Nous l’avons écouté avec beaucoup d’attention, Gilles Carrez en particulier.
Néanmoins, permettez-moi d’abord de souligner une de vos contradictions. Il y a un peu plus d’un an, le candidat Hollande faisait porter l’entière responsabilité de la dégradation de la note de la France sur le président de l’époque. C’était la faute du Gouvernement en place, la faute d’une équipe, la faute d’un président. La semaine dernière, une agence de notation a, une nouvelle fois, dégradé la note de la France. Mais, bizarrement, ce n’est ni la faute d’un gouvernement, ni la faute d’une équipe, ni la faute d’un président, mais celle d’une agence irresponsable qui ne sait pas de quoi elle parle et qui n’a pas pris la mesure des réformes qui ont été engagées.
Je ne pouvais commencer mon intervention sans vous mettre face à vos contradictions. Car la dégradation de la note française est bel et bien une remise en cause totale de votre politique économique, à quoi s’ajoute à l’analyse de la Commission européenne qui ne va pas dans le même sens que M. Muet. Sur les taux d’intérêt, vous indiquez qu’ils sont historiquement bas car les prêteurs font confiance à la France. Vous oubliez que, depuis la crise, la BCE a inondé l’Europe de liquidités et que des milliards étaient sur le marché, facilement achetables, à des taux d’intérêt bas. Les faibles taux d’intérêt n’ont donc rien à voir avec la confiance des prêteurs dans la France ; ils sont la conséquence d’une politique monétaire volontariste dont l’objectif était de donner des liquidités aux pays qui en avaient besoin. Vous n’êtes nullement responsable de cette politique favorable en termes de taux d’intérêt. À l’instar des rapporteurs, je dirai que vous avez mangé votre pain blanc. Pas plus tard que vendredi soir, les taux d’intérêt avaient augmenté de deux cents points de base. Or un demi-point d’augmentation des taux représente 2 milliards d’euros d’intérêts supplémentaires. Vous devez d’ores et déjà vous préparer à une remontée des taux qui aura des conséquences significatives sur le montant des intérêts que nous aurons à payer l’année prochaine.
Les choses ne sont pas si simples : Il n’y a pas d’un côté les irresponsables qui n’ont pas la légitimité pour noter votre politique et, de l’autre, les vertueux – vous, en l’occurrence – qui en dépit des recommandations des uns et des autres, gardent un cap, qui n’est pas le bon. Vous êtes en effet les seuls à penser que vous allez dans la bonne direction. Je pense à cette révolution fiscale permanente qui fait partie de la défiance de la part des investisseurs et qu’ils vous reprochent. Comparons avec les autres pays européens. Partout, les réformes ont été mises en oeuvre, partout, les déficits reculent, y compris en Italie, en Espagne, pays qui ont connu des réformes très dures.
Votre politique repose entièrement sur le retour de la croissance, vous l’avez dit, monsieur Muet : lorsque la croissance reviendra, nous reviendrons à des déficits plus réduits. Mais pour que la croissance revienne, la confiance, les investissements, la consommation doivent être là. Or il n’y a rien de tout cela aujourd’hui. Il n’y aura rien de tout cela demain. La seule manière de réduire les déficits est de retrouver la croissance, et donc, la confiance. La politique fiscale que vous menez depuis dix-huit mois n’a aucune conséquence positive sur les trois critères suivants : investissement, confiance, consommation.
L’on ne peut donc juger avec optimisme la trajectoire des finances publiques telle que vous l’avez évoquée. Rappelons qu’en 2012, vous prévoyiez 4,5 % et vous avez fait 4,8 %. En 2013, vous prévoyez 3 % et vous avez fait 4,1 % et en 2014, vous ne ferez pas mieux. Le déficit se situera toujours entre 3,5 % et 4 % : ce n’est pas moi qui le dis, mais la Commission européenne. La semaine dernière, elle a déclaré que vous ne seriez pas à 3 %, mais à 3,7 %, à politique inchangée.
Il faut donc s’attendre à un nouveau tour de vis de 15 milliards d’euros supplémentaires l’année prochaine. Vous nous direz où vous trouverez ces 15 milliards d’euros d’économies supplémentaires pour répondre aux exigences de la Commission européenne et atteindre les fameux 3 % – engagement no 9 du candidat Hollande, je le rappelle. Là encore, un engagement qui ne sera pas tenu et qui participe à la défiance généralisée des Français.