Oui, vous avez raison, monsieur Kert, les crédits du programme « Patrimoines » sont en baisse significative et, sincèrement, en tant qu’archéologue et directrice de musée, je ne peux que le regretter. Mais des choix ont été faits, et de nombreuses priorités de la mission « Culture » sont épargnées, notamment l’éducation artistique et culturelle, l’enseignement supérieur ou encore le financement du spectacle vivant et des arts plastiques.
L’éducation artistique et culturelle est une politique interministérielle, entre le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale, qui a énormément augmenté depuis 2012, passant en deux ans de 31,9 à 78,9 millions d’euros.
Selon le bleu budgétaire, elle vise à ce que chaque futur citoyen soit en mesure de développer un regard éclairé et de s’orienter dans l’offre culturelle, de manière autonome et tout au long de sa vie. Elle permet aux enfants et aux jeunes de mieux se repérer dans la diversité des productions culturelles et dans le développement des industries culturelles à l’échelle mondiale. Elle concourt donc à la protection et au renforcement de la diversité culturelle.
L’éducation artistique et culturelle a été au centre de la loi sur la refondation de l’école et doit désormais s’articuler entre temps scolaire, temps périscolaire et temps extrascolaire de manière intégrée.
J’entends régulièrement qu’il faudrait concentrer l’éducation sur les bases : lire, écrire, compter serait bien suffisant pour mettre notre jeunesse au travail, surtout en ces temps de chômage de masse sans espoir d’amélioration à court terme.
Cette solution simple est une fausse évidence, la pire possible. Nous n’avons jamais autant eu besoin de créativité, d’imagination et de largeur d’esprit. Quand un gamin coince sur la lecture, l’écriture ou le calcul, le rabâchage n’améliore pas la situation. C’est au contraire en élargissant l’enseignement, en montrant son lien avec le monde, que l’on développe la curiosité nécessaire à tout apprentissage. Ce lien avec le monde, c’est ce que nous appelons la culture.
Je ne parle pas de grands principes abstraits. Nous ne sommes pas jeudi mais je vais tout de même vous faire une confession : à neuf ans, comme tout le monde, j’étais fascinée par la trilogie des Sissi. Ces films m’ont poussée à m’intéresser à la vie de la vraie Élisabeth d’Autriche, Élisabeth de Wittelsbach, puis aux luttes internes à l’empire austro-hongrois, et c’est là l’une des origines de ma passion pour l’histoire qui m’a menée jusqu’aux études supérieures. Je citerai aussi une série de téléfilms franco-roumains de 1982 inconnus sur Guillaume le Conquérant. Lorsque j’ai postulé pour la direction du musée de la tapisserie de Bayeux, ce souvenir, ce petit bout de culture que tout le monde avait oublié faisait partie de mon patrimoine personnel.
La culture est un élément essentiel pour voir au-delà du cercle de sa famille ou de son village. C’est pour chacun d’entre nous une motivation. C’est pourquoi l’école doit être un lieu primordial de transmission de la culture. La dimension et la variété de votre vocabulaire sont l’un des principaux déterminants sociaux. Si vous ne comprenez pas ce qu’est une victoire à la Pyrrhus, une épée de Damoclès ou la boîte de Pandore, vous ne pourrez pas être à l’aise dans les milieux sociaux qui ont intégré cette richesse dans leur culture. Comprendre les références de son interlocuteur dès un entretien d’embauche, c’est primordial.
La culture n’est pas un petit plus, un luxe qui vient lorsque le reste ne pose pas de problème. C’est ce qui va nous permettre de trouver du travail, de rire avec les autres et d’être à l’aise dans un milieu socioculturel autre que le nôtre.
Nous regrettons bien sûr d’assister pour la deuxième année consécutive à une diminution du budget de la culture, de 5 % en deux ans. On est bien loin de l’engagement de campagne de François Hollande de sanctuariser ce budget.