assez mal payés d’ailleurs – 1 650 000 personnes sont rétribuées quasiment au SMIC – qui auraient comme objectif d’accumuler des jours d’absence et de mettre en danger le service public.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Si je me permets ce genre de remarque qui, vous me l’accorderez, n’est pas dans mes habitudes, c’est que ce que je viens d’entendre crier sur les bancs de l’opposition n’est pas forcément juste.
Je voudrais, moi aussi, comme l’a fait tout à l’heure Bernard Cazeneuve, rendre hommage aux fonctionnaires (« Nous aussi ! » sur les bancs du groupe UMP), à ceux qui font naître un sentiment d’abandon quand on ferme des services publics. Nous pourrions passer quelque temps sur ce sujet…
M. Sauvadet était en charge de ce dossier. J’aimerais rappeler, comme le rapporteur, un certain nombre d’éléments objectifs.
D’abord, je souligne le fait que cette fameuse circulaire n’a pas été signée par le ministre, mais par le directeur général de la fonction publique. Il est parfois difficile d’aller défendre des mesures devant les syndicats de fonctionnaires. Je prends acte que vous gardez la même position.
Le jour de carence n’a pas eu les effets escomptés par l’ancien gouvernement, et vous le savez.
« C’est faux ! » sur les bancs du groupe UMP.
Non, ce n’est pas faux.
Vous avez de la chance d’avoir des chiffres autres que les chiffres officiels ! Cela étant, je vais vous donner les chiffres exacts.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous arrêterez peut-être de hurler…
Si l’on prend le total, dans la fonction publique d’État, le chiffre n’a pas changé – 2,9 jours – mais, s’agissant des enseignants, on note effectivement une légère augmentation du nombre de jours d’absence. Monsieur Sauvadet, vous l’avez observé également, puisque vous m’en avez parlé. En revanche, si vous prenez l’ensemble de la fonction publique d’État, hors enseignants, le chiffre passe de 3,2 à 3,1. Il y a donc cette différence de 0,1 sur laquelle nous devons nous interroger et, en ce qui me concerne, je suis prête à me poser toutes les questions du monde.
S’agissant de la fonction publique territoriale, Mme Pécresse m’a demandé de bien observer les chiffres. Il n’y a eu aucune modification : la moyenne est restée à 4,5 jours. Je crois qu’il faut remettre les pendules à l’heure : il n’y a pas eu d’augmentation du nombre de jours d’absence dans la fonction publique territoriale.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Nous pourrions peut-être nous écouter les uns les autres sans hurler ? Cela s’appelle la démocratie !
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. –Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Il y a eu, en revanche, une augmentation des arrêts de courte durée dans la fonction publique hospitalière où l’on est passé de 3,5 à 4,0. On observe donc une stabilité sur l’ensemble, mais cela nous oblige collectivement, toutes tendances politiques confondues, à observer ce qu’il s’est passé pour les arrêts de travail de plus longue durée. Nous sommes tous d’accord, en particulier ceux qui ont regardé les chiffres de près – y compris, je crois, M. Sauvadet –, pour constater que ces chiffres confirment l’absentéisme dans la fonction publique hospitalière. Mais il y a eu davantage d’absences de plus longue durée.
J’ai posé la question en commission : est-ce le fait de fonctionnaires pratiquant l’automédication et qui, compte tenu de la suppression du jour de carence, seraient allés chez un médecin pour avoir un arrêt de travail et en auraient obtenu un plus long ? Nous allons travailler finement sur tous les chiffres, mais il semble que oui. Il semble que l’instauration d’un jour de carence ait entraîné une augmentation du nombre d’arrêts de plus longue durée, ce qui veut dire qu’il n’y a pas eu l’effet escompté.
Venons-en maintenant aux chiffres budgétaires. Je m’y suis engagée auprès de M. Sauvadet, je vous ferai donc remettre l’ensemble des chiffres.
Vous attendiez 120 millions d’euros d’économies ; il y en a eu 60, et je veux revenir sur ce qu’a dit M. le rapporteur.
Nous étions tous d’accord, notamment les parlementaires de votre groupe, pour saluer l’accord national interprofessionnel. Dans cet accord, il est bien entendu qu’il y aura une couverture complémentaire obligatoire.
S’agissant d’autre part de la retraite, je vous rappelle que l’ensemble du régime indemnitaire de la fonction publique, qui va de 20 % à 71 % du traitement, n’est pas pris en compte, et que nous avons choisi de conserver la différence entre catégories actives et sédentaires parce que le compte de pénibilité était difficile à mettre en place.
Si vous voulez la convergence, il faudra aller jusqu’au bout,
« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP
car 77 % des salariés du privé n’ont aucun jour de carence.
Cela vaut particulièrement pour les grandes entreprises, celles qui comptent au moins 250 salariés, puisque cette proportion n’est plus – et c’est une grande interrogation pour la CGPME et l’UPA, qui ont porté le dossier – que de 47% dans les petites entreprises.
Mais si vous allez jusqu’au bout de votre raisonnement, il faudra vous interroger, pour la fonction publique, sur la création de cette complémentaire santé qui, actuellement, n’existe pas. Dans ce cas, il s’agira de bien plus que les 120 millions attendus, et ramenés en réalité à 60, car il faudra un régime de prévoyance. Un certain nombre de maires de France, monsieur Accoyer,…
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Un certain nombre de maires et de présidents de conseils généraux de tous courants politiques, après la suppression du jour de carence, ont commencé à discuter, mesdames et messieurs les parlementaires – certains non, monsieur Accoyer, pas vous, sans aucun doute, mais M. Pélissard le sait puisque nous aurons quelques stands bien illustrés au congrès des maires de France – de régimes de prévoyance couvrant le jour de carence. Certains l’ont mis en place pour 8 à 12 euros par salarié et par mois.
Pourquoi y a-t-il une différence entre les entreprises et la fonction publique ?
Si vous supprimez le jour de carence, madame Greff, vous allez devoir mettre en place les contrats de prévoyance. Pour ma part, j’estime que les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, car, si l’on regarde le taux total d’absentéisme, la différence n’est que de 0,1 jour. Si vous comparez, par exemple, la rémunération des agents des services hospitaliers ou des infirmiers du public et de ceux du privé, vous ne trouverez pas de différences notables. Si vous voulez la convergence, il faudra aller jusqu’au bout et la dépense publique sera beaucoup plus importante qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Je plaide en faveur du choix que nous avons fait, pour deux raisons.
D’abord, je suis désolée de vous le dire, mais la grande majorité des fonctionnaires ne sont pas absents aussi souvent que vous voudriez le laisser croire
Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP
et ils ont vécu cette mesure comme une mise au ban.
Ensuite, si vous voulez aller vers un rapprochement des deux statuts, l’ANI sera, à terme, appliqué à la fonction publique et cela coûtera bien évidemment plus cher. Pour ma part, j’estime que l’on peut saluer la fonction publique et les 5 millions de personnes qui font que ce pays fonctionne et qui, compte tenu des chiffres, M. Sauvadet le sait, ne sont pas plus souvent absentes que les salariés du privé.
Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements.
Je répondrai à Mme la ministre sur l’amendement du groupe, car nos collègues qui ont déposé des amendements individuels souhaitent peut-être répondre eux-mêmes.
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je reviendrai sur deux points, madame la ministre.
Par votre attitude, en réalité, vous stigmatisez les fonctionnaires.
Rires et nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Vous les stigmatisez en refusant d’aller vers l’équité. Autrement dit, vous sous-entendez qu’ils ne sont pas capables d’accepter l’égalité avec le privé. Voilà ce que vous êtes en train de faire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Quant à votre démonstration financière, elle ne tient pas, et vous le savez pertinemment. Vous parlez de 60 ou de 100 millions, mais nous en sommes à un coût de 300 millions par jour de carence. Voilà la réalité des chiffres !
Je citerai le calcul fait par la Fédération hospitalière de France à partir du cas de dix-sept hôpitaux, soit 22% de la masse salariale de la fonction publique hospitalière. Sur ces dix-sept hôpitaux, l’impact en année pleine du jour de carence représente 0,17 % de la masse salariale. Si l’on extrapole ce chiffre aux autres fonctions publiques, on arrive à un coût de 300 millions d’euros.
Si l’on arrivait à l’égalité avec le secteur privé, les trois jours de carence rapporteraient un milliard d’euros de recettes. Ces chiffres vous surprennent peut-être, mais il s’agit d’une étude faite par la Fédération hospitalière de France sur dix-sept hôpitaux et sur 22 % de la masse salariale. Il n’est pas inintéressant de la prendre en considération.
Vous stigmatisez la fonction publique en essayant de présenter le jour de carence comme une compensation à la non-augmentation du point d’indice. C’est méprisant pour les fonctionnaires ! Vous présentez la suppression du jour de carence comme une augmentation du revenu. Non seulement, c’est méprisant, mais c’est une démonstration scandaleuse à l’égard de la fonction publique !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
Je prendrai un dernier exemple, très concret, pour montrer que cette mesure n’est pas efficace. À l’hôpital dont je préside le conseil de surveillance, la différence entre le nombre de jours de congé…
Vous pouvez ricaner, vous n’avez sans doute jamais présidé le conseil de surveillance d’un hôpital. Vous ne savez pas ce que cela veut dire !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Je vous donne la réalité des chiffres : une diminution de 28 % des arrêts de maladie. C’est cela, l’effet du jour de carence !
Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Ne dites pas que ces chiffres n’existent pas ! La réalité est là : entre 2011 et 2012, les arrêts de moins de six jours ont diminué de 28 %. C’est donc une mesure efficace !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Vous ne pouvez pas, madame la ministre, escamoter le débat sur la suppression du délai de carence au prétexte que ceux qui en demandent le maintien seraient porteurs d’un message de déconsidération. C’est insensé ! Nous portons naturellement beaucoup de respect à la fonction publique ! Nous faisons confiance aux fonctionnaires qui assurent une mission difficile ! Ce que nous vous reprochons, madame, c’est votre politique, qui consiste à augmenter massivement le nombre de fonctionnaires dans l’éducation nationale, qui représentent déjà plus de la moitié des deux millions de fonctionnaires, tout en opérant des réductions drastiques dans tous les autres ministères, lesquels subissent des coupes sombres n’ayant rien à voir avec la RGPP.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.
Si j’en crois ce que j’entends dans les ministères dont vous présumez qu’ils assument une mission moins importante pour le pays, vous avez rendez-vous avec les fonctionnaires de France ! Vous avez beaucoup critiqué la RGPP mais, faute d’avoir dégagé des marges de manoeuvre sur le périmètre de l’État dans le contexte budgétaire que nous connaissons, vous n’en avez plus aucune pour les carrières de la fonction publique, à l’exclusion de la catégorie C, pour laquelle vous avez été obligée de faire un geste. Vous avez là encore rendez-vous avec les fonctionnaires, car augmenter les traitements de la catégorie C en rapproche la tranche supérieure du pied de grille de la catégorie B, sans vouloir être trop technique.
Mêmes mouvements.
Bon courage, madame la ministre, pour régler le problème ! En réalité, vous avez fait des promesses que vous êtes dans l’incapacité de tenir, faute d’avoir réduit la masse de nos fonctionnaires. En dix-huit mois, vous avez augmenté le nombre des fonctionnaires de France de 3 423 ! Telle est la politique que vous avez menée ! Vous menez la fonction publique dans une impasse, car nos déficits publics ne nous permettent plus d’entretenir une telle masse de fonctionnaires. Toutes les grandes démocraties occidentales, confrontées comme nous à une grave crise, ont oeuvré à sa solution en diminuant le périmètre de la fonction publique d’État. Telle est la réalité ! Il vous faut maintenant assumer votre politique, madame la ministre !
Quant au délai de carence, en dépit de tous les chiffres que vous avancez, nous avons vérifié qu’il existe bien un absentéisme de confort dans la fonction publique. En réalité, les mesures que vous prenez, madame la ministre, alourdiront la charge des collectivités territoriales et de l’État de 164 millions d’euros. Est-ce un bon signal à l’heure où nous cherchons à faire des économies pour notre pays ? Vous allez une fois de plus alourdir la barque des collectivités territoriales ! De grâce, revenez sur votre décision ! C’est une mauvaise décision et un mauvais signal envoyé au pays !
Mêmes mouvements.
Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58 alinéa 3 de notre règlement, relatif au déroulement de la séance. Nous avons déposé plusieurs amendements, l’un au nom du groupe et les autres individuellement. Je sais que vous n’êtes pas obligé, monsieur le président, de donner la parole à tous les signataires d’amendements identiques pour répondre à la commission et au Gouvernement. Nous discutons cependant d’un sujet suffisamment important pour que vous puissiez accepter deux ou trois prises de parole supplémentaires, afin que nous échangions des arguments avec Mme la ministre. Deux ou trois de nos collègues ont déposé un amendement à titre individuel, et j’aimerais qu’ils puissent répondre à Mme la ministre, non pas au nom du groupe mais en leur nom propre.
Vous avez vous-même rappelé le règlement, monsieur le président Jacob. Cinq amendements ont été défendus, plusieurs députés sont intervenus, vous avez répondu à la commission et au Gouvernement, et votre groupe a demandé un scrutin public.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Je pense que ce n’est pas la bonne manière de débattre d’un sujet aussi important. Je vous demande donc, monsieur le président, une suspension de séance afin de réunir les députés de mon groupe pour discuter de la suite des travaux.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.
Il est procédé au scrutin.
Cet amendement a pour objectif d’instaurer trois jours de carence pour les agents de la fonction publique en arrêt de maladie, comme dans le secteur privé. La mise en place du jour de carence a permis de réaliser une économie de 164 millions d’euros et, selon plusieurs études, de réduire de façon significative l’absentéisme dans la fonction publique. Afin d’étayer mon propos, je citerai une étude réalisée par la Fédération hospitalière de France.
Elle démontre que la mise en place du jour de carence a permis de réduire l’absentéisme, d’améliorer la qualité des soins et la présence auprès des patients en raison de la baisse du taux d’absentéisme de courte durée, ainsi que l’organisation du travail, et de réaliser des économies, en particulier par un moindre recours à l’intérim. Cet exemple, comme l’étude de SOFCAP relative aux collectivités territoriales précédemment citée, démontre le bien-fondé de notre amendement. Vous ne cessez de parler d’équité, madame la ministre. Voici l’occasion de la promouvoir, en adoptant le présent amendement afin de ne pas cliver davantage les Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Les avis formulés tout à l’heure, auxquelles vous ne m’avez pas donné l’occasion de répondre, monsieur le président, ont été l’occasion pour M. le rapporteur de dire que nous avons tort. Pour lui, nous sommes dans l’opposition, donc dans l’erreur, quelle que soit l’argumentation avancée !
Vous dites, madame la ministre, que l’instauration du jour de carence n’a pas eu l’effet escompté. Permettez-moi tout de même de vous dire que, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, les Françaises et les Français ne comprendraient pas que vous ne baissiez pas les dépenses, fût-ce de 60 millions d’euros par an !
C’est complètement incompréhensible ! Le débat que nous avons aujourd’hui est ubuesque ! Renoncer à réduire les dépenses de l’État, c’est incroyable ! C’est un aveu de faiblesse de votre part ! Vous laissez penser, madame la ministre, que nous condamnons les fonctionnaires, mais c’est vous et le gouvernement dont vous êtes membre qui donnez une mauvaise image des fonctionnaires ! Tous les contrats aidés dans la fonction publique aujourd’hui sont de votre fait.
Compte tenu de la façon dont sont traités un certain nombre de jeunes qui entrent dans l’éducation nationale sous contrat aidé, l’avenir que vous leur préparez n’a rien d’enviable ! Telle est la réalité ! Je regrette que vous vous associiez à ce genre de manipulation. Il n’est pas non plus anodin de vouloir développer le sens de la responsabilité de chacun par le maintien du jour de carence. En effet, dans un service donné, l’absence d’une personne un jour ou deux déstabilise totalement le travail des autres fonctionnaires.
Responsabiliser chacune et chacun dans sa fonction, comme c’est déjà le cas dans le secteur privé, et insuffler un sentiment d’équité dans le secteur public, voilà qui est important ! Enfin, on ne peut pas parler toujours de justice et se contenter d’injustices. En effet, il y a là une vraie injustice faite au peuple de France !
Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.
Comme je le disais tout à l’heure, 77 % des salariés du secteur privé bénéficient aujourd’hui d’un dispositif de prévoyance. Vraisemblablement, les textes votés au cours des dernières semaines, en particulier l’ANI, porteront cette proportion à 100 %.
Ces amendements infligent donc une grande punition à 5,5 millions de fonctionnaires. C’est la fin du « droit de tous pour tous ». Il y aurait deux catégories de salariés, ceux qui disposent d’une prise en charge du jour de carence et ceux qui n’en disposent pas.
Comme l’a dit Mme la ministre, si l’on voulait vraiment instaurer le « droit de tous pour tous », il faudrait créer, au sein des fonctions publiques de l’État, un système de prévoyance – M. Pélissard sait parfaitement de quoi je parle – analogue à ceux, très coûteux, qui existent déjà dans les conseils généraux et dans d’autres collectivités. Or, aujourd’hui, l’État n’a pas les moyens de financer un tel système. Je rejette donc cet amendement, comme la commission l’avait fait.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Certains des arguments avancés pour la défense de cet amendement sont pour le moins surprenants. Si nous voulons être justes – puisque vous dites être animés par cette préoccupation –, alors il faut aligner les salariés du public sur les salariés du privé, intégrer le régime indemnitaire dans le calcul de la retraite – plusieurs milliards par an pour une durée indéterminée – et étendre à tout le monde le régime de prévoyance déjà appliqué à 77 % des salariés du privé,
Exclamations sur les bancs du groupe UMP
ce qui représente environ un milliard d’euros supplémentaire à la charge de l’État. Je ne sais pas où vous allez chercher vos critères de justice, sauf à dire que vous voulez supprimer le régime de prévoyance, y compris pour les salariés du privé.
Protestations sur les bancs du groupe UMP.
La seule solution équilibrée pour les finances publiques est celle consistant à ne pas instituer de jour de carence pour les agents de la fonction publique…
…et à ne pas recourir au régime de prévoyance privé.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Vous savez aussi bien que moi que certains sites Internet suggèrent de faire bénéficier les fonctionnaires des collectivités locales et de l’État d’un tel régime, ce qui représenterait une somme de huit à douze euros par mois et par agent, soit une dépense totale d’un milliard d’euros. À mes yeux, plaider en faveur d’une telle réforme est un mauvais combat.
Exclamations sur les bancs du groupe UMP.
Pour ma part, j’ai la conviction que les vraies victimes de ce débat sont les fonctionnaires –que vous êtes en train de stigmatiser, madame la ministre, comme le président Jacob l’a très bien dit
Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.
Je discutais récemment avec un fonctionnaire de guichet, qui me disait voir chaque jour la misère de certains de nos compatriotes, et ne pas comprendre pourquoi le Gouvernement ne donnait pas la priorité à ces personnes.
L’amendement que nous vous proposons représente un milliard d’euros d’économies, perçu sur l’État et ses administrations, l’hôpital et les différentes collectivités territoriales. Un milliard d’euros, cela devrait vous parler, madame la ministre…
Je sais très bien ce qu’est un milliard d’euros !
…vous qui étiez naguère députée de Morlaix : un milliard d’euros, cela équivaut à l’écotaxe !
Protestations sur les bancs du groupe SRC.
Je sais bien que vous allez me dire que cela n’a pas de rapport, et pourtant, si ! Car le vrai sujet, c’est celui de l’allocation des moyens : donne-t-on la priorité aux syndicats de fonctionnaires afin de satisfaire leurs revendications, ou aux gens qui ne demandent qu’à travailler et à entreprendre…
Exclamations sur les bancs du groupe SRC
…et que l’on est en train de dissuader, de décourager, en multipliant les obstacles à leur activité ?
Exclamations sur les bancs du groupe SRC.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants: 207 Nombre de suffrages exprimés: 207 Majorité absolue: 104 Pour l’adoption: 86 contre: 121 (L’amendement no 345 n’est pas adopté.)
L’amendement no 450 n’est pas adopté.
La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour soutenir l’amendement no 585 .
À titre expérimental, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010 a instauré un contrôle par l’assurance maladie des congés de maladie des fonctionnaires de l’État, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, contrôle dont l’absence jusqu’alors pouvait être ressentie comme une injustice.
Prévue initialement pour une durée de deux ans, cette expérimentation a déjà été prolongée de deux années supplémentaires. Lors de ses travaux sur les arrêts de travail, la MECSS a constaté que cette expérimentation avait rencontré de nombreuses difficultés, tant juridiques que techniques, dans sa mise en oeuvre, et avait donc débuté tardivement.
En vue d’une généralisation de ce contrôle, il apparaît pertinent de prolonger l’expérimentation non pas d’une année, mais de trois années, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 2017. Tel est l’objet de notre amendement.
Nous sommes ici à fronts renversés, chers collègues de l’opposition, car ce que vous proposez par cet amendement va contre tout ce que vous avez dit précédemment. Pour notre part, tout au long des débats, que ce soit en commission ou en séance, nous n’avons cessé de dire que nous voulions renforcer les contrôles. Je l’ai encore dit tout à l’heure en évoquant l’obligation de transmission des certificats médicaux dans les 48 heures et en insistant sur la nécessité de renforcer les contrôles sur les arrêts de maladie, pratiqués à titre expérimental dans cinq ou six départements, dont le Puy-de-Dôme, le Rhône, les Alpes-Maritimes et Paris.
À partir du moment où nous avons voté l’article en question, la mesure devient, de facto, d’application générale et l’expérimentation prend fin, ce qui répond à notre volonté de renforcer les contrôles – partant du principe que, dans le public comme dans le privé, il n’est jamais superflu de vérifier la réalité des données. Sur ce point, je précise d’ailleurs qu’il n’y a pas de différence significative entre les absences constatées dans le secteur privé et celles constatées dans le secteur public.
Je veux commencer par dire à M. Le Fur qu’un milliard d’euros d’économie conjugué à 1,5 milliard de dépenses supplémentaires, cela ne donne pas d’économie nette.
En ce qui concerne l’allocation des moyens, j’aurai des chiffres à vous donner.
Quant à votre amendement, madame Poletti, il est satisfait car, en supprimant le jour de carence, nous avons pris l’engagement devant les organisations syndicales de renforcer le contrôle des arrêts de maladie.
Ce qui était appliqué à titre expérimental a donc vocation à devenir la norme, à l’issue de la prolongation de l’expérience jusqu’au 31 décembre 2015, décidée dans le cadre de l’article 67. Cette prolongation d’un an, nécessaire pour la mise sur pied du système de contrôle, en particulier du réseau de médecins, paraissait suffisante. Dans la mesure où votre amendement est satisfait, je vous invite à le retirer, madame la députée ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement no 585 est retiré.
L’amendement no 67 est adopté.
Même avis. Cet amendement technique relatif aux outre-mer est satisfait et, en tout état de cause, touche à une question qui ne saurait être réglée par voie d’amendement.
L’amendement no 435 n’est pas adopté.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale, pour soutenir l’amendement no 371 .
L’amendement no 371 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L’article 68, amendé, est adopté.
J’appelle les crédits de la mission « Provisions », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Provisions » sont adoptés.
J’appelle les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », inscrits à l’état B.
Les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » sont adoptés.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » sont adoptés.
La parole est à M. Yves Fromion, pour soutenir l’amendement no 664 rectifié portant article additionnel après l’article 78.
Cet amendement devrait faire plaisir à tous ceux qui, tout à l’heure, ont proclamé la profondeur de leur attachement à la fonction publique – il s’agit en l’occurrence de la fonction publique militaire. Comme chacun le sait à condition de s’intéresser un tant soit peu aux questions de défense, nos forces armées sont aujourd’hui confrontées à un immense problème, celui de l’immobilier destiné à accueillir les personnels militaires.
Malheureusement, ni la loi de programmation militaire, votée récemment, ni la loi de finances initiale pour 2014 ne laissent envisager de perspectives heureuses en la matière. Si l’on considère que le ministère de la défense va bénéficier, à moyen terme, des nouvelles installations de Balard, destinées à loger l’ensemble des états-majors, les locaux que ceux-ci occupent actuellement vont se trouver prochainement libérés. Parmi ces locaux figure le fameux hôtel de la Marine, dont le devenir a donné lieu à bien des réflexions et des débats sous la législature précédente. Il a aussi bien été envisagé de le vendre que de le garder dans le patrimoine de l’État afin d’y développer des projets à caractère culturel, avant qu’il soit finalement décidé de ne rien faire – solution qui n’est ni très positive, ni visionnaire, car l’État ne sait pas quoi faire de cet immeuble, et le débat revient régulièrement sur la place publique.
Je vous remercie de me soutenir, monsieur le rapporteur.
L’État n’est pas capable d’entretenir le patrimoine immobilier de manière à ce que nos militaires puissent y être logés dignement, mais il ne sait non plus que faire de cet immeuble, qu’il laisse donc en l’état. Je propose donc que l’État fasse preuve de courage en lançant une nouvelle consultation, afin que des investisseurs porteurs d’un projet se portent acquéreurs et que l’argent de la cession soit affecté au budget de la défense, pour l’entretien des casernements de nos militaires.
La commission des finances n’a pas été saisie de cet amendement mais, à titre personnel, je vous remercie de l’avoir déposé, cher collègue. En effet, le sujet abordé est aussi important que délicat. Il est bon de rappeler que c’est en ce lieu, aujourd’hui connu sous le nom d’hôtel de la Marine, qu’a été signée l’abolition de l’esclavage, épisode de notre histoire auquel les républicains ici présents ne peuvent qu’être sensibles.
C’est également à l’hôtel de la Marine qu’a été actée la mort par décapitation du couple royal formé de Louis XVI et Marie-Antoinette. Ce bâtiment comprend une partie historique tout à fait remarquable, qui a déjà bénéficié de financements dans le cadre de mécénats, et que l’on n’imagine pas être vendue. En revanche, rien ne s’oppose à ce que le reste de l’immeuble soit affecté à une occupation rentable. De ce point de vue, différents projets ont déjà vu le jour, notamment un projet entièrement privé qui, après avoir défrayé la chronique, a finalement été abandonné.
Un ancien Président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, a rendu un rapport d’une très grande qualité et d’une hauteur de vue remarquable.
Aujourd’hui, votre rapporteur spécial, par ailleurs président du Conseil de l’immobilier de l’État, essaie de sensibiliser à cette question les instances politiques – qui ont certes d’autres priorités –, qu’il s’agisse du ministre de la culture, du ministre en charge du domaine immobilier de l’État, d’autres ministres susceptibles d’être intéressés, voire de la Cour des comptes, qui cherche des locaux et qui utilise, au coeur de Paris, non pas des bureaux, mais d’anciens appartements.
La structure même des bâtiments demeure d’ailleurs inchangée : il y a là une valorisation à entreprendre. Il nous faut concevoir un projet avant que l’état-major de la marine ne quitte ce lieu pour Balard. Autorisation doit être accordée de visiter, de filmer et de valoriser cet immeuble situé à un endroit prestigieux de Paris, haut lieu de l’histoire de l’Ancien Régime et, de temps à autre, des Républiques successives. Si, toutefois, ce lieu n’inspirait pas la moindre réflexion, mieux vaudrait sans doute,le vendre. Mais, à tout le moins pour ce qui concerne la partie historique, il doit rester dans le giron de l’État, à charge pour ce dernier de valoriser tout l’espace extérieur. Des projets ont été échafaudés, de l’argent a même été mis de côté. Je formule un regret, que vous rappellerez au ministre du budget : le Louvre avait des obligations ; on lui a retiré cet argent : c’en est donc à présent fini.
Cet amendement est un amendement d’appel. J’espère que l’Assemblée nationale, par-delà la diversité de ses groupes, saura sensibiliser le Gouvernement pour qu’il se donne les moyens d’un grand projet à l’égard de l’hôtel de la Marine. L’avis de la commission, toutefois, s’il est favorable au produit d’appel, ne l’est pas à l’appel lui-même – autrement dit, à l’amendement.
Ce patrimoine avait encouru, on s’en souvient, le risque de la privatisation. À l’issue du déménagement de l’état-major de la marine, l’immeuble sera valorisé par l’État de façon alternative. Ce que vient de dire le rapporteur rejoint vos souhaits, monsieur le député. Le projet en préparation aura notamment pour objectif de mettre en valeur les espaces historiques du bâtiment. Comme je le disais en aparté, je pourrais aussi parler d’autres bâtiments à vendre, faisant partie du patrimoine de l’État, où Marie-Antoinette a habité.
Bref, tout en assurant la conservation de ce monument d’exception, nous devons trouver une solution viable économiquement, sans concours public supplémentaire. Vous avez d’ailleurs remarqué qu’aucune recette n’y était affectée dans le cadre du projet de loi de programmation militaire 2014-2019 : nous faisons en effet le lien avec ce qui vient d’être dit ; nous n’avons pas communiqué sur le montant de la vente de cet immeuble, car ce n’est plus à l’ordre du jour. Des études sont en cours. Je demande donc le retrait ou, à défaut, le rejet de cet amendement, même si chacun est sensible au devenir de l’hôtel de la Marine. Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur le « Balardgone ».
Madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous avez en effet bien compris qu’il s’agit d’un amendement d’appel : ma motivation première n’est pas la redestination de l’hôtel de la Marine. Je peux très bien comprendre que l’État en conserve une partie, à laquelle s’attache l’Histoire. Toutefois, comme membre de la commission de la défense, je constate aujourd’hui la triste situation dans laquelle se trouve l’immobilier de la défense, qui sert pourtant à l’accueil de nos militaires. Il serait souhaitable de valoriser d’une façon ou d’une autre tout ou partie de ce patrimoine. Il faut en discuter, en débattre rapidement et, surtout, veiller à ce que le produit de cette vente ne soit pas affecté à je ne sais quelle oeuvre charitable de l’État – vous voyez ce que je veux dire – mais soit bien destiné à l’amélioration du casernement, de l’immobilier de nos forces armées.
Compte tenu des engagements pris par la ministre et par le rapporteur spécial, je retire cet amendement, qui n’avait d’autre objet que d’allumer un signal – dans une certaine mesure, de détresse – en faveur de l’immobilier des militaires.
L’amendement no 664 rectifié est retiré.
J’appelle les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions », inscrits à l’état D.
Les crédits du compte d’affectation spéciale « Pensions » sont adoptés.
Nous avons terminé l’examen des crédits relatifs à la gestion des finances publiques et des ressources humaines, aux provisions et aux régimes sociaux et de retraite.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2014 : Écologie, développement et mobilité durables.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale
Nicolas Véron