Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 1er octobre 2013 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères :

Monsieur Loncle, je ne voudrais pas que mes propos soient mal interprétés. Nous considérons que la situation en Centrafrique est non seulement urgente, mais urgentissime. Il est vrai que faire avancer le dossier à l'ONU prend du temps, mais la France, d'une part a maintenu ses troupes sur place, ce qui permet de garder l'aéroport ouvert et d'assurer une certaine protection à la population – certes insuffisante –, d'autre part tient à bout de bras le projet de résolution.

En ce domaine, il ne faut pas tout confondre. Une opération de maintien de la paix correspond à une catégorie juridique précise, définie par l'ONU ; ce type de résolution n'est pas facile à obtenir, car elle doit répondre à des critères très stricts – et en premier lieu, comme son nom l'indique, il faut qu'il y ait la paix, ce qui est loin d'être le cas en Centrafrique aujourd'hui. Peut-être tout cela vous semble-t-il un peu bureaucratique, mais c'est ainsi que l'ONU fonctionne. C'est pourquoi nous voulons procéder en deux temps : d'abord, présenter un projet de résolution adaptée à la situation actuelle, utilisant des fonds de concours plutôt que les financements habituels des Nations unies, et visant à apporter une certaine pacification ; puis, au printemps, lorsque – espérons-le – les choses auront été stabilisées, proposer le lancement d'une opération de maintien de la paix.

Comment expliquer des délais de réaction aussi importants ? Moi-même, cela me choque ! Prenons l'exemple du Mali : nous avions tiré la sonnette d'alarme lors de la précédente Assemblée générale des Nations unies, mais la résolution qui avait été prise prévoyait l'intervention de la communauté internationale en septembre de cette année ! Je considère que la longueur du délai est une des raisons pour lesquelles les groupes terroristes sont intervenus. Rappelez-vous, c'était au mois de janvier : l'un des groupes que l'on disait n'être pas terroriste avait brutalement changé d'avis et marchait sur Bamako ; le Président de la République française fut alors sollicité et dut, en l'espace de trois heures, décider d'une intervention. Mettons-nous un instant à la place de ces groupes : ils se sont probablement dits qu'ils devaient agir tout de suite, vu qu'à partir du mois de septembre, il y aurait 6 000 hommes de la MINUSMA, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali, déployés sur le terrain. De tels délais ne sont pas simplement regrettables, ils sont dangereux !

Il faut donc parfois agir sans attendre ; c'est ce que nous avons fait au Mali, mais parce que le gouvernement nous l'a demandé : on ne peut pas intervenir comme ça, sans support juridique. L'un des objets de la réunion de Paris, au mois de décembre, est d'examiner comment on pourrait améliorer les choses. Il faudrait concevoir des procédures d'urgence et étudier la possibilité de mettre en place des forces régionales d'intervention rapide. Le président Keïta partage cette opinion : nous en avons discuté ensemble ce matin, avant qu'il ne parte. C'est une idée qu'il va mettre en avant, avec le soutien des organisations régionales et de l'Union africaine.

Monsieur Mamère, nous n'allons pas refaire l'histoire ! Je ne suis pas sûr que l'on puisse considérer que les élections du mois d'août au Mali se soient mal passées. Tous les électeurs n'ont pas voté, sans doute, mais les experts ont dit que le scrutin avait été marqué par une participation sans précédent. Tout n'est pas parfait, j'en conviens ; il reste que « quand je me compare… » – mais vous connaissez la formule.

Je ne reprendrai pas à mon compte les termes désobligeants que vous avez utilisés à propos du président du Tchad.

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