Monsieur le ministre, je reviendrai sur la question de l’avenir de la filière bois en France, mais sous un axe un peu différent, qui me paraît essentiel. Au fil des rapports parlementaires qui s’accumulent sur la question depuis 2008 revient le même constat : celui d’un grand gâchis. Nous bénéficions de la troisième forêt d’Europe en surface, riche d’une grande variété d’espèces, ainsi que de savoir-faire et de potentiels immenses.
Pour autant, la filière bois représente le deuxième poste le plus déficitaire de notre balance commerciale, avec près de 7 milliards d’euros l’an dernier. En dix ans, avec la fermeture de plusieurs centaines de menuiseries et scieries en France, le secteur a perdu plus de 50 000 emplois. Nous produisons avec une surface 1,5 fois plus étendue moitié moins que nos voisins Allemands.
Comment passe-t-on de tels atouts à ce marasme ? Certaines causes sont connues, comme le morcellement des parcelles ou le manque d’investissement dans l’industrie de transformation. Mais la vraie raison tient plus à la compétitivité-coût de la filière dans un contexte de mondialisation mal maîtrisée. Nous exportons, en effet, vers des pays à bas coût, notamment la Chine, la matière première brute pour la réimporter ensuite une fois transformée en meuble, en pâte à papier ou en menuiserie mais à un prix bien évidemment supérieur. Ainsi, la France vend le mètre cube de chêne brut, bois le plus recherché, environ 80 euros. Une fois séché et scié, il est réimporté à 500, voire à plus de 2 000 euros lorsqu’il est transformé en meuble. 80 % des chênes que nous exportons sont ainsi vendus à la Chine, et en trois ans nos exportations vers ce pays ont été multipliées par cinq.
Une nouvelle fois, la France subit de plein fouet la mondialisation et son corollaire, le dumping social en faveur de pays à bas niveau de salaire et de protection sociale. Alors que beaucoup de pays ont contingenté leurs exportations vers la Chine, nous n’avons rien fait en ce sens, pieds et poings liés que nous sommes par le carcan libre-échangiste de Bruxelles.
Ma question est donc en dehors de la seule évolution des crédits alloués au programme « Forêt ». Quelle est votre stratégie pour rétablir la compétitivité de la filière bois et y maintenir des emplois ? J’aimerais notamment savoir comment elle pourra retrouver l’équilibre financier sans une remise en cause des règles de libre-échangisme.