Intervention de Dominique Orliac

Séance en hémicycle du 19 novembre 2013 à 21h30
Garantir l'avenir et la justice du système de retraites — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Orliac :

Les différentes réformes du système de retraites menées ces vingt dernières années par la droite, par M. Balladur en 1993, par M. Fillon en 2003 et par M. Woerth en 2010, n’ont été que des réformes paramétriques, de court terme, visant uniquement l’équilibre comptable du système.

Pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, la réforme des retraites doit être incluse dans une politique de protection et de cohésion sociales tout au long de la vie. Elle n’est pas dissociable d’une réflexion sur l’entrée des jeunes dans la vie active et doit aussi prendre en compte le fait que leur vie est devenue plus longue que celle de leurs aînés. Elle n’est pas non plus dissociable d’une approche en termes de risques encourus, lesquels peuvent conduire à des états de santé très différenciés et des carrières heurtées, notamment en ce qui concerne les femmes.

Le projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites proposé aujourd’hui par le Gouvernement en seconde lecture engage une réforme qui permettra un financement de la Sécurité sociale qui pèsera moins sur le coût du travail et donc de l’emploi. En outre, il prévoit des économies sur les coûts de gestion des régimes dès 2016, à hauteur de 200 millions d’euros.

L’espérance de vie a été également prise en compte. En effet, pour ce projet de loi, le Gouvernement s’est fondé sur le fait que l’espérance de vie à 60 ans continuera à augmenter pour atteindre un peu plus de vingt-cinq ans pour les hommes et trente ans pour les femmes en 2040. Par conséquent, la durée d’assurance pour une retraite à taux plein à partir de 2020 augmentera d’un trimestre par an et passera dès lors à quarante-trois ans en 2035.

S’agissant de la pérennité de financement des retraites, je voudrais toutefois rappeler que l’inversion de la pyramide des âges risque de faire contribuer les jeunes générations actuelles plus fortement dans le futur. Les jeunes actifs d’aujourd’hui connaissent des problèmes liés au chômage et devront davantage participer au financement du système pour assurer le principe de solidarité intergénérationnelle. Aujourd’hui, les jeunes générations sont davantage soumises qu’auparavant à plusieurs changements de carrière au long de leur vie d’actifs. Il nous faudra donc trouver une solution pour éviter un accroissement des inégalités en défaveur des assurés à carrière courte.

On parle sans cesse de l’allongement de l’espérance de vie, mais en oubliant que les définitions de la jeunesse aussi ont évolué : cette période de la vie a elle aussi connu un allongement. En effet, si l’on admet communément que la catégorie des jeunes s’arrête à 25 ans, force est de constater qu’aujourd’hui, la précarité de la génération oubliée des 25-35 ans continue de créer des fragilités importantes dans les parcours professionnels. Le rachat du temps de la formation ou de périodes de stages ne peut qu’aller dans le bon sens. Je note toutefois que les étudiants ayant mené de longues études seront désavantagés : un étudiant de niveau bac +2 pourra racheter la moitié de ses études alors qu’un étudiant de niveau bac +8 ne pourra en racheter qu’un huitième.

Concernant nos seniors, une véritable politique d’accompagnement des personnes âgées devra compléter cette réforme des retraites. Elle passera par la couverture du cinquième risque mais aussi par des mesures d’accompagnement en nature : aides à l’aménagement du domicile pour une meilleure adaptation aux besoins, aides renforcées à la mobilité, aides à l’accès aux activités de communication, culturelles, de loisir. Cette politique d’accompagnement devrait être élaborée et mise en place par l’État, les collectivités territoriales étant déjà actives dans ces domaines. C’est avec grand intérêt que le groupe RRDP attend le projet de loi sur l’adaptation de la société au vieillissement qui nous sera soumis ultérieurement, espérant que ce dernier sera à la hauteur des enjeux.

N’oublions pas les femmes. À cet égard, je suis satisfaite que ce projet de loi prenne mieux en compte les trimestres d’interruption au titre du congé de maternité, qui seront réputés cotisés.

Venons-en maintenant à l’article 4. En première lecture, nous avions proposé de le supprimer. Nous avons redéposé un amendement en ce sens en deuxième lecture.

Cet article, qui vise à décaler du 1er avril au 1er octobre la revalorisation annuelle des pensions de retraite de tous les régimes de base, aura pour effet d’amputer le pouvoir d’achat des retraités. L’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ASPA, et les allocations d’invalidité ne seront toutefois pas concernées par ce changement de date puisqu’elles continueront d’être revalorisées au 1er avril.

À l’Assemblée, cet article a été supprimé à l’initiative de cinq groupes parlementaires sur six, mais il a été rétabli à la faveur d’une seconde délibération demandée par le Gouvernement. Au Sénat, il a été supprimé purement et simplement. C’est bien le reflet d’une incompréhension à l’égard de cette mesure qui précarise les petites retraites, madame la ministre. Si nous sommes conscients du fait que le projet de loi vise un certain équilibre et poursuit un objectif de justice en demandant à chacun, salariés, entreprises et retraités, de contribuer à l’effort de redressement du système de retraites, nous sommes satisfaits que le Sénat ait rejeté cet article.

Pour ces raisons, j’aimerais rappeler que la revalorisation a fait l’objet d’un décalage de neuf mois en l’espace de cinq ans : déjà décalée de trois mois dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009, passant du 1er janvier au 1er avril, elle fait l’objet d’un nouveau report, de six mois cette fois-ci, du 1er avril au 1er octobre, dans le présent projet de loi. Nous nous étions opposés lorsque nous étions dans l’opposition au premier report de trois mois. Il serait incompréhensible que nous votions aujourd’hui un report encore plus important.

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