Intervention de Stéphane Travert

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 10h00
Loi de finances pour 2014 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation :

…et ne remette pas en cause les stratégies défendues par chacune des sociétés composant l’audiovisuel public français.

En ce qui concerne France Télévisions, l’exercice 2013 fait apparaître de sérieux motifs de préoccupation. Les ressources publicitaires se présentent en retrait d’environ 20 millions d’euros par rapport aux prévisions. Ce recul s’explique par un contexte globalement défavorable, l’absence de créneaux après vingt heures qui « surpénalise » le groupe, mais aussi par certains choix éditoriaux de la direction. On ne peut également que déplorer la perte par France Télévisions de la diffusion du tirage du loto, qui représentera un manque à gagner de plus de 10 millions d’euros par an.

Quant aux ressources publiques, à la fin de l’année, elles pourraient être en retrait de 31 millions d’euros par rapport au budget, en raison du cumul de la réserve de précaution et d’un surgel sur la dotation budgétaire.

Il convient de rappeler que le plan d’affaires du projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens 2011-2015, qui a reçu un avis favorable des commissions en charge des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat, prévoit pour 2013 l’attribution à l’entreprise de l’intégralité des crédits votés en loi de finances initiale pour 2013.

La situation de France Télévisions appelle un suivi régulier et précis de la gestion par le ministère de la culture et de la communication, tutelle de la société. En revanche, cette prérogative ne me semble pas appartenir au CSA.

J’ai souhaité consacrer la partie thématique de mon avis à la question de l’offre régionale du service public audiovisuel. Le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions souligne à juste titre le caractère limité de l’offre française de service public audiovisuel régional par rapport à d’autres pays comparables comme l’Allemagne et l’Espagne.

C’est pourquoi, madame la ministre, je me réjouis que vous ayez décidé d’engager une réflexion sur l’avenir de l’offre régionale de France 3 et de confier à cet effet une mission à Anne Brucy, ancienne directrice du réseau France Bleu.

Mon rapport constitue une première contribution à cette réflexion. J’espère que cette initiative permettra d’apporter une réponse durable à la question de l’identité de France 3. Pour cela, la réforme de France 3 me semble devoir être au coeur du mandat du prochain président de France Télévisions, qui devra notamment être évalué au regard de sa capacité à la mettre en oeuvre.

Élément fondamental de différenciation pour le service public, par définition ignoré des chaînes commerciales faute de rentabilité, l’exercice de la mission de proximité et de présence territoriale constitue un objectif incontournable du service public.

Cette mission est d’autant plus incontournable que les autres médias locaux, presse quotidienne régionale et chaînes locales privées, traversent une crise si grave que leur pérennité ne paraît pas garantie.

Cependant, pour son offre régionale de service public audiovisuel, la France a historiquement fait le choix d’un modèle très centralisé de chaîne nationale avec des fenêtres régionales. Surtout, les programmes régionaux, alors même qu’un réseau de proximité mobilise nécessairement des moyens importants, sont diffusés sur des créneaux fortement limités, difficilement accessibles, qui ne leur permettent pas de rencontrer le public de manière totalement satisfaisante.

Mon rapport montre par ailleurs que les antennes régionales paient très cher le modèle de l’entreprise unique et la réorganisation du réseau de France 3, fondée sur la création de quatre grands pôles de gouvernance. Au regard des objectifs mis en avant, le bilan de cette réforme apparaît très négatif.

La création des pôles de gouvernance a ajouté une nouvelle couche de complexité, fortement réduit l’autonomie des antennes et distendu le lien avec les territoires.

Contrairement aux objectifs affichés au moment de la réforme, on ne constate aucune volonté affirmée de revalorisation ou d’enrichissement des programmes régionaux ni aucune amélioration réelle de leur exposition. Dans un contexte budgétaire contraint, l’optimisation des moyens semble tenir lieu de projet stratégique et l’insuffisante exploitation du réseau ne fait qu’alimenter les interrogations sur son utilité et son coût. Les équipes ont le sentiment que les arbitrages se font systématiquement au détriment de l’offre de proximité et que l’absence de projet témoigne d’une stratégie non avouée de mettre purement et simplement un terme aux formats régionaux.

Le moment est donc venu d’une refondation de France 3. Faute de réforme, se posera rapidement la question de l’existence d’un réseau de proximité et, plus largement, de la spécificité de l’offre du service public. C’est pourquoi je propose d’inverser la logique pour faire de France 3 une chaîne régionale avec des décrochages nationaux, sur le modèle de ce qui existe aujourd’hui à France Bleu. Je vous remercie de votre attention et émets bien évidemment un avis favorable sur cette mission budgétaire.

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