Intervention de Camille de Rocca Serra

Séance en hémicycle du 12 novembre 2013 à 15h00
Loi de finances pour 2014 — Engagements financiers de l'État ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCamille de Rocca Serra, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l’État et du secteur public local » qui comprend les crédits dédiés à la direction générale des finances publiques et le programme 302 « Facilitation et sécurisation des échanges » (302), qui comprend les crédits dédiés à direction générale des douanes et des droits indirects représentent environ 87 % des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Je tiens tout d’abord à rappeler que ces programmes ne sont pas des programmes prioritaires au sens où l’entend le Gouvernement. Cela signifie qu’ils doivent continuer de fournir des efforts, notamment en ce qui concerne les réductions des effectifs, afin de contribuer à la réduction du nombre des agents de l’État.

Le ministère de l’économie et des finances en général, et la DGFiP et la DGDDI en particulier, ont réalisé des efforts très importants ces dernières années, tant en termes de réduction des effectifs que de baisse des moyens financiers. La DGFiP, administration nouvelle née d’une importante fusion, n’a cessé de s’adapter depuis sa création. Je tiens à saluer ces efforts.

En 2014, l’enveloppe des crédits de personnel accordée aux deux directions s’inscrira à nouveau dans une logique similaire à celle qui prévalait auparavant avec la révision générale des politiques publiques, soit un objectif de maîtrise des dépenses publiques. La sémantique change mais les objectifs restent bien les mêmes. Cette année, le ministère de l’économie et des finances devra à nouveau fournir un effort important en rendant 2 564 emplois.

Je souhaite appeler votre attention sur les projets stratégiques en cours d’élaboration dans ces deux importantes directions en réseau du ministère de l’économie et des finances. En effet, l’une et l’autre travaillent actuellement sur des feuilles de route pour la période 2014-2018 qui devraient permettre de dessiner leur avenir. Néanmoins les premiers retours de la démarche stratégique entreprise par la DGFiP m’ont laissé quelque peu sceptique, si ce n’est inquiet, ce processus n’ayant hélas, de stratégique que le nom. Les deux administrations se trouvent aujourd’hui confrontées à un principe de réalité. Le contexte budgétaire contraint actuel impose des réductions conséquentes de moyens humains et financiers. Mais ces efforts pour être viables sur le moyen et le long terme, ne peuvent être poursuivis que dans le cadre de grandes réformes structurelles. Pourtant, la DGFiP entend, à la suite de sa démarche stratégique, maintenir en l’état son réseau et l’ensemble du spectre de ses missions, et affirme même vouloir les conforter, voire en renforcer certaines, notamment celles ayant trait à la lutte contre la fraude fiscale. Or il me semble particulièrement difficile, voire illusoire, de vouloir maintenir l’ensemble des missions ainsi que le réseau de ces deux administrations sans engager de véritables et courageuses réformes structurelles.

Monsieur le ministre, vous m’avez indiqué que le programme de modernisation de la DGFiP, comme de la DGDDI, était pour vous une priorité et que ces projets stratégiques seraient porteurs de réformes structurelles. Néanmoins, ces dernières ne sont pas évidentes et le présent projet de loi de finances n’en apporte nullement la preuve. De véritables réformes structurelles devraient porter sur le périmètre des missions et sur l’évolution réelle du réseau de ces deux administrations. Ces réformes ne peuvent se limiter à une numérisation renforcée de la DGFiP et de la DGDDI. Or c’est là le seul axe de modernisation que vous nous proposez.

La numérisation est primordiale, mais elle ne constitue pas, à elle seule, une réforme structurelle. Par ailleurs, si la numérisation peut représenter une chance, en facilitant le travail des agents et en améliorant les rapports avec les partenaires et les usagers, elle peut également dégrader les conditions de travail, voire engendrer de nouvelles charges. Par exemple, la mise en place dans des délais très resserrés de la dématérialisation des procédures, qui a été récemment généralisée pour les entreprises, a conduit à déplacer le travail de certains agents, les obligeant à soutenir les entreprises pour les aider dans cette importante phase de transition. Un calendrier moins contraint aurait peut-être permis une évolution plus harmonieuse pour les entreprises comme pour les agents de la DGFiP, qui ont dû délaisser leurs missions pour s’atteler dans l’urgence à cette nouvelle tâche.

L’accueil des usagers, que celui-ci ait lieu de manière physique au guichet ou via des appels téléphoniques ou des communications électroniques, constitue, à mes yeux, un autre exemple éloquent de cette inadéquation entre le discours et les actes. Les besoins en termes d’accueil n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, et plus encore en 2013 avec une hausse de 840 000 foyers nouvellement imposables. Or les moyens n’ont cessé de baisser en matière d’accueil du public, dégradant par là même les conditions de travail des agents, résignés et mécontents, et la qualité du service rendu aux contribuables.

Concernant la DGDDI, mes inquiétudes sont similaires. Les missions seront officiellement maintenues, le réseau restera dense en apparence, mais sans réforme structurelle, réelle et courageuse, l’outil s’abîmera inexorablement. J’en veux pour preuve l’incapacité chronique de la DGDDI à maintenir ses capacités opérationnelles puisque ses crédits d’investissement sont sous-exécutés d’année en année. La douane a d’ailleurs dû renoncer récemment au renouvellement de deux vedettes garde-côtes.

Par ailleurs, je suis particulièrement préoccupé par le sort qui sera réservé aux 300 agents de la DGDDI qui auraient dû avoir en charge une partie du traitement de l’écotaxe poids lourds. Que vont devenir les cent quarante agents affectés au centre national de gestion de l’écotaxe implanté à Metz ? En outre, je déplore qu’il soit toujours si difficile d’obtenir des informations concrètes sur le niveau des pénalités qui pourraient être supportées par l’État en cas de prolongation de la suspension de l’écotaxe ou d’abandon pur et simple de celle-ci. Une meilleure information de la représentation nationale sur ce sujet me semble indispensable.

Les réformes structurelles nécessaires n’étant pas au rendez-vous pour ces deux administrations, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes 156 et 302.

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