Intervention de Christophe Borgel

Séance en hémicycle du 18 novembre 2013 à 16h00
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Borgel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Deuxième argument : l’article 24 de la Constitution précise que « le Sénat représente les collectivités territoriales ». C’est vrai. Toutefois, l’article se poursuit ainsi : « Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Cela n’implique pas que les sénateurs élus soient eux-mêmes des élus locaux – sans quoi, comme je l’ai déjà indiqué, près d’un quart des sénateurs siégeraient en violation de la Constitution. Les sénateurs sont désignés par un collège composé principalement d’élus locaux, mais pas seulement : je rappelle en effet que dans bon nombre de départements, certains élus désignent des grands électeurs qui ne sont pas eux-mêmes élus locaux.

La seule différence entre députés et sénateurs tient en fait au mode de scrutin par lequel ils sont élus. Les uns et les autres doivent tous « vouloir pour la nation », conformément à la Constitution, qui leur confère à ce titre les mêmes prérogatives législatives. L’Assemblée nationale et le Sénat sont d’ailleurs désignés sous une même appellation : le Parlement. Les sénateurs sont des parlementaires à part entière. Ils ont voulu s’exclure du champ d’application de la loi, mais je n’ai pas vu qu’ils en tirent la conséquence logique, qui consisterait à réduire le champ de compétences de l’assemblée sénatoriale. En vertu de l’article 3 de la Constitution, ils exercent au nom du peuple la souveraineté nationale. Cette vocation généraliste justifie à mon sens que leur statut soit identique à celui des députés, tout spécialement en matière d’incompatibilités.

En l’état, la Constitution ne fait d’ailleurs aucune différence entre députés et sénateurs en la matière. Son article 25 donne toute compétence au législateur organique pour définir ces incompatibilités, qui sont traditionnellement communes aux députés et aux sénateurs. Ainsi, ni la réforme des incompatibilités de 1985, ni celle de 2000 n’ont traité les sénateurs différemment des députés. C’est pourquoi, dans le code électoral, les incompatibilités applicables aux sénateurs sont fixées par renvoi d’un seul article, l’article L.O. 297, à l’ensemble des incompatibilités applicables aux députés. À ce jour, le législateur ne s’est pas préoccupé de différencier entre députés et sénateurs en matière d’incompatibilités.

Autre argument : l’article 46 de la Constitution prévoit que les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. C’est vrai. Précisément : le présent projet de loi organique concerne au même titre le Sénat et l’Assemblée. On ne peut donc se prémunir contre la loi avec cet alinéa de la Constitution en espérant qu’elle sera invalidée par le Conseil constitutionnel.

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