N'alimentez pas ce type de discours, monsieur Myard !
Il y a, au sujet de M. Collomp, un début de polémique qui n'a pas lieu d'être. J'étais alors à New York, mais je me suis renseigné sur ce qui s'est passé. Une vidéo a été diffusée ; Mme Collomp – ou un membre de sa famille – en a été avertie par les journalistes, et non par le Quai d'Orsay : d'où la protestation.
Je comprends la situation psychologique épouvantable dans laquelle se trouvent les familles, mais ce qui s'est produit, c'est que le Quai d'Orsay – ou plus exactement, son centre de crise, qui, vous le savez, fait un travail admirable, 24 heures sur 24 – a voulu vérifier l'authenticité de la bande avant de téléphoner à la famille. Selon mes informations, M. Collomp est en vie : c'est l'essentiel. D'ailleurs, cette vidéo comporte peu de menaces ; nous l'avons interprétée comme un appel à la discussion.
Voici, monsieur Dupré, le calendrier prévu pour l'élimination de l'arsenal chimique syrien : le 19 septembre a été remise une première liste de sites, qui doit être complétée le 4 octobre ; la Syrie dispose de 30 jours à compter de l'adoption de la décision de l'OIAC – soit jusqu'au 27 octobre – pour transmettre la déclaration requise au titre de l'article III de la Convention sur l'interdiction des armes chimiques, qui devra comporter un plan général de destruction ; les équipements de fabrication et de mélangeremplissage d'armes chimiques devront être détruits avant le 1er novembre ; un calendrier de destruction détaillé sera arrêté par le Conseil de l'OIAC le 15 novembre au plus tard ; tous les équipements et matières liés aux armes chimiques devront avoir été éliminés – c'est-à-dire détruits ou évacués de Syrie – au cours du 1er semestre 2014. Toutes ces étapes feront l'objet de vérifications ou de missions d'inspection. Par ailleurs, la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU prévoit que M. Ban Ki-moon présente d'ici au 8 octobre des recommandations au Conseil de sécurité sur le rôle des Nations Unies dans ce processus.
Ces délais sont-ils raisonnables ? Je ne peux pas certifier qu'ils pourront être respectés. Ils ont été guidés par l'urgence de mettre fin à la menace chimique que le régime fait peser sur sa population. J'entends aujourd'hui des compliments sur Bachar el-Assad, mais ce monsieur – le mot est trop élogieux – niait jusqu'à il y a trois semaines qu'il possédât des armes chimiques. Il a gazé pendant leur sommeil 1 500 personnes : on ne va pas en faire un héros !
Monsieur Habib, vous rappelez-vous l'assassinat de M. Hariri ? À l'époque, on mit en cause directement les autorités syriennes ; celles-ci répondirent : « Ce n'est pas nous », mais, sous la pression et la menace, elles retirèrent leurs troupes du Liban. Un tribunal international fut constitué : il est toujours en place, et la Syrie continue d'exercer, via divers canaux, une influence extrêmement forte sur le Liban. D'aucuns pensent qu'il peut se passer la même chose avec les armes chimiques : il convient de rester vigilant.
Monsieur Assouly, je vous sais gré de ne pas tout mélanger. Vu la confusion du débat, l'opinion publique doit se demander si c'est une bonne chose que la Roumanie et la Bulgarie entrent dans l'Union européenne – alors qu'elles y sont déjà ! Deux questions bien différentes se posent. D'une part, est-il possible d'intégrer certaines populations ? Le Premier ministre a donné des éléments de réponse tout à l'heure. D'autre part, la question de Schengen ; celle-ci concerne, non pas les Roms, mais des personnes qui vivent hors de l'Union européenne et qui, si les accords de Schengen étaient appliqués, pourraient y pénétrer via la Roumanie et la Bulgarie et obtenir ensuite des droits. Comme bien souvent dans le débat politique, on confond tout !
Quant aux mesures d'accompagnement, elles sont actuellement à l'étude. La Commission estime que sur le plan technique, la Roumanie a pris des dispositions positives ; mais cela ne suffit pas : encore faut-il que le droit soit respecté et qu'il n'existe pas d'organisations mafieuses ! Une réunion sur le sujet était prévue en octobre ou novembre, afin qu'une décision soit prise en janvier, mais j'ai appris ce matin qu'elle était reportée. En tout cas, comme le Premier ministre et moi-même l'avons dit cet après-midi, nous considérons qu'actuellement, toutes les conditions ne sont pas remplies pour que cela puisse fonctionner. Cela ne concerne d'ailleurs pas uniquement la Roumanie, mais toute l'Europe et aussi la France.
Monsieur Myard, je buvais du petit-lait en vous écoutant, car ce que vous avez décrit, avec vos mots, c'est ce que j'ai appelé « le monde zéropolaire » ! Vous connaissez ma thèse : il eut une période bipolaire – avec l'URSS et les États-Unis –, puis une période unipolaire, dominée par une hyperpuissance – c'est ce à quoi Hubert Védrine faisait allusion ; aujourd'hui, le monde est, non pas « multipolaire » – contrairement à ce que l'on dit, et ce que nous souhaiterions ! –, mais « zéropolaire » : il n'y a pas de « patron ». Il existe une sorte de multi-multilatéralisme, changeant au gré des configurations. Pour la France, cela entraîne un certain nombre de conséquences qui, tout à la fois, sont redoutables et lui ouvrent des espaces.
L'Égypte est confrontée à des problèmes économiques massifs. On estime que, sur 85 millions d'habitants, 20 millions vivent du tourisme : s'il n'y a plus de touristes, c'est une catastrophe ! Mais c'est le centre de crise du Quai d'Orsay qui établit les cartes de sécurité, sur une base objective et en relation avec ses homologues d'autres pays. Personnellement, je m'interdis toute intervention en la matière ; il ne s'agit pas d'une décision politique que l'on prendrait pour rendre service à tel pays ou telle personnalité : c'est une trop grande responsabilité. Le site Internet du Quai d'Orsay est le deuxième plus consulté de France ; avant de partir en voyage, les gens ont besoin de se renseigner. Quant à leur dire : « Vous partez à vos risques et périls », vous savez bien que ce n'est pas réaliste.
Je souhaite vivement que l'Égypte sorte rapidement de cette situation. Mon homologue égyptien me disait l'autre jour qu'à Louqsor, il n'y avait pas d'attentats ; c'est vrai, mais, compte tenu de toute une série de données, le pays fait actuellement l'objet de consignes de sécurité. J'espère que cela changera.
Monsieur Bacquet, vous avez raison : en général, les conflits se renforcent à l'approche des négociations. Il n'empêche que nous souhaitons que celles-ci se tiennent.
Monsieur Poniatowski, j'ai pris bonne note que vous étiez favorable à l'intervention au Mali de nos forces aériennes, mais opposé à celle de nos forces terrestres. Je ne suis pas sûr que les opérations dans l'Adrar des Ifoghas auraient pu être menées avec les seules forces aériennes, mais c'est déjà bien de soutenir une partie de l'intervention !
S'agissant de la participation de l'Iran à la conférence de Genève II, rien n'est encore décidé. C'est l'ONU qui doit lancer les invitations. Nous en avons discuté l'autre jour avec M. Ban Ki-moon et mes collègues du P5, et j'ai demandé à mon homologue iranien s'il était d'accord avec le mandat de Genève II : j'ai pu vérifier à cette occasion les remarquables qualités dialectiques des diplomates iraniens ! Il m'a fait une réponse que je qualifierai de… complexe, et qui m'a fait penser à la fameuse conférence de presse d'Alan Greenspan, que celui-ci avait conclue en disant aux journalistes : « Si vous avez compris ce que je vous ai dit, c'est que je me suis mal exprimé » !
M. Javad Zarif m'a indiqué que, qu'il participe ou non à la conférence de Genève, son pays souhaitait se rendre utile. Il me semble évident que l'Iran a un rôle à jouer et que tous les pas en avant qu'il pourra faire, sur ce dossier comme sur d'autres, seront les bienvenus. Toutefois, il me paraîtrait salutaire qu'à Genève, les discussions restent circonscrites au mandat préalablement défini : si la conférence se transforme en une conversation générale sur la situation en Syrie, voire au Moyen-Orient, il n'en sortira rien !
La crainte des Britanniques, c'est que le financement d'une éventuelle opération en République centrafricaine soit pris sur les crédits dévolus à la Somalie. Il faudrait trouver, aux Nations unies et en Europe, des modalités de financement qui permettraient de s'occuper des deux crises. C'est ce à quoi nous sommes en train de travailler, et j'espère que nous allons aboutir.
Pour ce qui est des accords de Ouagadougou, je ne vous dirai pas qui a fait quoi ! En tout cas, il faut rester dans la ligne de ces accords : nous l'avons dit aux représentants du MLNA comme au président Keïta – mais ce dernier a été élu en partie pour faire la réconciliation.
Monsieur Charasse, je le répète : s'il y aura bien en décembre une réunion à Paris sur la question de la sécurité en Afrique, nous n'attendrons pas cette échéance pour nous occuper de la situation en République centrafricaine.
M. Marsaud a raison : l'urgence est la même qu'au Mali ; des personnes font l'objet d'exactions et de meurtres, les entreprises sont pillées, certains n'ont plus rien. Mais il ne faut pas confondre les deux terrains d'opération : nous n'avons pas l'intention de nous engager dans les mêmes proportions et les puissances régionales sont présentes sur place. Cela étant, nous ne laisserons pas la situation se déliter et nous n'abandonnerons pas nos compatriotes.
Merci, monsieur Janquin, pour vos observations. Impliquer les organisations régionales et l'Union africaine, c'est précisément ce que nous voulons faire, en bâtissant une sorte de typologie des crises possibles. Nos collègues africains sont très sensibles à ces questions, notamment mon homologue algérien, qui m'a déclaré réfléchir à la constitution d'une force régionale d'intervention rapide. Évidemment, cela suppose que les principales puissances du continent se mettent d'accord : vous imaginez bien que c'est très compliqué – mais l'idée progresse. La France apporte ce qu'elle peut, mais elle n'a pas vocation à être le gendarme de l'Afrique ; par conséquent, si nous pouvons aider à aller dans cette direction, nous le ferons.