Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 19 novembre 2013 à 15h00
Application de l'article 11 de la constitution — Présentation commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy, rapporteur des commissions mixtes paritaires :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, nous voici donc arrivés, pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, au terme d’une procédure, engagée il y a déjà un certain nombre d’années, qui vise à mettre en oeuvre la dernière des dispositions de la révision constitutionnelle de juillet 2008, à savoir ce que l’on a faussement appelé le « référendum d’initiative populaire ».

Sous la précédente législature, du reste, l’opposition avait été réticente, voire hostile à l’adoption de ce projet de loi organique et de ce projet de loi ordinaire, non pas en raison de leur contenu, mais parce qu’ils se contentaient – ils ne pouvaient pas faire autrement – de décliner une disposition constitutionnelle qu’elle jugeait insuffisante, précisément parce qu’il ne s’agit pas d’un référendum d’initiative populaire.

Ce référendum, il conviendrait en effet de l’appeler – bien que la formule ne soit pas tout à fait exacte – « référendum d’initiative partagée », puisque la procédure est initiée par le Parlement, l’initiative populaire accompagnant et complétant l’action parlementaire. Cette initiative conjointe concerne une proposition de loi qui peut traiter, comme le référendum classique, de questions relatives à l’organisation des pouvoirs publics, à la ratification d’un traité ou à une réforme économique, sociale ou environnementale.

La procédure est placée sous le contrôle du Conseil constitutionnel, qui doit s’assurer de la conformité de la proposition de loi à la Constitution, ce qui constitue une nouveauté, puisque, en amont de la procédure législative, c’est habituellement le Conseil d’État qui est compétent. Néanmoins, si celui-ci est obligatoirement saisi lorsqu’il s’agit d’un projet de loi, il ne l’est pas dans le cas d’une proposition de loi. Or, en l’espèce, il s’agit, par définition, d’une proposition de loi.

Le Conseil constitutionnel doit également veiller – c’est l’objet de ces deux projets –à la régularité de la phase de recueil des soutiens citoyens.

Lorsque les conditions sont réunies, le Parlement doit examiner la proposition de loi dans un délai de six mois – délai fixé dans le projet de loi organique. Ce n’est qu’en l’absence d’examen par le Parlement que le référendum devient alors obligatoire. La procédure vise donc moins à déclencher un référendum en tant que tel qu’à mettre à l’ordre du jour des assemblées une réforme législative soutenue par des parlementaires et des citoyens.

Les CMP, à l’issue de la navette, étaient appelées à trouver le meilleur compromis possible sur trois principaux points, qui faisaient encore l’objet de différences, plutôt que de vraies divergences, entre l’Assemblée nationale et le Sénat.

Premièrement, faut-il fixer dans la loi organique un délai maximal pour la convocation du référendum par le Président de la République ? Les dispositions constitutionnelles ne le prévoient pas, mais le texte adopté lors de la précédente législature avait prévu un délai maximal de quatre mois. L’idée était de consacrer dans la loi organique le principe de la compétence liée du Président de la République. Mais dès lors que cette compétence liée apparaît admise par tout le monde et que l’on peine à imaginer le Président de la République refuser, à l’issue de la procédure, d’organiser le référendum alors que toutes les conditions prévues au nouvel article 11 de la Constitution seraient réunies, la CMP a décidé, suivant en cela le Sénat, de supprimer ce délai, dont la constitutionnalité était au demeurant incertaine.

Je rappelle en effet que, même s’il y a un consensus, voire une unanimité, sur ces dispositions, le texte de la loi organique doit être soumis au Conseil constitutionnel, lequel aurait pu juger que la constitutionnalité de cette disposition était incertaine, voire aléatoire.

Deuxièmement, sous quelle forme les citoyens peuvent-ils apporter leur soutien à la proposition de loi ? Pour de multiples raisons, l’Assemblée nationale avait opté pour une procédure exclusivement électronique – via un site internet dédié et sécurisé. Le Sénat souhaitait la compléter par un possible recueil sur papier.

Nous avons discuté de cette question avec nos collègues du Sénat, et en relation permanente avec le Gouvernement. Avec le rapporteur du Sénat, Jean-Pierre Sueur, nous avons proposé à la CMP ce qui est apparu comme un bon compromis : le recueil se fera par la seule voie électronique, mais il sera possible, dans les points publics qui seront mis à disposition des personnes n’ayant pas d’accès à internet, de faire enregistrer sous forme électronique un soutien présenté sur papier.

Le troisième et dernier point à trancher n’était pas le plus facile, si bien que, au-delà de ce qui a été jugé comme opportun par la CMP, la réflexion s’est poursuivie, et je veux, à cet égard, saluer le travail mené par le Gouvernement qui a abouti à l’amendement qui vous sera proposé aujourd’hui. Celui-ci me semble se rapprocher le plus possible de l’esprit de la commande constitutionnelle et de notre volonté. Il permet également au Conseil constitutionnel, garant du bon déroulement de la procédure, de veiller à ce que celle-ci se déroule dans des conditions qui se rapprochent le plus possible de la volonté du législateur constitutionnel.

Il s’agit de la création, que nous jugions opportune, d’une commission de contrôle ad hoc chargée de surveiller les opérations de collecte de soutien et de traiter les éventuelles réclamations. Cette commission de contrôle aurait, en quelque sorte, été chargée d’un rôle d’instruction, préalable à l’intervention du Conseil constitutionnel, qui serait, lui, chargé de déterminer si la proposition de loi a bien recueilli, dans des conditions régulières, le nombre de soutiens populaires requis.

Le Sénat s’est opposé à la création de cette commission, laissant au seul Conseil constitutionnel la mission de contrôler la procédure ; il a ainsi souhaité s’en tenir à la stricte commande constitutionnelle.

Nous avions donc à trouver une solution qui permette de réconcilier les deux points de vue, qui n’étaient pas opposés, mais qui n’allaient pas totalement dans la même direction.

La CMP a dû faire preuve d’imagination, puisqu’il n’était pas simple de supprimer la commission de contrôle, sans pour autant « noyer » le Conseil constitutionnel sous une avalanche de procédures. Le compromis proposé consistait à laisser le Conseil constitutionnel seul compétent pour contrôler la procédure de recueil des soutiens, mais en lui permettant de s’organiser, en interne, de façon à pouvoir répondre à un éventuel afflux de recours.

Nous avions ainsi prévu que des formations internes au Conseil traiteraient les réclamations en premier ressort. Dans notre esprit, elles devaient être présidées par un membre du Conseil constitutionnel. Nous sentions que ces dispositions, même si elles nous avaient permis de rapprocher nos points de vue, n’étaient pas le point d’arrivée que tous espéraient et que le Conseil constitutionnel attendait probablement.

C’est pourquoi le Gouvernement nous présentera un amendement qui va dans cette direction et correspond à la volonté du Conseil constitutionnel. En l’occurrence, cette solution se rapproche beaucoup plus de celle que nous avions initialement formulée que de celle du Sénat. Il s’agit en effet de mettre en place des formations internes au Conseil, mais qui ne seraient pas présidées par un membre du Conseil. Ainsi, nous aurons bouclé la boucle et résolu toutes les difficultés que nous avions à surmonter.

Je crois savoir – vous nous le confirmerez certainement, monsieur le ministre –que nos collègues du Sénat sont prêts à accepter l’amendement qu’au nom de la commission des lois, je propose à l’Assemblée d’adopter.

Ce texte, qui n’est pas révolutionnaire, mais qui est un début de réponse aux attentes de nos concitoyens et qui sera probablement suivi de nouvelles avancées permettant au peuple d’avoir un meilleur accès au suffrage universel, ce texte, disais-je, est un bon texte, au regard de la commande constitutionnelle. Pour toutes ces raisons, la CMP et la commission des lois proposent à notre assemblée de le voter ; j’espère qu’elle le fera à l’unanimité.

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