Intervention de Danielle Bousquet

Réunion du 6 novembre 2013 à 9h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes :

Effectivement, certains pères se sentent atteints dans leur rôle d'homme, et ce mouvement a conduit à cet article voté par le Sénat, en dépit de l'opposition du Gouvernement.

La garde alternée peut très bien convenir si la sécurité de l'enfant est assurée dans chacun des deux foyers. Par contre, il faut garder à l'esprit qu'un très grand nombre d'enfants en France sont victimes d'inceste et que 10 % des femmes sont victimes de violences conjugales. Par conséquent, la systématisation de la garde alternée risque de poser d'énormes problèmes en cas de violences de la part du père. Selon nous, c'est au juge de se prononcer sur la meilleure solution pour l'enfant au regard des conditions d'accueil chez le père et la mère. Les dispositions introduites par le Sénat me semblent extrêmement dangereuses ; elles doivent être revues pour protéger les enfants et les femmes.

Ainsi, nous insistons sur la nécessité d'associer les pères le plus tôt possible à l'éducation des enfants, grâce à la réforme du congé parental et du congé de paternité. Cela éviterait qu'un grand nombre de problèmes se posent par la suite.

Le titre II du projet de loi comporte des dispositions relatives à la lutte contre la précarité des femmes, qui est un problème majeur aujourd'hui. Celui-ci doit être abordé sous l'angle de la lutte contre la précarité des femmes au travail. Conformément à l'un des engagements du candidat Hollande, il faut mettre en place les outils juridiques, sociaux et fiscaux permettant de limiter les emplois précaires des femmes, en particulier le recours au temps partiel, source de grande pauvreté des femmes, en particulier au moment de leur retraite. Le texte de loi n'aborde pas cet enjeu majeur ; or je pense que le Parlement devrait y réfléchir.

Le titre III du projet de loi porte sur la protection des femmes contre les violences. Je rappelle que les morts violentes de femmes dans le couple représentent 22 % des homicides volontaires en France. Le Haut Conseil à l'égalité estime qu'en cas de condamnation du père ou de la mère pour un crime ou un délit commis sur l'autre parent, la Cour d'assises doit se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale. Je ne dis pas qu'il faut retirer systématiquement l'autorité parentale au parent criminel, je dis que la Cour d'assises doit envisager la meilleure solution pour l'enfant, qui n'est peut-être pas la garde par le parent criminel à sa sortie de prison.

D'autre part, le Haut conseil à l'égalité estime nécessaire de renforcer le dispositif de dissimulation de l'adresse de la victime de violences. Dans 99 % des cas, c'est le père qui est violent, et c'est lorsqu'il retrouve ses enfants que les femmes ont le plus grand risque de subir les violences – meurtres, coups, blessures graves. Pour éviter à la femme victime de déménager de manière répétée afin de se mettre à l'abri, nous recommandons de prolonger le délai autorisant la dissimulation de son adresse après la fin de l'ordonnance de protection.

Je me réjouis que le Sénat ait mis fin au recours à la médiation pénale dans les cas de violences au sein du couple. En effet, la médiation pénale entre une personne victime et un auteur de violences est un non-sens absolu.

J'approuve également la disposition selon laquelle les victimes de viols doivent pouvoir bénéficier du téléphone d'alerte leur permettant d'obtenir une intervention rapide des forces de sécurité en cas de danger. Il s'agit là d'une excellente mesure.

Le titre IV comporte des dispositions visant à mettre en oeuvre l'objectif constitutionnel de parité. Le Haut Conseil à l'égalité considère la parité politique comme l'un des fondements de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Pour les élections législatives, nous préconisons de supprimer la dotation publique au titre de la première fraction aux partis politiques ne respectant pas la parité des candidatures. En effet, entre 2007 et 2012, la pénalité est passée de 50 % à 75 %, mais le taux de femmes candidates a diminué, de 41,6 % à 40,1 %, tous partis politiques confondus. Je suis convaincue que la parité politique n'est pas anticonstitutionnelle, comme nous l'ont affirmé des constitutionnalistes de renom.

Une deuxième possibilité consisterait à établir, au niveau de chaque département, et à partir des candidatures individuelles aux législatives enregistrées dans chaque préfecture, des listes selon les groupements et partis politiques. Ainsi, toute liste dont l'écart entre les candidatures féminines et masculines serait supérieur à 1 serait rejetée. Cette préconisation mérite d'être creusée, car elle permettrait la parité réelle.

Dans la mesure où le Sénat a créé un titre III bis, que je qualifierai de « fourre-tout » car il y traite de divers sujets, en particulier de l'autorité partagée et de la résidence alternée pour les enfants en cas de séparation des parents, pourquoi alors ne pas imaginer un autre titre ? Ainsi, un titre V pourrait intégrer l'extension du délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, votée au Sénat, ainsi que des dispositions inspirées du rapport que nous remettrons demain à la ministre sur l'accès à l'IVG, dans lequel nous proposons que ce droit « à part » devienne un droit à part entière.

Statistiquement, 35 % des femmes – soit plus d'une femme sur trois – auront recours à une interruption volontaire de grossesse dans leur vie. On peut donc dire qu'une IVG est un acte, non pas courant, mais assez courant dans la vie des femmes. L'une des préconisations de notre rapport sur l'IVG consisterait à ne plus spécifier dans le code de la santé publique la clause de conscience des médecins pratiquant les IVG. En effet, dans la mesure où cette clause est déjà accordée de manière générale à tout le personnel soignant pour l'ensemble des actes médicaux, pourquoi la spécifier concernant l'IVG ?

Ensuite, pour faciliter l'information et l'orientation des femmes, nous préconisons la mise en place d'un numéro de téléphone national d'information « guichet unique », renvoyant vers les plateformes téléphoniques régionales quand elles existent et sont opérationnelles.

Par ailleurs, des professionnels qualifiés non médecins pourraient réaliser le premier rendez-vous et être autorisés à délivrer la première attestation.

En outre, le délai de réflexion entre les deux rendez-vous obligatoires avec un médecin pourrait être réduit – le premier pourrait d'ailleurs être organisé avec un professionnel non médecin. En effet, la quasi-totalité des femmes qui se présentent à ces rendez-vous n'ont pas besoin réfléchir : elles savent ce qu'elles veulent. Or le délai de sept jours peut conduire à un risque de dépassement du délai légal pour l'IVG.

Nous proposons également que les IVG puissent être pratiquées par aspiration sous anesthésie locale dans les centres de santé, les centres de planification ou d'éducation familiale et les maisons médicales pluridisciplinaires. En définitive, il s'agirait de simplifier un acte, non pas banal, mais qui n'est pas un acte médical lourd.

Enfin, parmi nos 34 recommandations, la première qui figure dans notre rapport consisterait à remplacer, dans l'article L.2212-1 du code de la santé publique autorisant l'avortement, l'expression : « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse » par les termes : « La femme qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse peut demander à un-e médecin de l'interrompre ». En effet, l'IVG n'est plus liée à une détresse : elle est devenue un droit.

3 commentaires :

Le 07/12/2013 à 18:36, Roque a dit :

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Madame Bousquet, vus n'avez pas le droit de dire que dans 99 % des cas c'est le père qui est violent. Renseignez vous , il existe de nombreuses études sur ce sujet elles demontrent que la mère est au moins autant impliquée dans les décès d'enfant, et dans une proportion notable des violences conjugales.

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Le 14/12/2013 à 08:48, Bruno Junger a dit :

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Madame Bousquet, je pense qu'il est temps de sortir de certains clichés en stigmatisant la violence des pères, les difficultés des mères. Certes cela existe et doit être traité mais ce n'est pas le véritable débat. Les masculinistes tel que vous les nommez sont des pères qui souffrent d'un système injuste, bien souvent on recommande aux pères de ne même pas demander la garde alternée, étant certains que cela sera refusé par le juge. Dans de nombreuses séparations de simples allégations suffisent à écarter un parent, a multiplier les procédures et enquêtes. Au nom du principe de précaution on oublie la présomption d'innocence. Les services juridiques s'appuient sur des travailleurs externes, enquêteurs sociaux, ASE, qui en plus d'engendrer de très lourdes dépenses sont peu ou pas du tout contrôlés, cela n'est pas digne d'un état de droit. Le système devrait mieux protéger les femmes en difficultés c'est absolument évident, mais il devrait permettre aux pères d'être plus présent si ils le souhaitent.

En temps de crise il faudrait se pencher sur les dizaines de milliards dépensés en mesure type AEMO, placements, enquêtes, sociales, psychiatriques et autres, certaines associations parlent de 70.000 placements abusifs par an. Sachant qu'un enfant placé c'est 7000€ par mois de frais pour le Conseil Général.

Alors oui pour un système égalitaire, oui pour que la résidence alternée soit possible, oui à un profond changement de la justice familiale, oui à plus de transparence, non au sexisme de chaque bord! Ce n'est pas d'une guerre homme femme mais des enfants dont il faudrait parler, alors notre société avancera.

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Le 21/12/2013 à 19:14, baptiste a dit :

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Je partage à 100 % les précédents commentaires, tant sur les chiffres erronés avancés que sur le fond.

Madame Bousquet, vous vous trompez de combat, il faut aider bien sur les mères isolées, mais dans quel but stigmatiser les pères qui veulent simplement être présents dans la vie de leurs enfants.

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