Intervention de Jérôme Cahuzac

Séance en hémicycle du 19 octobre 2012 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Article 15, amendements 175 255 511 642 296

Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget :

Tous les autres pays, pour les raisons que je vais indiquer maintenant, ont déjà retenu ce type de dispositif : les Pays-Bas, l'Italie, l'Allemagne.

Le président de la commission des finances a évoqué notre déplacement en Allemagne, où nous avons discuté de leur système avec les parlementaires de la commission du budget. La déductibilité est appliquée, sauf pour 30 % de l'EBITDA. Cette hypothèse a été étudiée par le Gouvernement, mais pas retenue car c'est une mesure effectivement très procyclique – un mécanisme à double lame : plus le résultat est mauvais, autrement dit plus l'EBITDA baisse, plus une entreprise a besoin de s'endetter et plus elle est pénalisée pour ce faire. La mesure que nous proposons, après discussion avec nos entreprises, est celle qui je crois présente le plus d'avantages et le moins d'inconvénients.

Parmi les avantages, il en est un incontestable : c'est qu'elle incite au renforcement des fonds propres des entreprises. L'avantage fiscal à l'endettement des entreprises se paye très cher, d'abord dans l'immédiat, en recettes fiscales, puis ultérieurement parce que, quand la crise est là et que les entreprises ont vraiment besoin de fonds propres, l'endettement est plus délicat. Il ne faut pas inciter à de telles facilités d'emprunt, mais plutôt au réinvestissement, et le président de la commission a raison de dire que cette disposition a pour conséquence, certes indirecte mais réelle, d'inciter au réinvestissement davantage qu'à la distribution.

Couplée à la barémisation et, auriez-vous pu ajouter, à la taxation de 3 % des dividendes, elle crée un système dont vous jugez qu'il est excessif – nous pas. Il y a un équilibre à trouver et j'admets que le chemin de crête est un peu étroit mais c'est la direction dans laquelle il faut aller pour éviter que ne se pérennise un système qui a abouti à assécher littéralement l'assiette de l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises.

Car lorsque l'ancien rapporteur général de la commission a voulu savoir pour quelle raison l'impôt sur les sociétés s'affaissait, pour quelle raison la contribution des grandes entreprises du CAC 40 se limitait à 3 ou 3,5 milliards, dont les deux tiers provenaient de groupes publics, nous nous sommes aperçus que ces grandes entreprises vidaient l'assiette de leur impôt sur les sociétés grâce à cette déductibilité. Mais il n'est bien sûr pas possible d'asseoir un impôt sur les sociétés sur les seules PME et entreprises de taille intermédiaire, au moins peut-on être d'accord sur ce sujet. À cet égard, je rappelle tout de même que le système ménage les PME, par le biais d'une franchise.

Enfin, cette déductibilité à 100 % des frais financiers a un autre effet pervers très regrettable, c'est que les grands groupes internationaux ont un intérêt fiscal évident à localiser leur dette en France. Si vous pensez que c'est un élément de compétitivité, alors nous avons une réelle divergence. Je ne vois pas au nom de quoi les contribuables français devraient assumer l'endettement de grands groupes à prédominance étrangère.

Pour toutes ces raisons, la disposition de l'article 15 nous paraît la bonne, complétée par un amendement que le Gouvernement présentera en séance – et je vous prie de nous excuser pour ce procédé. Il s'agit, après en avoir parlé avec les entreprises, de sortir les loyers des produits et charges qui font l'objet du rabot. Cela conviendra aux entreprises qui sincèrement, loyalement, ont besoin de cet avantage pour continuer à se développer.

L'article 15 contiendra ainsi une disposition nécessaire, légitime, parfaitement assumable devant les entreprises, qui harmonise la position de la France par rapport à celle de ses principaux voisins et qui met fin à deux anomalies : l'assèchement de l'assiette de l'impôt sur les sociétés des grandes entreprises qui usent et abusent de ce système et la localisation en France de la dette des grands groupes, ce qui revient à faire assumer leur endettement par le contribuable français.

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