Intervention de Christian Kert

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 10h00
Loi de finances pour 2014 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Kert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

Les crédits en faveur des patrimoines connaissent une baisse de l’ordre de 4 %. Je n’aurai pas la cruauté de rappeler qu’ils avaient déjà baissé l’an dernier de 10 %… Au total, sur les deux premières années de cette législature, les crédits en faveur des patrimoines auront diminué d’un peu plus de 13 % ! Le programme « Patrimoines » paye ainsi le plus lourd tribut à l’effort consenti sur l’ensemble de la mission « Culture ». Les deux tiers de l’effort portent sur lui, alors qu’il ne représente qu’un tiers des crédits de la mission.

Dans le détail, au sein du programme, les réductions auront principalement affecté le patrimoine monumental, avec une baisse de 12 % entre la loi de finances pour 2012 et le projet de loi de finances pour 2014, le patrimoine des musées de France, avec une baisse de 10,3 %, et les crédits en faveur des acquisitions et de l’enrichissement des collections publiques, avec une baisse de 49,9 %.

Le premier axe du budget mis en avant par votre ministère est la préservation des crédits en région. C’est bien ! Mais la réalité est un peu plus nuancée… Ainsi, dans le domaine des patrimoines, si l’on constate une hausse des crédits déconcentrés en faveur des monuments historiques n’appartenant pas l’État, elle est très largement compensée par la baisse des crédits en faveur des monuments appartenant à l’État : plus 5,2 millions d’un côté, et moins 12,3 millions de l’autre !

Dans la mesure où ces monuments, qu’ils appartiennent ou non à l’État, sont répartis sur l’ensemble du territoire, la présentation qui consiste à souligner la préservation des crédits en région est donc un peu usurpée, d’autant que, dans le même temps, le Centre des monuments nationaux se voit privé de l’affectation d’une fraction de la taxe sur les jeux en ligne, ce qui ramène les sommes inscrites sur cette ligne budgétaire de 8 à 5 millions d’euros. Nous avons bien entendu votre explication lors de la commission élargie, mais il n’en demeure pas moins un différentiel de 3 millions.

On sait qu’en matière de conservation du patrimoine, le report d’une opération peut avoir des conséquences désastreuses à la fois pour le monument et pour les finances publiques car un désordre qui aurait pu être résolu par une opération d’entretien peut, si l’opération est repoussée, prendre des proportions qui requièrent une opération de restauration de plus grande envergure, donc plus lourde. En outre, au contexte de pénurie budgétaire s’ajoutent des difficultés à boucler le tour de table financier des opérations, du fait des contraintes budgétaires pesant sur les collectivités et des conséquences de la réforme de la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments historiques. Ce qui conduit à évoquer des risques de perte des savoir-faire inestimables des entreprises de restauration des monuments historiques. Nous les avons évoqués avec les responsables de ces entreprises.

Un bilan quinquennal de l’état sanitaire des monuments historiques doit être remis au Parlement d’ici à la fin de l’année. Ce devra être l’occasion d’apprécier l’impact de ces restrictions sur l’état de notre patrimoine.

Dans le domaine des musées, le plan Musées en région est pérennisé, à hauteur de 15 millions d’euros. C’est très positif, mais ce chiffre doit être mis en parallèle avec le maintien des crédits d’acquisition des musées, soit 8 millions d’euros contre 16 en 2012, et avec la cure d’austérité imposée aux opérateurs du ministère : c’est un effort de plus de 32 millions d’euros qui leur est demandé !

On peut comprendre la volonté de mettre les opérateurs à contribution dans un contexte de rigueur budgétaire, mais cela appelle trois remarques. La première est que l’effort est inégalement réparti : la baisse de la subvention de fonctionnement du château de Fontainebleau, qui est un établissement en développement, est de 13 %, contre 1 % pour le musée du Louvre. Vous affirmez, madame la ministre, avoir voulu faire peser l’effort sur les plus solides, mais ce n’est pas flagrant au vu de ces exemples.

Deuxième remarque : cette année encore, des prélèvements sur le fonds de roulement seront opérés. Cela avait déjà été le cas l’an dernier, et ils avaient alors été présentés par le ministère comme non reconductibles. On voit qu’il n’en est rien, vous vous êtes expliquée sur ce point lors de la commission élargie.

Enfin, la gratuité d’accès dont bénéficient les jeunes de 18 à 25 ans dans les musées et monuments nationaux diminue d’environ un tiers pour tous les établissements concernés et a vocation à être tout bonnement supprimée. On baisse donc les subventions des opérateurs, alors même qu’on les a privés de grandes marges de manoeuvre pour augmenter leurs ressources propres, en l’occurrence leurs recettes de billetterie. C’est la quadrature du cercle !

C’est donc un panorama bien morose que nous sommes obligés de dresser.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion