Intervention de Joël Grangé

Réunion du 5 novembre 2013 à 19h15
Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France :

Ce qui vous a été dit sur le motif économique est en partie vrai et très inexact. Il est vrai que les juges ne traitent le motif économique qu'a posteriori. En revanche, on peut penser qu'il existe un motif de licenciement économique réel et sérieux quand une société affronte des difficultés économiques ou cherche à sauvegarder sa compétitivité. Goodyear est beaucoup plus endetté que Michelin ou d'autres acteurs du marché. Ses capacités d'investissement sont très réduites. On mesure combien il faut investir à Amiens-Nord pour fabriquer des pneus à haute valeur ajoutée et faire de la R&D. Dans le cas de Goodyear, qui subit la concurrence des grands groupes et des opérateurs chinois, la sauvegarde de la compétitivité me paraît être un motif de licenciement réel et sérieux.

Au palmarès des procédures judiciaires intentées sous des prétextes fallacieux, le dossier Goodyear représente une apothéose. Il justifie à lui seul qu'on ait déchargé les juges de la procédure de licenciement économique pour la confier à l'administration. Des professeurs de droit l'ont regretté. Je pense moi aussi, en tant qu'auxiliaire de justice, qu'il aurait mieux valu adapter le système judiciaire en conciliant le respect du contradictoire et la décision publique, qui sont fondamentaux, et le pragmatisme, qui ne l'est pas moins.

Cela dit, le combat de coqs ne mène à rien. Pour avoir gagné trois ou quatre procédures, M. Wamen s'est convaincu qu'il était invincible. Il le croit encore après neuf échecs, puisqu'il invoque maintenant des actions au fond. Or il me semble, sans m'avancer à l'excès, car l'issue d'un procès n'est jamais sûre, que nous ayons un argumentaire à faire valoir. Le problème des procédures de licenciement économique est pour partie réglé par la loi de sécurisation de l'emploi. À titre personnel, je regrette la solution adoptée, mais les points de vue personnels n'entrent pas en considération quand on élabore une loi.

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