La réunion

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L'audition commence à dix-neuf heures quinze.

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Maître Joël Grangé, soyez le bienvenu. Vous êtes le conseiller juridique de la direction de Goodyear dans les nombreuses procédures judiciaires concernant le conflit social qui dure depuis 2007. Pouvez-vous les présenter rapidement et rappeler le point de vue que vous défendez ? Quelle appréciation portez-vous sur la multiplication et sur le résultat de ces procédures ? Quel rôle ont-elles joué dans le conflit ?

Nous avons appris par le ministre du Redressement productif l'existence d'un nouveau projet de Titan, qui n'a pas encore été matérialisé. Dans quelles conditions la reprise partielle de l'activité de Goodyear peut-elle s'effectuer ? Quelles conséquences aurait-elle, en termes de délais, sur le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ?

Conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vais vous demander de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

Veuillez lever la main droite et dire : « Je le jure ».

(Me Joël Grangé prête serment.)

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Je ne suis pas l'avocat de Goodyear depuis 2007. J'ai d'abord été extérieur au dossier, que j'ai découvert en mai 2011.

En février 2011, alors que Goodyear avait réengagé sa procédure d'information et consultation sur la fermeture de l'activité tourisme et sur la cession de l'activité agricole à Titan, le TGI de Nanterre avait considéré que les informations fournies par Goodyear sur le projet de Titan étaient insuffisantes.

En prenant connaissance du conflit, qui existait depuis trois ans, j'ai été frappé par sa violence. Je n'avais jamais connu de climat social aussi dégradé. Les procès-verbaux des réunions du comité d'établissement à Amiens-Nord mentionnent des insultes d'une extrême grossièreté, qui témoignent du désir d'avilir les dirigeants.

Des décisions judiciaires avaient déjà été rendues. Il en ressortait que, puisque Goodyear avait formé depuis des années le projet de fermer l'activité de tourisme et souhaitait, depuis mai 2009, se désengager de l'agricole, la consultation devait être entreprise sur les deux sujets en même temps. Autrement dit, le projet de fermeture de l'activité tourisme était conditionné à la consultation sur le projet Titan.

En mai 2011, quand Goodyear, après avoir transmis les informations fournies par Titan, m'a demandé conseil, je leur ai suggéré d'obtenir du repreneur potentiel des garanties et des précisions supplémentaires et de ne pas séparer, dans la consultation que nous menions auprès des instances représentatives du personnel, le tourisme et l'agricole. Nous démentirions ainsi l'organisation syndicale majoritaire qui accusait implicitement Goodyear de dissimuler l'abandon global du site, en renonçant à l'activité tourisme et en sous-traitant la fermeture de l'agricole à Titan.

Les discussions ont été difficiles avec Titan, qui a néanmoins précisé son plan de développement et consenti une garantie d'emploi sur deux ans. Je ne conteste pas qu'en cas de non-respect, celle-ci se serait résolue par le versement de dommages et intérêts, mais aucun groupe n'a envie d'en verser. Quoi qu'il en soit, c'est le maximum que nous ayons obtenu. Nous avons alors relancé une procédure d'information et consultation.

Celle-ci s'est à nouveau déroulée dans un climat invraisemblable. Lors de la première réunion, en juillet 2011, l'organisation syndicale majoritaire a décidé de s'en aller, sans doute à la suite d'un mauvais calcul. Le représentant de la CGC, lui, est resté, et le comité d'entreprise a choisi de désigner, pour le représenter, le cabinet Secafi. Celui-ci qui, pour avoir été médiateur, connaissait parfaitement le dossier, a considéré que ce que nous avions obtenu de Titan n'était pas rien. Par la suite, la CGT, qui n'a plus jamais voulu travailler avec ce cabinet, a assigné la direction en référé, en contestant la validité de la résolution qui avait désigné Secafi pour représenter le comité d'entreprise.

La veille de l'audience, selon un procédé qu'affectionne mon contradicteur, la CGT a ajouté une nouvelle argumentation : elle ne pouvait accepter un engagement de deux ans – assimilé à une décision de fermer l'établissement dans deux ans – et trouvait le plan de développement insuffisamment précis. La présidente du tribunal a considéré que la désignation de Secafi était valide, mais jugé le plan de développement trop peu détaillé et le délai de deux ans prévu pour le maintien de l'emploi trop court.

Le plan social n'a pas été annulé pour autant, mais la promesse d'achat de Titan expirait dans les quinze jours. Or celui-ci, qui ne s'était engagé pour deux ans qu'à contrecoeur, ne souhaitait pas aller plus loin. Dès lors, en décembre 2011, il n'y avait plus de projet. Les pouvoirs publics qui, comme Goodyear, avaient en ligne de mire la possibilité de sauver 577 emplois, ont pris l'initiative d'organiser de nouvelles réunions avec la CGT, Titan et Goodyear.

En février 2012, une réunion initialement prévue au ministère, s'est finalement tenue à Amiens, en présence des représentants de Titan, qui étaient venus en Europe. Nous nous sommes retrouvés à Amiens à dix heures du soir. À l'issue de la réunion, à laquelle Titan nous a demandé de ne pas participer, nous avions compris qu'un accord avait été trouvé avec la CGT.

Par la suite, la CGT a demandé des engagements écrits. Titan a refusé, ce qui ne m'a pas surpris, puisque j'avais moi-même tenté d'obtenir de lui le maximum. Néanmoins, le dialogue s'est renoué avec la CGT. Puisque Titan réclamait un accord entre nous et la CGT et que la CGT refusait d'avancer tant que le problème de Goodyear ne serait pas réglé, j'ai proposé la mise en place d'un plan de départ volontaire (PDV). Ne pouvant mener deux discussions en parallèle, d'autant que la culture de Titan et celle de la CGT sont difficilement conciliables, nous avons proposé un PDV et de suspendre les discussions avec Titan. Après trois ou quatre ans de procédure, beaucoup de salariés se sentaient découragés et souhaitaient rapidement se consacrer à un projet d'avenir.

La négociation sur le PDV a duré jusqu'en juin 2012. La CGT a obtenu gain de cause sur tous les plans. Le dispositif était audacieux. Il consistait à faire décroître l'activité de tourisme grâce aux départs volontaires, pour que, le moment venu, les salariés qui voulaient rester soient affectés dans le secteur de l'agricole, qui pourrait alors être cédé. Il était logique que Titan, spécialiste de l'agricole, n'ait pas voulu reprendre une usine en partie consacrée au tourisme. Le déclin progressif de ce secteur constituait une avancée considérable. Par ailleurs, les compensations financières étaient avantageuses.

Nous pensions signer l'accord fin juillet, après quoi, ayant avancé sur le PDV, nous pourrions aborder la question de l'agraire et le cas des salariés qui rejoindraient Titan. Or, au moment de signer, alors même que nous avions engagé la procédure de consultation du comité central d'entreprise (CCE), l'organisation syndicale majoritaire a annoncé qu'elle demandait au repreneur potentiel des garanties d'emploi. Nous étions convaincus qu'elle ne les obtiendrait pas, quels que soient les contacts que Me Rilov se vantait d'avoir avec des avocats américains.

Nous sommes convenus de nous retrouver début septembre. Fin août, Titan a refusé de prendre de nouveaux engagements. Malgré ce refus, nous sommes revenus vers les organisations syndicales, car nous avions trop travaillé sur le dossier du PDV pour renoncer. Nous avions réussi, notamment en renonçant à des actions pénales à l'égard du délégué de la CGT, à créer un climat de discussion serein. Nous avons examiné alors la situation des salariés. Celle des plus « chanceux » qui bénéficieraient du plan de départ volontaire et celle de ceux qui iraient dans l'agraire et qui seraient repris par Titan. Ils seraient paradoxalement moins bien lotis, puisqu'ils ne toucheraient pas de gros chèque et entreraient, au-delà de deux ans, dans un secteur aléatoire.

Goodyear a alors imaginé une garantie d'indemnisation au cas où le contrat de travail des salariés de Titan serait rompu avant une certaine période. Mme Pernette y a fait allusion en mentionnant le délai de quatre ans et demi à cinq ans. Alors que nous pensions avoir fait tout le chemin, on nous a accusés de jouer les prestidigitateurs, au motif que nous proposions un accord de méthode, qui ne peut exister en l'absence de plan social.

L'argument ne tient pas. Les versions de juin et de septembre sont toutes deux présentées comme des accords de méthode. Je vous les remets pour que vous puissiez vérifier. Le suivi de la procédure de consultation est prévu, en cas de licenciement économique collectif, conformément à la loi et à la jurisprudence qui remonte à l'amendement Mandon de 1991. Le caractère fallacieux de l'argument m'a fait comprendre que le dialogue était cassé. En outre, les exigences relatives à la durée augmentaient au lieu de se réduire, ce qui est contraire à l'évolution normale des négociations, surtout quand on approche du but. Il était manifestement temps d'arrêter.

Les discussions entre la CGT et Titan étaient cependant plus avancées que je ne le pensais. J'ai notamment découvert, dans le cadre des contentieux initiés en mai, une pièce, qui porte le tampon Rilov, preuve qu'elle a été communiquée par mon confrère, établissant que, contrairement à ce que disposait la version française, dans laquelle les chiffres étaient remplacés par XXX, la version proposée par la CGT en langue anglaise transmise à Titan portait sur une durée d'engagement de sept ans et sur le maintien à Amiens d'une activité de 80 % de l'activité européenne du groupe.

Nous étions fin 2012. Le projet de fermer le tourisme remontait à 2009 et aucune solution ne se présentait pour l'agricole. Dès lors, il ne restait plus qu'à engager une procédure d'information et consultation sur la fermeture de l'ensemble. Sur mon conseil, Goodyear a rédigé un document expliquant les raisons économiques de son projet. Le dossier économique se situe non à l'échelon d'Amiens-Nord mais au niveau du groupe, conformément à la jurisprudence, et se fonde tant sur la sauvegarde de la compétitivité dans le secteur du tourisme que sur la situation de l'agricole.

C'est un contresens de penser que le site a été démantelé pour justifier une fermeture. Dès 2007, un document intitulé Bâtissons ensemble l'avenir du complexe d'Amiens détaillait la situation d'Amiens-Nord, au vu de l'évolution du secteur : difficultés rencontrées par Goodyear, qui a frôlé la faillite en 2000, manque d'investissements et nécessité de procéder à des investissements supplémentaires, pour créer le complexe unique alors en projet. Sa rédaction est extrêmement précise : le secteur du tourisme baisse en volume et, si le groupe ne se positionne pas sur un secteur à haute valeur ajoutée, il ne s'en sortira pas. Je vous engage à lire ce texte, ainsi que le compte rendu de la réunion au cours de laquelle il a été présenté.

Une des contreparties à l'investissement de 50 millions envisagée était le passage aux 4x8, dispositif qui n'est pas illégal et qui est à l'oeuvre dans tout le groupe. On ne pouvait pas mieux convaincre le groupe d'investir qu'en lui proposant un système qui fonctionnait partout. Amiens-Sud a accepté. Le document économique que j'ai cité constate en effet l'évolution respective des pneus à basse et à forte valeur ajoutée.

On se lamente qu'après cinq ans de consultation sur un projet de fermeture du tourisme, il n'y ait eu aucun investissement. Le contraire eût été étonnant, puisque, depuis juin 2009, Goodyear pensait achever dans les six prochains mois le processus de consultation sur la fermeture du secteur. Ce n'était pas le moment d'investir. En revanche, des sommes considérables ont été dépensées en investissement de maintenance, environ 60 millions d'euros.

En janvier 2013, nous avons aussi prévu un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), qui n'a suscité aucune remarque de l'administration. Nous avons naturellement cherché, comme la loi le prévoit, des postes de reclassement en Amérique latine ou en Asie, même si les salariés d'Amiens-Nord n'allaient probablement pas se repositionner au Brésil. Nous avons avant tout cherché à aider les salariés, en leur offrant un accompagnement bien supérieur à celui du PDV. Nous avons basculé une part de son budget vers l'accompagnement et la formation, tout en prévoyant des indemnités non négligeables. Avec les différentes indemnités, le niveau de rémunération des salariés va être assuré pendant trois ou quatre ans, voire plus, si l'on inclut des indemnités de chômage, pendant cinq ou six ans.

L'enjeu essentiel est devenu le reclassement. Des cabinets spécialisés ont établi une carte des métiers présents sur le site et des emplois en tension dans la région amiénoise, afin d'imaginer des passerelles de formation. Non seulement, depuis neuf mois, Goodyear n'a pas pu ouvrir un débat constructif, mais il a été l'objet d'un harcèlement judiciaire. À chaque réunion, on lui a opposé la politique de la chaise vide ou lancé des insultes.

Si, en octobre 2011, j'étais déçu qu'un jugement nous ait été partiellement défavorable, je me réjouis que, depuis lors, toutes les procédures judiciaires, une dizaine en tout, nous aient donné raison. Nous n'en sommes pas sortis pour autant. Des décisions ont fait l'objet d'un appel. Hier, j'ai appris l'existence d'un nouveau référé concernant le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de Riom. La manoeuvre est claire : le CHSCT ne pourra donner son avis avant l'aboutissement de cette nouvelle action en justice. Goodyear a déjà attendu beaucoup de décisions pour pouvoir clore le processus d'information et consultation, mais tous les juges des référés ont constaté l'absence de trouble manifestement illicite.

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Je suis heureuse de vous rencontrer, maître, puisque, depuis quelque temps, vous me citez dans vos plaidoiries.

L'offre de reprise qui vient d'être émise par Titan peut-elle mettre en cause le PSE, censé être voté jeudi, lors du dernier CCE, et mardi prochain, lors du dernier CE ? Pensez-vous que cette procédure va devoir s'interrompre ? Comment avez-vous accueilli l'annonce de Titan ?

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Lors d'une audience, j'ai fait allusion, au cours d'une incidente, à l'existence de votre commission d'enquête.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Non.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Je vous ai mentionnée au cours d'une incidente, qui n'a pas duré plus de deux minutes, au cours d'une plaidoirie d'une heure. Et c'est à cette allusion que la presse a réduit tout mon propos. Elle a été très attentive.

Je me réjouis finalement de l'existence de votre commission d'enquête, qui, à mon avis, a considérablement clarifié le dossier, mais il faut avoir conscience que tous les sujets que vous abordez sont simultanément traités par la justice. Au nom de la séparation des pouvoirs, il n'est pas illégitime qu'on s'inquiète de l'effet qu'aura peut-être votre rapport sur des juges. Surtout lorsque l'on prend connaissance du support sur la base duquel cette commission a été désignée. Le problème n'a rien de personnel. Il est juridique.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Un avocat est un juriste libre. Quoi qu'en dise la garde des sceaux, je crains que la commission d'enquête ne mette à mal l'indépendance de la justice. Une commission d'enquête n'est pas une juridiction. Comment être sûr, par exemple, qu'elle respecte l'équilibre des parties, puisque sa composition reflète celle du Parlement ?

En tant qu'avocat de Goodyear et en qualité de citoyen français, j'ai consacré beaucoup d'énergie à la solution Titan. Même en sachant que les Américains n'ont pas l'habitude de s'engager sur le long terme, je pensais que, s'il existait une chance de sauver 537 emplois, il fallait la tenter, surtout en l'absence de solution alternative. Je conviens cependant que Goodyear ne pouvait pas répondre de l'activité de Titan, même si nous étions prêts à apporter des garanties supplémentaires.

Sur le retour de Titan, je n'en sais pas plus que vous. Il semble que le nombre d'emplois préservés chuterait de 537 à 333, mais on ne sait pas lesquels sont concernés. La fermeture globale serait suivie d'une réouverture et de nouvelles embauches. La CGT assure qu'il n'en est pas question. Techniquement, je ne sais pas si l'opération est possible, compte tenu de l'article L122-12 du code du travail, qui prévoit dans ce cas le transfert automatique des contrats de travail. Il faut d'abord séparer l'agricole du tourisme, ce qui ne sera pas simple. Vous savez, pour avoir visité l'usine, que les deux secteurs utilisent des équipements spécifiques et des appareils communs. Je veux bien admettre que les avocats brillants sont faits pour trouver des solutions, mais je n'en vois aucune, d'autant que Titan et la CGT n'ont pas le même point de vue.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Qu'ils nous expliquent alors comment ils s'y prendront.

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La semaine dernière, la directrice régionale adjointe de la DIRECCTE de Picardie nous a dit qu'il existait une solution juridique.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

J'ai entendu sa réponse, mais la solution me paraît difficile à trouver. C'est pourquoi il serait judicieux d'introduire dans la proposition de loi visant à redonner des perspectives à l'économie réelle et à l'emploi industriel une disposition permettant de réduire les effectifs à l'occasion d'une reprise, éventuellement sous le contrôle d'un tiers, pour éviter toute fraude. Je veux bien aider le Parlement à travailler sur cette piste. J'espère cependant, ce dont je n'ai pas eu le temps de m'assurer, que la directive communautaire n'exclut pas cette solution.

La seule exception à l'article L.122-12 est le redressement ou la liquidation judiciaire, qu'on ne peut invoquer ici, puisque l'entreprise est loin de déposer le bilan. Je suis à la disposition du Parlement pour essayer de trouver une solution législative. Pour l'heure, la seule piste serait de transférer 650 salariés vers Titan, qui en conserverait ultérieurement 333.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Oui, après transfert des contrats de travail, mais je ne pense pas que le repreneur acceptera, puisqu'il demande pour l'instant que le site soit fermé avant toute opération de reprise, et que la CGT refuse son projet.

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Elle dit qu'avant d'accepter le PSE, elle veut encore discuter du nombre de salariés qui sont repris.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Nous avons été beaucoup plus près d'un accord que nous ne le sommes aujourd'hui. En l'absence d'option crédible, il n'est pas opportun d'interrompre le processus de consultation. On dit parfois qu'il faut donner du temps au temps, mais on nous reproche aussi d'avoir laissé décliner l'activité du site sans rien faire. C'est faux, d'ailleurs. Ce n'est pas ne rien faire que de négocier.

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On accuse Goodyear de se servir de Titan pour éviter toute reprise et permettre au PSE d'aller à son terme. Or vous dites que, si l'on trouvait un accord, Goodyear ne l'empêcherait pas, quitte à ce que la procédure en cours soit allongée de quelques semaines, voire de quelques mois.

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Vous m'avez posé une question technique, et je vous ai répondu techniquement. Il ne m'appartient pas de prendre devant une commission d'enquête une décision politique sur un sujet qui évolue chaque jour. J'ai seulement souligné la complexité du problème, qui me semble loin d'être résolu. C'est pourquoi il ne me semble pas opportun de retarder l'issue de la consultation.

Celle-ci achevée, il faudra rechercher des reclassements, en fonction de l'ordre des licenciements, ce qui s'effectue au niveau de l'entreprise. Il faudra ensuite proposer à des salariés protégés par les critères d'ordre d'Amiens-Nord d'aller travailler à Riom ou à Montluçon. Bref, les lettres de licenciement ne partiront pas demain, mais la procédure de consultation s'achève. Je rappelle qu'elle a duré dix mois, qu'elle n'a donné lieu à aucune discussion constructive avec l'organisation syndicale majoritaire et qu'on reproche déjà à Goodyear d'avoir trop attendu.

Certains d'entre vous se sont demandé pourquoi nous n'avions discuté qu'avec l'organisation syndicale majoritaire. Sur le plan juridique, les négociations doivent associer toutes les organisations syndicales, et se tenir au niveau où les décisions sont prises, soit au niveau de l'entreprise. Mais M. Wamen n'est pas le délégué syndical central de la CGT et, sachant que les autres organisations syndicales, présentes au niveau central, sont très peu représentées sur le site d'Amiens-Nord, il ne voulait pas que nous négociions au niveau de l'entreprise.

Si nous avions discuté avec le délégué de la CGT de Riom, qui est le délégué syndical central de l'entreprise, et avec le délégué de la CFDT, nous n'aurions pas réglé le problème d'Amiens-Nord. Nous avons donc agi autrement, en utilisant le plus souvent des précautions de langage. C'est ainsi que nous avons qualifié certains échanges de « discussions » et non de « négociations ». Parfois, pour avancer, il faut accepter de passer par le chas d'une aiguille. Ce sera peut-être encore le cas, quand nous aurons en main la description du nouveau projet.

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N'est-il pas curieux que le premier protocole entre Goodyear et Titan, qui portait sur la reprise de l'agricole, ait été négocié entre Titan et la CGT, en l'absence du cédant potentiel, qui était Goodyear ?

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Parfois, le repreneur potentiel discute directement avec les représentants du personnel, puisqu'il est le mieux placé pour parler de son projet. Ce n'est pas spécialement choquant. En revanche, on peut s'étonner du secret dont la CGT a entouré la négociation, comme pour suggérer qu'elle arracherait à Titan les garanties que nous n'avons pas réussi à obtenir. Aujourd'hui encore, mon confrère Rilov est convaincu que Titan va céder, parce qu'il a besoin de l'usine. Je ne partage pas ce point de vue.

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Le procédé me semble tout de même étrange : si un protocole d'accord est signé in fine, n'est-ce pas Goodyear qui garantira la situation des salariés en cas de non-respect par Titan du maintien de l'activité pendant cinq ou sept ans ?

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Ce schéma est apparu en septembre 2012, soit en fin de négociation, ce qui est assez logique. Notre protocole d'accord prévoyait un PDV, et précisait que les négociations en vue de la cession de l'activité agricole se poursuivraient prioritairement avec Titan. Nous ne proposions donc pas de package complet.

Le premier problème à régler était le PDV. C'est pourquoi nous nous sommes sentis trahis quand on nous a replacés devant le problème de l'engagement pour le maintien de l'emploi de Titan.

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Comment définissez-vous la notion de motif économique, dont votre confrère conteste qu'elle s'applique à Goodyear ? Souhaitez-vous suggérer d'autres aménagements de la législation ?

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Joël Grangé, avocat de Goodyear Dunlop Tires France

Ce qui vous a été dit sur le motif économique est en partie vrai et très inexact. Il est vrai que les juges ne traitent le motif économique qu'a posteriori. En revanche, on peut penser qu'il existe un motif de licenciement économique réel et sérieux quand une société affronte des difficultés économiques ou cherche à sauvegarder sa compétitivité. Goodyear est beaucoup plus endetté que Michelin ou d'autres acteurs du marché. Ses capacités d'investissement sont très réduites. On mesure combien il faut investir à Amiens-Nord pour fabriquer des pneus à haute valeur ajoutée et faire de la R&D. Dans le cas de Goodyear, qui subit la concurrence des grands groupes et des opérateurs chinois, la sauvegarde de la compétitivité me paraît être un motif de licenciement réel et sérieux.

Au palmarès des procédures judiciaires intentées sous des prétextes fallacieux, le dossier Goodyear représente une apothéose. Il justifie à lui seul qu'on ait déchargé les juges de la procédure de licenciement économique pour la confier à l'administration. Des professeurs de droit l'ont regretté. Je pense moi aussi, en tant qu'auxiliaire de justice, qu'il aurait mieux valu adapter le système judiciaire en conciliant le respect du contradictoire et la décision publique, qui sont fondamentaux, et le pragmatisme, qui ne l'est pas moins.

Cela dit, le combat de coqs ne mène à rien. Pour avoir gagné trois ou quatre procédures, M. Wamen s'est convaincu qu'il était invincible. Il le croit encore après neuf échecs, puisqu'il invoque maintenant des actions au fond. Or il me semble, sans m'avancer à l'excès, car l'issue d'un procès n'est jamais sûre, que nous ayons un argumentaire à faire valoir. Le problème des procédures de licenciement économique est pour partie réglé par la loi de sécurisation de l'emploi. À titre personnel, je regrette la solution adoptée, mais les points de vue personnels n'entrent pas en considération quand on élabore une loi.

L'audition s'achève à vingt heures vingt.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête relative aux causes du projet de fermeture de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord, et à ses conséquences économiques, sociales et environnementales et aux enseignements liés au caractère représentatif qu'on peut tirer de ce cas

Réunion du mardi 5 novembre 2013 à 19 h 15

Présents. - Mme Pascale Boistard, M. Jean-Louis Bricout, M. Alain Gest, Mme Arlette Grosskost

Excusée. - Mme Véronique Louwagie