Intervention de Yannick Favennec

Séance en hémicycle du 13 novembre 2013 à 10h00
Loi de finances pour 2014 — Culture

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, dans un monde multipolaire où l’hégémonie passe par l’association de facteurs multiples, où les conditions de la puissance ont changé, où la culture irrigue de façon transversale les aptitudes à la créativité, la politique culturelle est bien plus que la gestion d’un secteur : elle est la trame de toute puissance et de tout espoir de projet de développement durable.

Les médias sont le bras séculier de cette puissance potentielle, qui relève, par essence, davantage du spirituel que du temporel. Le choix de la diffusion par les médias de cette culture est donc le signe avant-coureur de la puissance ou de la faiblesse. Les médias, publics mais pas seulement – loin s’en faut –sont les éclaireurs de la politique culturelle, aux avant-postes du combat pour ce soft power si déterminant dans le monde et si indispensable à notre cohésion républicaine.

Nous sommes malheureusement bien loin ici de quelque objectif de puissance que ce soit, tant ce budget paraît insignifiant – au sens étymologique du terme –et fragmenté, au point de ne rien exprimer de crédible.

Pourtant, nous avons tous le souvenir de l’engagement de campagne en faveur d’une sanctuarisation du budget de la culture. Qu’en est-il dans ce projet de loi de finances ? Un reflux de 13,2 % des crédits affectés aux médias, aux livres et aux industries culturelles, et la perspective d’un nouveau reflux l’année prochaine.

Pour notre place dans le monde, prenons l’exemple précis de l’audiovisuel extérieur français, qui reçoit une dotation quasiment identique à celle de 2012. Quel drôle de paradoxe, après les drames qui ont frappé une profession qui sert avec courage hors de nos frontières, non pas seulement la culture française – cet espace francophone si indispensable à la respiration de peuples disséminés ici et là –, mais l’esprit de liberté, dont nous espérons toujours être les promoteurs universels.

Eh bien, il n’y a rien de nouveau de ce côté-là ! Rien qui montre une envie de réagir. Rien qui signe une volonté de réformer un secteur qui en a pourtant cruellement besoin. La Cour des comptes a émis une critique sévère à l’encontre d’une réforme qui a engendré plus de coûts qu’elle n’a permis d’économies, pour une facture finale de 100 millions d’euros.

Autres dommages collatéraux d’un budget maltraité – ils sont malheureusement déjà visibles –France Télévisions perd des crédits par rapport à 2013, alors que l’entreprise souffre d’un déficit de plusieurs dizaines de millions d’euros. Un plan social est sur le point d’être appliqué, avec 361 suppressions de postes, ne tenant aucun compte de la trajectoire fixée par le contrat d’objectifs et de moyens. Si cette baisse avait été programmée sur le long terme, l’entreprise aurait été capable, comme n’importe quelle autre, d’établir un plan pluriannuel. Mais là, c’est une purgation, une saignée à la façon des médecins de Molière. Et l’on sait ce qu’il en résultait !

Parlons aussi de la culture à l’intérieur de nos frontières, dans les capillarités infinies de notre territoire. De ce côté-là aussi, en dépit de propositions de lois visant notamment à sauver les libraires de concurrences injustes et insoutenables, le Gouvernement a réduit de presque 3 % les crédits affectés à la presse, au livre et aux industries culturelles. Le choc est donc très rude, d’autant plus que le projet politique qui devrait l’accompagner n’apparaît pas.

Enfin, rien de nouveau quant aux aides à la presse, si ce n’est la baisse globale des crédits. Alors que la presse écrite est embourbée dans une crise majeure, le Gouvernement ne fait pas de choix visible qui permettrait de privilégier les uns par rapport aux autres, dans un but d’intérêt général et de maîtrise de la dépense publique. La Cour des comptes a plusieurs fois eu l’occasion de souligner que ces aides sont saupoudrées, sans réel examen de pertinence, et accroissent la dépendance à l’État du secteur. Les réformes que vous avez annoncées pour renforcer le ciblage des aides ne se traduisent en aucune manière, je le crains, dans le présent projet de budget.

Que ressort-il de l’examen de ce budget ? Là où nous attendions l’acuité, nous avons la vacuité, là où nous attendions un sursaut, nous avons un cerceau, c’est-à-dire que nous tournons en rond, sans faire les choix que le monde nous impose d’évidence aujourd’hui, notamment du point de vue de notre rayonnement international.

Souvenons-nous du programme présidentiel du candidat François Hollande qui, sur ce sujet, se contentait de quelques propositions, très souvent imprécises, comme le lancement d’un plan national d’éducation artistique et un acte II de l’exception culturelle française que nous attendons encore.

Sur ce sujet finalement, et c’est l’un des rares, nous n’avons pas à nous sentir déçus, tant les promesses étaient abstraites. Mais nous le sommes au moins de votre incapacité à répondre, sur ce secteur comme sur tant d’autres, à ce que le monde nous dit, en s’inscrivant par là dans la longue et belle tradition universaliste et humaniste française.

Comment pourrions-nous, dans de telles conditions et en conscience, voter pour un tel budget ? Sans surprise donc, je vous précise, madame la ministre, que le groupe UDI rejettera les crédits de cette mission.

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