Intervention de Marie-Noëlle Battistel

Séance en hémicycle du 12 novembre 2013 à 21h30
Loi de finances pour 2014 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques :

Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, chers collègues, ainsi que je l’avais déjà signalé lors de la commission élargie, ce que vous avez d’ailleurs reconnu, monsieur le ministre de l’écologie, le budget du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pourrait être qualifié d’anecdotique en ce qu’il ne reflète pas du tout l’engagement public pour la transition énergétique qui, empruntant d’autres canaux, représente pourtant des montants importants. Aussi faut-il s’interroger de façon globale sur le financement de la transition énergétique.

La contribution au service public de l’électricité – CSPE – est l’instrument privilégié de soutien aux énergies renouvelables.

Le blocage de la contribution demandée aux consommateurs entre 2004 et 2010 s’est traduit par l’accumulation d’une dette à l’égard d’EDF estimée à 4 250 millions d’euros à la fin 2012. Depuis 2011, le mécanisme de fixation de la contribution unitaire a évolué et devrait permettre de couvrir les coûts de l’année, de stabiliser la dette, avant de commencer à la résorber à partir de 2014, jusqu’à ce que l’intégralité du déficit de compensation soit remboursée à l’horizon 2018.

La résorption du déficit de couverture des charges de CSPE ne résout pas le problème du poids de ces charges sur la facture du consommateur. Selon les calculs du ministère, la CSPE devrait atteindre 10 milliards d’euros par an en 2020.

La direction générale de l’énergie et du climat a annoncé qu’elle lancerait prochainement une concertation portant sur les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables : tarifs d’achat, appels d’offres, primes à la production. Quel sera le calendrier de cette consultation ? Sera-t-il lié au projet de loi de programmation sur la transition énergétique ? Ces questions sont essentielles, monsieur le ministre.

La rénovation thermique du parc de logements privés doit être considérée comme une priorité nationale, au regard de quatre objectifs : diminuer les émissions de gaz à effet de serre, lutter contre la précarité énergétique, développer les emplois verts non délocalisables et rééquilibrer le mix énergétique.

Tout doit être mis en oeuvre pour faciliter l’accès des particuliers à la rénovation thermique. Ces derniers doivent avoir à leur disposition des instruments efficaces, tout en étant accompagnés tout au long de leur démarche. Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la mise en place du « guichet unique » de la performance énergétique, sous l’égide de l’ADEME. Pouvez-vous nous donner des précisions quantitatives sur le dispositif que vous comptez mettre en place : objectifs, effectifs, modalités de financement, entre autres.

La réussite du plan de rénovation thermique est une brique essentielle de la transition énergétique et doit donc faire l’objet d’un accompagnement fort de la puissance publique.

Enfin, la « rente nucléaire » a été évoquée comme source de financement possible de la transition énergétique. Il ne s’agit en aucun cas de préempter les décisions de l’Autorité de sûreté nucléaire mais d’étudier l’opportunité de lancer un plan d’investissement de 55 milliards d’euros qui engagera notre pays pour de nombreuses années, sans voie de retour possible. Le prolongement du parc nucléaire est une stratégie industrielle risquée dans la mesure où aucune garantie ne peut être donnée aujourd’hui sur le maintien en activité des réacteurs.

L’État, garant de l’approvisionnement en électricité du territoire français, a donc une forte responsabilité, ce qui donne tout son sens à l’objectif de rééquilibrage du mix électrique français. En tant qu’actionnaire d’EDF à 84 %, sa situation est également financièrement risquée. Un mauvais choix stratégique aurait des conséquences dévastatrices pour les comptes publics.

Cependant, le prolongement de la durée d’exploitation du parc historique aurait un impact économique bien identifié. Les investissements d’EDF pourraient être étalés sur dix années supplémentaires, ce qui permettrait de réduire la hausse du tarif de l’électricité de trois points.

De surcroît, le report de dix ans des obligations en matière d’actifs dédiés permettrait à EDF de reprendre une partie des montants déjà provisionnés, à hauteur de 3,3 milliards d’euros. Cette reprise de provision donnerait lieu au versement d’un supplément d’impôt sur les sociétés de 1,3 milliard d’euros en 2013.

Enfin, nous devons nous poser la question de la solution alternative : à quel coût et selon quel calendrier pourrions-nous remplacer le parc nucléaire historique si la décision de prolongation n’était pas prise ?

S’il convient de ne pas réduire le débat sur la transition énergétique à la question nucléaire, cette dernière conditionne tout de même les réponses apportées à beaucoup d’autres. Aussi, monsieur le ministre, quelle que soit la décision prise, elle devrait l’être rapidement, afin de donner de la visibilité à l’ensemble des acteurs du secteur. Ce n’est qu’ainsi que la France pourra conserver sa place parmi les pays leaders de la transition énergétique.

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