Intervention de Jean-Marie Beffara

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 10h00
Loi de finances pour 2014 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Beffara, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les médias, la presse écrite, les libraires, les industries culturelles traversent d’importants bouleversements. L’ère du numérique a modifié les comportements et les usages, obligeant l’ensemble de ces secteurs à s’adapter, à innover pour trouver un modèle économique compatible avec ces mutations.

L’audiovisuel a été bousculé par le développement spectaculaire du numérique. Cela a engendré des changements profonds des modes de consommation, notamment l’émergence du téléchargement illégal. La lutte contre ces pratiques est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Il nous faut, dans le même temps, construire une véritable offre légale attractive et économiquement viable pour les industries culturelles.

Auteurs, producteurs, distributeurs et diffuseurs portent des intérêts légitimes mais parfois difficiles à concilier. Le rapport Lescure a formulé des propositions innovantes qu’il faut maintenant parvenir à mettre en oeuvre. Je pense notamment à la réforme de la chronologie des médias ou encore à une meilleure convergence entre l’offre linéaire et non linéaire à la télévision.

La construction d’un nouveau modèle économique durable pour l’audiovisuel passe par ces évolutions indispensables. Je souhaite à cette occasion, madame la ministre, saluer le travail considérable que vous avez engagé. Vous avez pris des mesures destinées à amorcer ces changements, dans la perspective de rendre compatible les intérêts de la création culturelle avec les nouveaux modes de consommation.

J’en viens maintenant à France Télévision qui a d’ailleurs effectué d’importants progrès en matière numérique. Le groupe présente aujourd’hui une offre aboutie et qui continue de s’enrichir.

Conformément aux engagements du Président de la République, les réformes nécessaires pour rendre son indépendance à l’audiovisuel public, et notamment à France Télévisions, sont engagées. Le projet de loi de finances pour 2014, en poursuivant le rééquilibrage entre dotation budgétaire et contribution à l’audiovisuel public, confirme les efforts engagés l’année passée.

Malheureusement, France Télévisions continue de payer le prix fort des décisions du précédent gouvernement : suppression de la publicité après vingt heures et donc des recettes afférentes ; création de l’entreprise unique. Ces décisions prises dans un contexte budgétaire contraint ont, il faut bien le reconnaître, contribué à déstabiliser profondément le groupe France Télévisions.

La fusion des différentes chaînes a engendré des coûts supplémentaires, même si l’on peut en espérer des économies à terme, grâce aux mutualisations qu’elle permettra. Dans ce contexte, il a parfois été difficile de lire la trajectoire budgétaire du groupe. L’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, approuvé récemment par le conseil d’administration de France Télévisions, nous permet néanmoins d’envisager un retour à l’équilibre pour 2015.

S’agissant d’ARTE France, en deux années, tout en ayant une gestion saine de ses finances, la chaîne a réussi à améliorer son audience, démontrant ainsi la pertinence de sa ligne éditoriale et la qualité des innovations numériques entreprises. Il convient de valoriser les efforts et les résultats obtenus.

Depuis deux ans, les augmentations de la contribution à l’audiovisuel public ont principalement bénéficié à France Télévisions, compensant partiellement la baisse des recettes publicitaires. Il me semble légitime qu’à l’avenir l’indexation de la contribution à l’audiovisuel public sur l’inflation puisse aussi bénéficier à ARTE France, afin de ne pas mettre en danger son équilibre financier.

En ce qui concerne les radios associatives, je me réjouis, madame la ministre, de la préservation des crédits du Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Ce fonds est essentiel pour le financement de ces radios qui jouent un rôle important dans l’animation et la vie sociale de nos territoires. J’attire simplement votre attention sur le souhait de ces radios de voir simplifier les dossiers de demande de subventions.

Enfin, la presse écrite est le secteur pour lequel mes inquiétudes sont les plus nombreuses. Je ne reviens pas sur les difficultés structurelles qu’elle rencontre et dont vous avez fait état : l’effondrement des recettes publicitaires et l’érosion des ventes dans un contexte où nous nous sommes malheureusement habitués aux contenus gratuits.

J’adhère, d’une part, à votre volonté d’obtenir la neutralité fiscale du support de presse afin que le taux réduit de TVA puisse être appliqué également aux ventes numériques de la presse, et, d’autre part, au lancement d’une médiation sur la complémentarité entre les modes de diffusion de la presse et sur les modalités de sortie du moratoire postal.

Dans le cadre de cette médiation, j’attire votre attention et celle du futur médiateur sur des points de vigilance qui ne doivent pas être éludés lors des négociations.

Premièrement, la fin du moratoire met en lumière le niveau élevé de nos tarifs postaux par rapport à ceux pratiqués par nos partenaires européens. Face à la difficulté de comprendre le mode de calcul des tarifs postaux et pour préparer au mieux le dialogue entre les acteurs, il me paraît important que la médiation confie à une autorité indépendante l’analyse précise des modes de calculs des tarifs postaux appliqués à la presse.

Deuxièmement, la situation des diffuseurs de presse, malgré l’aide exceptionnelle de 4 millions d’euros débloquée cette année et reconduite l’année prochaine, est de plus en plus délicate. Si la question de leur rémunération par les éditeurs n’est pas discutée lors de la médiation, le rythme des disparitions des maisons de la presse dans nos communes risque de s’accélérer.

Au regard des auditions que j’ai menées et des intérêts parfois divergents qui ont pu s’y exprimer, j’ai forgé la conviction que seul un accord de filière permettra à la presse dépasser ses difficultés.

Pour conclure, je formule un avis favorable sur les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » ainsi que sur les deux comptes d’affectation spéciale qui lui sont rattachés.

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