Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, madame et messieurs les rapporteurs, pour la deuxième année consécutive, le budget de la mission va diminuer. Cependant, les écologistes considèrent que la ministre continue de préserver, autant que possible, les éléments essentiels que sont le soutien à la lecture pour tous ou la baisse de la TVA sur certaines catégories de biens culturels.
Nous regrettons néanmoins que les réformes fiscales attendues dans ce domaine ne soient toujours pas à l’ordre du jour. Tout d’abord, si le prix des tickets de cinéma et celui du livre ont été préservés de la hausse de la TVA, il n’en est pas de même pour les autres produits culturels. Rappelons que la rémunération pour copie privée demeure en place, alors que tous les jugements rendus montrent qu’il s’agit d’une taxe mal calculée et difficilement justifiable.
Enfin, la refonte de la contribution à l’audiovisuel public est encore repoussée alors que l’on sait qu’il s’agit du système de financement de l’audiovisuel public qui garantit la plus grande indépendance pour ces médias. Nous avons encore assisté, récemment, au limogeage du directeur des programmes de France Télévisions en raison des difficultés d’audimat sur l’émission de 18 heures. Or, la publicité rend l’entreprise publique bien plus vulnérable à ces considérations. Elle devrait plutôt être préoccupée par un impératif de qualité. Heureusement, madame la ministre, vous avez renoncé à assouplir les règles de la publicité comme il en était question pendant un moment. Il n’y aura donc pas d’ouverture aux « secteurs interdits », comme le cinéma, ni de placements de produits dans les émissions de flux, talk-shows, magazines, jeux, etc.
Nous ne pouvons que constater le désarroi des salariés de France Télévisions, légitimement inquiets du plan de départs volontaires et des projets d’externalisation. J’ai appris avec stupeur que France Télévisions n’utilisait plus les données de Météo France pour ses émissions, mais celles d’un fournisseur anglais, vendues moins cher. C’est la main gauche du service public qui choisit d’ignorer la main droite ! Cette petite économie à France Télévisions, c’est au final une perte sèche pour le budget de l’État.
Concernant la presse, si le budget a drastiquement baissé par rapport à ce qui était annoncé il y a un an dans le projet de loi de finances pour 2013, une réforme structurelle des soutiens à la presse se fait toujours attendre. En effet, les annonces faites pour 2014 ne sont pas à la hauteur des recommandations de Michel Françaix ni des difficultés que connaît la presse française depuis de nombreuses années. Nous en voyons encore un exemple avec l’annonce par Ouest-Franced’une perte pour 2013 de 5 millions d’euros et de la suppression d’une centaine de postes sous forme de départs volontaires. Il faudrait revoir en totalité le système d’aide à la presse pour réellement l’accompagner dans sa mutation, notamment vers l’économie numérique.
Il est anormal que la presse en ligne ne bénéficie toujours pas du taux réduit des journaux papier. Une fois de plus, je rappelle l’importance considérable de journaux disponibles uniquement en ligne : Médiapart, Arrêt sur Images, PC Inpact, Numerama, Actualitté… Il s’agit de sociétés de presse comme les autres, avec la même ambition d’information du public. Rien ne justifie ce traitement fiscal différencié.
Il en va différemment pour les livres numériques. Je défendrai demain l’amendement no 22 qui vise à distinguer les vrais livres numériques des systèmes verrouillés du type Kindle d’Amazon ou iBooks d’Apple. Ces écosystèmes fermés trompent leurs clients : alors que vous croyez acheter un livre, vous n’achetez qu’une licence de lecture extrêmement restreinte. Ma proposition vise à inciter fiscalement les éditeurs à réellement vendre des fichiers. Les éditeurs français, leaders sur ce marché, seraient ainsi mieux armés pour affronter ces gigantesques multinationales américaines, tout en offrant des produits plus respectueux de leurs clients.
Pour poursuivre sur le sujet du numérique, le budget de la HADOPI diminue encore, passant de 11 millions en 2012 à 6 millions en 2014, sans pour autant que ses missions aient été revues. Le ministère a annoncé sa volonté de transférer ces missions au CSA selon les recommandations de Pierre Lescure. Cela a failli se faire lors du passage au Sénat du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, puis a été abandonné. Les écologistes sont opposés à un tel transfert qui contribuerait à dupliquer la mission de contrôle du CSA sur Internet dont, pourtant, les logiques sont radicalement différentes.
Il faut donc totalement repenser à la fois les droits, les libertés et les devoirs des internautes, et le rôle de l’État dans le respect de ces droits et devoirs. Cela ne peut se faire qu’en posant sérieusement la question de la légalisation du partage entre individus, associée à la constitution d’une contribution à la création.
Pour finir, je pose une nouvelle fois la question des contrats que Bruno Racine, président de la BNF, a signés avec des entreprises privées pour la numérisation de certains fonds issus du domaine public dans le cadre du premier programme d’investissements d’avenir. Ces contrats ont soulevé de nombreuses questions et, si leur budget ne relève pas directement du budget de l’État, il est cependant indispensable que ce dernier vérifie que ces fonds restent effectivement dans le domaine public. Madame la ministre, nous voterons en faveur de ces crédits. Nous resterons notamment très vigilants à propos des lois Création et Patrimoine que vous nous avez annoncées pour 2014. Nous sommes à votre disposition pour collaborer avec vous à ces lois indispensables à l’évolution de ces secteurs abandonnés.